9. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause Procureur général du canton de Berne contre X. (recours en matière pénale) | |
6B_605/2011 du 30 janvier 2012 | |
Regeste | |
Art. 282 Ziff. 1 Abs. 2 StGB; Wahlfälschung.
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Sachverhalt | |
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B. Par jugement du 11 novembre 2010, la Présidente 12 e.o. de l'ancien Arrondissement judiciaire II de Bienne-Nidau a reconnu X. ![]() ![]() | |
C. Statuant sur appel du condamné le 18 mai 2011, la 2e Chambre pénale de la section pénale de la Cour suprême du canton de Berne a libéré X. de la prévention de fraude électorale (art. 282 CP). Elle a par ailleurs considéré que l'infraction de captation de suffrage (art. 282bis CP) n'entrait pas en considération pour cause de prescription.
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D. Le Ministère public du canton de Berne interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre ce jugement. Il conclut à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle statue à nouveau, subsidiairement à ce que X. soit reconnu coupable de fraude électorale et à ce que la peine prononcée par l'autorité de première instance soit confirmée.
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Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
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Erwägung 1.1 | |
Cette disposition érige en fraude électorale les actes par lesquels l'auteur prend part à une votation ou à une élection à laquelle il n'est pas autorisé à participer selon les dispositions légales et qui ont pour ![]() ![]() | |
La doctrine considère également que l'art. 282 ch. 1 al. 2 CP est applicable à la personne qui exerce un droit politique d'une manière autre que celle qui est prévue par la loi, sans modifier le nombre de participants. Il en va ainsi notamment lorsque le droit politique est exercé par un représentant, y compris avec l'accord du représenté (CORBOZ, op. cit., n° 3 ad art. 282 CP; STRATENWERTH/BOMMER, op. cit., § 48 n. 29; DONATSCH/WOHLERS, op. cit., § 89 p. 374). Les auteurs précités se réfèrent à ce propos à l' ATF 112 IV 82 selon lequel celui qui signe une demande d'initiative pour un tiers se rend coupable d'infraction à l'art. 282 ch. 1 al. 2 CP (consid. 2b p. 84 s). Ils n'affirment cependant pas qu'en ne faisant que remplir un bulletin de vote pour un tiers, la personne "prend part à une élection ou à une votation" et tombe ainsi sous le coup de l'art. 282 CP. Seul STEFAN WEHRLE semble l'admettre lorsqu'en vertu de la loi, l'électeur doit remplir de sa main le bulletin de vote (op. cit., n° 6 ad art. 282 CP). ERNST HAFTER considère pour sa part que le fait de remplir le bulletin de vote d'un tiers ne tombe pas sous le coup de l'art. 282 ch. 1 al. 2 CP (Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil, vol. II, 1943, § 112 p. 706 note 3), se référant à la décision du Regierungsrat du canton de Schaffhouse du 15 décembre 1924 (ZBl 1925 p. 95) selon laquelle un tel acte constitue tout au plus un acte préparatoire au vote lui-même, la volonté du citoyen ne s'exprimant véritablement qu'avec le dépôt du bulletin dans l'urne.
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L'infraction à l'art. 282 ch. 1 al. 2 CP est consommée avec la participation non autorisée, sans qu'il soit nécessaire que le résultat soit faussé (DONATSCH/WOHLERS, op. cit., § 89 p. 375; WEHRLE, op. cit., n° 8 ad art. 282 CP; THORMANN/VON OVERBECK, op. cit., n° 3 ad art. 282 CP; LOGOZ, op. cit., n° 3 ad art. 282 CP p. 650). ![]() | |
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L'art. 282bis CP protège le droit du citoyen de former et exprimer librement sa volonté politique et prohibe des comportements qui peuvent influencer le vote individuel et fausser ainsi la décision populaire (CORBOZ, op. cit., n° 1 ad art. 282bis CP). Des bulletins de vote préparés à l'avance, hormis le cas où le droit cantonal autorise les forces politiques à émettre des bulletins de vote, font en effet craindre qu'on influence la décision de l'électeur (CORBOZ, op. cit., n° 2 ad art. 282bis CP). Le comportement doit être systématique, ce qui exclut le cas de celui qui aide ponctuellement un tiers à remplir son bulletin, en qualité de personne de confiance ou dans le cercle familial (DONATSCH/WOHLERS, op. cit., § 90 p. 377; CORBOZ, op. cit., n° 2 ad art. 282bis CP).
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Etant d'avis que le fait de remplir un bulletin de vote pour un tiers est constitutif d'infraction à l'art. 282 CP (cf. supra consid. 1.1.1), STEFAN WEHRLE estime que l'art. 282bis CP n'a une signification propre qu'en ce qui concerne le fait de recueillir des bulletins de vote (op. cit., n° 3 ad art. 282bis CP).
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L'infraction à l'art. 282bis CP est consommée par la seule réalisation de l'un des comportements visé par la norme, sans qu'il soit nécessaire que le bulletin parvienne au bureau de vote ou influence le résultat de la votation ou de l'élection (DONATSCH/WOHLERS, op. cit., § 90 p. 377; WEHRLE, op. cit., n° 2 ad art. 282bis CP).
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1.1.3 Selon les dispositions du droit cantonal bernois relatives à l'exercice du droit de vote, l'électeur doit remplir son bulletin et l'envoyer par correspondance en respectant la marche à suivre décrite (art. 23 ss de l'ordonnance du 10 décembre 1980 sur les droits politiques [ODP/BE; RSB 141.112]). L'art. 32 al. 1 ODP/BE dispose en outre que si, pour cause de handicap, l'électeur ou l'électrice capable de discernement n'est pas en mesure d'accomplir lui-même ou elle-même les opérations de vote - parce que le local de vote n'est pas accessible ou qu'il ou elle n'est pas en mesure d'écrire de sa ![]() ![]() | |
1.4 Il est constant que l'intimé a rempli des bulletins de vote pour le compte de tiers, ce qui n'est pas autorisé par le droit cantonal bernois, puisque seuls les officiels ou les membres du bureau électoral peuvent le faire. Il convient toutefois de déterminer en l'espèce si, en ![]() ![]() | |
Le texte de l'art. 282 ch. 1 al. 2 CP réprime expressément le fait de signer sans droit une demande d'initiative ou de référendum. En matière de votation ou d'élection en revanche, ce n'est pas le fait de remplir un bulletin qui est sanctionné, mais celui d'y prendre part sans droit. En signant une demande d'initiative ou de référendum, le citoyen exerce un droit politique qu'il épuise puisqu'il ne pourra plus faire figurer son nom une seconde fois. Le caractère essentiel des signatures en matière de demande d'initiative ou de référendum résulte également du fait que l'aboutissement d'une telle demande dépend précisément du nombre de celles-ci. En revanche, le seul fait de remplir un bulletin de vote n'entraîne en lui-même aucune conséquence. Tant que le citoyen n'a pas fait usage du bulletin qu'il a rempli, il peut toujours modifier son choix ou décider de ne pas le faire valoir. Ce n'est que lorsqu'il aura déposé son bulletin dans l'urne ou qu'il l'aura envoyé par correspondance qu'il aura exprimé sa voix. Ce n'est en outre qu'à partir de ce moment que la constatation de la véritable volonté populaire est susceptible d'être mise en danger si le vote est intervenu sans droit.
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Le caractère essentiel dans le processus de vote du dépôt du bulletin dans l'urne ou de son envoi par correspondance est attesté par les formes strictes prévues par la loi qui doivent être observées afin de s'assurer de la régularité du vote, lesquelles ne se limitent pas à prévoir la manière dont le bulletin de vote doit être rempli. Ainsi, le droit cantonal bernois applicable lors des élections au Grand Conseil de ce canton prévoit aux art. 23 ss ODP/BE des modalités pour l'exercice du droit de vote qui prescrivent la manière dont le bulletin doit être envoyé par correspondance. L'art. 32 al. 1 ODP/BE prévoit en outre des mesures tendant à assister les personnes qui ne sont pas en mesure d'accomplir elles-mêmes les opérations de vote, lesquelles visent également la manière dont le bulletin doit être déposé dans l'urne lorsque le local de vote n'est pas accessible.
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Le Code pénal réprime par deux dispositions distinctes (art. 282 et 282bis CP) le fait, d'une part, de prendre part sans droit à une votation ou à une élection et, d'autre part, de remplir systématiquement des bulletins (le législateur ayant renoncé à l'art. 282bis CP à sanctionner ![]() ![]() | |
Il doit donc être retenu, au vu de ce qui précède, que le simple fait de remplir des bulletins de vote pour le compte d'un tiers ne suffit pas pour prendre part sans droit à une votation ou à une élection au sens de l'art. 282 ch. 1 al. 2 CP. Il est encore nécessaire que l'auteur envoie le bulletin par correspondance ou le dépose dans l'urne.
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Dès lors, en se limitant à remplir des bulletins de vote, sans prendre aucune autre mesure afin que ceux-ci soient transmis à l'autorité, l'intimé n'a pas pris part à l'élection au Grand Conseil du canton de Berne de 2006.
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Contrairement à ce que soutient le recourant, il n'a par conséquent pas pu, par les seuls actes qui lui sont reprochés, mettre en danger la constatation de la volonté populaire, puisque celle-ci n'est susceptible d'être faussée qu'à partir du moment où un vote a été exprimé.
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Le recourant ne peut davantage être suivi lorsqu'il soutient que les électeurs qui ont fait usage des bulletins remplis par l'intimé auraient agi comme auteurs médiats. L'auteur médiat est celui qui se sert d'une autre personne comme d'un instrument dénué de volonté ou du moins agissant sans intention coupable, afin de lui faire exécuter l'infraction projetée (ATF 120 IV 17 consid. 2d p. 22 et 23; arrêts 6B_904/2010 du 16 juin 2011 consid. 3.4; 6B_8/2010 du 29 mars 2010 consid. 1.2.1). Seul l'intimé pourrait ainsi, le cas échéant, être qualifié d'auteur médiat. Il n'a cependant donné aucune instruction aux électeurs ni usé ![]() ![]() | |
En outre, autant que le recourant soutient que l'intimé a pris part à une élection au sens de l'art. 282 CP au motif qu'il était candidat à l'élection au Grand Conseil bernois de 2006, il se méprend sur cette condition d'application de la disposition précitée, laquelle réprime le comportement de toute personne qui, sans droit, prend part à une élection ou à une votation, sans restriction.
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Enfin, dans la mesure où l'intimé n'a pas pris part à l'élection en ne réalisant pas lui-même tous les actes du processus de vote, il n'est pas déterminant qu'il n'ait pas rendu nuls les bulletins qu'il a remplis ou qu'il les ait remplis au stylo plutôt qu'au crayon.
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1.5 Ainsi, en définitive, en se limitant à remplir des bulletins de vote pour des tiers, l'intimé n'a pas pris part sans droit, au sens de l'art. 282 ch. 1 al. 2 CP, à l'élection au Grand Conseil du canton de Berne de 2006. Les conditions objectives d'application de la disposition précitée ne sont pas réunies. La cour cantonale n'a dès lors pas violé le droit fédéral en libérant l'intimé de la prévention de fraude électorale. Pour le surplus, il n'y a pas lieu d'examiner si les conditions d'application objectives et subjectives de l'art. 282bis CP sont remplies en l'espèce. En effet, comme l'a justement expliqué l'autorité précédente, sans que le recourant ne le conteste, cette infraction serait prescrite puisque le jugement de première instance a été rendu plus de trois ans après les faits. ![]() |