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Regeste
Sachverhalt
Extrait des considérants:
Erwägung 3
Erwägung 5
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19. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause Helsana Accidents SA contre A. (recours en matière de droit public)
 
 
8C_514/2021 du 27 avril 2022
 
 
Regeste
 
Art. 44 ATSG; Ablehnung eines Sachverständigen im Bereich der Unfallversicherung.
 
Arbeiten zwei Ärzte tagtäglich in den gleichen Räumlichkeiten einer kleinen Gruppenpraxis, deren Spesen sie teilen, genügt der Umstand, dass einer dieser beiden Ärzte von einem Unfallversicherer mit einer Begutachtung beauftragt werden soll, nachdem der andere bereits als beratender Arzt des gleichen Versicherers eine ärztliche Stellungnahme zum Fall abgegeben hat, um den Anschein der Befangenheit zu erwecken (E. 5).
 
 
Sachverhalt
 
BGE 148 V 225 (226)A.
A.a A., né en 1969, travaillait depuis le 1er janvier 2018 comme pâtissier-confiseur pour la Confiserie-Tea-room B. Sàrl et était à ce titre assuré contre le risque d'accidents auprès de Helsana Accidents SA (ci-après: Helsana). Le 5 août 2018, il a chuté à vélo et s'est réceptionné sur l'épaule droite, ce qui lui a occasionné une fracture non déplacée du trochiter droit et une fracture de l'extrémité dorsale du radius gauche. Helsana a soumis le cas à son médecin-conseil, le docteur C., spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, qui a conclu à un lien de causalité certain entre lesdites fractures et l'accident du 5 août 2018 et a escompté une reprise d'activité pour fin 2018.
L'assuré a été pris en charge par le docteur D., spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur. Se référant à une arthro-IRM de l'épaule droite réalisée le 8 janvier 2019, ce praticien a fait état dans un rapport du 9 janvier 2019 d'une fracture du trochiter non déplacée post-traumatique de l'épaule droite avec lésion partielle du tendon du sus-épineux droit, tendinopathie du long chef du biceps et lésion labrale de type SLAP. Compte tenu de la persistance de la symptomatologie douloureuse de l'épaule droite, qui a empêché la reprise du travail depuis l'accident, le docteur D. a effectué le 6 février 2019 une arthroscopie sous la forme d'une suture du sus-épineux et ténotomie du long chef du biceps.BGE 148 V 225 (226)
BGE 148 V 225 (227)Dans un avis du 28 janvier 2019, le docteur C. a situé le statu quo sine au plus tard à l'arthro-IRM du 8 janvier 2019, qui montrait selon lui que la fracture du trochiter était guérie et que le reste était dégénératif. Par décision du 6 février 2019, Helsana a signifié à l'assuré la prise en charge des prestations légales jusqu'au 8 janvier 2019 inclus, les traitements au-delà de cette date n'étant en revanche plus en rapport avec l'événement du 5 août 2018.
A.b L'assuré, sous la plume de sa protection juridique, a fait opposition à cette décision et a produit un rapport du docteur D. du 6 mars 2019, complété le 6 juillet 2019, selon lequel l'étiologie traumatique de la lésion tendineuse semblait être la plus vraisemblable. Se prononçant le 26 juillet 2019 sur l'avis du docteur D., le docteur C. a conclu à l'absence d'argument probant mais, "vu le contexte", a préconisé la mise en oeuvre d'une expertise qu'il proposait de confier au docteur E., au docteur F. ou au docteur G., tous spécialistes en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur.
Par communication du 16 août 2019, Helsana a informé l'assuré qu'une expertise était mise en oeuvre auprès du docteur E. et que l'examen y relatif interviendrait le 11 septembre 2019, un délai au 6 septembre 2019 étant imparti à l'intéressé pour faire part d'éventuelles remarques, objections ou questions complémentaires.
Dans son rapport du 12 novembre 2019, l'expert E. a posé les diagnostics de maladie de Südeck post-opératoire de l'épaule droite, de status après ténotomie du long chef du biceps et suture du sus-épineux droit le 6 juin 2019 pour une tendinopathie interstitielle de ce dernier, ainsi que de status après chute à vélo le 5 août 2018 avec fractures peu déplacées du trochiter droit et du radius distal gauche, fractures guéries sans séquelles vers la fin de l'année 2018. Pour le reste, l'expert a estimé que le statu quo sine avait été retrouvé avant l'opération de l'épaule droite et que l'état de la coiffe des rotateurs n'était manifestement pas en lien de causalité naturelle avec l'accident, mais avec un état pathologique préexistant.
Le 28 janvier 2020, l'assuré a contesté les conclusions de l'expert E. Dans ce contexte, il a notamment produit un rapport du docteur D. du 3 décembre 2019 imputant une origine traumatique aux troubles de la coiffe des rotateurs, ainsi qu'un rapport du docteur H. du 10 décembre 2019. Dans un complément d'expertise du 10 mars 2020, le docteur E. a considéré que les docteurs D. et H. n'apportaient pas d'éléments nouveaux susceptibles de modifier ses conclusions. DansBGE 148 V 225 (227) BGE 148 V 225 (228)un avis du 27 mai 2020, le docteur C. a lui aussi écarté les appréciations des docteurs D. et H. Par décision sur opposition du 14 juillet 2020, Helsana a confirmé sa décision du 6 février 2019.
A.c Lors d'un entretien téléphonique du 24 juillet 2020 avec Helsana, le nouveau conseil de l'assuré a critiqué l'octroi de mandats d'expertise au docteur E. alors même que ce médecin et le docteur C. étaient associés, et a remis en cause l'impartialité et l'indépendance de l'expert. Il a proposé l'annulation de la décision sur opposition du 14 juillet 2020 et la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise neutre, ce que Helsana a refusé par courriel du 28 juillet 2020 en se référant à un arrêt valaisan du 13 mars 2013 "confirm[ant] l'indépendance et l'impartialité du Dr E.". Par courriel du 29 juillet 2020, le mandataire de l'assuré a relevé que cet arrêt ne portait pas sur la question qu'il avait soulevée et qu'il allait donc déposer un recours.
B.
B.a L'assuré a recouru le 8 septembre 2020 devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud contre la décision sur opposition du 14 juillet 2020, en concluant principalement à sa réforme dans le sens de l'octroi des prestations légales en lien avec l'accident du 5 août 2018 au-delà du 8 janvier 2019, et subsidiairement à son annulation suivie du renvoi de la cause à Helsana pour nouvelle décision. Dans ses motifs, le recourant a contesté l'impartialité de l'expert E. au motif que celui-ci et le docteur C. étaient associés. Il a précisé que l'on ne pouvait pas lui reprocher d'avoir tardé à se prévaloir d'un motif de récusation dans la mesure où son conseil actuel n'avait pris connaissance du dossier qu'en juillet 2020. A titre de mesures d'instruction, il a notamment requis la production par Helsana d'une liste anonymisée de toutes les expertises confiées au docteur E. depuis 2010.
B.b Helsana s'est opposée à cette mesure d'instruction, la jugeant sans pertinence au regard de la jurisprudence (ATF 137 V 210 consid. 1.3.3), et a conclu au rejet du recours. Elle a produit une prise de position du docteur C. du 2 novembre 2020 contenant les déclarations suivantes: "Je précise que je ne suis pas l'associé du Dr E. Notre cabinet n'est pas une S[à]rl ou SA. Nous ne faisons que partager les locaux et les frais qui en découlent, mais notre travail et nos revenus sont indépendants. Ceci signifie que je ne suis pas impliqué dans les choix et décisions de mon confrère, que cela soit concernant [s]es patients ou [s]es expertises".BGE 148 V 225 (228)
BGE 148 V 225 (229)B.c Par arrêt du 8 juillet 2021, la cour cantonale a admis le recours, a annulé la décision sur opposition du 14 juillet 2020 et a renvoyé la cause à Helsana pour complément d'instruction dans le sens des considérants et nouvelle décision. Elle a considéré en bref qu'il existait un motif de récusation à l'encontre de l'expert E., qui justifiait d'écarter le rapport d'expertise du 12 novembre 2019 et son complément du 10 mars 2020 et de mettre en oeuvre une nouvelle expertise orthopédique selon l'art. 44 LPGA.
C.
C.a Helsana interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour jugement au fond, en admettant l'absence de prévention de l'expert E.
L'intimé conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet. La juridiction cantonale se réfère purement et simplement à son arrêt. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
C.b Par ordonnance du 4 novembre 2021, le juge instructeur a requis de la recourante la production d'une liste anonymisée des cas dans lesquels elle a désigné le docteur E. comme expert indépendant (art. 44 LPGA) dans un dossier relevant de l'assurance-accidents depuis le 1er janvier 2010, avec indication des honoraires de l'expert.
La recourante a produit le 16 décembre 2021 un tableau dont il résulte les éléments suivants: sur la période allant du 1er septembre 2009 au 31 août 2021, le docteur E. a rendu 169 rapports d'expertise (dont environ 10 % sont des rapports d'expertise complémentaire) dans des dossiers relevant de l'assurance-accidents dans lesquels la recourante l'a désigné comme expert au sens de l'art. 44 LPGA sur proposition du docteur C. (étant précisé que celui-ci a parfois proposé plusieurs noms d'experts); il a encaissé à ce titre des honoraires pour un montant total de 562'920 fr. 90. Sur ces douze années, il a ainsi effectué pour la recourante une moyenne de 14 expertises ou compléments d'expertise par année (avec un plus haut de 30 en 2010 et un plus bas de 1 en 2020) et a encaissé un montant annuel moyen de 46'910 fr. à titre d'honoraires d'expert.
L'intimé a déposé de brèves observations sur cette pièce le 29 décembre 2021, tandis que la cour cantonale a indiqué n'avoir pas d'observations à formuler.BGE 148 V 225 (229)
BGE 148 V 225 (230)Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
 
 
Erwägung 3
 
3.4 S'agissant des motifs de récusation formels d'un expert, il y a lieu selon la jurisprudence d'appliquer les mêmes principes que pour la récusation d'un juge (ATF 137 V 210 consid. 2.1.3; ATF 132 V 93 consid. 7.1; ATF 120 V 357 consid. 3a), qui découlent directement du droit constitutionnel à un tribunal indépendant et impartial garanti par l'art. 30 al. 1 Cst. - qui en la matière a la même portée que l'art. 6BGE 148 V 225 (230)BGE 148 V 225 (231)par. 1 CEDH (ATF 134 I 20 consid. 4.2) - respectivement, pour un expert, des garanties générales de procédure de l'art. 29 al. 1 Cst., qui assure à cet égard une protection équivalente à celle de l'art. 30 al. 1 Cst. (arrêts 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 2.3.1; 5A_484/2015 du 2 octobre 2015 consid. 2.3.2 et les références).
Un expert passe ainsi pour prévenu lorsqu'il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur son impartialité. Dans ce domaine, il s'agit toutefois d'un état intérieur dont la preuve est difficile à apporter. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire de prouver que la prévention est effective pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de l'expert. L'appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules impressions de l'expertisé, la méfiance à l'égard de l'expert devant au contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs (ATF 132 V 93 consid. 7.1; ATF 120 V 357 consid. 3a et les références). Compte tenu de l'importance considérable que revêtent les expertises médicales en droit des assurances sociales, il y a lieu de poser des exigences élevées quant à l'impartialité de l'expert médical (ATF 132 V 93 consid. 7.1 in fine; ATF 120 V 357 consid. 3b in fine).
(...)
 
Erwägung 5
 
5.1 Examinant le bien-fondé du motif de récusation soulevé par l'intimé à l'encontre de l'expert E., la cour cantonale a constaté qu'il était admis que les docteurs C. et E. exploitaient ensemble un cabinet de groupe et que c'était le premier qui, initialement, avait proposé de confier un mandat d'expertise au second tout en avançant également le nom de deux autres confrères. Quand bien même le docteur C. avait ultérieurement indiqué que le docteur E. et lui-même se limitaient à partager des locaux et les frais y relatifs tout en demeurant indépendants dans l'exercice de leurs activitésBGE 148 V 225 (231) BGE 148 V 225 (232)respectives, une telle constellation était de nature à créer objectivement l'apparence d'une prévention. Force était en effet de constater que deux spécialistes exploitant un même cabinet de groupe - qui plus est, un cabinet de petite taille impliquant des contacts autrement plus fréquents et étroits que ceux d'experts oeuvrant au sein d'un même centre d'expertise - avaient en définitive été sollicités par la recourante aux fins d'émettre des appréciations décisives pour le sort de la cause. Sous cet angle, le motif de récusation invoqué apparaissait donc fondé.
5.3 Quoi qu'en pense la recourante, la situation de deux médecins spécialistes en chirurgie orthopédique qui partagent les locaux et les frais d'un petit cabinet de groupe n'est pas comparable à celle de deux médecins psychiatres qui oeuvrent parallèlement au sein d'un même centre d'expertise pluridisciplinaire. En effet, l'appartenance à un même centre d'expertise, qui n'implique normalement pas une présence régulière dans les mêmes locaux, n'est pas de nature à favoriser des liens plus étroits que ceux pouvant exister entre des spécialistes qui se croisent à l'occasion hors de leur lieu de travail habituel (cf. arrêt 8C_1058/2010 précité consid. 4.6). Il en va en revanche différemment de deux médecins qui, à l'instar des docteurs C. et E., travaillent tous les jours dans les mêmes locaux au sein d'unBGE 148 V 225 (232) BGE 148 V 225 (233)petit cabinet de groupe dont ils partagent les frais. De tels contacts quotidiens doublés d'une communauté d'intérêts économiques à travers le partage des frais constituent des éléments objectifs suffisants - au vu des exigences élevées posées à l'impartialité des experts médicaux (cf. consid. 3.4 supra) - pour faire naître à tout le moins une apparence de prévention lorsque l'un des associés est désigné comme expert par un assureur accidents alors que son associé a déjà émis un avis médical sur le cas en tant que médecin-conseil dudit assureur. C'est ainsi à bon droit que la cour cantonale a, au vu de ces éléments, retenu une apparence de prévention de l'expert E.
Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de trancher le point de savoir si les informations obtenues ensuite de la mesure d'instruction ordonnée par le Tribunal fédéral (cf. let. C.b supra) conduisent également à retenir une apparence de prévention de l'expert E. (cf. consid. 3.5 supra).