50. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. SA en liquidation contre B. (recours en matière civile) | |
5A_190/2023 du 3 août 2023 | |
Regeste | |
Art. 166 Abs. 2 SchKG; Art. 239 Abs. 1 i.V.m. Art. 219 ZPO; Verwirkung des Rechts zur Stellung des Konkursbegehrens; Stillstand der Verwirkungsfrist.
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Sachverhalt | |
Par prononcé du 23 février 2021, le Juge de paix des districts du Jura-Nord vaudois et du Gros-de-Vaud a levé provisoirement l'opposition dans la poursuite susmentionnée. Cette décision a tout d'abord été communiquée aux parties sous forme d'un dispositif non motivé. Le prononcé motivé a été adressé aux parties le 16 avril 2021. Une copie de cette décision comporte un timbre humide du 26 mai 2021 indiquant qu'aucun recours n'a été formé à son encontre.
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Les 3 et 30 juin 2021, le Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois et la Chambre patrimoniale cantonale ont attesté qu'aucune action en libération de dette n'avait été introduite devant eux à la suite du prononcé précité.
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B. Le poursuivant ayant requis la continuation de la poursuite, la poursuivie s'est vue notifier une commination de faillite le 14 juillet 2022. Par acte du 2 août 2022, le poursuivant a requis la faillite de la poursuivie.
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Statuant le 6 septembre 2022, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a prononcé la faillite de A. SA, avec effet dès ce jour à 11 heures 45 (I), ordonné la liquidation sommaire de la faillite (II) et mis les frais judiciaires, par 200 fr., à la charge de la faillie (III). ![]() | |
Le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A. SA, annulé l'arrêt du 30 décembre 2022 et renvoyé la cause à la juridiction précédente pour instruction et nouvelle décision.
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(résumé)
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5. A l'expiration du délai de vingt jours de la notification de la commination, le créancier peut requérir du juge la déclaration de faillite. Il joint à sa demande le commandement de payer et l'acte de commination (art. 166 al. 1 LP). Conformément à l'art. 166 al. 2 LP, le droit de requérir la faillite se périme par quinze mois à compter de la notification du commandement de payer. Si opposition a été ![]() ![]() | |
Le délai est suspendu pendant la durée du procès en reconnaissance de dette (art. 79 et 279 LP; ATF 136 III 152 consid. 4.1), y compris entre la délivrance de l'autorisation de procéder (art. 209 al. 1 CPC) et le dépôt à temps de la demande (art. 209 al. 3 CPC; arrêt 5A_881/ 2017 du 23 janvier 2018 consid. 2.2). Il est aussi suspendu pendant la durée de la procédure de mainlevée - provisoire ou définitive - de l'opposition (art. 80-83 LP), du procès en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) et de la procédure en constatation du retour ou du non-retour à meilleure fortune (art. 265a LP). Le but du délai péremptoire de l'art. 166 al. 2 LP est de prévenir un allongement démesuré de la durée de la poursuite par la déchéance dont elle frappe le poursuivant qui s'est désintéressé de la procédure d'exécution forcée. La péremption constitue la sanction de l'inaction du poursuivant, raison pour laquelle le délai est suspendu aussi longtemps que dure l'instance qui vise à la levée de l'opposition et ne recommence à courir au préjudice du créancier que si, après avoir obtenu une décision exécutoire, l'intéressé n'en fait pas usage pour requérir la continuation de la poursuite. Or, il ne peut faire notifier une commination de faillite (art. 159 ss LP) qu'en justifiant par titre de la suppression de l'opposition; le délai reste ainsi suspendu tant qu'il ne peut pas obtenir une déclaration authentique établissant le caractère définitif et exécutoire du jugement qui prononce la mainlevée de l'opposition (ATF 136 III 152 consid. 4.1; ATF 106 III 51 consid. 3; arrêt 5P.259/2006 du 12 décembre 2006 consid. 3.2). Le délai de l'art. 166 al. 2 LP est aussi suspendu lorsqu'une plainte contre la commination de faillite a été déposée et que l'effet suspensif a été octroyé avant le dépôt de la réquisition de faillite; dans un tel cas, le créancier est en effet empêché de requérir la faillite, faute de commination entrée en force à joindre à sa requête (ATF 136 III 152 consid. 4.1 et 4.2).
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Il appartient au juge, et non aux autorités de surveillance, de déterminer si la réquisition de faillite a été déposée en temps utile (ATF 136 III 152 consid. 4.1; ATF 113 III 120 consid. 2 et les références); il doit d'ailleurs le faire d'office (ATF 106 III 51 consid. 2).
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6.3.1 Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de se pencher sur cette question dans un arrêt 5P.259/2006 du 12 décembre 2006. Celui-ci a été rendu sous l'empire de la loi de procédure civile du 10 avril 1987 (abrogée le 1er janvier 2011) (LPC/GE), qui prévoyait, comme le fait désormais le CPC, que le recours contre les décisions de mainlevée est dépourvu d'effet suspensif automatique. Au consid. 4.2 de cet arrêt, le Tribunal fédéral a retenu que la décision de mainlevée était exécutoire dès sa communication - non pas seulement le ![]() ![]() | |
Selon BERGAMIN (op. cit., en particulier p. 153 n. 17), en présence d'une décision de mainlevée provisoire, la continuation de la poursuite ne peut être demandée qu'à l'échéance du délai de 20 jours pour ouvrir action en libération de dette, à savoir au moment où la mainlevée provisoire deviendrait définitive. Cet auteur cite en référence sur ce point STÉPHANE ABBET, La mainlevée de l'opposition, 2017, nos 4 et 12 ad art. 83 LP. Celui-ci ne paraît cependant pas véritablement se prononcer sur cette question. Dans les passages cités, il évoque en réalité l'effet, sur la saisie provisoire ou l'inventaire, de l'octroi de l'effet suspensif par l'autorité saisie d'un recours contre le prononcé de mainlevée, respectivement de l'effet à leur égard d'une action en libération de dette. ![]() | |
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6.3.3 Depuis l'entrée en vigueur du CPC, la décision du juge de la mainlevée est susceptible de recours au sens des art. 319 ss CPC (art. 319 let. a en lien avec l'art. 309 let. b ch. 3 CPC). En tant que voie de droit extraordinaire, la procédure de recours ne suspend pas l'exécution du jugement attaqué, qui acquiert de surcroît force de chose jugée dès son prononcé (cf. art. 325 al. 1 CPC; arrêt 5A_375/2022 du 31 août 2022 consid. 5.1.4.2). Un prononcé de mainlevée est exécutoire dès sa notification aux parties, à moins que, saisie d'un recours, l'autorité de recours ne suspende le caractère exécutoire en accordant l'effet suspensif (art. 325 al. 2 et 336 al. 1 let. a CPC; arrêts 5A_703/2018 du 1er mai 2019 consid. 4.3; 5A_78/2017 du 18 mai 2017 consid. 2.2; cf. avant l'entrée en vigueur du CPC: ATF 130 III 657 consid. 2.2; ATF 126 III 479 consid. 2 [ad art. 88 al. 2 LP]; ATF 101 III 40 consid. 2; arrêt 5P.259/2006 du 12 décembre 2006 consid. 4.2; STÉPHANE ABBET, La mainlevée de l'opposition, 2e éd. ![]() ![]() | |
Comme il a été rappelé plus haut (cf. supra consid. 5), une décision de mainlevée de l'opposition exécutoire suffit pour demander la continuation de la poursuite et faire notifier une commination de faillite; dès lors, le créancier peut agir en ce sens dès la notification du prononcé de mainlevée (arrêt 5A_78/2017 du 18 mai 2017 consid. 2.2), qu'il s'agisse d'une mainlevée provisoire ou définitive (cf. supra consid. 6.3.1; dans le même sens EUGEN FRITSCHI, Verfahrensfragen bei der Konkurseröffnung, 2010, p. 76; JÜRG ROTH, Vorläufige Vollstreckbarkeit und Vollstreckung - Ab wann und unter welchen Voraussetzungen sind Vollstreckungsmassnahmen in das Vermögen des Schuldners möglich?, PJA 2011 p. 771, 772 s. [ch. 2.2] par renvoi de la p. 775). L'office peut donner suite à la réquisition de continuer la poursuite dès la notification du prononcé de mainlevée de l'opposition, même si un recours a été interjeté contre cette décision, à moins que l'autorité de recours ait attribué l'effet suspensif au recours comme le lui permet l'art. 325 al. 2 CPC (arrêts 5A_708/2018 du 1er mai 2019 consid. 4.3 [réquisition de vente; mainlevée provisoire]; 5A_78/2017 au 18 mai 2017 consid. 2.2 et les références). Il n'a pas à exiger une attestation du caractère exécutoire du jugement de mainlevée, cet effet résultant directement de la loi (arrêts 5A_78/ 2017 du 18 mai 2017 consid. 2.2; 5A_703/2018 du 1er mai 2019 consid. 4.3). Si l'effet suspensif est octroyé par l'autorité de recours, il déploie des effets ex tunc, ce qui bloque les effets d'une commination de faillite qui aurait été valablement établie auparavant (ATF 130 III 657 consid. 2.1 et 2.2; arrêt 5A_77/2021 du 1er mars 2022 consid. 3.3 [ad effet suspensif attribué au recours devant le Tribunal fédéral]).
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Dès lors que le créancier peut faire notifier la commination de faillite dès notification du prononcé de mainlevée, la suspension du délai de l'art. 166 al. 2 LP prend fin à ce moment-là (cf. supra consid. 5 in fine concernant le fondement de la suspension). Rien ne justifie de prolonger cette suspension jusqu'à l'échéance du délai de dix jours pour recourir contre le prononcé de mainlevée provisoire ou définitive - le cas dans lequel le recours aurait été assorti de l'effet suspensif demeurant réservé - ni, contrairement à ce qu'a retenu en l'espèce la cour cantonale, jusqu'à l'échéance du délai de vingt jours de l'art. 83 al. 2 LP pour ouvrir action en libération de dette. Le ![]() ![]() | |
Certains auteurs soutiennent que ce principe doit s'appliquer par analogie aux décisions rendues par les autorités de première instance. Ainsi, une décision prise par une autorité de première instance et ![]() ![]() | |
6.4.2 Une autre partie de la doctrine défend l'idée que les décisions de l'autorité de première instance qui ne sont pas susceptibles d'une ![]() ![]() | |
Plusieurs auteurs proposent de pallier le risque que ces décisions soient exécutées avant que le délai de recours commence à courir en prévoyant la possibilité pour les parties de requérir immédiatement, à savoir dès la notification du seul dispositif, le prononcé de mesures provisionnelles auprès de l'autorité de recours. Ils préconisent une application par analogie de l'art. 263 CPC, disposition qui permet à l'autorité de première instance de prononcer des mesures provisionnelles avant que l'action au fond soit introduite, considérant en substance que le prononcé de l'effet suspensif constitue une mesure provisionnelle sui generis, qui peut être ordonnée par l'autorité de recours dès que l'autorité de première instance est dessaisie de la cause, ce qui est le cas dès que celle-ci a rendu sa décision (STAEHELIN/BACHOFNER, Vollstreckung im Niemandsland, Jusletter 16 avril 2012 n. 14-17; ENGLER, op. cit., n° 4a ad art. 239 CPC; MARKUS/ WUFFLI, op. cit., p. 110 ss; dans ce sens aussi OGer ZH, PS130222 du 19 décembre 2013; OGer ZG, BA 2018 45 du 2 octobre 2018, in GVP 2018 173 consid. 4.3; TC FR, 101 2018 312 du 2 novembre 2018, in RFJ 2019 77 consid. 1.4; KGer BL, 430 12 374 du 18 décembre 2012 consid. 1, in FamPra.ch 2013 p. 495 ss; KGer SG, ZV. 2014.64 du 17 juin 2014 consid. 2). Les parties pourraient de cette ![]() ![]() | |
6.4.4 Cela étant, en l'état, il n'apparaît pas contraire au droit fédéral pour la cour cantonale de ne pas s'être référée en l'espèce au dispositif du jugement de mainlevée, mais au jugement dûment motivé (cf. supra consid. 6.4.1) pour déterminer à quel moment la suspension du délai de l'art. 166 al. 2 LP avait pris fin - moment qui doit correspondre à la date à laquelle le jugement de mainlevée est devenu exécutoire (cf. supra consid. 6.3.2 in fine). Dès lors que le jugement ![]() ![]() | |
Dès lors toutefois que l'arrêt querellé ne contient aucune constatation relative à la date de notification du prononcé motivé - seule la date d'envoi de cette décision aux parties, dénuée de pertinence à cet égard, y figurant -, la Cour de céans n'est pas en mesure de vérifier si la faillite a été requise en temps utile.
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6.6 La cause doit donc être renvoyée à la juridiction précédente pour instruction sur ce point et nouvelle décision. En l'espèce, le délai péremptoire de quinze mois (cf. supra consid. 6.1) pour requérir la faillite a couru dès le 5 septembre 2020 (cf. supra consid. 6.2) et a été suspendu le 11 septembre 2020. Il a recommencé à courir le lendemain de la notification du prononcé motivé de mainlevée provisoire (cf. supra consid. 6.3 et 6.4) - date qu'il appartiendra à l'autorité cantonale d'établir - et n'a plus été suspendu par la suite (cf. supra consid. 6.5). ![]() |