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Regeste
Sachverhalt
Droit:
1. (Recevabilité.) ...
2. Le jugement attaqué constate que la défenderesse ...
3. a) Le Tribunal cantonal reconnaît que, "conformém ...
4. La demanderesse reprend en instance de réforme ses conc ...
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55. Arrêt de la Ire Cour civile du 18 octobre 1977 dans la cause R.J. Reynolds Tobacco International S.A. contre Fabriques de tabac réunies S.A.
 
 
Regeste
 
Fabrikmarken.
 
Art. 3 Abs. 2, Art. 14 Abs. 1 Ziff. 2 MSchG. Nichtigkeit der Eintragung der Marke "More" wegen ihres beschreibenden Charakters (E. 4).
 
 
Sachverhalt
 
BGE 103 II 339 (340)R.J. Reynolds Tobacco International S.A. (ci-après: Reynolds Tobacco), à Genève, filiale de la société R.J. Reynolds Tobacco Company, à Winston-Salem (USA), est en concurrence, sur le marché mondial de la cigarette, avec les Fabriques de tabac réunies S.A., à Neuchâtel (ci-après: FTR), filiale de Philips Morris Suc., à New York.
Le 26 avril 1972, FTR a déposé au Bureau fédéral de la propriété intellectuelle, à Berne (ci-après: BFPI), sous No 258302, la marque "More" pour "cigarettes, cigares, cigarillos, tabac à fumer, chiquer et priser, papier à cigarettes, allumettes, pipes, porte-cigares, porte-cigarettes, étuis à cigares et à cigarettes, humidificateurs pour produits du tabac". Cet enregistrement, publié dans la Feuille officielle suisse du commerce du 8 juillet 1972, a été étendu dans la plupart des pays de l'Arrangement de Madrid. FTR n'a pas utilisé la marque "More" jusqu'en juillet 1975.
Le 2 juin 1975, Reynolds Tobacco a déposé au BFPI sous No 277463 la marque "More" pour "Tabac brut ou manufacturé, articles pour fumeurs; allumettes"; ce dépôt a été publié le 23 août 1975.
Reynolds Tobacco a ouvert action le 30 mars 1976 contre les Fabriques de tabac réunies S.A. en demandant au tribunal de constater la nullité de la marque "More" No 258302, d'en ordonner la radiation et d'interdire à la défenderesse d'utiliser cette marque.
La défenderesse a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande "en raison de la nullité de la marque "More", subsidiairement à son rejet.
Le Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté la demande en tant que recevable, par jugement du 2 mai 1977.
La demanderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral en concluant au rejet de l'exception de nullité de la marque "More" soulevée par la défenderesse et à la constatation de la nullité de la marque "More" No 258302, et en demandant qu'il soit fait interdiction à la défenderesse d'utiliser la marque "More" pour des cigarettes, cigares et produits pour fumeurs. Subsidiairement, elle propose le renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouveau jugement.
La défenderesse conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
BGE 103 II 339 (340)
 
BGE 103 II 339 (341)Droit:
 
b) Aux termes de l'art. 9 al. 1 LMF, le tribunal peut ordonner la radiation de la marque dont le titulaire n'a pas fait usage pendant trois années consécutives, "à la demande d'un intéressé". L'action en radiation prévue par cette disposition appartient à tout "intéressé", c'est-à-dire à toute personneBGE 103 II 339 (341) BGE 103 II 339 (342)justifiant d'un intérêt personnel, qui est généralement d'ordre économique et résulte de l'entrave que représente pour le requérant la marque d'un concurrent (TROLLER, op.cit., II, p. 1158 ss; cf. ATF 62 I 168 consid. 2). En l'espèce, la demanderesse, qui est titulaire de la marque "More" et se trouve en concurrence sur le marché mondial de la cigarette avec la défenderesse, a un intérêt évident à obtenir la radiation de la marque identique que celle-ci avait précédemment déposée mais dont elle n'a pas fait usage pendant trois années consécutives. Cet intérêt doit lui être reconnu même si la marque "More" est nulle parce que descriptive. Il importerait en effet à la demanderesse, dans cette hypothèse, de s'opposer à l'appropriation par un concurrent d'une désignation appartenant au domaine public (cf. ATF 62 I 167s.).
C'est donc à tort que le Tribunal cantonal a dénié à la demanderesse un intérêt à requérir, selon l'art. 9 al. 1 LMF, la radiation de la marque "More" enregistrée sous le No 258302.
c) L'objection tirée par la défenderesse de la nullité de la marque "More", en raison de son caractère descriptif, devrait d'ailleurs être rejetée pour un autre motif. La défenderesse adopte une attitude fondamentalement contradictoire (venire contra factum proprium) incompatible avec l'art. 2 CC, en soulevant cette objection pour tenter de conserver la marque identique dont elle est titulaire. A supposer ce moyen fondé, l'enregistrement de la marque de la défenderesse serait nul aussi bien au regard de l'art. 3 al. 2 LMF que selon l'art. 9. Il est ainsi contraire à la bonne foi de s'opposer à la constatation de cette nullité en faisant valoir le caractère descriptif de la marque de la demanderesse.
d) Les conditions de l'art. 9 al. 1 LMF étant réunies, et l'objection soulevée par la défenderesse mal fondée, il y a lieu d'ordonner la radiation de la marque "More" No 258302 de la défenderesse.
a) Un signe qui doit être considéré comme étant du domaine public ne peut être l'objet de la protection légaleBGE 103 II 339 (342) BGE 103 II 339 (343)(art. 3 al. 2 LMF), et son enregistrement ne confère pas de droits au titulaire de la marque (TROLLER, op.cit., II, p. 841 s.; DAVID, Kommentar zum MSchG, 2e éd., p. 107 n. 48). Ce dernier ne peut donc pas ouvrir action en interdiction d'usage ou en abstention contre un tiers pour l'empêcher de commettre des actes portant atteinte à son droit prétendu, mais en réalité inexistant. Sans doute bénéficie-t-il de la présomption de l'art. 5 LMF. Mais s'agissant d'un signe qui peut être considéré comme étant du domaine public, il appartient au juge de rechercher, en cas de contestation, si tel est bien le cas et, dans l'affirmative, de constater la nullité de l'enregistrement (DAVID, loc.cit.). Il suffit que le défendeur à l'action en interdiction soulève l'exception de nullité en indiquant le motif invoqué.
b) Doivent être considérées comme étant du domaine public, au sens des art. 3 al. 2 et 14 al. 1 ch. 2 LMF, les désignations indiquant la nature d'un produit ou lui attribuant certaines qualités (ATF 100 Ib 251 et les arrêts cités: ATF 97 I 82, ATF 96 I 250, ATF 95 I 478 s.). De telles désignations ne sauraient être monopolisées au profit d'un particulier, car elles doivent rester à la disposition de chacun.
c) La désignation "More" signifie en anglais "plus". Utilisée pour représenter une marchandise, elle éveille immédiatement auprès du public de langue anglaise l'idée d'une supériorité, quantitative ou qualitative, de cette marchandise sur d'autres de même espèce. C'est toutefois l'impression produite sur l'acheteur moyen en Suisse qui est déterminante. Le Tribunal fédéral a déjà refusé des marques constituées par une désignation générique en langue étrangère. A l'instar des mots "top set" (ATF 97 I 83), "synchrobelt" (ATF 95 I 479 s.), "ever fresh" (ATF 91 I 358 s.), le terme "More" a un caractère descriptif pour un large public en Suisse: de nombreux acheteurs de ce pays, quelle que soit leur langue maternelle, possèdent suffisamment de notions d'anglais pour être en mesure de comprendre immédiatement la signification de ce terme, et pour y voir la désignation d'un produit qui offre davantage, par rapport à des produits concurrents.
Peu importe qu'il s'agisse d'un adverbe, impropre à lui seul à attribuer certaines qualités au produit désigné et susceptible d'être utilisé pour amplifier des qualités opposées. Employé seul, le terme "More" évoque directement une marchandiseBGE 103 II 339 (343) BGE 103 II 339 (344)supérieure à d'autres de même espèce. Contrairement à ce que prétend la demanderesse, on ne se trouve pas dans l'hypothèse d'un signe fantaisiste, nécessitant le concours de l'imagination ou un effort de réflexion pour l'établissement d'un rapport avec le produit désigné (ATF 99 II 403 s., 98 II 144, ATF 97 I 82). Il est également sans importance que le mot "more" constitue aussi une forme orthographique du substantif ou de l'adjectif français "Maure" (habitant de la Mauritanie), et qu'il ressemble au terme allemand "Mohr" (nègre). Ces acceptions, qui correspondent à des orthographes moins répandues ou différentes, ne sont pas de nature à infirmer le caractère descriptif du signe en cause. On ne peut que souscrire au jugement attaqué sur ce point.
Considérer le signe "More" comme étant du domaine public en Suisse ne signifie nullement, comme le pense la demanderesse, "avaliser ... l'invasion de nos langues nationales et constitutionnelles par la langue internationale qu'est l'anglais". Si l'on suivait la demanderesse, on favoriserait au contraire le choix de marques verbales de langue étrangère au détriment de celles qui sont rédigées dans l'une des langues nationales, puisque l'art. 3 al. 2 LMF serait appliqué moins strictement pour les premières que pour les secondes.
d) L'enregistrement en Suisse de la marque "More" étant nul au regard de l'art. 3 al. 2 LMF, les conclusions de la demanderesse tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la défenderesse d'utiliser cette marque pour ses produits doivent être rejetées. Faute de conclusions de la défenderesse, la nullité de l'enregistrement de la marque de la demanderesse ne peut en revanche pas être constatée dans le dispositif du présent arrêt.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
1. Admet partiellement le recours, réforme le jugement du Tribunal cantonal neuchâtelois du 2 mai 1977 et ordonne la radiation de la marque "More" No 258302 de la défenderesse;
2. Rejette la demande pour le surplus.BGE 103 II 339 (344)