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Regeste
Sachverhalt
Extrait des considérants:
3. En l'espèce, la question soumise au Tribunal féd ...
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19. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Parti Les VERT.E.S Fribourg et consorts contre Grand Conseil de l'Etat de Fribourg (recours en matière de droit public)
 
 
1C_393/2022 du 31 mars 2023
 
 
Regeste
 
Art. 3, 73, 81a Abs. 2 und 87 BV, Art. 2 Abs. 1 lit. a des Klimaübereinkommens von Paris; die im Kanton Freiburg eingereichte Verfassungsinitiative für kostenlose öffentliche Verkehrsmittel verstösst gegen übergeordnetes Recht.
 
Die wörtliche (E. 3.2.1), historische (E. 3.2.2), systematische und teleologische (E. 3.2.3) Auslegung von Art. 81a Abs. 2 BV führt zum Ergebnis, dass die Kostenlosigkeit des öffentlichen Verkehrs für alle Nutzerinnen und Nutzer mit dieser Verfassungsnorm nicht vereinbar ist.
 
Dass von gewissen Nutzerinnen und Nutzern des öffentlichen Verkehrs verlangt wird, sich an dessen Kosten zu beteiligen, verstösst weder gegen das Nachhaltigkeitsprinzip (Art. 73 BV) noch gegen Art. 2 Ziff. 1 des Klimaübereinkommens von Paris (E. 3.3).
 
Die Ungültigerklärung der streitbetroffenen Initiative verstösst nicht gegen die Kompetenzverteilung zwischen dem Bund und den Kantonen (Art. 3 und 87 BV) (E. 3.4).
 
 
Sachverhalt
 
A. Par acte publié dans la Feuille officielle du canton de Fribourg du 5 février 2021, la Chancellerie d'Etat du canton de Fribourg a constaté l'aboutissement de l'initiative populaire cantonale intitulée "Pour la gratuité des transports publics". Cette initiative constitutionnelle rédigée vise à introduire un alinéa 4 à l'art. 78 de la constitution du canton de Fribourg du 16 mai 2004 (Cst./FR; RS 131.219), dont la teneur est la suivante:
    Art. 78 al. 4 (nouveau) Gratuité des transports publics
    4Afin de favoriser l'utilisation des transports publics, l'Etat garantit des transports publics gratuits, de qualité et respectueux de l'environnement. Les prestations offertes par les transports publics sont adaptées à l'évolution de la fréquentation. La mesure est financée par l'impôt général.
B. Dans son Message du 17 août 2021 au Grand Conseil du canton de Fribourg, le Conseil d'Etat du canton de Fribourg a considéré que l'initiative litigieuse était contraire au droit supérieur (violation de l'art. 81a al. 2 Cst.). Il a conclu à la nullité de l'initiative.
Par décret du 20 mai 2022, le Grand Conseil a constaté la nullité de l'initiative précitée.
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, le parti politique Les Vert.e.s Fribourg et le Parti socialiste fribourgeois ainsi que Maxime Rotzetter, Jérémie Stöckli et Thomas Gremaud demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler le décret du 20 mai 2022 et de constater la validité de l'initiative susmentionnée. Ils concluent subsidiairement au renvoi de la cause au Grand Conseil pour nouvelle décision.
(...)
BGE 149 I 182 (184)Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
(extrait)
 
Selon la jurisprudence et la doctrine, l'interprétation d'une norme constitutionnelle suit en règle générale les principes développés en matière d'interprétation de la loi (ATF 143 I 272 consid. 2.2.3; ATF 128 I 327 consid. 2.2; JEAN-FRANÇOIS AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, vol. I, 1967, n. 291; MALINVERNI/HOTTELIER/HERTIG RANDALL/FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 4e éd. 2021, n. 1506; GIOVANNI BIAGGINI, Verfassungsauslegung, Verfassungsrecht der Schweiz/Droit constitutionnel suisse, in Diggelmann/Hertig Randall/Schindler [éd.], vol. I, 2020, p. 235 ss n. 4; HÄFELIN/HALLER/KELLER/THURNHERR, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 10e éd. 2020, n. 75). Des particularités propres aux normes de niveau constitutionnel doivent cependant être prises en compte: il en va en particulier du caractère largement abstrait de telles normes qui fixent souvent des principes et ne comportent qu'une faible densité normative. Dans ce contexte, tant que le constituant n'a pas accordé à certainesBGE 149 I 182 (184) BGE 149 I 182 (185)normes un caractère prépondérant par rapport à d'autres, il faut - pour les interpréter les unes avec les autres - partir du principe qu'elles sont toutes de rang égal (ATF 139 I 16 consid. 4.2.1). L'interprétation doit tendre à une concordance de l'ensemble des normes constitutionnelles, ce que le Tribunal fédéral a qualifié d'interprétation "harmonisante" ("harmonisierende Auslegung": ATF 145 IV 364 consid. 3.3; BIAGGINI, op. cit., n. 31; MALINVERNI/HOTTELIER/HERTIG RANDALL/FLÜCKIGER, op. cit., n. 1520). Dès lors, le simple fait qu'une disposition constitutionnelle soit plus récente qu'une autre n'implique pas nécessairement qu'elle prévale sur des normes plus anciennes; une interprétation qui reposerait sur un examen isolé et ponctuel de la disposition en cause n'a pas lieu d'être (ATF 139 I 16 consid. 4.2.1 et 4.2.2).
Sous réserve de ce qui précède, la constitution s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique; ATF 144 V 313 consid. 6.1; ATF 142 IV 389 consid. 4.3.1).
Les recourants ne contestent d'ailleurs pas qu'une telle interprétation conduit à la non-conformité au droit supérieur de l'initiative en question.
3.2.2 Une interprétation historique de l'art. 81a al. 2 Cst. comprend l'examen du Message du Conseil fédéral ayant proposé son adoption. Il en ressort que "l'al. 2 rend compte de la conclusion selon laquelle la mobilité ne doit pas être trop bon marché, sans quoi la demandeBGE 149 I 182 (185) BGE 149 I 182 (186)augmente de manière effrénée et induit des coûts d'investissement et des coûts subséquents de plus en plus élevés, qui pourraient finir par étouffer le système. La participation des utilisateurs du système est donc appelée à jouer un rôle croissant. Pour éviter un transfert inverse du rail à la route et ne pas compromettre les effets souhaités et obtenus jusqu'ici - c.-à-d. le transfert route-rail des voyageurs -, il faut renoncer à reporter la totalité des coûts sur les utilisateurs. C'est pourquoi on a préféré la formulation 'les prix payés par les usagers des transports publics couvrent une part appropriée des coûts', qui indique que cette part doit augmenter, mais pas dans une mesure qui compromettrait les effets positifs" (Message du 18 janvier 2012 relatif à l'initiative populaire "Pour les transports publics" et sur le contre-projet direct [Arrêté fédéral portant règlement du financement et de l'aménagement de l'infrastructure ferroviaire, FAIF], FF 2012 1371, 1473).
Selon le Message, l'art. 81a al. 2 Cst. poursuit donc deux objectifs contradictoires: d'une part, les transports publics ne doivent pas être trop bon marché (pour éviter une demande trop importante qui pourrait "étouffer le système"); d'autre part, ils ne doivent pas être trop chers pour continuer à favoriser le transfert route-rail des voyageurs. Ces préoccupations du constituant ont déjà été mentionnées par le Tribunal fédéral, sans toutefois en tirer des conclusions dans un cas particulier (arrêt 2C_754/2016 du 25 mars 2020 consid. 9.2). Selon la doctrine, qu'il convient de suivre sur ce point, la formulation "les prix payés par les usagers des transports publics couvrent une part appropriée des coûts" vise à parvenir à un équilibre (DIEBOLD/LUDIN/BEYELER, in Commentaire romand, Constitution fédérale, 2021, n° 8 ad art. 81a Cst.). La recherche d'un tel équilibre exclut que cette "part appropriée" soit nulle.
Par conséquent, l'interprétation historique de l'art. 81a al. 2 Cst. ne conduit pas non plus à une conformité de l'initiative litigieuse avec la norme constitutionnelle fédérale.
L'art. 81a al. 2 Cst. a été inscrit dans la Constitution en lien avec le financement et l'aménagement de l'infrastructure ferroviaire (FAIF).BGE 149 I 182 (186) BGE 149 I 182 (187)Il tire son origine du contre-projet direct présenté par le Conseil fédéral le 20 juin 2013 en réponse à l'initiative populaire "Pour les transports publics", retirée à la suite de l'adoption du contre-projet. Il ne contient toutefois aucune indication qu'il serait limité dans son application au seul rail. Le Message mentionne, à plusieurs reprises, les prestations de transports publics sur route, de sorte que l'on ne peut pas en déduire que, à l'art. 81a al. 2 Cst., le législateur n'entendait par "transports publics" que - et uniquement - les transports ferroviaires.
S'ajoute à cela que l'art. 81a Cst. - intitulé "Transports publics" - énumère à son al. 1 les transports publics envisagés, à savoir "par rail, route, voie navigable et installations à câbles", sans les limiter au seul transport ferroviaire. Quant à l'art. 81a al. 2 Cst., il vise indistinctement "les usagers des transports publics". Dans ce contexte, le fait - relevé par les recourants - que les Explications du Conseil fédéral en vue de la votation populaire du 9 février 2014 ont porté essentiellement sur le réseau ferroviaire importe peu. Le texte de l'art. 81a Cst. - qui figurait aussi dans ce Message explicatif - était en effet suffisamment clair pour éviter toute ambigüité. Pour les mêmes motifs, les recourants ne peuvent rien tirer des trois articles de presse de juin 2013 qui informent du retrait de l'initiative "Pour les transports publics" en mentionnant principalement le rail. De plus, la participation financière de la Confédération au trafic régional des voyageurs porte aussi sur l'offre de transport public de manière générale, sans opérer de distinction entre le rail et la route (voir art. 2 al. 2 let. c et 30 de la loi fédérale du 20 mars 2009 sur le transport des voyageurs [LTV; RS 745.1]. De même, les art. 19 et 20 LTV prévoient que le voyageur doit être muni d'un titre de transport valable, ce qui exclut une gratuité totale des transports publics.
Les recourants soulignent encore que les débats parlementaires au sujet de l'initiative "Pour les transports publics" et du FAIF auraient essentiellement porté sur le financement de l'infrastructure ferroviaire et que la participation des usagers aux coûts aurait "exclusivement" porté sur le rail. Ils perdent cependant de vue que les parlementaires ont aussi débattu des moyens de transports devant être compris dans la notion de "transports publics" prévue à l'art. 81a Cst. et qu'il n'a jamais été question qu'ils se limitent au rail (BO 2012 CE 998 à 999; BO 2013 CN 795 à 804). Au Conseil national, l'art. 81a al. 2 Cst. a aussi fait l'objet d'une discussion (BO 2013 CN 766).BGE 149 I 182 (187) BGE 149 I 182 (188)La participation des usagers aux coûts n'a ainsi pas été limitée au seul chemin de fer.
Par conséquent, des points de vue historique, systématique et téléologique, on ne peut limiter l'application de l'art. 81a al. 2 Cst. au seul transport par rail: cette disposition s'applique à l'ensemble des transports publics tels qu'énumérés à l'al. 1 de la disposition constitutionnelle. Les recourants proposent certes d'interpréter leur initiative dans le sens d'une application uniquement ciblée sur le transport non ferroviaire. Une telle interprétation - pour les motifs qui viennent d'être énoncés - ne conduirait cependant pas non plus à rendre l'initiative litigieuse conforme à l'art. 81a al. 2 Cst.
On peut donc se poser la question de savoir si, dans le cadre d'une interprétation harmonisante de l'art. 81a Cst., il ne conviendrait pasBGE 149 I 182 (188) BGE 149 I 182 (189)de tenir aussi compte de ces principes. Comme la jurisprudence l'a rappelé (cf. consid. 3.2), une interprétation isolée d'une disposition constitutionnelle - pour elle-même - n'a pas lieu d'être; de même, le simple fait qu'une norme constitutionnelle est plus récente qu'une autre n'est pas déterminant; enfin, ces normes doivent a priori être considérées comme étant de rang égal.
3.3.2 En l'espèce, le principe de développement durable n'a pas la densité normative que revêt l'art. 81a al. 2 Cst. Selon la jurisprudence, le concept - au contenu et aux contours encore flous - revêt pour l'heure un caractère essentiellement programmatique et n'a pas valeur d'un droit constitutionnel qui pourrait être directement invoqué comme tel devant un tribunal: son indétermination et sa complexité nécessitent une concrétisation dans la législation (ATF 132 II 305 consid. 4.3; pour une analyse critique sur l'absence de justiciabilité de l'art. 73 Cst.: RAPHAËL MAHAIM, in Commentaire romand, Constitution fédérale, 2021, nos 21 ss ad art. 73 Cst.). Or, dans le domaine particulier de la gratuité des transports publics, les recourants ne prétendent pas que le législateur fédéral aurait pris des dispositions allant dans le sens d'une gratuité s'inscrivant dans la perspective du principe de durabilité. La doctrine évoque certes la nécessité d'interpréter les normes constitutionnelles de manière à ce que celles-ci trouvent application à des problématiques nouvelles, par le biais d'une interprétation "contemporaine" ("zeitgemässe Auslegung": HÄFELIN/HALLER/KELLER/THURNHERR, op. cit., n. 77; MALINVERNI/HOTTELIER/HERTIG RANDALL/FLÜCKIGER, op. cit., n. 1528). En ce sens, on ne peut exclure que, dans une approche globale de la Constitution et pour assurer une meilleure concordance entre certaines dispositions constitutionnelles, une portée accrue soit accordée à l'avenir à l'art. 73 Cst. Il n'y a cependant pas lieu d'approfondir cette question puisque, en l'état du droit, l'interdiction de la gratuité des transports publics n'entre pas nécessairement en conflit avec l'art. 73 Cst.
Les recourants ne démontrent en particulier pas en quoi le fait de demander à certains utilisateurs des transports publics de participer de manière appropriée aux coûts serait contraire au développement durable. Il convient de rappeler à ce propos que le principe déduit de l'art. 73 Cst. engage aussi les autorités à tenir compte des implications non seulement sociales et écologiques de certaines politiques, mais aussi de leurs conséquences économiques (cf. ATF 132 II 305 consid. 4.3). Or, comme le relève pertinemment l'avis de droit du 4 février 2022 commandé par l'Office fédéral des transports (voirBGE 149 I 182 (189) BGE 149 I 182 (190)consid. 4 non publié), les transports publics utilisent aussi des ressources (limitées), de sorte qu'une augmentation illimitée des transports publics ne va pas entièrement dans le sens du développement durable (n° 34). En d'autres termes, il n'apparaît pas que le report des usagers sur des infrastructures consommant de l'énergie au détriment d'une mobilité douce réalise complètement le but de développement durable.
Comme pour le grief déduit de l'art. 73 Cst., les recourants ne démontrent pas en quoi la gratuité des transports publics serait plus favorable pour contenir le réchauffement climatique et atteindre la neutralité climatique d'ici à 2050 que la participation des usagers aux coûts. Les autres considérations émises à ce propos s'appliquent ici de la même manière (consid. 3.3.2).
La répartition des compétences est complétée par une obligation des collectivités de veiller à l'existence d'une offre suffisante (prévueBGE 149 I 182 (190) BGE 149 I 182 (191)à l'art. 81a al. 1 Cst.) et par une obligation de faire participer les utilisateurs aux coûts (ancrée à l'art. 81a al. 2 Cst.). Il n'y a ainsi pas de conflit entre la répartition verticale des compétences entre Confédération et cantons s'agissant du moyen de transport et les obligations liées aux transports publics ancrées à l'art. 81a Cst. (cf. DIEBOLD/LUDIN/BEYELER, op. cit., n° 5 ad art. 81a Cst.). Dans la perspective d'une interprétation concordante des dispositions constitutionnelles, l'art. 81a Cst. ne porte pas atteinte à la répartition des compétences entre Confédération et cantons. Le grief de violation de l'art. 3 Cst. doit donc être rejeté.