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Informationen zum Dokument  BGer 4P.29/2000  Materielle Begründung
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BGer 4P.29/2000 vom 23.03.2000
 
[AZA 3]
 
4P.29/2000
 
Ie COUR CIVILE
 
****************************
 
23 mars 2000
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz,
 
juges. Greffier: M. Ramelet.
 
_______________
 
Statuant sur le recours de droit public
 
formé par
 
Gérald Sauthier, à St-Séverin, représenté par Me Philippe Pont, avocat à Sierre,
 
contre
 
le jugement rendu le 10 janvier 2000 par la Ie Cour civile du Tribunal cantonal valaisan dans la cause qui oppose le recourant à Marthe-Angèle Dubuis, à Sion, représentée par Me Paul Dorsaz, avocat à Conthey;
 
(arbitraire; droit d'être entendu, excès de formalisme)
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
 
les faits suivants:
 
A.- Saisi d'un litige en matière de contrat de bail introduit en 1994, le Juge III du district de Sion, par décision du 24 septembre 1999, a condamné Gérald Sauthier à verser à Marthe-Angèle Dubuis 113 750 fr. avec intérêts à 5% dès le 22 février 1994, 99 688 fr. avec intérêts à 5% dès le 5 mai 1994 et 366 000 fr. avec intérêts à 5% dès le 5 mai 1994; il a prononcé la mainlevée définitive à concurrence de 113 750 fr. plus intérêts à 5% dès le 22 février 1994 et a statué sur les frais et dépens.
 
B.- Le 7 octobre 1999, Gérald Sauthier a formé appel contre ce jugement auprès du Tribunal cantonal valaisan.
 
Par ordonnance du 20 octobre 1999, le Président de la Ie Cour civile a imparti à l'appelant un unique délai de 30 jours pour effectuer une avance de frais de 13 000 fr., à peine d'irrecevabilité. L'ordonnance a été reçue le 21 octobre 1999.
 
La veille de l'expiration du délai, le vendredi 19 novembre 1999, l'avocat de Sauthier a écrit au président pour demander des explications, estimant l'avance exagérée. Par lettre du lundi 22 novembre 1999, le président a expliqué sa position et confirmé que l'avance devait être effectuée dans le délai imparti, à peine d'irrecevabilité.
 
Le solde de l'avance a été versé le mardi 23 novembre 1999.
 
Par jugement du 10 janvier 2000, la Ie Cour civile du Tribunal cantonal valaisan, constatant que l'avance n'avait pas été versée intégralement dans le délai imparti, a déclaré en conséquence l'appel irrecevable.
 
C.- Gérald Sauthier forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invoquant la violation de divers droits constitutionnels, il conclut à l'annulation de la décision attaquée.
 
Par ordonnance du 1er mars 2000, le Président de la Ie Cour civile a accordé l'effet suspensif au recours.
 
L'intimée conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable, alors que la cour cantonale se réfère à son jugement.
 
Considérant en droit :
 
1.- a) Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ).
 
L'arrêt rendu par la cour cantonale, qui est final, n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal dans la mesure où le recourant invoque la violation directe d'un droit de rang constitutionnel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84 al. 2, 86 al. 1 et 87 OJ). La décision attaquée repose entièrement sur le droit cantonal, ce qui exclut d'emblée un recours en réforme (art. 43 al. 1 OJ; ATF 125 III 305 consid. 2e; 123 III 337 consid. 3b, 395 consid. 1b, 414 consid. 3c).
 
Le recourant est personnellement touché par la décision attaquée, qui fait entrer en force sa condamnation à paiement, de sorte qu'il a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, il a qualité pour recourir (art. 88 OJ).
 
Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable.
 
Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public n'est qu'une voie de cassation et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 125 II 86 consid. 5a; 124 I 231 consid. 1d; 123 I 87 consid. 5).
 
b) En instance de recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs exposés de manière assez claire et détaillée pour qu'il puisse déterminer quel est le droit constitutionnel dont l'application est en jeu (ATF 125 I 492 consid. 1b et les références; cf. également ATF 110 Ia 1 consid. 2a).
 
2.- a) Le recourant invoque tout d'abord l'interdiction de l'arbitraire.
 
Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst. , ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b; 124 I 247 consid. 5; 124 V 137 consid. 2b).
 
b) Un nouveau code de procédure civile valaisan est entré en vigueur le 1er janvier 1999 (RS 251). Selon sa disposition transitoire, les procédures déjà introduites lors de l'entrée en vigueur du nouveau droit sont poursuivies jusqu'au jugement selon l'ancien droit; en revanche, la procédure de recours est régie par le nouveau droit (art. 317 CPC val.). On ne voit donc pas en quoi la cour cantonale aurait statué arbitrairement en constatant que l'appel formé en l'espèce était soumis au nouveau code de procédure civile valaisan.
 
Selon l'art. 300 al. 1 let. b de ce nouveau code, toutes les contestations pour lesquelles le droit fédéral prévoit une procédure simple, rapide ou accélérée, relèvent en principe de la procédure accélérée valaisanne. L'art. 274d al. 1 CO prévoit que les cantons doivent instituer une procédure simple et rapide pour les litiges portant - comme c'est le cas en l'espèce - sur les baux d'habitations et de locaux commerciaux. C'est donc sans le moindre arbitraire que la cour cantonale a considéré que l'appel était soumis à la procédure accélérée du nouveau droit.
 
L'unique disposition consacrée à l'appel en procédure accélérée est extrêmement brève (art. 309 CPC val.). Il n'est en tout cas pas insoutenable de penser que, pour les problèmes qui ne sont pas réglés spécialement par cette disposition, il faut appliquer les règles générales de la procédure accélérée prévues aux art. 300 ss CPC val. La possibilité de demander une avance des frais n'est pas douteuse:
 
elle résulte aussi bien du renvoi général de l'art. 300 al. 2 CPC val. que de l'allusion claire à cette possibilité faite à l'art. 306 al. 2 CPC val. Il semble que la procédure accélérée valaisanne se caractérise notamment par la possibilité donnée au juge de fixer un unique délai à peine de défaut (art. 305 al. 1 CPC val.). En tout cas, l'art. 306 al. 2 CPC val. indique que "le défaut de fournir, sur sommation unique, l'avance de frais requise pour l'émolument de justice ou les sûretés pour les dépens entraîne l'irrecevabilité de la demande avec suite de frais". Il n'est ainsi pas insoutenable de dire que la procédure valaisanne permet au juge de fixer, pour l'avance de frais, un délai unique à peine d'irrecevabilité.
 
L'art. 305 al. 2 CPC val. exige certes que le juge signale les conséquences du défaut à accomplir les actes de procédure exigés, mais le recourant ne nie pas que cet avertissement lui a été donné en l'espèce.
 
Il est vrai que le recourant avait contesté le montant de l'avance, peu avant l'expiration du délai, par sa lettre du 19 novembre 1999. Il ne soutient cependant pas que le droit cantonal lui aurait permis de recourir contre cette décision, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner la question sous cet angle. Sa lettre se caractérise donc comme une demande de reconsidération. Il est communément admis qu'une telle demande ne suspend pas les délais qui courent (Ulrich Häfelin/Georg Müller, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, 2ème éd., n° 1427). Le recourant ne soutient pas que le droit cantonal prévoirait le contraire. Ainsi, il n'est pas arbitraire d'admettre que la lettre du 19 novembre 1999 n'entraînait aucun effet suspensif.
 
Dès lors qu'il appert que l'avance requise n'a pas été intégralement versée dans le délai imparti, la cour cantonale n'a pas violé arbitrairement le droit cantonal en constatant l'irrecevabilité de l'appel, comme elle en avait prévenu le recourant.
 
3.- a) Le recourant invoque une violation de son droit à une décision motivée.
 
La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. , l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 125 II 369 consid. 2c; 124 II 146 consid. 2a; 124 V 180 consid. 1a; 123 I 31 consid. 2c; 122 IV 8 consid. 2c).
 
b) L'avance des frais, qui constitue une mesure provisoire, suppose une appréciation en fonction de la valeur litigieuse et des difficultés présumables de la procédure, sur la base de l'écriture soumise par la partie qui y est astreinte; dès lors que cette appréciation repose entièrement sur des éléments connus de l'appelant, à savoir sa propre écriture, on peut se demander dans quelle mesure une motivation, non exigée par la procédure cantonale, pourrait être imposée directement sur la base de l'art. 29 al. 2 Cst. Quoi qu'il en soit, le recourant a demandé des éclaircissements et il ne conteste pas avoir reçu une réponse complète. On ne voit dès lors pas comment, en définitive, son droit à une décision motivée aurait pu être violé.
 
4.- a) Le recourant se plaint d'un formalisme excessif.
 
L'interdiction du formalisme excessif peut être déduite du droit à un procès équitable (art. 29 al. 1 Cst.) ou de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Il y a formalisme excessif lorsqu'il est prévu pour une procédure des règles de forme rigoureuses, sans que cette rigueur ne soit matériellement justifiée; cependant, le Tribunal fédéral a toujours déclaré que les formes procédurales sont nécessaires dans la mise en oeuvre des voies de droit pour assurer le déroulement de la procédure conformément au principe de l'égalité de traitement, ainsi que pour garantir l'application du droit matériel; toutes les exigences formelles ne se trouvent donc pas en contradiction avec le droit constitutionnel.
 
Il y a formalisme excessif seulement lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et empêche ou complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel (ATF 125 I 166 consid. 3a; 121 I 177 consid. 2b/aa; 120 II 425 consid. 2a; 120 V 413 consid. 4b; 119 Ia 4 consid. 2a et d; 118 Ia 14 consid. 2a, 241 consid. 4; 118 V 311 consid. 4).
 
b) Il y a un intérêt majeur, notamment pour le créancier, à savoir si un jugement est ou non entré en force.
 
Il est donc légitime de se montrer strict en ce qui concerne le respect des délais dont dépend la recevabilité d'un recours.
 
Il n'y a donc pas d'excès de formalisme à déclarer un recours irrecevable lorsque l'acte est déposé tardivement ou lorsque l'avance des frais n'a pas été faite en temps utile.
 
5.- En invoquant différents droits constitutionnels (art. 9, 29, 30 Cst. , art. 6 CEDH, art. 14 du pacte II ONU), le recourant se plaint de la décision sur les frais.
 
Selon le jugement attaqué, un émolument de justice de 200 fr. a été mis à la charge du recourant pour avoir interjeté un appel irrecevable. On ne voit pas en quoi la fixation de cette modeste somme, pour les frais provoqués par l'appel, entraînerait la violation de l'un des droits constitutionnels invoqués. En tout cas, la motivation présentée à cet égard est insuffisante pour le comprendre (art. 90 al. 1 let. b OJ).
 
S'agissant de la somme de 7600 fr., il ressort du jugement de première instance qu'il s'agit d'un solde de frais qui est dû par le recourant pour la procédure qui s'est déroulée devant le Juge de district. Le recourant ne conteste pas cette condamnation à paiement avec une motivation qui réponde aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Il résulte du jugement attaqué que cette somme a été versée au Tribunal de district par le greffe du Tribunal cantonal. Dès lors qu'elle a été payée au Tribunal de district, il apparaît hors de question que celui-ci la réclame une seconde fois en s'adressant au recourant. Le Tribunal cantonal, qui a versé cette somme, la considère comme un débours, lequel a été mis à la charge du recourant. On ne voit pas ce que cette décision aurait de choquant et la situation est suffisamment claire pour que le recourant ne soit pas exposé à devoir payer deux fois. Sous cet angle également, on ne discerne aucune violation des droits constitutionnels invoqués.
 
6.- Les frais et dépens doivent être mis à la charge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
 
Par ces motifs,
 
le Tribunal fédéral :
 
1. Rejette le recours;
 
2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la charge du recourant;
 
3. Dit que le recourant versera à l'intimée une indemnité de 3000 fr. à titre de dépens;
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Ie Cour civile du Tribunal cantonal valaisan.
 
____________
 
Lausanne, le 23 mars 2000 ECH
 
Au nom de la Ie Cour civile
 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
 
Le Président,
 
Le Greffier,
 
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