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Informationen zum Dokument  BGer 2A.560/1999  Materielle Begründung
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BGer 2A.560/1999 vom 13.03.2000
 
2A.560/1999
 
[AZA 0]
 
IIe COUR DE DROIT PUBLIC
 
***********************************************
 
13 mars 2000
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
 
Betschart, Hungerbühler. Greffière: Mme Rochat.
 
_____________
 
Statuant sur le recours de droit administratif
 
formé par
 
O.________, représenté par Me Michel Lellouch, avocat à Genève,
 
contre
 
la décision prise le 14 septembre 1999 par la Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de Genève, dans la cause qui oppose le recourant à l'Office cantonal genevois de la population;
 
(art. 17 al. 2 LSEE, art. 8 CEDH: regroupement familial)
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
 
les faits suivants:
 
A.- O.________, ressortissant turc, né en 1954, est arrivé en Suisse comme requérant d'asile le 15 août 1988.
 
Après son divorce en décembre 1989, il a obtenu la garde de ses six enfants demeurés en Turquie, soit A.________, né le 14 avril 1975, B.________, né le 14 avril 1980, C.________, née le 14 avril 1981, D.________, née le 6 mars 1983,
 
E.________, née le 19 avril 1985 et F.________, née le 25 novembre 1988.
 
Le 22 juin 1990, O.________ a épousé une ressortissante suisse, L.________, née en 1933. Il a alors retiré sa demande d'asile, puis a obtenu une autorisation de séjour au titre de regroupement familial, le 16 juillet 1991. Peu après, soit le 25 octobre 1991, il a présenté une demande de regroupement familial pour son fils aîné A.________, alors âgé de seize ans et demi, qui a été rejetée par les autorités genevoises compétentes. Il en a été de même du certificat d'hébergement déposé pour sa fille C.________ en juillet 1996 et de la demande d'entrée en Suisse faite en octobre 1996 auprès de la représentation suisse à Ankara pour sa mère et les trois enfants B.________, C.________ et D.________. Sur le plan personnel, l'intéressé est au bénéfice d'un permis d'établissement depuis le 23 novembre 1995 et dispose d'un emploi stable.
 
B.- Le 11 octobre 1997, O.________ a déposé une demande de regroupement familial en faveur de ses cinq plus jeunes enfants, l'aîné étant devenu majeur et indépendant entre-temps. Cette requête a toutefois été rejetée par l'Office cantonal de la population le 14 mai 1998, pour le motif que les enfants n'entretenaient pas une relation prépondérante avec leur père.
 
Saisie d'un recours de O.________ contre ce prononcé, la Commission cantonale de recours de police des étrangers l'a rejeté, par décision du 14 septembre 1999. Elle a retenu en bref que le père ne fournissait aucune explication convaincante pour justifier sa demande tardive de regroupement familial et que le centre d'intérêts des enfants se trouvait en Turquie, où ils avaient développé toutes leurs attaches; leurs liens avec leur père n'étaient ainsi pas suffisamment étroits pour justifier leur venue en Suisse.
 
D.- O.________ forme un recours de droit administratif contre la décision de la Commission cantonale de recours du 14 septembre 1999 et conclut à son annulation, sous suite de frais et dépens. Il demande également au Tribunal fédéral de reconnaître qu'il a le droit d'obtenir le regroupement familial pour ses cinq plus jeunes enfants, subsidiairement de renvoyer la cause à l'Office cantonal de la population pour nouvelle décision.
 
La Commission cantonale de recours de police des étrangers a renoncé à se déterminer et l'Office cantonal de la population conclut au rejet du recours.
 
Au terme de ses observations, le Département fédéral de justice et police propose également le rejeter le recours.
 
Considérant en droit :
 
1.- a) Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit administratif n'est pas recevable en matière de police des étrangers contre l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confère pas un droit. D'après l'art. 4 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142. 20), les autorités compétentes statuent librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avec l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour ou d'établissement. En principe, l'étranger n'a pas droit à l'autorisation de séjour. Ainsi, le recours de droit administratif est irrecevable, à moins que ne puisse être invoquée une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité, accordant le droit à la délivrance d'une telle autorisation (ATF 124 II 361 consid. 1a p. 363; 123 II 145 consid. 1b p. 147).
 
b) Aux termes de l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE, les enfants célibataires de moins de dix-huit ans ont le droit d'être inclus dans l'autorisation d'établissement de leurs parents aussi longtemps qu'ils vivent auprès d'eux. En outre, selon la jurisprudence, l'art 8 CEDH, qui garantit le respect de la vie privée et familiale, confère un droit à l'enfant mineur d'un étranger d'être compris dans l'autorisation d'établissement (ATF 119 Ib 81 consid. 1c p. 84; 118 Ib 153 consid. 1c p. 157).
 
c) Le Tribunal fédéral examine les conditions de recevabilité en se fondant sur la situation existant lorsqu'il statue (ATF 120 Ib 257 consid. 1f p. 262; 118 Ib 145 consid. 2b p. 148). En particulier, c'est à cette date qu'il examine s'il existe un rapport de dépendance entre un enfant et son parent étranger établi en Suisse, lui permettant de se prévaloir de l'art. 8 CEDH. Autrement dit, il peut arriver que les conditions de recevabilité données au moment du dépôt du recours n'existent plus lorsque le Tribunal fédéral est appelé à statuer. La jurisprudence fait toutefois une exception à cette règle pour appliquer l'art. 17 al. 2 LSEE. En matière de regroupement familial, il suffit que l'enfant requérant l'autorisation de venir en Suisse ait moins de 18 ans au moment du dépôt de la demande (Alain Wurzburger, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, in RDAF 1997, p. 267 ss, spéc. p. 349).
 
En l'espèce, deux des cinq enfants du recourantsont âgés actuellement de plus de 18 ans, de sorte que ce dernier ne peut plus se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour son fils B.________ et sa fille C.________. Quant à la question de savoir s'il peut invoquer cette disposition pour les trois plus jeunes enfants, elle est sans incidence pratique, dès lors que le recours est de toute façon recevable sous l'angle de l'art. 17 al. 2 LSEE.
 
2.- a) Le but du regroupement familial est de permettre aux intéressés de vivre en communauté familiale (ATF 119 Ib 81 consid. 2c p. 86). La seule condition prévue explicitement par l'art. 17 al. 2 LSEE est que les enfants vivent auprès de leurs parents. Toutefois, d'autres exigences doivent être tirées de la loi, de sorte que cette disposition ne confère pas de droit inconditionnel à faire venir en Suisse des enfants vivant à l'étranger. Ainsi, celui des parents qui a librement décidé de partir à l'étranger ne peut en tirer un droit de faire venir son enfant lorsqu'il entretient avec celui-ci des contacts moins étroits que l'autre parent ou que les membres de la famille qui en prennent soin, et qu'il peut maintenir les relations existantes. Dans un tel cas, le droit de l'enfant vivant à l'étranger de rejoindre le parent se trouvant en Suisse suppose qu'il entretienne avec le parent établi en Suisse une relation familiale prépondérante et que la nécessité de sa venue soit établie. A cet égard, il ne faut pas tenir compte seulement des circonstances passées; les changements déjà intervenus, voire les conditions futures, peuvent également être déterminants. Le refus d'une autorisation de séjour ne saurait donc être considéré comme contraire au droit fédéral lorsque la séparation résulte initialement de la libre volonté de l'étranger lui-même, lorsqu'il n'existe pas d'intérêt familial prépondérant à une modification des relations prévalant jusque-là ou qu'un tel changement ne s'avère pas impératif, et que les autorités n'empêchent pas les intéressés de maintenir les liens familiaux existants (ATF 124 II 361 consid. 3a p. 366; 122 II 385 consid. 4b p. 392; 119 Ib 81 consid. 4a et b p. 90/91; 118 Ib 153 consid. 2c et d p. 160/161).
 
Le fait qu'un enfant vienne en Suisse peu avant ses dix-huit ans, alors qu'il a longtemps vécu séparément de celui de ses parents établi en Suisse, ne constitue pas forcément un indice d'abus du droit conféré par l'art. 17 al. 2
 
LSEE. Il y a lieu au contraire de tenir compte de toutes les circonstances du cas, notamment des motifs de l'attribution de l'enfant au parent résidant à l'étranger, de celles de son déplacement auprès de l'autre parent, de l'intensité de ses relations avec celui-ci, et des conséquences qu'aurait l'octroi d'une autorisation d'établissement sur l'unité de la famille (ATF 119 Ib 81 consid. 3a p. 88; 115 Ib 97 consid. 3a p. 101).
 
b) En l'espèce, il s'agit uniquement de déterminer s'il existe entre le recourant et ses enfants une relation familiale prépondérante telle qu'elle est définie par la jurisprudence.
 
Même s'il est arrivé en Suisse comme réfugié, le recourant a continué à se rendre régulièrement en Turquie pendant les vacances, notamment dans l'appartement qu'il a acheté avec sa deuxième épouse à X.________. Il faut donc admettre qu'il a quitté volontairement la Turquie en 1988, alors que sa première femme était enceinte de son sixième enfant. S'il a certes obtenu la garde de ses enfants après son divorce en décembre 1989, il n'en demeure pas moins que cette garde a, de fait, été assurée essentiellement par sa mère, voire par son père et l'un de ses frères qui habitait toujours chez ses parents. Il n'est par ailleurs pas établi que les enfants n'auraient pas entretenu des relations suivies avec leur mère qui séjournerait dans un village voisin. Ainsi, le fait que le recourant ait maintenu des contacts réguliers avec ses enfants en pourvoyant à leurs besoins matériels, en leur rendant visite pendant les vacances et en leur téléphonant ne signifie pas encore qu'il ait noué avec eux une relation prépondérante. Pour cela, il aurait fallu qu'il intervienne de manière décisive dans leur éducation, au point de reléguer les membres de sa famille qui s'en occupaient au rôle de simples exécutants (voir arrêt non publié du 30 septembre 1998 en la cause Dinc, consid. 3b). En outre, environ trois mois après son mariage avec une Suissesse, il a présenté une demande de regroupement familial uniquement pour son fils aîné, actuellement âgé de 25 ans et qui n'est plus concerné par la présente procédure. La demande faite en octobre 1997, soit six ans plus tard pour les cinq autres enfants n'aurait donc pas pour résultat de réunir la famille complète. Elle apparaît au demeurant tardive en ce qui concerne le fils B.________ et les deux filles C.________ et D.________, qui ont de toute évidence le centre de leurs intérêts en Turquie, puisqu'ils sont actuellement âgés respectivement de vingt, dix-neuf et dix-sept ans; ils sont donc maintenant en âge de commencer une vie professionnelle et de prendre peu à peu leur indépendance.
 
La situation des deux filles cadettes, E.________ et F.________ est plus délicate, dès lors qu'elles n'ont que quinze et onze ans et demi. Le recourant ne démontre toutefois pas que sa mère, aujourd'hui malade et âgée de soixante-neuf ans, serait la seule personne en mesure de s'occuper de ses deux filles et qu'il n'y aurait pas d'autres alternatives que de les soustraire à leur environnement habituel et au cercle de leurs relations; il semble au contraire peu souhaitable de les intégrer dans un milieu dont elles ne connaissent pas la langue et dans un système scolaire complètement différent du leur (ATF 125 II 585 consid. 2c p. 588 et les références citées). A cet égard, le recourant n'établit pas non plus que son épouse actuelle aurait des affinités particulières avec ses enfants et qu'elle serait mieux à même de s'en occuper.
 
c) Dans ces circonstances, rien ne permet d'affirmer que les relations qu'il a entretenues avec ses enfants depuis bientôt douze ans aient été l'expression d'un lien particulièrement étroit. L'autorité intimée n'a donc pas violé l'art. 17 al. 2 LSEE en retenant que le but du regroupement familial ne serait pas atteint.
 
4.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté, avec suite de frais à la charge du recourant (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ).
 
Par ces motifs,
 
le Tribunal fédéral :
 
1.- Rejette le recours.
 
2.- Met à la charge du recourant un émolument judiciaire de 2'000 fr.
 
3.- Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, à l'Office cantonal de la population et à la Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de Genève, ainsi qu'au Département fédéral de justice et police.
 
________________
 
Lausanne, le 13 mars 2000
 
ROC/elo
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
 
Le Président,
 
La Greffière,
 
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