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Regeste
Sachverhalt
Extrait des considérants:
Erwägung 3
Erwägung 4
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24. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause A. contre B. et C. SA (recours en matière civile)
 
 
4A_120/2015 du 19 février 2016
 
 
Regeste
 
Art. 27 Abs. 2 lit. a und 29 Abs. 1 lit. c IPRG; Anerkennung einer ausländischen Entscheidung.
 
Anwendung auf ein in den USA ergangenes Abwesenheitsurteil (E. 4).
 
 
Sachverhalt
 
BGE 142 III 180 (181)A.
A.a En 1995, A. a signé un billet à ordre de 400'000 USD en faveur de la société X. SA (ci-après: la société), à laquelle a succédé C. SA, en garantie d'une dette de ce montant à l'égard de B. En 1998, il a signé un second billet à ordre d'un montant de 100'000 USD toujours en faveur de la société. (...)
A.b Les billets à ordre n'ayant pas été honorés, la société a ouvert action en janvier 2011 par "Complaint for compensatory damages" contre A., alors domicilié aux Etats-Unis d'Amérique, devant le Tribunal du district de Columbia ("United States District Court for the District of Columbia") pour le recouvrement de la somme de 520'227,23 USD, plus intérêts.
Le juge de district de Columbia a considéré, par jugement du 7 juin 2004, que les billets à ordre concernaient les dettes de A. à l'égard de la société et que ces dettes d'environ 25'000 USD avaient été remboursées; ce jugement a été confirmé par la Cour d'appel des Etats-Unis pour le district de Columbia selon arrêt du 18 août 2006.BGE 142 III 180 (181)
BGE 142 III 180 (182)B.
B.a Dans l'intervalle, en mai 2002, A. a déposé devant le Tribunal des faillites du district de Columbia ("Bankruptcy Court of the District of Columbia"; ci-après: le juge des faillites) une demande de faillite personnelle. (...)
Le 19 novembre 2006, le juge des faillites a ordonné à la société de retirer la saisie immobilière conservatoire, qu'elle avait requise en relation avec la propriété de A. à Bruxelles, et toutes les procédures intentées en Italie ou ailleurs en relation avec le transfert en 2000 à ses filles de ses droits sur une ferme en Italie. (...)
B.b A. invoque qu'étant donné que B. et la société ne se sont pas exécutés, il a déposé une demande de sanctions (Motion for sanctions) le 18 août 2008 devant le juge des faillites, notifiée aux défendeurs (i.e. B. et la société) le 10 octobre 2008 conformément à la Convention de la Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (RS 0.274.131), et que cette demande de sanctions serait l'acte introductif d'instance. Il ne produit toutefois ni cette demande, ni les pièces attestant de sa notification.
B.c Le 9 janvier 2009, A. (demandeur) a adressé au juge des faillites une requête de fixation d'une audience ("Motion to set hearing on ex parte proof of damages"), demandant au juge de prononcer le défaut contre les défendeurs et de fixer une audience ayant pour objet la preuve du dommage; y étaient joints un projet d'ordonnance de défaut et de fixation d'audience ("Order entering default and setting hearing on ex parte proof of damages") et une notice ("Notice of motion to set hearing on ex parte proof of damages"), informant les défendeurs qu'ils disposaient d'un délai de 11 jours après notification pour déposer une objection écrite en fait et en droit contre la demande de sanctions formée par A., à défaut de quoi il pourrait être statué sur la demande de sanctions sans audience (...).
Ces documents ont été envoyés aux défendeurs par l'avocat de A., au moyen d'un pli postal ("first class mail, postage prepaid") du 9 janvier 2009.
B.d Le 22 janvier 2009, le juge des faillites a signé l'ordonnance de défaut et de fixation d'audience rédigée par le demandeur, constaté le défaut des défendeurs (faute pour eux d'avoir répondu à la demande de sanctions du 18 août 2008, notifiée le 10 octobre 2008) et fixé l'audience pour fixation du dommage au 18 février 2009 (...).BGE 142 III 180 (182)
BGE 142 III 180 (183)Cet acte a été valablement notifié à B. le 30 janvier 2009, mais il n'a pas pu l'être à la société, son avocat ayant fait savoir qu'il ne la représentait plus.
B.e Lors de l'audience du 18 février 2009, seul le conseil du demandeur a comparu; ni le demandeur, ni les défendeurs ne se sont présentés.
B.f Par jugement signé du 9 mars 2009, le juge des faillites a condamné B. et la société, conjointement et solidairement, à payer à A. la somme de 1'417'454,43 USD à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'à payer une astreinte en faveur de l'Etat américain de 2'000 USD par jour. Cet acte a été valablement notifié aux défendeurs les 21 avril et 7 mai 2009.
C. Le 16 novembre 2012, A. a adressé au Président du Tribunal d'arrondissement de Lausanne une requête tendant à ce que ce jugement étasunien du 9 mars 2009 soit déclaré exécutoire en Suisse (ci-après: la requête d'exequatur).
Le président du tribunal civil, par jugement du 14 août 2014, a rejeté la requête d'exequatur (...).
Statuant par arrêt du 4 novembre 2014, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours de A. et a confirmé le jugement attaqué. (...)
D. Contre cet arrêt, A. exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens que sa requête d'exequatur soit admise et que le jugement étasunien du 9 mars 2009 condamnant conjointement et solidairement les défendeurs à lui payer le montant de 1'417'454,43 USD soit reconnu définitif et exécutoire en Suisse. (...)
(extrait)
 
 
Erwägung 3
 
De façon générale, la réserve de l'ordre public doit permettre au juge de ne pas apporter la protection de la justice suisse à des situations qui heurtent de manière choquante les principes les plus essentiels de l'ordre juridique, tel qu'il est conçu en Suisse (ATF 126 III 534 consid. 2c; ATF 125 III 443 consid. 3d). En tant que clause d'exception, la réserve de l'ordre public doit être interprétée de manière restrictive, spécialement en matière de reconnaissance et d'exécution des jugements étrangers, où sa portée est plus étroite que pour l'application directe du droit étranger (effet atténué de l'ordre public); la reconnaissance de la décision étrangère constitue la règle, dont il ne faut pas s'écarter sans de bonnes raisons (ATF 126 III 101 consid. 3b p. 107, ATF 126 III 327 consid. 2b et les arrêts cités). Un jugement étranger peut être incompatible avec l'ordre public suisse non seulement à cause de son contenu, mais également en raison de la procédure dont il est issu (ATF 126 III 327 consid. 2b; ATF 116 II 625 consid. 4a et les arrêts cités).
3.3.1 La condition que le défendeur ait été "cité régulièrement" ("gehörig geladen") vise la notification de l'acte introductif d'instanceBGE 142 III 180 (184) BGE 142 III 180 (185)(verfahrenseinleitendes Schriftstück), par lequel le défendeur est informé de la procédure ouverte contre lui et de la possibilité de faire valoir ses moyens de défense, comme le précise expressément l'art. 29 al. 1 let. c LDIP (arrêts 5A_633/2007 du 14 avril 2008 consid. 3.3; 5A_544/2007 du 4 février 2008 consid. 3; 5A_427/2011 du 10 octobre 2011 consid. 6; cf. ALEXANDER R. MARKUS, Internationales Zivilprozessrecht, 2014, n. 1389 p. 369; JOLANTA KREN KOSTKIEWICZ, Grundriss des schweizerischen internationalen Privatrechts, 2012, n. 154; ANDREAS BUCHER, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n° 24 ad art. 27 LDIP; BERNARD DUTOIT, Droit international privé suisse, 4e éd. 2005, n° 8 ad art. 27 LDIP; PAUL VOLKEN, in Zürcher Kommentar zum IPRG, 2e éd. 2004, nos 76 et 77 ad art. 27 LDIP). Le défendeur est invité à procéder devant le tribunal par une première manifestation en tant que partie, que ce soit sous la forme du dépôt d'un mémoire (de réponse), d'une comparution lors d'une audience, d'une élection de domicile ou d'une autre manière lui permettant de prendre part à la suite du procès (BUCHER, loc. cit.; VOLKEN, op. cit., n° 77 ad art. 27 LDIP).
La garantie d'une "citation régulière" a pour but d'assurer à chaque partie le droit de ne pas être condamnée sans avoir été mise en mesure de défendre ses intérêts; elle concrétise le droit d'être entendu (ATF 117 Ib 347 consid. 2b/bb et les arrêts cités). La notification doit être effectuée régulièrement selon le droit de procédure applicable. L'art. 27 al. 2 let. a LDIP entend ainsi refuser la reconnaissance à un jugement étranger rendu dans une procédure menée de manière incorrecte à l'égard du défendeur (ATF 122 III 439 consid. 4b). En revanche, si le défendeur a été régulièrement informé par l'acte introductif d'instance, le jugement étranger peut être reconnu, même si le défendeur n'a pas participé à la procédure et qu'un jugement par défaut a été rendu (MARKUS, op. cit., n. 1390 p. 369).
La notion de notification de l'acte introductif d'instance au sens de l'art. 34 par. 2 de la Convention du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (RS 0.275.12; ci-après: Convention de Lugano ou CL), norme entrée en vigueur le 1er janvier 2011, est différente de l'art. 27 ch. 2 aCL (norme en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010), comme elle est différente de l'art. 27 al. 2 let. a LDIP: en effet, selon l'art. 34 par. 2 CL, il suffit que le destinataire ait été mis en mesure d'exercer ses droits par une communication offrantBGE 142 III 180 (185) BGE 142 III 180 (186)des garanties au moins comparables à celles d'une notification régulière, selon le droit de procédure déterminant (arrêt 5A_230/2012 du 23 octobre 2012 consid. 4.1). Le fait que l'art. 34 par. 2 CL n'exige plus, dans le champ d'application de la Convention de Lugano, une notification entièrement conforme aux règles du droit de procédure applicable ne saurait justifier que l'on s'écarte du texte clair de l'art. 27 al. 2 let. a LDIP applicable en dehors de ce champ. Au regard de cette disposition, il ne suffit donc pas que le destinataire ait eu de quelque manière connaissance de l'acte introductif d'instance.
La LDIP ne dit rien au sujet de la notification des actes ultérieurs de la procédure.
3.4 Si l'art. 27 al. 2 let. a LDIP institue une exception, que le défendeur à la procédure de reconnaissance et d'exécution doit soulever et prouver (ATF 116 II 625 consid. 4b; VOLKEN, op. cit., n° 61 adBGE 142 III 180 (186) BGE 142 III 180 (187)art. 29 LDIP), l'art. 29 al. 1 let. c LDIP renforce, en cas de jugement par défaut, les exigences de preuve et renverse le fardeau de la preuve. Dans ce cas, le demandeur à la reconnaissance supporte le fardeau de la preuve: il doit prouver que l'acte introductif d'instance a été notifié régulièrement et en temps utile au défendeur défaillant; en outre, il doit apporter cette preuve par titres. Pour ce faire, il lui incombe de produire un exemplaire de l'acte introductif d'instance, ainsi que l'attestation de notification de l'autorité compétente du domicile du défendeur défaillant (VOLKEN, op. cit., nos 62 et 63 ad art. 29 LDIP; DÄPPEN/MABILLARD, op. cit., n° 16 ad art. 29 LDIP; DUTOIT, op. cit., n° 4 in fine ad art. 29 LDIP; cf. Message du 10 novembre 1982 concernant une loi fédérale sur le droit international privé, FF 1983 I 255, spéc. 319 et 320). En l'absence de ces titres, la preuve n'est pas rapportée et la reconnaissance doit être refusée (DÄPPEN/MABILLARD, op. cit., n° 16 ad art. 29 LDIP).
 
Erwägung 4
 
A suivre le recourant, il s'agit de la demande de sanctions (Motion for sanctions) du 18 août 2008, notifiée le 10 octobre 2008.
Selon la société intimée, il s'agit, comme pour la cour cantonale, de la requête de fixation d'une audience (Motion to set hearing onBGE 142 III 180 (187) BGE 142 III 180 (188)ex parte proof of damages) du 9 janvier 2009; elle considère que les critiques du recourant tendant à faire admettre qu'il s'agirait de la demande de sanctions (Motion for sanctions) sont appellatoires, formulées pour la première fois devant le Tribunal fédéral, et que la demande de sanctions et l'attestation prouvant sa notification n'ont pas été produites; selon elle, cette requête de fixation d'une audience (Motion to set hearing on ex parte proof of damages) et l'ordonnance de défaut et de fixation d'audience (Order entering default and setting hearing on ex parte proof of damages) qui l'accompagne se rapportent à une procédure spécifique, qui a pour objet de fixer le montant du dommage; la notice qui y est jointe précise qu'un délai de 11 jours est imparti pour proposer des objections; la requête de fixation d'une audience vaut donc acte introductif d'instance et n'est pas valable puisqu'elle a été transmise par pli postal.
Quant à l'intimé, il soutient que le demandeur aurait pu et dû produire la demande de sanctions (Motion for sanctions) et que, faute de l'avoir fait, l'état de fait ne peut être complété; le fait que cette demande soit mentionnée dans le jugement n'a pas été allégué et ne suffit pas; la mention de cette demande dans la pièce 126 (Motion to set hearing on ex parte proof of damages) et dans la pièce 3 (jugement) est donc dépourvue de pertinence; le juge américain a fait siennes les allégations du demandeur sans en vérifier l'exactitude. Il soutient que le demandeur n'a pas contesté l'interprétation faite par lui et admise par les juges cantonaux au sujet de la requête de fixation d'une audience (Motion to set hearing on ex parte proof of damages) du 9 janvier, notifiée par voie postale.
Contrairement à ce que croient la cour cantonale et les intimés, la "citation régulière à la première audience" au sens de l'art. 27 al. 2 let. a LDIP n'est pas la citation à l'audience du 18 février 2009, maisBGE 142 III 180 (188) BGE 142 III 180 (189)c'est l'acte introductif d'instance lui-même, soit le premier acte par lequel les défendeurs ont été informés de l'existence d'une procédure ouverte contre eux et de la possibilité qui leur était accordée de faire valoir leurs moyens de défense.
En outre, comme le recourant le relève, il y a également appréciation arbitraire des pièces produites sur deux autres points. Tout d'abord, il est évident que, le 9 janvier 2009, le juge des faillites n'a pas rendu et adressé aux défendeurs une "Notice of Motion to set hearing on ex parte proof of damages", puisqu'il résulte clairement de la pièce cotée 126 produite par l'intimé le 4 avril 2013 devant le premier juge qu'il s'agit d'un acte rédigé par l'avocat du demandeur, non signé par le juge américain, auquel sont joints deux actes également rédigés par cet avocat, soit la requête de fixation d'une audience (Motion to set hearing on ex parte proof of damages) et un projet d'ordonnance de défaut et de fixation d'une audience (Order entering default and setting hearing on ex parte proof of damages); ce projet sera d'ailleurs signé par le juge pour valoir ordonnance le 22 janvier 2009. Contrairement à ce qu'a retenu la cour cantonale, la requête de fixation d'une audience (Motion to set hearing on ex parte proof of damages) du 9 janvier 2009 ne saurait donc être l'acte introductif d'instance.
Ensuite, il est évident, au vu des pièces 126 et 127 produites par l'intimé le 4 avril 2013, que la citation à comparaître à l'audience duBGE 142 III 180 (189) BGE 142 III 180 (190)18 février 2009 n'a pas été notifiée par voie postale le 9 janvier 2009, mais bien par la notification de l'ordonnance (Order entering default and setting hearing on ex parte proof of damages) signée par le juge le 22 janvier 2009, notification qui a atteint le défendeur le 30 janvier 2009, mais non la société défenderesse, l'avocat de celle-ci ayant refusé la notification.
C'est enfin en violation du droit que la cour cantonale, retenant que les pièces ne lui permettent pas de dire si et comment la demande de sanctions (Motion for sanctions) a été notifiée, se rabat sur un acte ultérieur de la procédure comme acte introductif d'instance.
En dépit des affirmations contraires du recourant, il n'est pas possible non plus, au regard des dispositions de la LDIP, de considérer qu'il suffit que les défendeurs aient eu de quelque manièreBGE 142 III 180 (190) BGE 142 III 180 (191)connaissance de l'instance introduite contre eux et de la possibilité de se présenter à l'audience contradictoire ultérieure. Comme on l'a vu, contrairement à l'art. 34 par. 2 CL, la LDIP exige la notification régulière selon les règles applicables au domicile du destinataire et on ne saurait s'écarter de ces exigences. Quant à l'ATF 122 III 439, qui a retenu qu'il n'est pas arbitraire de reconnaître un jugement étranger malgré l'absence de preuve de la notification lorsque le défendeur a eu connaissance autrement de l'instance introduite contre lui et qu'il aurait en outre pu se présenter à une audience contradictoire ultérieure, il a été rendu sur recours de droit public; or, dans un tel recours, le Tribunal fédéral ne recherche pas quelle est l'interprétation correcte que la cour cantonale aurait dû donner à la disposition légale litigieuse, mais il se borne à dire si l'interprétation qui en a été faite est défendable (ATF 113 Ia 17 consid. 3a). Partant, cet arrêt est sans pertinence dans le cadre du présent recours en matière civile, le Tribunal fédéral disposant dans celui-ci d'une pleine cognition en droit. Le grief de formalisme excessif invoqué par le recourant est également infondé.
Il s'ensuit que la demande de reconnaissance et d'exécution du jugement américain du 9 mars 2009 devait être rejetée. Il n'est donc pas nécessaire de se prononcer sur l'absence d'allégués dans la demande au sujet de l'acte introductif d'instance et sa notification.
En définitive, le recours en matière civile doit être rejeté, par substitution des motifs qui précèdent. (...)BGE 142 III 180 (191)