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Regeste
Sachverhalt
Extrait des considérants:
5. Est litigieuse la question de savoir si, lorsque l'assureur de ...
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30. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause A. contre B. SA (recours en matière civile)
 
 
4A_22/2022 du 21 février 2023
 
 
Regeste
 
Art. 46 Abs. 1 VVG; Art. 127 OR; Rechtsschutzversicherung; Verjährung des Haftungsanspruchs für die Beratung durch den Versicherer.
 
 
Sachverhalt
 
BGE 149 III 242 (243)A. A. (ci-après: l'assuré, le demandeur ou le recourant) a contracté auprès de B. SA (ci-après: l'entreprise d'assurance, l'assureur, la défenderesse ou l'intimée) une assurance de protection juridique.
Suite à la réception d'un préavis du 5 juin 2015 de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Berne (ci-après: l'Office AI) prévoyant de lui octroyer trois quarts de rente invalidité, il a fait appel à son assureur pour l'assister dans ses démarches auprès dudit office.
Représenté par l'entreprise d'assurance, l'assuré a émis des objections à l'encontre dudit préavis le 21 juillet 2015. L'Office AI a alors rendu un nouveau préavis remplaçant et annulant le précédent et indiquant qu'il n'existait finalement aucun droit à une rente invalidité. Toujours représenté par l'entreprise d'assurance, l'assuré a formulé des objections à l'encontre de ce préavis.
Par décision du 14 décembre 2015, l'Office AI a refusé d'octroyer une rente invalidité à l'assuré. Il a indiqué avoir procédé à des investigations supplémentaires suite aux objections formulées et être arrivé à la conclusion que les conditions d'octroi d'une rente invalidité n'étaient pas remplies.
Par jugement du 21 juin 2016, le Tribunal administratif du canton de Berne a rejeté le recours formé par l'assuré, représenté par l'entreprise d'assurance, à l'encontre de cette décision.
B. Après que la tentative de conciliation a échoué (...), l'assuré a déposé sa demande auprès du Tribunal régional Jura bernois-Seeland le 26 juin 2020, concluant à ce que l'entreprise d'assurance fût condamnée à lui payer la somme de 30'000 fr., intérêts en sus. En substance, l'assuré reproche à l'entreprise d'assurance d'avoir manqué de diligence dans les conseils prodigués et estime qu'elle aurait dû le rendre attentif aux risques que comportait la formulation d'objections suite au premier préavis.
Après avoir limité la procédure à la question de la prescription, le tribunal a rejeté la demande par décision du 29 mars 2021. Il a considéré que (...) la prétention éventuelle de l'assuré était (...) prescrite en vertu de l'art. 46 al. 1 de la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1).
Par décision du 3 décembre 2021 rendue en français, la 2e Chambre civile de la Cour suprême du canton de Berne a rejeté l'appel formé par l'assuré.BGE 149 III 242 (243)
BGE 149 III 242 (244)C. Contre cette décision, qui lui avait été notifiée le 7 décembre 2021, l'assuré a formé un recours en matière civile en allemand auprès du Tribunal fédéral le 19 janvier 2022. (...)
Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé et réformé l'arrêt attaqué, en ce sens que l'exception de prescription soulevée par la défenderesse est rejetée.
(extrait)
 
Pour résoudre cette question, il y a lieu de procéder à l'interprétation de l'art. 46 al. 1 LCA, l'art. 127 CO n'entrant en considération que si l'art. 46 al. 1 LCA n'est pas applicable (art. 100 al. 1 LCA).
5.2 Selon l'art. 46 al. 1, 1re phrase, LCA, entré en vigueur le 1er janvier 2022, les créances qui découlent du contrat d'assurance se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait duquel naît l'obligation ("Die Forderungen aus dem Versicherungsvertrag verjähren [...] fünf Jahre nach Eintritt der Tatsache, welche dieBGE 149 III 242 (244) BGE 149 III 242 (245)Leistungspflicht begründet"; "[...] i crediti derivanti dal contratto di assicurazione si prescrivono in cinque anni dal fatto su cui è fondatol'obbligo di fornire la prestazione"). A part la durée du délai de prescription, qui a été portée de deux ans à cinq ans, la réserve de l'al. 3 et des modifications rédactionnelles, la nouvelle teneur n'a rien changé à la disposition précédemment en vigueur dans leurs versions en français et en allemand et applicable en l'espèce. Outre la réserve de l'al. 3 et la prolongation du délai de prescription, la version en italien a, quant à elle, précisé que ledit délai commence à courir non plus "dal fatto su cui è fondata l'obbligazione", mais "dal fatto su cui è fondato l'obbligo di fornire la prestazione".
Pour répondre à la question litigieuse, il faut tenir compte non seulement des termes "créances qui découlent du contrat d'assurance", mais également de la précision apportée s'agissant du point de départ de la prescription de ces créances, à savoir les termes "fait duquel naît l'obligation", "Tatsache, welche die Leistungspflicht begründet" et "fatto su cui è fondato l'obbligo di fornire la prestazione".
Selon la jurisprudence, dans cette assurance, le "fait" duquel naît l'obligation de l'assureur correspond à la réalisation du risque, à savoir l'apparition du besoin d'assistance juridique (ATF 126 III 278 consid. 7a; ATF 119 II 468 consid. 2c; arrêt 4A_609/2010 du 7 février 2011 consid. 1.2.1). Le point de départ (dies a quo) du délai de prescription de l'art. 46 al. 1 LCA court donc dès ce moment-là, et non dès le début du litige avec celui qui est appelé à devenir la partie adverse au procès, ni dès la fin du procès, par jugementBGE 149 III 242 (245) BGE 149 III 242 (246)définitif ou transaction (ATF 119 II 468 consid. 2c; arrêt 4A_609/2010 précité consid. 1.2.1). Ainsi, notamment, dès la survenance du besoin d'assistance, l'assuré peut prétendre à une garantie de couverture; si l'assureur accorde sa garantie pour une partie du litige, cela équivaut au paiement d'un acompte (art. 135 ch. 1 CO), qui interrompt la prescription pour l'entier de la créance de l'assuré; si l'assureur refuse de garantir les frais de défense de son assuré, celui-ci peut ouvrir, aux fins de l'y contraindre, une action, qui est interruptive de la prescription. Une fois le litige clos, le paiement ne constitue que l'exécution d'un engagement préexistant (ATF 119 II 468 consid. 2c).
Les "créances [de l'assuré] qui découlent du contrat d'assurance" sont donc seulement celles dont l'assureur assume l'obligation en raison (née du fait) de la survenance du risque couvert, qui est le besoin d'assistance juridique, soit concrètement l'obligation de couvrir les frais d'un litige et/ou l'obligation de fournir des conseils. Il s'ensuit que la créance en dommages-intérêts, fondée sur la responsabilité contractuelle, qui est subséquente à la prestation d'assurance - les conseils fournis - et découle de la violation du devoir de diligence de l'assureur de protection juridique qui a fourni ces conseils, n'est pas visée par la lettre de l'art. 46 al. 1 LCA.
Selon le Message du Conseil fédéral, la brièveté du délai (de deux ans) correspond avant tout à un besoin pressant de la pratique des affaires; il faut qu'après un laps de temps assez court, l'assureur puisse être au clair sur sa situation pécuniaire (Message du 2 février 1904 sur le projet d'une loi fédérale concernant le contrat d'assurance, FF 1904 I 292 ad art. 43).
La révision de la LCA du 19 juin 2020 n'apporte pas d'élément nouveau. Certes, le Conseil fédéral a considéré que la proposition d'un allongement du délai de prescription à dix ans paraissait problématique du point de vue de la sécurité du droit, car des besoins spécifiques à l'assurance en matière de surveillance de la situation financière de l'entreprise d'assurance ne seraient pas suffisamment pris en considération, raison pour laquelle il a proposé une prolongation du délai de prescription à cinq ans, les parties pouvant prévoir contractuellement un délai plus long (Message du 28 juin 2017 concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d'assurance,BGE 149 III 242 (246) BGE 149 III 242 (247)FF 2017 4781 ch. 1.6.3; cf. VINCENT BRULHART, Droit des assurances privées, 2e éd. 2017, p. 543 s. n. 1124; DIDIER ELSIG, in Commentaire romand, Loi sur le contrat d'assurance, 2022, n° 1 ad art. 46 LCA).
Ainsi, KRAUSKOPF/MÄRKI considèrent que, puisque les conditions de la prétention en dommages-intérêts trouvent leur fondement dans le Code des obligations (art. 398 et 97 CO), il y a lieu de donner la préférence à l'art. 127 CO. En outre, l'art. 46 al. 1 LCA n'est pas adapté aux prétentions contractuelles en dommages-intérêts puisqu'il ne tient pas compte de moments subjectifs, tel que celui de la connaissance du dommage, de sorte que ces prétentions pourraient se prescrire avant même que l'assuré lésé ne connaisse ou puisse connaître son dommage. Par ailleurs, le but de tenir compte des besoins des entreprises d'assurance visé par l'art. 46 al. 1 LCA ne vaut pas pour les prétentions en dommages-intérêts qui découlent de la violation du contrat d'assurance et qui doivent se prescrire, comme pour les prétentions contre un avocat, selon l'art. 127 CO (KRAUSKOPF/MÄRKI, Juristische Dienstleistungen des Rechtsschutzversicherers, in Rechtsschutzversicherung und Anwalt, 2017, p. 179 s.).
ANDREA EISNER-KIEFER, qui cite ces premiers auteurs, estime que l'appréciation de la violation du devoir de diligence s'apprécie selon les règles du mandat, de sorte qu'il paraît plus adapté d'appliquer l'art. 127 CO, et qu'il n'y a pas de motif fondé de prévoir que le délai de prescription serait plus court pour l'assureur que pour tous les autres débiteurs (ANDREA EISNER-KIEFER, Verjährung in der Privatversicherung, in Die Verjährung, 2018, p. 108 s.).
Au contraire, d'autres auteurs soutiennent que l'art. 46 al. 1 LCA est applicable. Dès lors qu'ils ne prennent en considération que les termes "créances qui découlent du contrat d'assurance" et font abstraction de la fin de l'alinéa et/ou ne discutent pas spécialement desBGE 149 III 242 (247) BGE 149 III 242 (248)créances en dommages-intérêts pour les conseils en matière d'assurance de protection juridique, leur position ne convainc pas.
Il en va ainsi de CHRISTOPH K. GRABER, qui considère que la prétention en dommages-intérêts pour violation du devoir de diligence constitue bien une prétention contractuelle découlant du rapport d'assurance (CHRISTOPH K. GRABER, in Basler Kommentar, Versicherungsvertragsgesetz, 2e éd. 2022, n° 9 ad art. 46 LCA), de PASCAL PICHONNAZ, qui affirme que l'art. 46 al. 1 LCA est applicable (PASCAL PICHONNAZ, in Commentaire romand, Code des obligations, 3e éd. 2021, n° 28 ad art. 127 CO p. 1116), de DIDIER ELSIG, qui mentionne uniquement les "prétentions en dommages-intérêts découlant du contrat d'assurance" (ELSIG, op. cit., n° 12 ad art. 46 LCA), et de KELLER/ROELLI, qui se contentent de mentionner les prétentions contractuelles en dommages-intérêts dans une liste de prétentions qui sont, selon eux, soumises à l'art. 46 al. 1 LCA (KELLER/ROELLI, Kommentar zum Schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, vol. I, 2e éd. 1968, p. 665).
Point n'est dès lors besoin d'examiner les autres griefs du recourant.BGE 149 III 242 (248)