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Regeste
Sachverhalt
Considérants:
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa comp&eac ...
2. Dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes cantonal ...
3. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement jur ...
4. Dans un chapitre de leur écriture intitulé "expo ...
5. Avant d'examiner les différents griefs soulevés  ...
6. Comme déjà relevé au stade de la recevabi ...
7. Au sujet de l'art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE, les intéress&ea ...
8. Les recourants invoquent également une violation de l'i ...
9. Toujours en lien avec l'art. 3 LLE/GE, les recourants invoquen ...
Erwägung 15
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12. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause A. et B. contre Grand Conseil de la République et canton de Genève (recours en matière de droit public)
 
 
2C_1079/2019 du 23 décembre 2021
 
 
Regeste
 
Art. 8 Abs. 2, 15 und 36 BV; Art. 9 EMRK; Art. 3, 6 und 7 des Gesetzes über die Laizität des Staates des Kantons Genf vom 26. April 2018 (LLE/GE); Glaubens- und Gewissensfreiheit; Verbot von Diskriminierungen; abstrakte Normenkontrolle.
 
Der Kanton Genf legt grossen Wert auf die Laizität des Staates; es ist angezeigt, diesem Aspekt im Rahmen der vorliegenden abstrakten Normenkontrolle Rechnung zu tragen (E. 5).
 
Die Rügen bezüglich einer Bestimmung, die bereits vom kantonalen Gericht aufgehoben worden ist, sind nicht zu berücksichtigen (E. 6).
 
Art. 3 Abs. 3 und 5 LLE/GE, wonach Gerichtspersonen, Mitglieder von kantonalen Exekutivbehörden und Beamte davon abzusehen haben, ihre Religionszugehörigkeit durch Verlautbarungen oder äusserliche Zeichen zur Schau zu stellen, ist - im Rahmen einer abstrakten Normenkontrolle - mit Art. 15 und 36 BV und Art. 9 Ziff. 1 EMRK konform. Zu vermeiden ist aber eine exzessiv strikte Anwendung dieser Bestimmung im Einzelfall, die mit der Glaubens- und Gewissensfreiheit der betroffenen Personen nicht zu vereinbaren wäre (E. 7).
 
Art. 3 Abs. 3 und 5 LLE/GE ist mit Art. 8 Abs. 2 BV konform (E. 8).
 
Abweisung der Beschwerde, soweit sie Art. 3 LLE/GE betrifft (E. 9 und 10).
 
Gemäss dem Wortlaut von Art. 6 Abs. 1 und 2 LLE/GE können Veranstaltungen zu religiösen Kultuszwecken auf öffentlichem Grund lediglich "ausnahmsweise" bewilligt werden. Dies kommt einem grundsätzlichen Verbot von Veranstaltungen dieser Art gleich, was mit Art. 15 BV nicht vereinbar ist (E. 11).
 
Art. 7 Abs. 1 LLE/GE, der dem Regierungsrat die Kompetenz verleiht, unter gewissen Bedingungen das Tragen auffälliger religiöser Zeichen auf öffentlichem Grund und in öffentlichen Gebäuden zu beschränken oder zu verbieten, verletzt Art. 15 und 36 BV und Art. 9 Ziff. 1 EMRK nicht (E. 12 und 13).
 
Art. 7 Abs. 2 LLE/GE, der vorschreibt, dass an gewissen öffentlichen Orten das Gesicht sichtbar bleiben muss, ist mit Art. 15 und 36 BV und Art. 9 Ziff. 1 EMRK konform (E. 14).
 
Verfahrensausgang, Kosten und Entschädigungen (E. 15).
 
 
Sachverhalt
 
BGE 148 I 160 (162)A.
A.a Le 4 novembre 2015, le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève (ci-après: le Conseil d'Etat) a déposé auprès du Grand Conseil dudit canton (ci-après: le Grand Conseil) un projet de loi sur la laïcité de l'Etat (PL 11764). Le 26 avril 2018, le Grand Conseil a adopté la loi sur la laïcité de l'Etat (LLE/GE; rs/GE A 2 75).
A.b La LLE/GE a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après: la feuille officielle) du 11 mai 2018. A la suite d'un référendum, une votation populaire s'est tenue le 10 février 2019. La LEE/GE ayant été acceptée par 55,05 % des votants, cette loi a été promulguée par arrêté du Conseil d'Etat du 8 mars 2019, publié dans la feuille officielle du même jour. Elle est entrée en vigueur le 9 mars 2019.BGE 148 I 160 (162)
BGE 148 I 160 (163)A.c Au moment de son entrée en vigueur, la LLE/GE contenait notamment les dispositions suivantes:
    "Art. 3 - Neutralité religieuse de l'Etat
    1. L'Etat est laïque. Il observe une neutralité religieuse. Il ne salarie ni ne subventionne aucune activité cultuelle.
    2. La neutralité religieuse de l'Etat interdit toute discrimination fondée sur les convictions religieuses, ou l'absence de celles-ci, ainsi que toute forme de prosélytisme. Elle garantit un traitement égal de tous les usagers du service public sans distinction d'appartenance religieuse ou non.
    3. Les membres du Conseil d'Etat, d'un exécutif communal, ainsi que les magistrats du pouvoir judiciaire et de la Cour des comptes, observent cette neutralité religieuse dans le cadre de leurs fonctions et, lorsqu'ils sont en contact avec le public, ils s'abstiennent de signaler leur appartenance religieuse par des propos ou des signes extérieurs.
    4. Lorsqu'ils siègent en séance plénière, ou lors de représentations officielles, les membres du Grand Conseil et des Conseils municipaux s'abstiennent de signaler leur appartenance religieuse par des propos ou des signes extérieurs.
    5. Les agents de l'Etat, soit ceux du canton, des communes et des personnes morales de droit public, observent cette neutralité religieuse dans le cadre de leurs fonctions et, lorsqu'ils sont en contact avec le public, ils s'abstiennent de signaler leur appartenance religieuse par des propos ou des signes extérieurs.
    6. Les cérémonies officielles et les prestations de serment sont organisées selon des modalités respectant la neutralité religieuse."
    "Art. 6 - Manifestations religieuses de nature cultuelle et non cultuelle
    1. Les manifestations religieuses cultuelles se déroulent sur le domaine privé.
    2. A titre exceptionnel, les manifestations religieuses cultuelles peuvent être autorisées sur le domaine public. Dans ces cas-là, les dispositions de la loi sur les manifestations sur le domaine public, du 26 juin 2008, s'appliquent.
    3. Les manifestations religieuses non cultuelles sur le domaine public sont soumises aux dispositions de la loi sur les manifestations sur le domaine public, du 26 juin 2008.
    4. L'autorité compétente tient compte des risques que la manifestation peut faire courir, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre public, ou à la protection des droits et libertés d'autrui."
    "Art. 7 - Restrictions relatives aux signes extérieurs
    1. Afin de prévenir des troubles graves à l'ordre public, le Conseil d'Etat peut restreindre ou interdire, sur le domaine public, dans les bâtimentsBGE 148 I 160 (163) BGE 148 I 160 (164)publics, y compris les bâtiments scolaires et universitaires, pour une période limitée, le port de signes religieux ostentatoires. En cas de recours, le tribunal compétent statue dans un délai de 15 jours.
    2. Dans les administrations publiques, les établissements publics ou subventionnés, ainsi que dans les tribunaux, le visage doit être visible. Les exceptions sont traitées par voie réglementaire."
A.d A. (ci-après: l'association) est une association au sens des art. 60 ss CC dont le siège est à Genève. Elle a pour buts de "revendiquer l'égalité de traitement pour la communauté musulmane dans la pratique de la liberté religieuse à Genève et en Suisse (...), d'encourager la participation citoyenne de la communauté musulmane, d'organiser des colloques, conférences et événements pour encourager l'intégration des musulmans et prévenir toute confusion entre intégration et assimilation, ainsi que de lutter par toutes les voies de droit contre la stigmatisation de la communauté musulmane de Genève et en Suisse".
B., de confession musulmane, est domicilié à Genève et est le président de l'association.
B. Le 8 février 2019, l'association et B. ont recouru auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre les art. 3 al. 3 à 5, 6 al. 1 et 2 et 7 al. 1 et 2 LLE/GE. La procédure a été suspendue par le juge délégué entre le 13 février 2019 et le 12 avril 2019. Par décision du 3 avril 2019, la Cour de justice a partiellement accordé l'effet suspensif au recours s'agissant de l'art. 3 al. 4 LLE/GE. Par arrêt du 21 novembre 2019, la Cour de justice a partiellement admis le recours, annulé l'art. 3 al. 4 LLE/GE et confirmé les autres dispositions attaquées.
C. Par acte de recours intitulé "recours de droit public et subsidiairement en matière constitutionnelle", l'association et B. demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt rendu par la Cour de justice le 21 novembre 2019, de constater la violation de plusieurs dispositions légales, de "dire que le principe démocratique du pluralisme réside au coeur même de la souveraineté populaire et de l'Etat" et, en substance, d'annuler les art. 3 al. 3 à 5, 6 al. 1 et 2 et 7 al. 1 et 2 LLE/GE. Les recourants requièrent également (apparemment subsidiairement) le renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils sollicitent en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire et la désignation d'un avocat d'office.BGE 148 I 160 (164)
BGE 148 I 160 (165)La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Grand Conseil dépose des déterminations et propose le rejet du recours. Les recourants ont répliqué. Le Grand Conseil a dupliqué. Les recourants ont déposé des observations finales. Le 30 juin 2020, ils ont encore transmis au Tribunal fédéral une lettre contenant des "informations" et un document daté du 24 juin 2020.
Par ordonnance du 9 janvier 2020, le Tribunal fédéral a rejeté la requête d'assistance judiciaire et de désignation d'un avocat d'office déposée par l'association et B.
 
La loi contestée est un acte normatif cantonal qui peut, dans le canton de Genève, faire l'objet d'un moyen de droit devant la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 [Cst./GE; rs/GE A 2 00] et art. 130B al. 1 let. a de la loi genevoise du 26 septembre 2010 sur l'organisation judiciaire [LOJ/GE; rs/GE E 2 05]), statuant en tant qu'unique instance cantonale. L'arrêt entrepris est une décision finale (art. 90 LTF) relative à un acteBGE 148 I 160 (165) BGE 148 I 160 (166)normatif cantonal (art. 82 let. b LTF) et peut donc en principe faire l'objet d'un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, la liste des exceptions de l'art. 83 LTF ne s'appliquant pas aux actes normatifs (arrêt 2C_773/2017 du 13 mai 2019 consid. 1.1). La voie du recours en matière de droit public étant ainsi ouverte, celle du recours constitutionnel subsidiaire est exclue (art. 113 LTF). Le présent recours sera donc traité exclusivement comme un recours en matière de droit public.
1.4.1 En l'occurrence, le recourant est domicilié à Genève et il n'est pas exclu qu'il puisse un jour être élu ou engagé au sein de l'Etat dans l'une des fonctions mentionnées à l'art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE (membre du Conseil d'Etat, d'un exécutif communal, magistrat, agent de l'Etat), qu'il désire organiser ou participer à une manifestation religieuse soumise aux conditions de l'art. 6 LLE/GE ou qu'il soitBGE 148 I 160 (166) BGE 148 I 160 (167)touché par les restrictions relatives aux signes religieux extérieurs prévues à l'art. 7 LLE/GE. De confession musulmane, il se plaint notamment d'une restriction à la liberté de conscience et de croyance en lien avec ces dispositions, de sorte qu'il faut admettre qu'il a un intérêt digne de protection à l'annulation de celles-ci. Ayant pris part à la procédure devant l'autorité précédente, l'intéressé a donc qualité pour recourir.
En l'espèce, l'association a notamment pour but de "revendiquer l'égalité de traitement pour la communauté musulmane dans la pratique de la liberté religieuse à Genève et en Suisse". L'arrêt entrepris ne fournit toutefois aucune indication au sujet des membres de l'association, ce qui ne permet pas de déterminer si la majorité ou au moins un grand nombre de ceux-ci sont touchés par les dispositions contestées. Quoi qu'il en soit, la qualité pour recourir a été reconnue à B. (consid. 1.4.1 ci-dessus). La question de savoir si l'association a aussi qualité pour recourir souffre donc de demeurer indécise, dès lors que l'admission du recours formulé par l'intéressé lui profiterait également.
1.6 Selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues. Sauf situationsBGE 148 I 160 (167) BGE 148 I 160 (168)particulières, les conclusions constatatoires ont donc un caractère subsidiaire (ATF 141 II 113 consid. 1.7; arrêt 2C_1034/2017 du 16 mai 2019 consid. 1.3). Dans la mesure où les recourants concluent, parallèlement à l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice du 21 novembre 2019 et à celle des art. 3 al. 3 à 5, 6 al. 1 et 2 et 7 al. 1 et 2 LLE/GE, à ce que le Tribunal fédéral constate la violation de toute une série de dispositions légales et à ce que cette autorité dise que "le principe démocratique du pluralisme réside au coeur même de la souveraineté populaire et de l'Etat", ils formulent des conclusions "préparatoires" puisqu'elles concernent en partie des questions qui doivent être tranchées en vue d'examiner les conclusions condamnatoires. De telles conclusions constatatoires sont irrecevables (cf. arrêts 2C_1034/2017 du 16 mai 2019 consid. 1.3 et 2C_543/2017 du 1er février 2018 consid. 1.3).
Le juge ne doit pas se borner à traiter le problème de manière purement abstraite, mais il lui incombe de prendre en compte dans sonBGE 148 I 160 (168) BGE 148 I 160 (169)analyse la vraisemblance d'une application conforme au droit supérieur. Les explications de l'autorité cantonale sur la manière dont elle applique ou envisage d'appliquer la disposition contestée doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard des droits fondamentaux en cause dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas, son application puisse se révéler contraire aux droits fondamentaux ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait des normes (cf. ATF 145 I 73 consid. 2; ATF 140 I 2 consid. 4).
En l'occurrence, dans la mesure où les recourants présentent une argumentation partiellement appellatoire, notamment en complétant librement sur plusieurs pages l'état de fait retenu dans l'arrêt entrepris, sans invoquer ni l'arbitraire, ni une constatation manifestement inexacte des faits, le Tribunal fédéral ne peut pas en tenir compte. Il statuera donc sur la base des faits tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué.
4. Dans un chapitre de leur écriture intitulé "exposé préliminaire", les recourants font notamment état de toute une série d'éléments qui n'ont aucun lien avec la présente cause (votation fédérale du 29 novembre 2009 sur l'interdiction des minarets, faits ayantBGE 148 I 160 (169) BGE 148 I 160 (170)précédé la création du Tribunal fédéral suisse, émergence des totalitarismes en Europe au XX e siècle, etc.), respectivement exposent des critiques de caractère général ("la Chambre constitutionnelle [...] renforce la branche ségrégationniste dans l'affaiblissement du principe démocratique du pluralisme"; "la logique d'autorité et de norme portée par la loi genevoise sur la laïcité exprime un carcan idéologique opposé à l'intérêt général d'une conception universelle des droits de l'homme", etc.) sans se prévaloir de la violation d'un droit spécifique. C'est le lieu de relever que la présente procédure ne porte que sur la conformité au droit supérieur des articles de la LLE/GE qui ont été contestés par les intéressés et que les griefs formulés par ceux-ci, dans la mesure où ils se réfèrent à la violation de différents droits fondamentaux, ne peuvent être examinés que s'ils respectent les exigences de motivation accrues posées par l'art. 106 al. 2 LTF (cf. supra consid. 2). C'est uniquement sous cet angle que l'écriture des recourants sera traitée, étant précisé que, du moment que les intéressés ne sont pas représentés par un avocat, il convient de ne pas se montrer trop formaliste en relation avec l'obligation de motivation imposée par l'art. 106 al. 2 LTF.
I. Prémisse
5. Avant d'examiner les différents griefs soulevés par les recourants, une remarque d'ordre général s'impose. Dans le domaine spécifique de la liberté de conscience et de croyance protégée par l'art. 15 Cst. (cf. infra consid. 7.1-7.5), il existe en Suisse des approches très diférentes, qui varient selon les sensibilités qui prévalent dans chaque canton. En effet, l'art. 72 al. 1 Cst. prévoit que la réglementation des rapports entre l'Eglise (terme qui doit être compris comme se référant à toutes les religions, sans exclure celles non chrétiennes ou celles qui sont dépourvues de structure hiérarchisée: cf. MARTENET/ZANDIRAD, in Commentaire romand, Constitution fédérale, Martenet/ Dubey [éd.], 2021, n° 15 ad art. 72 Cst. p. 1608) et l'Etat est du ressort des cantons. Il résulte de cette concrétisation du principe du fédéralisme qu'en Suisse, s'agissant des rapports entre l'Etat et les différentes communautés religieuses, cohabitent vingt-six systèmes cantonaux potentiellement différents (cf. MARTENET/ZANDIRAD, op. cit., n° 18 ad art. 72 Cst. p. 1609). Lorsqu'il est appelé à effectuer un contrôle abstrait de la constitutionnalité d'une norme cantonale, cette situation impose au Tribunal fédéral de faire preuve d'une retenue particulière, qui tienne compte des spécificités propres àBGE 148 I 160 (170) BGE 148 I 160 (171)chaque canton (en ce sens, cf. notamment FELIX HAFNER, Religionsverfassung, in Verfassungsrecht der Schweiz, Diggelmann/Hertig Randall/Schindler [éd.], Vol. III, 2020, n. 25 ss p. 2338 s.).
Pour ce qui est du canton de Genève, celui-ci a opté depuis le début du siècle passé pour une séparation très nette entre l'Eglise (au sens large exposé ci-dessus) et l'Etat (cf. MARTENET/ZANDIRAD, op. cit., n° 18 in fine ad art. 72 Cst. p. 1609) et a formellement inscrit le principe de la laïcité de l'Etat dans sa nouvelle Constitution cantonale:
    "Art. 3 Cst./GE - Laïcité
    1. L'Etat est laïque. Il observe une neutralité religieuse.
    2. Il ne salarie ni ne subventionne aucune activité cultuelle.
    3. Les autorités entretiennent des relations avec les communautés religieuses."
La LLE/GE, qui a pour buts de "protéger la liberté de conscience, de croyance et de non-croyance", "préserver la paix religieuse" et "définir le cadre approprié aux relations entre les autorités et les organisations religieuses" (cf. art. 1 LLE/GE) est l'expression de cette "approche genevoise" de la question, qui - de manière analogue par exemple à la France (où la laïcité est aussi inscrite dans la Constitution) et contrairement à ce qui prévaut dans d'autres cantons - attache une grande importance à la laïcité de l'Etat. C'est à la lumière de ces éléments qu'il convient d'examiner les critiques des recourants.
II. Art. 3 LLE/GE
7.1 L'art. 15 Cst. prévoit que la liberté de conscience et de croyance est garantie (al. 1); toute personne a le droit de choisir librement saBGE 148 I 160 (171) BGE 148 I 160 (172)religion ainsi que de se forger ses convictions philosophiques et de les professer individuellement ou en communauté (al. 2); toute personne a le droit d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir et de suivre un enseignement religieux (al. 3; portée positive de cette liberté); nul ne peut être contraint d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir, d'accomplir un acte religieux ou de suivre un enseignement religieux (al. 4; portée négative de cette liberté) (cf. ATF 145 I 121 consid. 5.1; ATF 142 I 195 consid. 5.1, ATF 142 I 49 consid. 3.4).
La liberté de conscience et de croyance est également garantie par l'art. 9 par. 1 CEDH, selon lequel toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites (cf. arrêts de la CourEDH S.A.S contre France du 1er juillet 2014 [requête n° 43835/11], § 123 ss, ainsi que Leyla Sahin contre Turquie du 10 novembre 2005 [requête n° 44774/98], § 105). La portée de cette disposition est ici pratiquement identique à celle de l'art. 15 Cst. (cf. arrêt 1C_443/ 2017 du 29 août 2018 consid. 7.1).
L'art. 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui comporte un principe similaire (ATF 142 I 195 consid. 5.1), ne revêt pas de portée propre par rapport à l'art. 9 CEDH (arrêt 2C_396/ 2008 du 15 septembre 2008 consid. 8). Il n'en sera donc plus fait mention dans la suite.
7.3 La liberté de conscience et de croyance, dans sa conception actuelle, assume essentiellement trois fonctions. En premier lieu, elle doit assurer la paix religieuse (devoir de tolérance ["Toleranzgebot"; "precetto di tolleranza"]; ATF 142 I 49 consid. 3.2; cf. ATF 123 I 296 consid. 4b/bb; ATF 117 Ia 311 consid. 4a). En deuxième lieu, elle doit garantir que tous puissent, individuellement ou en communauté, préserver, exprimer et vivre au quotidien leurs convictions les plus profondes sur des questions religieuses (protection de la liberté ["Freiheitsschutz"; "protezione della libertà"]; ATF 142 I 49 consid. 3.2; cf. ATF 139 I 280 consid. 4.1; ATF 134 I 49 consid. 2.3; arrêt 2C_1079/ 2012 du 11 avril 2013 consid. 3.1). En troisième et dernier lieu, la liberté de conscience et de croyance doit empêcher l'exclusion des minorités religieuses et faciliter l'intégration de chaque individu dans la communauté, indépendamment de ses croyances (fonction d'intégration ["Integrationsfunktion"; "funzione di integrazione"]; ATF 142 I 49 consid. 3.2) (cf. aussi MAYA HERTIG RANDALL, Aux antipodes du juge Scalia: l'arrêt "St. Margrethen" du 11 décembre 2015 sur l'interdiction du port du voile par une élève dans une perspective comparative, Bernard/McGregor/Grisel [éd.], in Etudes en l'honneur de Tristan Zimmermann, 2017, p. 129 ss, notamment p. 133 et 150; PASCAL MAHON, Laïcité "inclusive" et laïcité "exclusive": la laïcité, une ou plurielle?, BERNARD/MCGREGOR/GRISEL [éd.], in Etudes en l'honneur de Tristan Zimmermann, 2017, p. 187 ss, notamment p. 203 s.).
7.4 La sauvegarde de la tolérance, de la liberté et de l'intégration religieuses est concrétisée dans la plupart des pays dotés d'une constitution d'inspiration occidentale par le principe de la neutralité philosophique et religieuse de l'Etat (ATF 142 I 49 consid. 3.3 et les références; voir déjà ATF 116 Ia 252 consid. 5e in fine). Cette neutralité n'est pas réalisée seulement en cas de séparation stricte entre l'Etat et la sphère religieuse (tradition de l'Etat laïque); elle l'est aussi lorsque l'Etat fait preuve d'une attitude également réceptive à l'égard des diverses philosophies et professions de foi (neutralité confessionnelle de l'Etat) (ATF 142 I 49 consid. 3.3). Tel qu'il a étéBGE 148 I 160 (173) BGE 148 I 160 (174)exposé ci-dessus (consid. 5), dans le système fédéraliste prévalant en suisse, le droit constitutionnel des cantons s'inspire de traditions marquées aussi bien par la neutralité confessionnelle (réalisée de manière plus ou moins effective) que, comme c'est le cas dans le canton de Genève, par la laïcité (cf. art. 3 al. 1 Cst./GE; à ce sujet, cf. TRISTAN ZIMMERMANN, La laïcité et la république et canton de Genève, SJ 2011 II p. 29, 30 ss, qui met notamment en évidence la nature polysémique de la notion de laïcité, relevée aussi par HERTIG RANDALL [op. cit., p. 136] et MAHON [op. cit., p. 206]; cf. également LORENZ ENGI, Die religiöse und ethische Neutralität des Staates, 2017, p. 196).
La première obligation prévue par l'art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE ("[...] observent cette neutralité religieuse dans le cadre de leurs fonctions") concrétise l'interdiction de discrimination dont il est question à l'art. 3 al. 2 LLE/GE ("La neutralité religieuse de l'Etat interdit toute discrimination fondée sur les convictions religieuses, ou l'absence de celles-ci, ainsi que toute forme de prosélytisme. Elle garantit un traitement égal de tous les usagers du service public sans distinction d'appartenance religieuse ou non"). Elle constitue un cas d'application de l'art. 8 al. 2 Cst. qui ne pose pas de problème particulier sous l'angle de l'art. 15 Cst. et elle n'a pas été critiquée par les recourants. Partant, il n'y a pas lieu de l'examiner plus avant (cf. art. 106 al. 2 LTF).
La deuxième obligation prévue par l'art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE ("[...] lorsqu'ils sont en contact avec le public, ils s'abstiennent de signaler leur appartenance religieuse par des propos ou des signes extérieurs"), en revanche, a une influence directe sur l'exercice de la liberté de conscience et de croyance des personnes concernées, en ce sens qu'elle limite leur droit de manifester leur religion (cf. supra consid. 7.1), leur droit d'exprimer leurs convictions religieuses, de se comporter conformément aux enseignements de leur foi et d'agir selon leurs croyances intérieures (cf. supra consid. 7.2 et 7.3), y compris s'agissant de prescriptions religieuses en matière d'habillement (cf. supra consid. 7.5). Dans cette mesure, elle constitue une restriction à la liberté de conscience et de croyance garantie par l'art. 15 Cst. Il sied donc d'examiner si, s'agissant de cette deuxième obligation, les conditions posées par l'art. 36 Cst. sont remplies.
7.8 En ce qui concerne la base légale, la LLE/GE a été adoptée par le Grand Conseil et le corps électoral genevois (cf. art. 67 al. 1 Cst./ GE) et constitue donc une base légale au sens formel. En outre, l'art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE est formulé de manière suffisamment claire et précise (sur l'exigence d'une densité normative suffisante de la base légale lorsque l'atteinte au droits fondamentaux est grave, cf. ATF 139 I 280 consid. 5.1; arrêts 2C_546/2018 du 11 mars 2019 consid. 4.4.1 et 1C_59/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3.1). En effet, cette norme définit tant le cercle des destinataires (membres du Conseil d'Etat et d'un exécutif communal, magistrats du pouvoir judiciaire et de la Cour des comptes [al. 3], agents du canton, desBGE 148 I 160 (175) BGE 148 I 160 (176)communes et des personnes morales de droit public [al. 5]), que les contours de l'obligation qui leur est faite (s'abstenir de signaler leur appartenance religieuse par des propos ou des signes extérieurs lorsqu'ils sont en contact avec le public). S'agissant en particulier de la notion de "signes extérieurs" (religieux), celle-ci est sujette dans une certaine mesure à interprétation. Sous l'angle de l'exigence d'une densité normative suffisante, cela est toutefois admissible, car - selon la jurisprudence - on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation (arrêt 1C_226/2009 du 16 décembre 2009 consid. 4.1.1; cf. aussi arrêt 2C_546/2018 du 11 mars 2019 consid. 4.4.1).
Au vu de ce qui précède, la première condition prévue par l'art. 36 Cst. est respectée, et ce indépendamment de la gravité de l'atteinte portée par l'art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE à la liberté de conscience et de croyance.
7.9.1 S'agissant des magistrats de l'ordre judiciaire, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de se prononcer, dans l'arrêt 2C_546/2018 du 11 mars 2019, sur l'interdiction faite à ceux-ci de porter des symboles religieux visibles dans l'exercice de certaines de leurs activités professionnelles (notamment lors des débats). Dans ce cadre, la Haute Cour a retenu qu'il y avait un intérêt public à éviter que les parties à une procédure aient l'impression que les décisions prises par les membres d'un tribunal soient influencées par les convictions religieuses de ceux-ci (arrêt 2C_546/2018 du 11 mars 2019 consid. 4.5). Il n'y a pas de raison de revenir sur cette jurisprudence récente. Pour ce qui est des magistrats du pouvoir judiciaire, il sied donc de constater que l'art. 3 al. 3 LLE/GE, qui vise à renforcer la confiance des justiciables dans l'indépendance des juges (cf. aussi art. 30 al. 1 Cst. et art. 117 Cst./GE) en interdisant à ceux-ci de signaler leur appartenance religieuse - tant par des propos que par des signes extérieurs - lorsqu'ils sont en contact avec le public,BGE 148 I 160 (176) BGE 148 I 160 (177)poursuit un intérêt public. Tout en étant conscient des différences existant de ce point de vue entre les autorités judiciaires et politiques et tel que l'a constaté à juste titre la Cour de justice, il en va de même des membres de la Cour des comptes et du Conseil d'Etat (également concernés par l'art. 3 al. 3 LLE/GE), dans la mesure où il y a un intérêt public indéniable à éviter que ceux-ci donnent l'impression aux administrés d'être influencés par leurs convictions religieuses dans le cadre de leur activité au service de l'Etat. C'est le lieu de relever qu'il s'agit là principalement d'une question d'apparence, en ce sens qu'il est en quelque sorte inévitable que les membres de ces autorités, comme tout être humain, même sans s'en rendre compte, prennent des décisions sur la base - aussi - de leurs idées, de leur conscience et de leur vécu personnel, ce qui peut comprendre (pour certains d'entre eux) également leur vision philosophique ou religieuse du monde (cf., en ce sens, s'agissant en particulier des enseignants, ATF 123 I 296 consid. 4b/bb; voir aussi, concernant les membres et collaborateurs d'un tribunal, PETER ALBRECHT, Justiz mit Kopftuch?, Jusletter 19 août 2019, § 27). Il est donc fondamental qu'ils s'efforcent le plus possible d'exercer leurs fonctions de manière neutre (notamment sur le plan religieux) et surtout - s'agissant de la problématique qui nous occupe - qu'ils évitent tout comportement propre à donner aux administrés une impression de partialité.
7.9.3 Reste à examiner si l'obligation analogue prévue par l'art. 3 al. 5 LLE/GE pour les agents de l'Etat (soit "ceux du canton, desBGE 148 I 160 (177) BGE 148 I 160 (178)communes et des personnes morales de droit public") répond, elle aussi, à un intérêt public. Le Tribunal fédéral s'est penché sur une question similaire dans le cas d'une maîtresse d'école genevoise qui s'était vue interdire le port du voile islamique dans l'enceinte de l'école (ATF 123 I 296). Au sujet de l'intérêt public d'une telle mesure sous l'angle de la restriction de la liberté de conscience et de croyance de l'intéressée, la Haute Cour a notamment considéré que le fait que celle-ci arbore un signe religieux fort à l'école et en classe pouvait "porter atteinte aux sentiments religieux" des élèves et de leurs parents (ATF 123 I 296 consid. 4a). Le Tribunal fédéral a également observé que la mesure contestée s'inscrivait dans la ligne du principe de la neutralité confessionnelle de l'école, en particulier sous l'angle du maintien de la paix religieuse (ATF 123 I 296 consid. 4a). Il existait donc un intérêt public important à interdire à la recourante de porter le foulard islamique à l'école. Saisie par l'intéressée, la CourEDH a confirmé cette approche, en retenant notamment que l'interdiction litigieuse "poursuivait des buts légitimes [...]: la protection des droits et libertés d'autrui, la sécurité publique et la protection de l'ordre" (décision [irrecevabilité] de la CourEDH Dahlab contre Suisse du 15 février 2001 [requête n° 42393/98], ch. 1 en droit).
Le cas qui vient d'être exposé avait ceci de particulier qu'il concernait la neutralité confessionnelle de l'école (art. 27 al. 3 aCst.). En outre, le Tribunal fédéral et la CourEDH ont souligné le fait que la recourante enseignait à des enfants en bas âge qui étaient "particulièrement influençables" (ATF 123 I 296 consid. 4b/cc; décision de la CourEDH Dahlab contre Suisse précité, ch. 1 en droit), situation qui exigeait une plus grande discrétion de la part de l'enseignant dans l'expression de ses croyances. Or, l'art. 3 al. 5 LLE/GE concerne tous les agents de l'Etat et ne se limite pas aux seuls enseignants (de l'école primaire), de sorte que l'intérêt public poursuivi par cette norme n'est pas identique à celui examiné dans la cause précitée. Il n'en demeure pas moins que la disposition en question repose sur un intérêt public pertinent. Comme précédemment mentionné (cf. supra consid. 5), le canton de Genève a en effet choisi de mettre en oeuvre le principe de la neutralité philosophique et religieuse de l'Etat (cf. supra consid. 7.4) par le biais d'une séparation stricte entre l'Etat et la sphère religieuse, dans un contexte fortement marqué par le principe de la laïcité de l'Etat (art. 3 al. 1 Cst./GE.). Or les agents étatiques, lorsqu'ils sont en contact avec le public dans le cadre deBGE 148 I 160 (178) BGE 148 I 160 (179)leurs activités au service de l'Etat, représentent celui-ci vis-à-vis des administrés (à ce sujet, cf. arrêts de la CourEDH Ebrahimian contre France du 26 novembre 2015 [requête n° 64846/11], § 64, ainsi que Ahmet Arslan et autres contre Turquie du 23 février 2010 [requête n° 41135/98], § 48). Dans ce contexte genevois de laïcité (que chaque canton est du reste en principe libre de choisir), qui constitue une particularité cantonale prise en compte à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral (cf. ATF 142 I 49 consid. 9.2; ATF 139 I 280 consid. 5.5.1; ATF 123 I 296 consid. 4 b/cc), il peut donc être reconnu d'intérêt public d'imposer aux agents de l'Etat en contact avec le public de s'abstenir de signaler leur appartenance confessionnelle par des propos ou des signes extérieurs (en ce sens, cf. par exemple - bien que dans un contexte différent - la décision de la CourEDH Kurtulmus contre Turquie du 24 janvier 2006 [requête n° 65500/01], consid. A. 2 en droit, dans laquelle la CourEDH, relevant que "la sauvegarde du principe de laïcité" était "l'un des principes fondateurs de l'Etat turc", a rappelé avoir déjà admis qu'"un Etat démocratique puisse être en droit d'exiger de ses fonctionnaires qu'ils soient loyaux envers les principes constitutionnels sur lesquels il s'appuie").
7.10.1 En l'espèce, l'obligation de s'abstenir de signaler son appartenance religieuse imposée aux personnes visées par l'art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE dans le cadre de leur activité au service de l'Etat (au sens large) est apte à poursuivre les buts recherchés.
Pour ce qui concerne l'art. 3 al. 3 LLE/GE, l'obligation en question est en effet apte à sauvegarder la confiance des justiciables et des citoyens dans l'indépendance des magistrats et la neutralité des membres du pouvoir exécutif cantonal et communal (cf. supra consid. 7.9.1 et 7.9.2). Elle permet d'éviter que les administrés aientBGE 148 I 160 (179) BGE 148 I 160 (180)l'impression que les décisions prises par les magistrats et les membres de l'exécutif cantonal ou d'un exécutif communal soient influencées par les convictions religieuses de ceux-ci.
S'agissant de l'art. 3 al. 5 LLE/GE, l'obligation de s'abstenir de signaler son appartenance religieuse imposée aux agents de l'Etat (au sens large) est apte à renforcer la laïcité de celui-ci (cf. supra consid. 7.9.3), dans la mesure où - comme déjà relevé - les fonctionnaires étatiques, lorsqu'ils sont en contact avec le public dans le cadre de leur activité professionnelle, représentent l'Etat vis-à-vis des administrés. L'obligation susmentionnée, qui constitue une concrétisation du principe de la laïcité de l'Etat, est donc apte à atteindre le but recherché.
7.10.2 S'agissant de la nécessité d'une telle obligation, on ne voit pas - et les recourants ne l'exposent pas non plus - quelle autre mesure moins incisive pourrait être mise en oeuvre pour poursuivre les buts d'intérêt public susmentionnés. A ce propos, du reste, sous l'angle de l'art. 9 CEDH, la CourEDH a retenu que l'interdiction du port de vêtements ou symboles religieux sur le lieu de travail dans le cadre de fonctions officielles pouvait être considéré par les Etats comme nécessaire (cf. arrêt de la CourEDH Ebrahimian contre France précité, § 64 [port du voile islamique par une assistante sociale en service de psychiatrie au sein d'un établissement public à caractère social et sanitaire; requête n° 64846/11] et décision de la CourEDH Dahlab contre Suisse précitée, ch. 1 en droit [port du voile islamique par une enseignante]).
7.10.3 L'examen de la proportionnalité au sens étroit de l'obligation de s'abstenir de signaler (par des propos ou des signes extérieurs) son appartenance religieuse imposée aux personnes visées par l'art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE dans le cadre de leurs activités au service de l'Etat (au sens large) est délicat. Il s'agit en effet d'effectuer une pesée des intérêts entre le droit fondamental des intéressés à la liberté de conscience et de croyance (art. 15 Cst.), qui garantit le droit d'exprimer, de pratiquer et de communiquer ses convictions religieuses ou sa vision du monde, y compris par l'observation de prescriptions en matière d'habillement (cf. supra consid. 7.2 et 7.5), et les buts visés par les art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE, soit la sauvegarde de la confiance des justiciables dans l'indépendance des magistrats et la neutralité des membres du pouvoir exécutif cantonal et communal, ainsi que le renforcement de la laïcité de l'Etat, qui est la voieBGE 148 I 160 (180) BGE 148 I 160 (181)choisie dans le canton de Genève pour mettre en oeuvre le principe de la neutralité religieuse de l'Etat (cf. supra consid. 5 et 7.4 in fine).
7.10.3.1 Pour ce qui concerne l'art. 3 al. 3 LLE/GE, il sied de relever en premier lieu que l'obligation de s'abstenir de signaler son appartenance religieuse ne s'applique aux magistrats et aux membres du pouvoir exécutif cantonal et communal que dans le cadre de leur activité au service de l'Etat et uniquement lorsque ceux-ci sont "en contact avec le public". Pendant leur temps libre, ces personnes peuvent donc exprimer leurs convictions religieuses, s'habiller selon les préceptes de leur croyance (voile islamique, kippa juive, habit des moniales et des moines chrétiens, etc.) et porter des symboles religieux de manière visible sans violer l'art. 3 al. 3 LLE/GE.
En deuxième lieu, cette restriction ne s'applique pas à tous les citoyens genevois, mais uniquement à certaines personnes qui exercent une activité au sein du canton (membres du Conseil d'Etat, magistrats du pouvoir judiciaire et de la Cour des comptes) ou d'une commune (membres d'un exécutif communal). Or, on peut attendre des personne concernées, qui sont au service du Canton et des Communes et ont une obligation de loyauté et de fidélité envers ceux-ci et envers les principes sur lesquels ils se fondent, qu'elles supportent, dans le cadre de leurs activités officielles et uniquement lorsqu'elles sont en contact avec le public, des ingérences limitées dans leur liberté de conscience et de croyance (en ce sens, dans l'optique des travaux préparatoires, cf. le rapport de la Commission des droits de l'homme du 6 mars 2018 relatif notamment au PL 11764-A [ci-après: le rapport], p. 264; voir aussi, s'agissant toutefois uniquement des membres et collaborateurs des tribunaux, arrêt 2C_546/2018 du 11 mars 2019 consid. 4.3.3).
En troisième lieu, les intérêts publics que l'art. 3 al. 3 LLE/GE tend à protéger sont importants. En effet, la sauvegarde de la confiance des justiciables et des administrés dans l'indépendance de la justice et la neutralité (ou l'impartialité) des membres du pouvoir exécutif cantonal et communal (que le législateur genevois a voulu renforcer par une approche laïque à la question, fondée sur le contexte de laïcité prévalant actuellement dans le canton de Genève) est fondamentale, car elle garantit aux institutions concernées une plus grande légitimité aux yeux des citoyens.
7.10.3.2 S'agissant de l'art. 3 al. 5 LLE/GE, cette disposition prévoit - comme l'art. 3 al. 3 LLE/GE - que les personnes concernéesBGE 148 I 160 (181) BGE 148 I 160 (182)(agents du canton, des communes ou d'une personne morale de droit public) doivent s'abstenir de signaler leur appartenance religieuse uniquement lorsqu'elles sont "en contact avec le public" dans le cadre de leur activité au service de l'Etat. Pendant leur temps libre, ces personnes peuvent donc exprimer leurs convictions religieuses, s'habiller selon les préceptes de leur croyance et porter des symboles religieux de manière visible sans violer l'art. 3 al. 5 LLE/GE. Il en va de même lorsqu'elles ne sont pas en contact avec le public pendant leur travail. La restriction de la liberté de conscience et de croyance opérée par l'art. 3 al. 5 LLE/GE peut donc, elle aussi, être considérée comme relativement limitée.
En outre, cette restriction s'applique uniquement aux agents de l'Etat (au sens large), soit ceux du canton, des communes ou d'une personne morale de droit public. De même que les magistrats et les membres du pouvoir exécutif cantonal et communal (consid. 7.10.3.1 ci-dessus), les agents de l'Etat ont une obligation de loyauté et de fidélité envers celui-ci et envers les principes sur lesquels il se fonde. On peut dès lors exiger d'eux qu'ils supportent - uniquement lorsqu'ils sont en contact avec le public dans le cadre de leur activité au service de l'Etat - des ingérences limitées dans leur liberté de conscience et de croyance (sous l'angle de l'art. 9 CEDH, la CourEDH reconnaît du reste en principe le droit des Etats de soumettre leurs fonctionnaires à une obligation de discrétion dans l'expression publique de leurs convictions religieuses: cf. arrêts de la CourEDH Ebrahimian contre France précité, § 64, ainsi que Ahmet Arslan et autres contre Turquie précité, § 48). Cela vaut à plus forte raison lorsque, comme en l'espèce, ces ingérences sont fondées sur le principe de la laïcité de l'Etat, qui est un principe qui revêt une importance toute particulière dans le canton de Genève (cf. supra consid. 5 et 7.4 in fine). En effet, lorsqu'ils sont en contact avec le public dans le cadre de leur activité professionnelle, les fonctionnaires étatiques représentent l'Etat vis-à-vis des administrés.
Finalement, l'intérêt public poursuivi par l'art. 3 al. 5 LLE/GE est digne de protection. Dans la perspective fortement laïque prévalant à Genève (supra consid. 5 et 7.4 in fine), le respect du principe de la neutralité religieuse de l'Etat, mis en oeuvre dans ce canton par le biais d'une séparation stricte entre celui-ci et la sphère religieuse, prend en effet une grande importance, dont il sied de tenir compte dans l'examen de la proportionnalité au sens étroit de la norme contestée.BGE 148 I 160 (182)
BGE 148 I 160 (183)7.10.3.3 A la lumière des considérations qui précèdent, la pesée des intérêts à effectuer sous l'angle de la proportionnalité au sens étroit conduit à la conclusion - dans le cadre du contrôle abstrait objet de la présente procédure - qu'il existe un rapport raisonnable entre la restriction de la liberté de conscience et de croyance (art. 15 Cst.) des personnes concernées par l'art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE et les intérêts publics poursuivis par cette disposition. Il ne faut en particulier pas perdre de vue que, comme il a été exposé ci-dessus (supra consid. 2), l'éventualité que, dans certains cas, l'application d'une norme puisse se révéler contraire aux droits fondamentaux ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait de celle-ci. C'est toutefois le lieu de relever, à l'instar de la Cour de justice, que l'interdiction prévue par l'art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE devra être interprétée et appliquée dans chaque cas concret de manière raisonnable, faute de quoi elle pourrait se révéler disproportionnée. En effet, au vu de l'importance du droit fondamental en jeu, qui représente l'un des plus anciens droits fondamentaux (cf. ATF 142 I 49 consid. 3.2), il est primordial d'éviter une application excessivement rigide de l'art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE, qui conduirait à un résultat incompatible avec la liberté de conscience et de croyance des personnes concernées. L'obligation faite aux autorités genevoises d'interpréter cet article de manière raisonnable et proportionnée implique ainsi qu'il faudra tenir compte du contexte (s'agissant notamment de l'examen de la condition relative au contact avec le public ["lorsqu'ils sont en contact avec le public"]), ainsi que de la façon dont un symbole religieux (visible) est porté ou un propos est exprimé par les personnes visées par la norme litigieuse. C'est uniquement à ces conditions que l'application de cette norme pourra être considérée in concreto compatible avec l'art. 15 Cst.
Quant à l'art. 14 CEDH, il complète les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles et n'a pas de portée indépendante (arrêts 8C_390/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3.3; 2C_438/ 2015 du 29 octobre 2015 consid. 1.2; 2C_1051/2014 du 30 juin 2015 consid. 3.4). Le grief y relatif, qui n'est du reste nullement motivé (cf. art. 106 al. 2 LTF; supra consid. 2), n'a donc pas à être traité.
8.2 En l'espèce, l'art. 3 al. 3 et 5 LLE/GE interdit à certaines personnes (membres du Conseil d'Etat, d'un exécutif communal, agents de l'Etat, etc.) de signaler leur appartenance religieuse lorsqu'elles sont en contact avec le public dans le cadre de leurs fonctions au service de l'Etat. Cette interdiction s'applique à ces personnes indépendamment de leur éventuelle foi dans une croyance particulière (respectivement de leur rejet de tout type de foi), de sorte qu'elle n'est pas discriminatoire par rapport à la religion suivie par celles-ci (dans ce sens, bien que s'agissant d'une règle interne d'une entreprise privée et non d'une disposition légale adoptée par un Etat, cf. arrêt de la CJUE du 15 juillet 2021 dans les affaires jointes C-804/18 [par. 52 et 55] et C-341/19 [par. 73 et 78, avec quelques nuances]). En particulier, pour ce qui concerne les recourants, elle n'est pas discriminatoire (même indirectement) envers les musulmans. Quant à l'argumentation des intéressés relative à la discrimination entre croyants et non-croyants, elle ne peut pas non plus être retenue. Les premiers ne sont en effet pas traités différemment des seconds. Contrairement à l'opinion des recourants, la norme critiquée n'interdit notamment pas aux personnes croyantes l'accès aux fonctions étatiques en question, mais se limite à demander à celles-ci de (i) observer la neutralité religieuse dans le cadre de leurs fonctions (interdiction de discrimination) et (ii) renoncer à manifester leur appartenance religieuse dans certaines situations (cf. supra consid. 7.7). Le grief est donc infondé.
En résumé, en tant qu'il porte sur l'art. 3 LLE/GE, le recours est rejeté.
III. Art. 6 al. 1 et 2 LLE/GE
Au regard de ce qui précède, la restriction à la liberté de conscience et de croyance apportée par l'art. 6 al. 1 et 2 LLE/GE apparaît difficilement compatible avec l'art. 36 al. 2 Cst. (intérêt public). La question de savoir si, au vu du contexte particulier genevois, fortement marqué par le principe de la laïcité de l'Etat (art. 3 al. 1 Cst./GE.; supra consid. 5 et 7.4 in fine), il sied de reconnaître un intérêt public à l'interdiction de principe prévue par l'art. 6 al. 1 et 2 LLE/GE, souffre toutefois de demeurer indécise, car cette interdiction est de toute manière disproportionnée (cf. consid. 11.5 ci-dessous).
La Cour de justice est du reste parvenue à la même conclusion et a constaté que la restriction à la liberté de conscience et de croyance prévue par l'art. 6 al. 1 et 2 LLE/GE était disproportionnée. L'autorité précédente a toutefois considéré qu'il était possible de donner à cette disposition une interprétation conforme au droit supérieur "dans le sens où, lorsque les manifestations cultuelles ne peuvent pas, pour une raison ou une autre, se dérouler sur le domaine privé [...] alors elles doivent pouvoir se dérouler sur le domaine public aux mêmes conditions que les manifestations religieuses non cultuelles visées à l'art. 6 al. 3 LLE/GE, en application de la LMDPu/GE". Cette approche ne peut pas être suivie. En effet, elle est en contradiction avec le texte clair de l'art. 6 al. 2 LLE/GE, selon lequel les manifestations religieuses cultuelles sur le domaine public ne peuvent être autorisées qu'à titre exceptionnel. Ainsi, cette disposition ne peut pas, sans perdre sa portée, être interprétée dans le sens préconisé par la Cour de justice, lequel revient, en substance, à considérer que les autorités compétentes seraient obligées à autoriser l'organisation sur le domaine public de toutes les manifestations religieuses cultuelles qui ne peuvent pas se dérouler sur le domaine privé. Contrairement à la solution retenue par les juges cantonaux, l'art. 6 al. 1 et 2 LLE/GE, tel qu'il est formulé, n'est donc susceptible d'aucune interprétation conforme au droit supérieur.
BGE 148 I 160 (189) BGE 148 I 160 (190)manifestations religieuses cultuelles sur le domaine public uniquement "à titre exceptionnel", la norme contestée revient en réalité à prévoir une interdiction de principe de celles-ci, ce qui - comme on vient de le voir - est incompatible avec l'art. 15 Cst. Telle qu'elle est libellée, la disposition litigieuse viole donc la liberté de conscience et de croyance et ne peut être avalisée. En dépit de cette conclusion, au vu de la retenue dont doit faire preuve le Tribunal fédéral dans le cadre du contrôle abstrait d'une norme cantonale (cf. supra consid. 2), l'annulation intégrale de l'art. 6 al. 1 et 2 LLE/GE n'apparaît en l'espèce pas justifiée. Du moment que le problème réside dans le fait que l'art. 6 al. 2 LLE/GE prévoit que l'autorisation pour organiser des manifestations religieuses cultuelles sur le domaine public ne peut être octroyée qu'"à titre exceptionnel", l'annulation de cette condition suffit à rendre la norme contestée conforme à l'art. 36 Cst. Sans ladite condition, dans le cadre du présent contrôle abstrait, la norme en question est en effet susceptible d'être appliquée de manière conforme à la Constitution, étant rappelé que - comme indiqué précédemment (consid. 2 et 7.10.3.3) - l'éventualité que, dans certains cas, l'application d'une norme puisse se révéler contraire aux droits fondamentaux ne saurait en principe justifier une intervention du Tribunal fédéral au stade du contrôle abstrait de celle-ci. Ici aussi, il sied toutefois de relever que, même sans la condition "à titre exceptionnel" prévue par l'art. 6 al. 2 LLE/GE, la disposition litigieuse restreint la liberté de conscience et de croyance des personnes concernées. Partant, cette norme devra être interprétée et appliquée dans chaque cas concret de manière conforme à l'art. 36 Cst. (en particulier sous l'angle de la proportionnalité), faute de quoi son application pourrait se révéler contraire à la Constitution.
IV. Art. 7 al. 1 LLE/GE
Par rapport à la proportionnalité au sens strict, il sied de relever ce qui suit. En premier lieu, l'interdiction prévue par la norme contestée devra, conformément au texte légal, être limitée dans le temps ("pour une période limitée") et faire l'objet d'un contrôle judiciaire rapide ("dans un délai de 15 jours") en cas de contestation. En outre, elle ne concerne que les signes religieux "ostentatoires", notion qui devra être interprétée de manière stricte. Ce terme, qui a une claire connotation négative dans le contexte de l'art. 7 al. 1 LLE/GE, n'est en effet pas précis et il faut éviter de lui donner des interprétations qui ne seraient pas conformes à l'art. 15 Cst. sous l'angle de la proportionnalité au sens strict. Selon le Grand Robert, "ostentatoire" signifie "qui témoigne de l'ostentation, qui est fait, montré avec ostentation", alors que l'"ostentation" est définie comme étant la "mise en valeur excessive et indiscrète d'un avantage", synonyme de "étalage, parade" et antonyme de "discrétion, modestie" (Le Grand Robert de la langue française, édition en ligne mise à jour en novembre 2017). A ce sujet, lors des discussions au Grand Conseil, il a été exposé qu'il était question de "prévenir des troubles graves àBGE 148 I 160 (192) BGE 148 I 160 (193)l'ordre public en interdisant, pour une période limitée, le port de signes religieux ostentatoires. On ne parle pas de signes d'appartenance religieuse [...] Vous avez participé avec nous aux travaux de commission, où nous avons fait spécifiquement la distinction entre les signes d'appartenance religieuse et les signes religieux ostentatoires. Ici, on parle clairement de signes visant à provoquer" (Grand Conseil, PL 11764-A, deuxième débat, séance du jeudi 26 avril 2018 à 17h). La notion de signes religieux ostentatoires ne pourra donc comprendre que les signes religieux portés de manière provocatrice, à l'exception des signes - même forts - par lesquels une personne se limite à manifester sa foi ou à obéir aux préceptes de celle-ci. C'est uniquement à cette condition, en effet, que l'interdiction litigieuse pourra être considérée comme proportionnelle par rapport à la restriction à la liberté de conscience et de croyance qu'elle implique. En outre, et surtout, la mesure contestée ne peut être mise en oeuvre que dans le but de "prévenir des troubles graves à l'ordre public" (le maintien de la sécurité publique et la protection de l'ordre font d'ailleurs justement partie des buts pouvant rendre licite une ingérence dans la liberté de conscience et de croyance garantie par l'art. 9 CEDH; cf. arrêt de la CourEDH S.A.S contre France précité, § 115). Elle doit dès lors demeurer l'ultima ratio, en ce sens qu'elle ne pourra être adoptée que dans les cas où un conflit interconfessionnel risquerait de causer des troubles graves à l'ordre public, en raison d'un danger direct et imminent (les "cas de situation extrême" auxquels se réfère le projet [p. 20]; cf. supraconsid. 13.1; en ce sens, voir également l'arrêt de la CourEDH Ahmet Arslan et autres contre Turquie précité, dans lequel la Cour a retenu que le simple fait de se réunir devant une mosquée en portant des habits exprimant une conviction religieuse ne constituait pas en soi une menace pour l'ordre public[§ 50], de sorte que - même dans un Etat fortement laïque comme la Turquie - la restriction à la liberté de conscience et de croyance des intéressés n'était en l'espèce pas justifiée [§ 52]). Au vu de l'importance de l'intérêt public en jeu et des risques encourus par celui-ci, cette condition est en effet nécessaire pour que la pesée des intérêts imposée par l'art. 36 al. 3 Cst. puisse conduire à la conclusion qu'il existe un rapport raisonnable entre la restriction litigieuse et l'intérêt public poursuivi par l'art. 7 al. 1 LLE/ GE.
Au vu de ce qui précède, compte tenu des limites posées par l'art. 7 al. 1 LLE/GE à la mise en oeuvre de la mesure litigieuse, force est deBGE 148 I 160 (193) BGE 148 I 160 (194)constater qu'il est possible de donner à cette disposition une interprétation conforme à l'art. 36 al. 3 Cst. Dans le cadre du présent contrôle abstrait, l'annulation de cette disposition ne se justifie dès lors pas. C'est toutefois le lieu de souligner, une fois de plus, que, dans l'examen de chaque cas concret d'application de l'art. 7 al. 1 LLE/GE, cette norme devra être interprétée dans le sens qui vient d'être exposé, faute de quoi elle pourrait, dans certains cas, se révéler contraire à l'art. 15 Cst.
En tant qu'il porte sur l'art. 7 al. 1 LLE/GE, le recours est ainsi rejeté.
V. Art. 7 al. 2 LLE/GE
BGE 148 I 160 (197)En tant qu'il porte sur l'art. 7 al. 2 LLE/GE, le recours est donc rejeté.
VI. Conclusion, frais et dépensBGE 148 I 160 (197)
 
Erwägung 15