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Regeste
Sachverhalt
Extrait des considérants:
2. S'agissant du premier de ces états de fait (cf. let. B. ...
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40. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause A. contre B. et Ministère public de la République et canton de Genève (recours en matière pénale)
 
 
6B_1287/2021 du 31 août 2022
 
 
Regeste
 
Art. 173 ff. StGB; Ehrverletzungen; Äusserungen gegenüber einem Rechtsanwalt.
 
 
Sachverhalt
 
BGE 148 IV 409 (409)A. Par jugement du 25 novembre 2020, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a acquitté A. du chef de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) pour les propos tenus, à fin juillet 2017, à son conseil, l'avocat C., à l'origine du courrier de ce dernier du 8 août 2017, adressé à B. mais l'a reconnu coupable de cette même infraction s'agissant des déclarations faites à D. et à E., au sujet de B. LeBGE 148 IV 409 (409) BGE 148 IV 409 (410)tribunal a condamné A. à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, à 350 fr., avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu'à une amende de 2'800 fr., tout en renonçant à révoquer le sursis octroyé le 6 février 2017 par le Ministère public du canton de Fribourg. Il a en outre débouté B. de ses conclusions en réparation du tort moral. Les frais de la procédure ont été mis à la charge de A., lequel a par ailleurs été astreint à verser à B. un montant de 21'809 fr. 25 à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.
B. Statuant par arrêt du 13 septembre 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a partiellement admis l'appel et l'appel joint formés, respectivement par A. et par B., contre le jugement du 25 novembre 2020. Celui-ci a été réformé en ce sens, d'une part, que A. était reconnu coupable de diffamation pour les propos tenus, à fin juillet 2017, à son conseil, l'avocat C., à l'origine du courrier de ce dernier du 8 août 2017, ainsi que pour ceux tenus à D., le 28 ou 29 juillet 2017, et à E., le 29 mars 2017. D'autre part, le jugement du 25 novembre 2020 a été réformé en ce sens que A. était condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu'à une amende de 2'100 francs. Le jugement a été confirmé pour le surplus.
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants.
B.a En 2014, A., ressortissant français domicilié à U. (FR), a conclu un contrat avec la société thaïlandaise F. portant sur la construction et la livraison d'un catamaran pour un montant de 900'000 EUR.
Un litige est survenu entre A. et F. quant à l'exécution de ce contrat, le bateau n'ayant apparemment pas été construit et livré dans les modalités et délais convenus.
B.b
B.b.a A Genève, à la fin du mois de juillet 2017, A. a relaté à son conseil, l'avocat C., que B., en sa qualité d'administrateur de fait de F., avait détourné à des fins personnelles les sommes qu'il avait consenties (acomptes de 25'000 EUR et 750'000 EUR) pour l'achat du catamaran, puis qu'il l'avait frauduleusement incité à verser un montant de 125'000 EUR pour en obtenir la livraison.
Par la suite, le 8 août 2017, l'avocat C., agissant au nom et pour le compte de A., a adressé un courrier à B., par lequel il relevait en substance que son comportement, s'il était avéré, relèverait du droit pénal. Il lui a par ailleurs indiqué "avant d'entreprendre une action contre [lui] devant les tribunaux suisses (lieu de votre domicile etBGE 148 IV 409 (410) BGE 148 IV 409 (411)de celui de [s]on client; for de l'appauvrissement au sens des dispositions pénales concernant les infractions contre le patrimoine), [A. était] disposé à analyser une proposition de [sa] part visant à obtenir la réparation de l'intégralité de son préjudice [...]". B. a pris connaissance de ce courrier le 15 août 2017.
B.b.b Le 30 janvier 2018, D., responsable commerciale d'une société française spécialisée dans la fabrication d'éléments de sellerie nautique (G. Sàrl), a transmis à B., qu'elle connaissait comme client de sa société, des notes manuscrites qu'elle avait prises à l'occasion d'une conversation téléphonique entretenue avec A. le 28 ou 29 juillet 2017.
Il ressortait de ces notes que, lors de la conversation, A., qui se trouvait alors en Suisse, avait fait usage des termes suivants en lien avec son différend avec B.: "escroquerie F. & B. - le fait contre instruction de son avocat", "côté roitelet", "besoin d'escroquer les gens", "attendre condamnation des escrocs", "B. se met en fuite", "détournement d'actif", "pénal", "liquidation frauduleuse" et "no limite pour les faire condamner".
B.b.c En novembre 2019, E., qui connaissait B. depuis 30 ans et entretenait avec lui des relations professionnelles, lui a relaté avoir été en contact téléphonique avec A. à plusieurs reprises entre novembre 2016 et mai 2017, en raison des difficultés rencontrées en lien avec la commande du catamaran.
En particulier, lors d'un entretien tenu avec E. le 29 mars 2017, A., qui se trouvait alors en Suisse, a traité B. "[d']escroc" et de "voleur".
B.c Les plaintes pénales déposées par B., en lien avec les faits décrits sous B.b.a et B.b.b supra, ont dans un premier temps fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière, rendue le 28 mars 2018 par le Ministère public, puis confirmée, sur recours de l'intimé, par arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du 12 décembre 2018.
Par arrêt 6B_127/2019 du 9 septembre 2019, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par l'intimé contre l'arrêt du 12 décembre 2018, qui a été annulé, la cause ayant été renvoyée à la cour cantonale.
C. A. forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 13 septembre 2021. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à son acquittement. Subsidiairement, il conclut àBGE 148 IV 409 (411) BGE 148 IV 409 (412)l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
Invités à se déterminer sur le recours, le Ministère public et B. concluent au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. La cour cantonale se réfère à son arrêt.
Par leurs dernières observations, A. et B. persistent dans leurs conclusions respectives.
Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours.
 
Il n'y avait par ailleurs pas lieu d'autoriser le recourant à tenter d'apporter les preuves libératoires décrites à l'art. 173 ch. 2 CP. En effet, lors des débats d'appel, celui-ci avait admis en substance n'avoir été victime d'aucune tromperie de la part de l'intimé, contre lequel il n'avait aucune prétention, et n'avoir jamais supposé le contraire.
2.2 Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestementBGE 148 IV 409 (412) BGE 148 IV 409 (413)insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; ATF 145 IV 154 consid. 1.1; ATF 143 IV 500 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire voir ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF); les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 et les arrêts cités).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II (RS 0.103.2) et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe "in dubio pro reo", celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; ATF 145 IV 154 consid. 1.1).
Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir de "faits internes" qui, en tant que tels, lient le Tribunal fédéral conformément à l'art. 105 al. 1 LTF, à moins qu'ils aient été retenus de manière arbitraire (ATF 147 IV 439 consid. 7.3.1 p. 448; ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375).
2.3 Aux termes de l'art. 173 CP, se rend coupable de diffamation celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon (ch. 1). L'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait desBGE 148 IV 409 (413) BGE 148 IV 409 (414)raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (ch. 2). L'inculpé ne sera pas admis à faire ces preuves et il sera punissable si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui, notamment lorsqu'elles ont trait à la vie privée ou à la vie de famille (ch. 3).
Cette disposition protège la réputation d'être un individu honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1; ATF 132 IV 112 consid. 2.1). Dans le domaine des activités socio-professionnelles, il ne suffit ainsi pas de dénier à une personne certaines qualités, de lui imputer des défauts ou de l'abaisser par rapport à ses concurrents. En revanche, il y a atteinte à l'honneur, même dans ces domaines, si on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2 et les références citées).
Ainsi, s'agissant du cas d'espèce, il était relevé qu'en l'état, au regard des termes du courrier du 8 août 2017 et dans l'ignorance totale - faute de toute instruction - des propos échangés entre le recourant et sonBGE 148 IV 409 (414) BGE 148 IV 409 (415)avocat, il n'était de loin pas possible d'exclure tout soupçon de commission par le premier nommé d'un délit contre l'honneur visant l'intimé. Dans ces conditions, la confirmation de la décision de non-entrée en matière violait l'art. 310 CPP (cf. ATF 145 IV 462 consid. 4.3.5).
On relèvera ainsi à titre illustratif que, dans le débat politique, l'atteinte à l'honneur punissable ne doit être admise qu'avec retenue et, en cas de doute, niée. Dans ce cadre, la liberté d'expression indispensable à la démocratie implique en effet que les acteurs de la lutte politique acceptent de s'exposer à une critique publique, parfois même violente, de leurs opinions. La critique ou l'attaque porte en revanche atteinte à l'honneur protégé par le droit pénal si, sur le fond ou dans la forme, elle ne se limite pas à rabaisser les qualités de l'homme ou de la femme politique et la valeur de son action, mais est également propre à l'exposer au mépris en tant qu'être humain (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.4; ATF 128 IV 53 consid. 1a; également ATF 131 IV 23 consid. 2.1; arrêt 6B_938/2017 du 2 juillet 2018 consid. 5.2).
Il faut en effet prendre en considération que, par la nature de ses activités de conseil juridique ainsi que par le secret professionnelBGE 148 IV 409 (415) BGE 148 IV 409 (416)auquel il est soumis (cf. art. 13 de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats [LLCA; RS 935.61]), l'avocat assure à son client un climat de confiance qui leur permet de communiquer d'une manière libre et spontanée, le client pouvant ainsi se livrer en faisant part de sa version des faits, mais également de ses émotions, de son ressenti et de ses opinions. Le client est d'ailleurs bien souvent en conflit avec la personne objet des déclarations litigieuses et se trouve alors animé par une certaine passion. Il en découle que les paroles tenues peuvent parfois dépasser sa pensée, tout comme une forme d'exagération est à cet égard prévisible, ce dont l'avocat, destinataire des propos en cause, est parfaitement conscient (cf. sur ces aspects: BOHNET/MELCARNE, Le client peut-il diffamer en se confiant à son avocat?, RSJ 11/2020 p. 369).
Au vu du cadre particulier décrit ci-avant, le sens de propos tenus à un avocat ne saurait dès lors être apprécié de la même manière que celui de déclarations exprimées à l'égard de n'importe quel autre tiers. Aussi, afin de ne pas compromettre l'exercice d'une communication libre et spontanée entre avocat et client, il se justifie, dans un tel contexte, de n'admettre une atteinte à l'honneur qu'avec retenue. Tel peut en particulier être le cas lorsque les propos en cause n'ont pas de lien avec l'affaire dans laquelle intervient l'avocat et que ceux-ci ne tendent en définitive qu'à exposer la personne visée au mépris (cf. en ce sens: arrêt 6B_229/2016 du 8 juin 2016 consid. 1.3; BOHNET/ MELCARNE, op. cit., p. 370).
BGE 148 IV 409 (417)De surcroît, la cour cantonale a tenu pour plausible que l'intervention de l'avocat C. avait été initialement mise en oeuvre par des associés français de son étude internationale, disposant notamment d'une antenne à V. (France), que le recourant avait préalablement consultés. A défaut de plus amples éléments ressortant de l'instruction, il est dès lors envisageable que l'avocat ait pu recevoir d'eux des informations ou des pièces du dossier, non évoquées lors de l'entretien avec le recourant, dont l'avocat se serait néanmoins servi lors de la rédaction du courrier.
Il ressort ainsi de l'arrêt attaqué qu'à cette période, la problématique du catamaran était alors devenue aiguë pour le recourant, ce dernier ayant considéré, dès le printemps 2017, qu'il n'avait reçu qu'une coquille inachevée, alors que la débâcle de F. semblait inéluctable, E. lui ayant annoncé sa prochaine liquidation dans un courriel du 26 mai 2017. Il s'était par la suite acquitté du montant du 125'000 EUR dès lors qu'il ne voyait pas d'alternative pour obtenir la livraison de son bateau, s'étant ainsi senti contraint, ce qui n'avait pu qu'accentuer son ressentiment. A la fin juillet 2017, la détermination du recourant à agir était forte, puisqu'il venait d'assigner F. devant la justice civile, en France.
Aussi, les réserves émises par l'avocat dans le courrier du 8 août 2017, adressé au seul intimé, dénotent que l'avocat avait bien conscience de l'éventualité que les propos tenus par le recourant ne correspondaient BGE 148 IV 409 (417) BGE 148 IV 409 (418)pas nécessairement à la réalité et qu'ils pourraient avoir été guidés par la rancoeur de son client. De même, s'il est établi qu'à cette période, le recourant avait déjà désigné l'intimé par les termes "[d']escroc" et de "voleur" lors de conversations avec E. (cf. consid. 4 non publié) et qu'il est donc susceptible d'en avoir également fait usage lors de l'entretien avec son avocat, la possible évocation de ces termes, dans une telle configuration, ne suffit encore pas à consacrer une atteinte à l'honneur.
Le recours doit être admis sur ce point.BGE 148 IV 409 (418)