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2. Les recourants considèrent que le Tribunal cantonal a r ...
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33. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Association suisse pour la protection des oiseaux (ASPO) et consorts contre Conseil d'Etat du canton de Fribourg (recours en matière de droit public)
 
 
1C_408/2008 du 16 juillet 2009
 
 
Regeste
 
Art. 14 und 33 RPG; Rechtsnatur einer "Verordnung" des Staatsrates des Kantons Freiburg.
 
 
Sachverhalt
 
BGE 135 II 328 (328)A. Depuis les années 1920, et jusqu'en 1962, des chalets de vacances ont été érigés par des privés sur la rive sud du lac de Neuchâtel, dans le domaine public de l'Etat de Fribourg, sur la base de concessions ou autres autorisations à bien plaire.BGE 135 II 328 (328)
BGE 135 II 328 (329)La rive sud du lac de Neuchâtel ("Grande Cariçaie") figure sur différents inventaires fédéraux, sur celui des paysages, sites et monuments naturels depuis 1983, sur celui des réserves d'oiseaux d'eau et de migrateurs d'importance internationale et nationale depuis 1991, sur celui des zones alluviales d'importance nationale depuis 1992, sur celui des bas-marais d'importance nationale depuis 1994 et sur celui des sites marécageux d'une beauté particulière et d'importance nationale depuis 1996.
B. Face au développement des chalets de vacances, le Conseil d'Etat du canton de Fribourg a adopté, le 1er juin 1982, le "plan directeur de la rive sud du lac de Neuchâtel et des rives du lac de Morat" (ci-après: le plan directeur de 1982), prévoyant la suppression progressive, au fur et à mesure de l'expiration de la durée des autorisations d'utilisation du terrain public, de toutes les résidences secondaires sises dans les zones protégées. Un arrêté du Conseil d'Etat du canton de Fribourg du 26 avril 1983 "instaurant des mesures concernant les maisons de vacances sur le domaine public et privé de l'Etat au bord du lac de Neuchâtel" et complétant ce plan directeur, prévoyait que les autorisations d'utiliser le domaine public à l'intérieur des périmètres des zones naturelles étaient incessibles et non renouvelables et qu'elles arriveraient à échéance le 31 décembre 1998. Ce délai a toutefois été repoussé au 31 décembre 2008 par arrêté du 24 juin 1997.
C. Le 6 mars 2002, la Direction des travaux publics de l'Etat de Fribourg (actuellement la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions) a adopté un "plan d'affectation cantonal des réserves naturelles sur la rive sud du lac de Neuchâtel". Ce plan d'affectation ne règle pas expressément le sort des chalets de vacances, mais réserve à ce sujet "la législation spéciale".
En date du 27 novembre 2007, le Conseil d'Etat a édicté une ordonnance abrogeant l'arrêté du 26 avril 1983 et instituant un "contrat nature" permettant la pérennisation des chalets. Moyennant la signature d'un "contrat nature" avec l'Etat de Fribourg, chaque actuel propriétaire de chalet pourra continuer à occuper les lieux sa vie durant, et après lui son conjoint ou partenaire enregistré et leurs descendants en ligne directe. Le 27 novembre 2007 également, le Conseil d'Etat a modifié le plan directeur de 1982, en ce que l'obligation de suppression progressive des chalets de vacances a été complétée par la mention "sous réserve de la conclusion de contrats nature selon l'ordonnance du 27 novembre 2007".BGE 135 II 328 (329)
BGE 135 II 328 (330)D. Le 24 janvier 2008, l'Association suisse pour la protection des oiseaux (ci-après: l'ASPO), Pro Natura, Pro Natura Fribourg, le WWF Suisse et le WWF Fribourg ont recouru auprès de la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal) contre l'ordonnance du Conseil d'Etat du 27 novembre 2007 "relative à l'établissement d'un contrat nature pour les chalets de vacances sur le domaine de l'Etat au bord du lac de Neuchâtel" et contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 27 novembre 2007 modifiant le "plan directeur de la rive sud du lac de Neuchâtel et des rives du lac de Morat", dans la mesure où ces deux actes portent sur les chalets de vacances sis sur le domaine de l'Etat de Fribourg, à l'intérieur des réserves naturelles dans les communes de Font, Forel et Delley-Portalban. Par arrêt du 12 août 2008, le Tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable. Il a considéré en substance que l'ordonnance et l'arrêté litigieux n'étaient pas des décisions susceptibles de recours mais des actes généraux et abstraits. Le droit fribourgeois ne connaissant pas le contrôle abstrait des normes, le recours devait être déclaré irrecevable.
E. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'ASPO, Pro Natura, Pro Natura Fribourg, le WWF Suisse et le WWF Fribourg (ci-après: les recourants ou l'ASPO et consorts) demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal et de retourner le dossier à celui-ci pour qu'il statue sur le fond du recours du 24 janvier 2008. Les recourants estiment que les deux actes litigieux ont un caractère décisionnel et que dès lors la compétence du Tribunal cantonal est donnée. (...)
Le Tribunal fédéral a admis le recours dans la mesure de sa recevabilité, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause au Tribunal cantonal.
(extrait)
 
Le Tribunal cantonal a, au contraire, qualifié l'ordonnance du 27 novembre 2007 d'acte normatif, au motif qu'elle ne portait pas sur unBGE 135 II 328 (330) BGE 135 II 328 (331)objet déterminé, mais sur le champ d'application, la conclusion et les effets juridiques des "contrats nature". Par conséquent, le recours devait être déclaré irrecevable, dès lors qu'à l'exception des règlements communaux, le Tribunal cantonal n'est pas habilité à procéder au contrôle abstrait des normes (Revue fribourgeoise de jurisprudence [RFJ] 1993 p. 329). Les juges cantonaux ont également considéré que l'arrêté du Conseil d'Etat du 27 novembre 2007 faisait partie du "plan directeur intercantonal du 1er juin 1982 de la rive sud du lac de Neuchâtel et des rives du lac de Morat", lequel constituait un plan directeur sectoriel qui selon la législation fribourgeoise n'était pas susceptible de recours (art. 76 al. 2 de la loi du 9 mai 1983 sur l'aménagement du territoire et les constructions [RSF 710.1]).
La contestation porte donc uniquement sur la qualification juridique de l'ordonnance et de l'arrêté du Conseil d'Etat du 27 novembre 2007.
Au contraire, ce qui caractérise les actes normatifs est le fait qu'ils sont généraux et abstraits. Un acte est général lorsqu'il s'applique à un nombre indéterminé de personnes. Il est abstrait lorsqu'il se rapporte à un nombre indéterminé de situations ou, en d'autres termes, lorsque le nombre de ses cas d'application peut varier durant la période de sa validité (AUER/HOTTELIER/MALINVERNI, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 2e éd. 2006, n° 1733 s.).
BGE 135 II 328 (331) BGE 135 II 328 (332)Il existe toutefois des actes qui se situent entre la norme et la décision, et dont la nature juridique précise doit être déterminée de cas en cas. Il en va ainsi du plan d'affectation (ATF 121 II 317 consid. 12c p. 346). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un plan d'affectation peut être assimilé matériellement à une décision lorsqu'il contient des mesures suffisamment détaillées pouvant préjuger d'une procédure d'autorisation subséquente (arrêts 1C_153/2007 du 6 décembre 2007 consid. 1.3; 1A.44/1991 du 19 novembre 1992 consid. 1a, non publié in ATF 118 Ib 485; cf. ATF 132 II 209 consid. 2.2.2 p. 214; ATF 129 I 337 consid. 1.1 p. 339; ATF 123 II 231 consid. 2 p. 234; ATF 121 II 72 consid. 1b p. 75 et les arrêts cités). Ainsi, un plan d'affectation spécial réglant la protection des marais et des sites marécageux d'une beauté particulière et d'importance nationale a été qualifié matériellement de décision, au sens de l'art. 5 PA, fondée sur le droit fédéral de la protection de la nature et du paysage (ATF 124 II 19 consid. 1a, in DEP 1998 p. 31; cf. ZBl 97/1996 p. 122 consid. 1a p. 124 et les références citées).
2.2 En l'occurrence, l'ordonnance du 27 novembre 2007 règle "la situation des chalets de vacances construits sur le domaine public ou privé de l'Etat au bord du lac de Neuchâtel" (art. 1). L'article 3 de ladite ordonnance prévoit que les autorisations, accordées à bien plaire, en vue de l'utilisation du domaine public et privé de l'Etat pour des chalets de vacances dans les périmètres des réserves naturelles du plan d'affectation cantonal prennent fin le 31 décembre 2008, à moins qu'un "contrat nature" soit conclu. L'article 6 définit le "contrat nature" comme étant un contrat de droit administratif entre l'Etat propriétaire du fonds et un propriétaire de chalet qui règle les droits et les obligations des propriétaires qui veulent maintenir leurs chalets de vacances au-delà du 31 décembre 2008 (al. 1 et 2). Les articles 6 à 10 de l'ordonnance du 27 novembre 2007 fixent l'objet du contrat, les principes, la durée et la résiliation, le contrôle et l'exécution des mesures. Il en ressort que la surface mise à disposition du propriétaire est louée, que l'utilisation des constructions et des surfaces extérieures est soumise à des restrictions, que les aménagements existants doivent être régularisés voire supprimés s'ils sont contraires aux buts de protection, que les travaux aux chalets se limitent aux travaux d'entretien, que les contrats conclus pour cinq ans sont renouvelables et que les bâtiments faisant l'objet du contrat peuvent être transmis aux descendants en ligne directe du bénéficiaire, son conjoint ou son partenaire enregistré.BGE 135 II 328 (332)
BGE 135 II 328 (333)L'ordonnance du 27 novembre 2007 règle donc les droits et les obligations des propriétaires de chalets de vacances sur le territoire des communes de Font, de Forel et de Delley-Portalban de façon concrète, impérative et contraignante, sans laisser de marge de manoeuvre aux intéressés soumis à l'obligation de conclure ledit contrat sous peine de devoir démolir leurs chalets. Par conséquent, les "contrats nature" subséquents ne devront plus que préciser les noms des propriétaires et la désignation du chalet de vacances, qui sont par ailleurs connus. De plus, les chalets ont été localisés et cadastrés: leur nombre est strictement limité aux constructions existantes, toute nouvelle édification étant expressément exclue. L'ordonnance ne s'applique dès lors pas à un nombre indéterminé de situations. Le cercle des propriétaires est également défini et connu de l'Etat.
Sur le vu des mesures suffisamment précises et détaillées qu'elle contient, l'ordonnance litigieuse doit être assimilée matériellement à un plan d'affectation. En effet, comme un plan d'affectation, elle règle l'utilisation du sol (art. 14 al. 1 LAT [RS 700]) en déterminant de façon contraignante pour chaque parcelle, le mode, le lieu et la mesure de l'utilisation admissible du sol (cf. ATF 123 II 91 consid. 1a/aa p. 91; WALDMANN/HÄNNI, Raumplanungsgesetz, 2006, n° 3 ad art. 14 LAT; PIERRE MOOR, in Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1999, n° 1 ad art. 14 LAT et les références citées). S'ajoute à cela le fait que le règlement du 6 mars 2002 accompagnant le plan d'affectation cantonal des réserves naturelles sur la rive sud du lac de Neuchâtel prévoit à son article 12 que "la situation des résidences secondaires existantes est réglée par la législation spéciale". L'ordonnance du 27 novembre 2007 peut ainsi être comprise comme étant la "législation réservée" par ledit article. Partant, elle est soumise aux exigences prévues par l'art. 33 LAT en matière de protection juridique. Cet article ordonne en effet aux cantons de prévoir au moins une voie de recours contre les décisions et les plans d'affectation fondés sur la LAT et sur les dispositions cantonales et fédérales d'exécution, auprès d'une autorité ayant un libre pouvoir d'examen.
BGE 135 II 328 (334)2.4 En définitive, le jugement attaqué viole le droit fédéral en tant qu'il déclare le recours d'ASPO et consorts irrecevable, au motif que les objets du recours cantonal sont des actes généraux et abstraits. Il doit par conséquent être annulé. Il convient de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour qu'il statue sur les autres conditions de recevabilité et sur les arguments de fond développés contre l'ordonnance et l'arrêté du Conseil d'Etat du 27 novembre 2007.BGE 135 II 328 (334)