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Regeste
Sachverhalt
Extrait des considérants:
1. Selon l'art. 78 al. 2 let. b LTF, le Tribunal féd&eacut ...
Erwägung 2
Erwägung 3
Erwägung 4
Erwägung 5
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17. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause A. contre Ministère public central du canton de Vaud (recours en matière pénale)
 
 
6B_1206/2021 du 30 mars 2023
 
 
Regeste
 
Art. 10 Abs. 2, 13 Abs. 1, 36 BV; Art. 8 EMRK; Art. 75 Abs. 3 StGB; Art. 35 lit. j und Art. 89 des Waadtländer Reglements vom 16. August 2017 über die Stellung verurteilter Personen im Straf- oder Massnahmenvollzug (RSPC); Kontrolle der Korrespondenz eines Gefangenen durch die Strafvollzugsanstalt.
 
 
Sachverhalt
 
BGE 149 I 161 (162)A. A., né en 1976, a été condamné à une peine privative de liberté de 18 ans, pour lésions corporelles simples qualifiées, voies de fait qualifiées, mise en danger de la vie d'autrui, menaces qualifiées, actes d'ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle aggravée, viol aggravé, tentative de viol aggravé, pornographie, inceste, complicité d'inceste et violation du devoir d'assistance ou d'éducation (jugement du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois du 29 mars 2018). Il purge actuellement sa peine au sein des Etablissements de la plaine de l'Orbe (EPO).
Le 9 août 2019, la direction des EPO a informé l'intéressé qu'elle avait saisi trois courriers qui lui avaient été adressés par sa mère et sonBGE 149 I 161 (162) BGE 149 I 161 (163)frère, au motif qu'ils contenaient une multitude de photographies représentant des enfants, vraisemblablement les siens, soit des victimes pénales. Après un échange d'écriture, la direction des EPO a maintenu sa position, précisant que les photographies seraient transmises en cas d'accord écrit manifestement exprimé par chaque victime pénale figurant sur les photographies, respectivement chaque curateur muni d'un mandat de protection en faveur des victimes pénales concernées (communication du 18 novembre 2019). De plus, l'Office d'exécution des peines (OEP) a interdit le 11 mars 2020 à A. de prendre contact avec sa femme et ses enfants.
Le 11 novembre 2020, la Cheffe du Service pénitentiaire vaudois (SPEN) a rendu une première décision d'irrecevabilité, au motif que les photographies avaient été récupérées par le frère de l'intéressé le 3 octobre 2019. Après que la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a annulé cette décision (arrêt du 5 janvier 2021), elle a, par décision du 22 juillet 2021, rejeté le recours formé par A. et confirmé la décision du 18 novembre 2019. Elle a également rejeté la demande d'assistance judiciaire de l'intéressé.
B. Statuant le 26 août 2021, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par A. et confirmé la décision du 22 juillet 2021. Elle a par ailleurs mis l'intéressé au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure cantonale de recours.
C. A. forme un recours en matière pénale contre cet arrêt dont il demande la réforme en ce sens que la "censure opérée par les autorités cantonales est annulée" et que le bénéfice de l'assistance judiciaire lui soit accordé pour la procédure devant le SPEN. A titre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Le recours est assorti d'une demande d'assistance judiciaire.
Il n'a pas été ordonné un échange d'écriture.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
 
 
BGE 149 I 161 (164)Erwägung 2
 
Conformément aux exigences de l'art. 36 Cst., les restrictions à ces droits doivent reposer sur une base légale - matérielle en matière de correspondance (ordonnance ou règlement; arrêt 1B_567/2021 du 14 janvier 2022 consid. 3.2 et les références) - et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire au but de l'incarcération et au fonctionnement de l'établissement de détention. Le principe de la proportionnalité, consacré de manière générale par la disposition susmentionnée, exige que chaque atteinte à ces droits fasse l'objet d'une pesée d'intérêts dans le cadre de laquelle l'autorité doit tenir compte de l'ensemble des circonstances, soit en particulier des buts de la détention, des impératifs de sécurité de l'établissement pénitentiaire, de la durée de l'incarcération et de la situation personnelle du prévenu (ATF 145 I 318 consid. 2.1 et les références).
Les garanties de la CEDH relatives aux conditions de détention n'offrent pas une protection plus étendue que celles garanties par la Constitution fédérale. En effet, si la CourEDH relève que l'art. 8 CEDH protège la confidentialité des échanges y compris lorsque l'expéditeur ou le destinataire est un détenu, elle reconnaît également que la "nécessité" d'une ingérence dans l'exercice du droit d'un condamné détenu au respect de sa correspondance, est admissible; elle doit cependant s'apprécier en fonction des exigences normales et raisonnables de la détention. La défense de l'ordre public et la prévention des infractions pénales, par exemple, peuvent justifier des ingérences plus amples à l'égard d'un détenu que d'une personne en liberté (arrêt de la CourEDH Golder contre Royaume-Uni du 21 février 1975 [requête n° 4451/70], série A n° 61 § 45). Ces principes ont été rappelés encore récemment (arrêt Laurent contre France du 24 mai 2018 [requête n° 28798/13], § 42 ss; voir ATF 145 I 318 consid. 2.1).
2.2 La Recommandation Rec (2006)2-rév sur les Règles pénitentiaires européennes, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe le 11 janvier 2006, révisée et modifiée par le Comité des Ministres le 1er juillet 2020, s'applique aux personnes placées en détention provisoire par une autorité judiciaire ou privées de liberté àBGE 149 I 161 (164) BGE 149 I 161 (165)la suite d'une condamnation (règle 10.1). La règle 24.1 autorise les détenus à communiquer aussi fréquemment que possible - par lettre, par téléphone ou par d'autres moyens de communication - avec leur famille, des tiers et des représentants d'organismes extérieurs, ainsi qu'à recevoir des visites desdites personnes. La règle 24.2 prévoit que toute restriction ou surveillance des communications et des visites nécessaire à la poursuite et aux enquêtes pénales, au maintien du bon ordre, de la sécurité et de la sûreté, ainsi qu'à la prévention d'infractions pénales et à la protection des victimes - y compris à la suite d'une ordonnance spécifique délivrée par une autorité judiciaire - doit néanmoins autoriser un niveau minimal acceptable de contact.
Selon la jurisprudence, ces règles n'ont valeur que de simples directives à l'intention des Etats membres du Conseil de l'Europe. Le Tribunal fédéral en tient cependant compte dans la concrétisation de la liberté personnelle et des autres droits fondamentaux garantis par la Cst. et la CEDH. Ainsi, s'agissant des contacts des détenus avec le monde extérieur, la règle 24 mentionnée ci-dessus peut être considérée comme définissant les responsabilités des administrations pénitentiaires pour assurer le respect des droits découlant notamment de l'art. 8 CEDH dans les conditions fondamentalement restrictives de la prison (ATF 145 I 318 consid. 2.2 et les références).
 
Erwägung 3
 
3.2 En matière d'exécution des peines privatives de liberté et des mesures entraînant une privation de liberté, l'art. 74 CP prévoit que leBGE 149 I 161 (165) BGE 149 I 161 (166)détenu et la personne exécutant une mesure ont droit au respect de leur dignité; l'exercice de leurs droits ne peut être restreint que dans la mesure requise par la privation de liberté et par les exigences de la vie collective dans l'établissement.
Dans le canton de Vaud, la loi du 4 juillet 2006 sur l'exécution des condamnations pénales (LEP; BLV 340.01) régit l'exécution des peines et des mesures, conformément aux principes et aux règles contenus dans le droit fédéral (art. 1 al. 1 LEP). Selon l'art. 8 al. 3 LEP, l'Office d'exécution des peines prend toutes les décisions relatives à la planification, à l'organisation et au contrôle de l'exécution des condamnations pénales, et requiert à cette fin tous les avis utiles. S'agissant de l'exécution de peines privatives de liberté en milieu fermé, il est compétent notamment pour approuver, mettre en oeuvre et corriger le plan d'exécution de sanction (art. 19 al. 1 let. e LEP).
Selon les art. 29 ss du règlement du 16 août 2017 sur le statut des personnes condamnées exécutant une peine privative de liberté ou uneBGE 149 I 161 (166) BGE 149 I 161 (167)mesure (RSPC; BLV 340.01.1), le plan d'exécution de la sanction (ci-après: le plan d'exécution) est l'instrument qui permet de mettre en oeuvre le principe d'individualisation de l'exécution de la peine privative de liberté ou de la mesure (art. 29 RSPC). Il contribue à favoriser la réinsertion des personnes condamnées dans la société libre et à prévenir le risque de récidive (art. 30 RSPC). En cas de condamnation à une peine privative de liberté, le plan décrit le déroulement de l'exécution de la peine en tenant compte de la durée de la peine, des caractéristiques de la délinquance de la personne condamnée, des besoins de cette dernière ainsi que de ceux de la collectivité publique (art. 33 al. 2 RSPC). L'établissement soumet le plan d'exécution qu'il a élaboré à l'autorité dont la personne condamnée dépend pour ratification dans un délai de 3 mois dès l'admission de la personne condamnée dans l'établissement (art. 34 al. 1 RSPC). En fonction de la durée et du motif de la détention, le plan d'exécution contient notamment les relations avec l'extérieur (art. 35 let. j RSPC). La personne condamnée est tenue de participer activement à l'élaboration et à la mise en oeuvre du plan d'exécution (art. 36 al. 1 RSPC).
Selon l'art. 89 RSPC, les personnes condamnées peuvent recevoir et envoyer de la correspondance (al. 1). Les établissements remettent et expédient la correspondance chaque jour ouvrable (al. 2). La correspondance est contrôlée par l'établissement (al. 3). Pour autant qu'elle soit identifiée comme telle, la correspondance échangée entre la personne condamnée et un avocat, un agent d'affaires breveté, leBGE 149 I 161 (167) BGE 149 I 161 (168)service, les autorités de surveillance, les autorités pénales ou les consulats et les ambassades, n'est pas contrôlée, de même que les bulletins de vote (al. 4). A l'exception des courriers mentionnés à l'alinéa 4, tous les courriers sont remis ouverts, qu'il s'agisse de ceux que les personnes condamnées confient aux établissements en vue de leur expédition ou de ceux qui sont transmis par les établissements aux personnes condamnées (al. 5). Lorsque pour des questions de sécurité au sens de l'article 84 CP, un courrier est censuré, mention en est faite à la personne condamnée (al. 6). Le coût de l'affranchissement du courrier est à la charge de la personne condamnée qui l'envoie. En cas de moyens financiers insuffisants, l'affranchissement des courriers officiels est avancé par les établissements. Il en va de même des courriers personnels, à raison d'un par semaine (al. 7).
Au sein des EPO, les surveillants-chefs de maison surveillent l'application du régime prescrit par le règlement pour chaque catégorie de détenus, notamment en ce qui concerne la correspondance (art. 185 du règlement du 20 janvier 1982 des EPO [R-EPO; BLV 340.11.1]).
 
Erwägung 4
 
4.1 La cour cantonale a retenu que l'autorité d'exécution des peines devait prendre toute mesure utile pour protéger la personnalité des victimes lorsqu'elle constate que des actes sont de nature à y porter atteinte. A cet égard, l'extrême gravité des actes commis par le recourant sur la majorité de ses enfants et les traumatismes qui en ont découlé justifiaient une protection accrue de ces derniers. L'intérêt des enfants à ce que leurs photographies ne tombent pas dans les mains de leur bourreau - sauf accord exprès de leur part ou de leursBGE 149 I 161 (168) BGE 149 I 161 (169)représentants légaux - primait manifestement sur celui du recourant à pouvoir disposer librement de photographies de ses enfants. En vertu de l'art. 28 CC, le recourant ne pouvait pas non plus continuer de posséder des photographies que lui-même et son épouse avaient faites de leurs enfants sans leur consentement ou celui de leurs représentants légaux. Il en allait de la protection de la personnalité des enfants, particulièrement du respect de leur vie privée. Les enfants devaient pouvoir se reconstruire en décidant s'ils voulaient ou non avoir des contacts ou relations avec leur père; si le seul fait que celui-ci détenait des photographies d'eux ne pouvait pas être considéré comme un contact à proprement parler, il fallait en revanche un tel contact pour obtenir l'autorisation nécessaire en vue de la transmission des photographies. Aussi, l'envoi de ces photographies au recourant sans le consentement des enfants serait constitutif d'une atteinte illicite à leur personnalité.
 
Erwägung 5
 
Si les différentes mesures de protection des victimes peuvent certes être prises par le juge civil (art. 28 ss CC), dans les rapports de droit privé (ATF 101 II 177 consid. 3), elles découlent cependant aussi de la mesure de contrainte imposée aux détenus et du rapport de sujétion spécial qui lient ces derniers à l'Etat. Lors du contrôle de la correspondance d'un détenu, il existe en particulier un intérêt public important (au sens de l'art. 36 al. 1, 3e phrase, Cst.) à protéger la personnalité des tiers (arrêt 1B_77/2008 du 15 juillet 2008 consid. 2.2). Au regard du risque de victimisation secondaire, cela est d'autant plus vrai s'il s'agit d'enfants victimes de crimes d'une gravité particulière. Eu égard à la nature même de la situation, c'est aux autorités publiques chargées de l'exécution de la sanction pénale de s'employer alors activement à protéger les enfants victimes d'infractions graves.
5.3 Aussi, en présence d'enfants victimes de crimes d'une particulière gravité de leur père, la cour cantonale a retenu à juste titre qu'il appartient aux enfants de manifester le désir - s'ils le souhaitent - que des tiers remettent au recourant leurs photographies. L'interdiction ne porte en outre pas sur les relations du recourant avec autruiBGE 149 I 161 (170) BGE 149 I 161 (171)en général, mais uniquement sur sa relation avec ses victimes, dans le cadre de laquelle toute forme de contact, direct ou indirect, est actuellement exclue. On cherche enfin en vain dans l'argumentation du recourant des griefs qui ont trait à la proportionnalité de la mesure. A cet égard, les différentes autorités qui se sont succédé ont rappelé à raison qu'il suffisait au recourant de s'adresser aux différents curateurs des enfants pour que ces derniers soient mis en situation de manifester ou non leur désir qu'il détienne des photographies d'eux. La présentation d'une telle demande ne doit en effet pas entraîner en elle-même de conséquences fâcheuses pour les enfants du recourant, si bien qu'il n'appartient pas à un établissement pénitentiaire de la mettre en oeuvre. Au demeurant, nul préjudice personnel, social ou moral susceptible d'être considéré comme une conséquence prévisible de la perpétration de graves infractions pénales ne saurait servir de fondement à un grief consistant à dire que les intérêts des enfants devraient s'effacer devant celui du recourant à disposer d'un souvenir de ses victimes.