2. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Office fédéral du développement territorial contre X., Département de la sécurité et de l'environnement et Département des infrastructures ainsi que Tribunal administratif du canton de Vaud (recours de droit administratif) | |
1A.279/2004 du 21 septembre 2005 | |
Regeste | |
Nautischer Bau an einem Seeufer; Art. 22 und 24 RPG.
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Bejahung der Zonenkonformität - im vorliegenden Fall Konformität mit den Vorschriften einer Schutzzone (Art. 17 RPG) - einer sich auf öffentlichem Grund befindenden Steganlage, welche von einer Anliegerliegenschaft aus an den See zu gelangen gestattet und welche das kantonale Recht nur auf Zusehen hin bei einem Bedarf erlaubt (E. 2).
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Sachverhalt | |
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Sans requérir préalablement une autorisation, X. a agrandi la passerelle (ou ponton), en portant sa longueur à 19.40 m et en créant à son extrémité une plate-forme de 3 m sur 3 m. Ainsi transformé, cet ouvrage traverse sur toute sa largeur la roselière se trouvant sur la rive du lac à cet endroit, et son extrémité est en pleine eau (sur une longueur de 2 à 3 m). Le 27 juin 2003, le Service des eaux, sols et assainissement (SESA) du Département de la sécurité et de l'environnement a écrit à X. en l'invitant soit à démolir l'aménagement complémentaire réalisé sans autorisation, soit à déposer un dossier de demande d'autorisation. Le 12 septembre 2003, X. a déposé une demande d'autorisation avec un plan figurant le ponton prolongé, large de 1.20 m, ainsi qu'une plate-forme de 2.40 m sur 2.40 m à son extrémité (longueur totale de l'ouvrage, y compris la partie existante: 19.40 m). Dans sa lettre d'accompagnement, il demandait au service cantonal (SESA) d'admettre le maintien de la plate-forme de 3 m sur 3 m déjà réalisée. Ce service lui a répondu, le 24 septembre 2003, que la dimension de la plate-forme dessinée sur le plan (2.40 m sur 2.40 m) était "conforme à la pratique administrative du canton de Vaud en matière d'autorisation de construire, et ceci depuis de nombreuses années"; il n'entendait donc pas faire d'exception à cette pratique. La demande d'autorisation a été mise à l'enquête publique du 30 septembre au 20 octobre 2003 et elle n'a pas suscité d'oppositions. ![]() | |
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X. a recouru auprès du Tribunal administratif du canton de Vaud contre la décision du Département de la sécurité et de l'environnement du 23 décembre 2003, en demandant que l'autorisation d'agrandir son ponton lui soit délivrée. Le Tribunal administratif a admis le recours par un arrêt rendu le 23 août 2004. Il a annulé "la décision rendue le 23 décembre 2003 par le Département de la sécurité et de l'environnement, Service des eaux, sols et assainissement, et par le Département des infrastructures, Service de l'aménagement du territoire" et dit que le dossier était renvoyé aux deux départements précités, respectivement aux deux services, pour nouvelle décision dans le sens des considérants. En substance, il a considéré que l'agrandissement du ponton litigieux ne pouvait pas être autorisé comme transformation partielle au sens de l'art. 24c al. 2 LAT mais qu'en revanche les conditions pour une autorisation selon l'art. 24 LAT étaient réunies; cette autorisation spéciale ayant été refusée à tort par le Service de l'aménagement du territoire, le dossier était renvoyé aux départements compétents afin que les autorisations requises soient délivrées.
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Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Office fédéral du développement territorial (ODT) a demandé au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif. Il a dénoncé une violation de l'art. 24 LAT, l'installation litigieuse ne satisfaisant pas à la première condition fixée par cette disposition, à savoir une implantation hors de la zone à bâtir imposée par sa destination (let. a). Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours de droit ![]() ![]() | |
Par cet arrêt, qui certes renvoie l'affaire aux départements cantonaux concernés, le Tribunal administratif a rendu une décision finale partielle, tranchant définitivement la question de l'application de l'art. 24 LAT. Le recours de droit administratif est recevable contre une telle décision, qui n'a dans cette mesure pas un caractère incident (ATF 129 II 286 consid. 4.2 p. 291, ATF 129 II 384 consid. 2.3 p. 385). L'Office fédéral du développement territorial, service compétent de la Confédération en matière d'aménagement du territoire (art. 32 LAT), a qualité pour recourir selon l'art. 103 let. b OJ, en relation avec l'art. 48 al. 4 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire (OAT; RS 700.1). Il y a donc lieu d'entrer en matière.
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2. Le recourant soutient que l'ouvrage litigieux n'est pas une installation dont l'implantation hors de la zone à bâtir est imposée par sa destination. Or c'est là une condition nécessaire à l'octroi d'une dérogation selon l'art. 24 LAT (première condition, art. 24 let. a LAT). Il est donc reproché au Tribunal administratif d'avoir pris en considération une "pratique établie" de l'administration cantonale, selon laquelle les propriétaires riverains sont généralement autorisés à aménager un ponton au droit de leur propriété si cela n'implique ni ![]() ![]() | |
En prétendant que la réalisation du projet litigieux nécessite une dérogation selon l'art. 24 LAT, le recourant ne s'écarte pas des considérations de l'arrêt attaqué, qui retient d'emblée d'une part que l'installation en cause n'est "pas conforme à l'affectation de la zone lacustre", et d'autre part qu'il n'est pas possible d'autoriser a posteriori les travaux dans le cadre prévu par l'art. 24c al. 2 LAT pour les transformations partielles (cf. notamment ATF 129 II 396; ATF 127 II 215 consid. 3 p. 218 ss). Il convient cependant d'examiner - ce que le Tribunal administratif n'a pas fait - si une installation telle que le ponton litigieux peut être considérée comme conforme à l'affectation de la zone, au sens de l'art. 22 al. 2 let. a LAT. Saisi d'un recours de droit administratif, le Tribunal fédéral est lié par les conclusions des parties, mais pas par les motifs qu'elles invoquent (art. 114 al. 1 OJ); aussi peut-il se prononcer d'office sur la question de la conformité à l'affectation de la zone, qui doit en principe être résolue préalablement puisqu'une réponse positive exclurait l'application des clauses dérogatoires des art. 24 ss LAT (cf. notamment ATF 118 Ib 335 consid. 1a p. 338).
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2.2 La loi fédérale sur l'aménagement du territoire définit les zones à bâtir (art. 15 LAT), les zones agricoles (art. 16 LAT) et les zones ![]() ![]() | |
L'art. 54 al. 1 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC; RSV 700.11) définit les "zones protégées" comme des zones "destinées en particulier à la protection des sites, des paysages d'une beauté particulière, des rives de lacs et de cours d'eau, des réserves naturelles ou des espaces de verdure; seules peuvent y être autorisées les constructions et les installations conformes au but assigné à la zone, ne portant pas préjudice à l'aménagement rationnel du territoire et au site ou imposées par leur destination, si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose". De façon plus générale, cette loi prévoit que les plans d'affectation cantonaux ou communaux peuvent contenir des dispositions relatives aux paysages, sites, rives de lacs et de cours d'eau, et elle réserve les mesures prises en application de la loi cantonale sur la protection de la nature, des monuments et des sites (art. 45 al. 2 let. c, art. 47 al. 2 ch. 2 LATC).
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Cette procédure d'autorisation fait l'objet d'une réglementation plus détaillée à l'art. 83 al. 2 du règlement d'application de la loi ![]() ![]() | |
Dans ses déterminations, le Département de la sécurité et de l'environnement (par le Service des eaux, sols et assainissement) fait valoir qu'il autorise de tels travaux également sur la base de l'art. 12 de la loi cantonale sur la police des eaux dépendant du domaine public (LPDP; RSV 721.01), qui prévoit une "autorisation préalable" pour "tout travail, construction (...) à effectuer dans les lacs ou sur leurs grèves". Selon une pratique qu'il affirme constante, il autorise généralement les propriétaires riverains à aménager un ponton dans le lac, au droit de leur propriété, du moment que les dimensions de l'ouvrage sont "acceptables" (largeur maximum de 1.50 m, longueur variant entre 10 et 30 m, plate-forme en extrémité ne dépassant pas le double de la largeur du ponton); ces dimensions sont liées à la topographie, notamment à la profondeur du lac (compte tenu du tirant d'eau des bateaux susceptibles d'accoster), et l'ouvrage doit être "strictement voué à un usage nautique (navigation et/ou baignade)", les "terrasses en pergola" n'étant pas admises.
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Ces autorisations fondées sur l'art. 83 al. 2 RLLC ou sur l'art. 12 LPDP doivent le cas échéant être accompagnées d'autres autorisations cantonales, fondées sur d'autres législations (en matière de protection de la nature ou de la faune, par exemple - cf. infra, consid. 2.7). La contestation ne porte toutefois pas sur ce point car la question soulevée par l'Office fédéral est celle de savoir s'il faut, pour une installation telle que le ponton litigieux, une autorisation fondée sur l'art. 24 LAT, requise en cas de non conformité à l'affectation de la zone.
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2.4 La loi fédérale sur l'aménagement du territoire dispose que les zones à protéger comprennent les lacs et leurs rives (art. 17 al. 1 ![]() ![]() | |
Même sans plan d'affectation spécial établi pour un projet précis (cf. par exemple arrêt 1P.507/1997 du 13 janvier 1998, publié in RDAT 1998 I n. 55 p. 209), le droit fédéral n'exclut pas que certaines constructions ou installations sur un lac ou sur ses rives soient conformes à l'affectation de la zone à protéger (cf. MOOR, Commentaire LAT, n. 40 ad art. 17 LAT; CHRISTOPH BANDLI, Bauen ausserhalb der Bauzonen, Zurich 1989, p. 65). Hors de la zone à bâtir, de façon générale, la conformité est toutefois liée à la nécessité: la construction doit être adaptée, par ses dimensions et son implantation, aux besoins objectifs du propriétaire ou de l'exploitant (cf. PETER HEER, Die raumplanungsrechtliche Erfassung von Bauten und Anlagen im Nichtbaugebiet, thèse Zurich 1996, p. 32). Cette clause du besoin est clairement exprimée, pour les zones agricoles, à l'art. 16a al. 1 LAT, en vigueur depuis le 1er septembre 2000; auparavant, elle résultait de la jurisprudence (cf. notamment ATF 114 Ib 131 consid. 3 p. 133). Des exigences analogues doivent être posées pour les constructions conformes à l'affectation des zones à protéger au sens de l'art. 17 LAT.
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2.5 Le ponton litigieux se trouve sur le domaine public (partie rive raine du lac, jouxtant des fonds privés). Le Tribunal administratif ![]() ![]() | |
Même si le secteur litigieux n'est pas inclus dans le périmètre d'un plan d'affectation, le droit cantonal a néanmoins prévu, avec les règles générales mentionnées plus haut qui réglementent l'utilisation des eaux publiques (cf. supra, consid. 2.3), des "mesures de protection adéquates" du lac, au sens de l'art. 17 al. 2 LAT, qui limitent les possibilités de construction de la même manière que le ferait un classement en zone à protéger. S'agissant plus précisément des pontons, considérés comme de petites constructions nautiques, le droit cantonal (art. 83 al. 2 RLLC), tel qu'il est interprété par le département compétent, fait dépendre les autorisations de l'existence d'un besoin objectif. Les dimensions des pontons sont limitées (longueur de 30 m et largeur de 1.50 m au maximum), afin qu'ils servent uniquement de voie d'accès du fonds riverain au lac pour les nageurs ou les personnes voulant rejoindre une embarcation accostée temporairement. Les pontons sont nécessairement des installations peu importantes, généralement constituées d'une structure légère et de planches de bois, dont l'impact sur le paysage est limité. C'est le cas du ponton litigieux, qui a la fonction exclusive de voie d'accès pour les piétons, le Tribunal administratif ayant constaté qu'il n'était pas utilisé pour l'amarrage d'embarcations. La configuration des lieux requiert une telle installation pour accéder au lac depuis la parcelle de l'intimé, compte tenu de l'existence d'une roselière qu'il faut traverser et de l'absence d'autres aménagements artificiels sur la rive (qui permettraient aux nageurs d'entrer directement dans l'eau et aux bateaux d'accoster). Certes, un propriétaire riverain n'a généralement pas un droit au maintien d'un accès direct au domaine public du lac, cette possibilité ne représentant juridiquement qu'un avantage de fait (cf. ATF 105 Ia 219 consid. 2 p. 220; PIERRE MOOR, Droit administratif, vol. III, Berne 1992 p. 316; PETER HÄNNI, Planungs-, Bau- und besonderes Umweltschutzrecht, 4e éd., Berne 2002, p. 181); il faut néanmoins considérer que cet accès, là où il ![]() ![]() | |
Admettre la construction d'un ponton en tant que construction ou installation conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) ne signifie pas que l'autorisation de l'autorité compétente, prescrite par l'art. 22 al. 1 LAT, est à l'instar d'un permis de construire ordinaire une autorisation de police à laquelle le propriétaire du fonds riverain aurait droit. L'application de ces normes de la loi sur l'aménagement du territoire ne modifie ni la nature ni la portée de l'autorisation prévue, en pareil cas, par le droit cantonal, qui est une permission précaire d'utiliser le domaine public naturel (cf. supra, consid. 2.3). Autrement dit, cette autorisation d'utilisation du domaine public inclut formellement l'autorisation prévue à l'art. 22 al. 1 LAT. Les autorités peuvent ainsi refuser d'autoriser un nouveau ponton pour tout motif d'intérêt public pertinent, notamment si elles estiment que le besoin de créer un nouvel accès sur le lac n'est pas établi. En outre, les autorisations à bien plaire pour les "petites constructions nautiques" sont révocables en cas de disparition du besoin objectif ou lorsque des intérêts prépondérants le justifient; les autorités cantonales conservent donc la possibilité de faire prévaloir, a posteriori en cas de changement de circonstances ou sur la base d'une nouvelle appréciation, les intérêts à la protection de la rive sur l'intérêt du propriétaire riverain à jouir d'un accès direct au lac.
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Dans le cadre du recours de droit administratif selon l'art. 34 al. 1 LAT, la contestation peut porter, selon cette disposition, d'une part ![]() ![]() | |
En l'occurrence, il est fait grief au Tribunal administratif d'avoir mal appliqué l'art. 24 LAT. L'Office fédéral soulève la question de principe de la justification d'une dérogation, dans le cadre strict des art. 24 ss LAT, pour une installation telle que le ponton litigieux. Ce grief est mal fondé, non pas parce que les conditions d'une dérogation seraient remplies, mais bien parce que l'octroi d'une telle dérogation, jugée nécessaire par le Tribunal administratif, n'entre en réalité pas en considération.
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Dans le cas particulier, l'intimé, propriétaire de la parcelle riveraine, ne dispose actuellement d'aucune autorisation pour agrandir le ponton litigieux, sa demande ayant été rejetée le 23 décembre 2003. Par l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a annulé ce refus d'autorisation prononcé par les deux départements cantonaux concernés ![]() ![]() ![]() |