VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 1P.601/1999  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 1P.601/1999 vom 17.05.2000
 
[AZA 0]
 
1P.601/1999
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
 
**********************************************
 
17 mai 2000
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président, Féraud et Mme la Juge suppléante Pont Veuthey.
 
Greffier: M. Jomini.
 
_____________
 
Statuant sur le recours de droit public
 
formé par
 
X.________, représenté par Me Jacques H. Wanner, avocat à Lausanne,
 
contre
 
l'arrêt rendu le 13 septembre 1999 par le Tribunal administratif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose le recourant à la Municipalité de la commune de Jouxtens-Mézery;
 
(permis de construire, ordre de démolition)
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
 
les faits suivants:
 
A.- X.________ est propriétaire à Jouxtens-Mézery de la parcelle n° 403 et de la villa qui s'y trouve. Cette maison est reliée à la voie publique, le chemin de la Rueyre, par une route privée. En avril 1991, X.________ a demandé à la Municipalité de la commune de Jouxtens-Mézery (ci-après: la municipalité) l'autorisation de poser un miroir à l'intersection des deux routes précitées, afin d'améliorer la visibilité pour les conducteurs de véhicules s'engageant, depuis chez lui, sur le chemin de la Rueyre. La municipalité n'a pas fait droit à cette demande, expliquant dans ses lettres des 25 avril et 13 mai 1991 qu'elle appliquait depuis plusieurs années une pratique consistant à refuser la pose de miroirs aux débouchés des chemins privés sur la voie publique et qu'au demeurant, la visibilité était bonne à cette intersection.
 
Nonobstant ce refus, X.________ a installé un miroir sur le mur (appartenant à un tiers) faisant face au débouché de la route privée sur le chemin de la Rueyre. Le 20 juin 1991, la municipalité a invité le propriétaire du mur à enlever ce miroir. X.________ a lui-même recouru contre cette décision.
 
Le Tribunal administratif du canton de Vaud a instruit cette affaire, tenant notamment une audience sur place le 26 février 1992; à cette occasion, avec l'accord des parties, il a suspendu la procédure pour permettre à la municipalité d'étudier et d'ordonner les mesures utiles à améliorer la visibilité à l'endroit litigieux.
 
X.________ a ensuite remplacé le premier miroir par un nouveau, installé au même endroit (miroir de 70 cm sur 90 cm avec support métallique). Par une lettre du 13 juillet 1992, la municipalité lui a écrit qu'elle renonçait, jusqu'à l'établissement de mesures de modération du trafic, à prendre une décision tendant à faire supprimer ce miroir et qu'elle admettait de le tolérer jusqu'à ce moment-là. Le recours au Tribunal administratif a dès lors été retiré et le juge instructeur a rayé la cause du rôle par une ordonnance du 9 septembre 1992.
 
B.- Le 8 janvier 1998, la municipalité a informé X.________ de l'achèvement des travaux de mise en place de la modération du trafic sur le territoire communal. Elle l'a en conséquence invité à enlever le miroir posé en 1992. X.________ ayant répondu qu'il s'opposait à cette injonction, la municipalité a, par une lettre du 4 février 1998, confirmé sa décision, fondée sur des motifs d'esthétique (son but étant d'"éviter au maximum la pose de nouveaux miroirs à Jouxtens-Mézery"). Elle a par ailleurs transmis l'opposition au Tribunal administratif, afin qu'il la traite comme un recours.
 
Une inspection locale a été organisée par le Tribunal administratif, qui a notamment pu voir les aménagements réalisés pour la modération du trafic le long du chemin de la Rueyre (trottoir carrossable, rehaussements à environ 50 m de part et d'autre du débouché litigieux).
 
Par un arrêt rendu le 13 septembre 1999, le Tribunal administratif a rejeté le recours formé par X.________ et confirmé la décision de la municipalité lui ordonnant d'enlever son miroir. Il a considéré, en substance, qu'une telle installation nécessitait un permis de construire et que la municipalité était fondée à refuser une régularisation a posteriori, sur la base des règles du droit cantonal et du droit communal concernant l'esthétique des constructions et installations; en outre, les conditions du droit cantonal et du droit constitutionnel pour en ordonner la suppression étaient remplies. L'arrêt a été notifié à X.________ le 14 septembre 1999.
 
C.- Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de l'art. 4 aCst. - le mémoire de son mandataire ayant été déposé le 11 octobre 1999 -, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif et de renvoyer l'affaire à cette juridiction afin qu'elle annule la décision municipale. Il prétend que la municipalité aurait dû tolérer le maintien de son miroir, comme elle le fait pour d'autres miroirs installés sur le territoire communal. Il soutient en outre qu'en considérant que la pose du miroir aurait nécessité un permis de construire, le Tribunal administratif a appliqué de façon arbitraire la règle cantonale définissant les constructions et installations soumises à autorisation, à savoir l'art. 103 al. 1 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC). Il se plaint encore d'une application arbitraire de la clause d'esthétique et affirme qu'au regard du principe de la proportionnalité, les considérations de sécurité du trafic routier auraient dû l'emporter et justifier le maintien du miroir.
 
La municipalité et le Tribunal administratif concluent au rejet du recours de droit public.
 
Le 12 novembre 1999, X.________ a, spontanément et sans le concours de son avocat, déposé une lettre et produit des déclarations écrites de certains voisins appuyant ses démarches.
 
D.- Par ordonnance du 5 novembre 1999, le Président de la Ie Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif présentée par le recourant.
 
Considérant en droit :
 
1.- Propriétaire de l'installation litigieuse et destinataire de l'ordre de démolition, X.________ a manifestement qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ (cf. ATF 126 I 81 consid. 3b p. 85 et les arrêts cités). L'acte déposé par son avocat répond aux exigences de recevabilité des art. 84 ss OJ. Il y a donc lieu d'entrer en matière.
 
Il n'est pas tenu compte du complément au recours déposé le 12 novembre 1999, après l'échéance du délai de trente jours de l'art. 89 al. 1 OJ.
 
2.- Le recourant soutient que la pose du miroir était admissible sans autorisation de construire, en raison de sa structure et de ses dimensions, et il se plaint à ce propos d'une interprétation arbitraire, par le Tribunal administratif, de l'art. 103 al. 1 LATC.
 
a) Une décision est arbitraire - et partant contraire à l'art. 9 Cst. ou à l'art. 4 aCst. , encore en vigueur au moment où le Tribunal administratif a statué - lorsqu'elle méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle est insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10 consid. 3a p. 15, 129 consid. 5b p. 134; 124 V 137 consid. 2b p. 139; 124 IV 86 consid. 2a p. 88 et les arrêts cités).
 
b) L'art. 103 al. 1 LATC dispose qu'"aucun travail de construction ou de démolition, en surface ou en sous-sol, modifiant de façon sensible la configuration, l'apparence ou l'affectation d'un terrain ou d'un bâtiment, ne peut être exécuté avant d'avoir été autorisé". Le Tribunal administratif a considéré que la pose du miroir litigieux entrait dans le champ d'application de cette disposition (ce qui entraîne l'obligation de respecter les règles matérielles du droit des constructions), en mentionnant d'autres installations analogues nécessitant également un permis de construire selon la pratique cantonale (antenne parabolique individuelle, mât d'éclairage). Le recourant conteste dans le cas particulier le caractère "sensible" de la modification apportée à l'endroit litigieux.
 
L'exigence d'une autorisation de construire, énoncée en droit cantonal à l'art. 103 al. 1 LATC, s'applique en vertu du principe de l'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) à la création ou à la transformation de toutes les constructions et installations. Les autorités communales ou cantonales ont un certain pouvoir d'appréciation dans l'interprétation des notions de construction et d'installation et, dans la pratique, elles sont confrontées à de nombreux cas limites ou à des situations posant des problèmes spécifiques (cf. Alexander Ruch, Commentaire LAT, Zurich 1999, art. 22 N. 25). Le miroir litigieux pourrait représenter un cas limite, à l'instar de divers autres ouvrages de peu d'importance; exerçant son pouvoir d'appréciation, la municipalité a considéré qu'il répondait néanmoins à la définition de l'installation selon le droit de l'aménagement du territoire. Une telle interprétation, confirmée par le Tribunal administratif, n'est pas arbitraire. Cela étant, il n'est pas davantage arbitraire d'estimer qu'un miroir posé en bordure d'une route communale, à un endroit où il estbienvisible, modifie de façon relativement sensible la configuration des lieux, selon le critère de l'art. 103 al. 1 LATC.
 
3.- Le recourant qualifie d'arbitraire l'ordre qui lui a été donné d'enlever son miroir, car le Tribunal administratif aurait violé le principe de la proportionnalité.
 
a) La décision attaquée est fondée sur l'art. 105 LATC, qui permet à la municipalité d'imposer la suppression ou la modification des travaux non conformes aux dispositions légales et réglementaires. Le Tribunal administratif a également appliqué les exigences, tirées du droit constitutionnel, concernant l'ordre de démolir une construction ou installation réalisée sans permis, et pour laquelle une autorisation ne pouvait pas être accordée. Ainsi, selon la jurisprudence, celui qui place l'autorité devant le fait accompli, en négligeant de demander un permis de construire, doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe de rétablir une situation conforme au droit, en dépit des inconvénients qu'il doit subir en tant que propriétaire; cet élément doit être pris en compte dans l'examen de la proportionnalité. L'autorité ne renoncera donc à la remise en état des lieux que si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au propriétaire, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à réaliser son installation ou encore si, après une modification législative, il y a des chances sérieuses de faire reconnaître celle-ci comme conforme au nouveau droit (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255; 111 Ib 213 consid. 6 p. 221; 108 Ia 216 consid. 4b p. 218; 104 Ib 301 consid. 5 p. 303).
 
b) Le recourant ne prétend pas qu'il pouvait se croire autorisé à installer puis à conserver son miroir; l'attitude de la municipalité a été suffisamment claire à son égard dès 1991, en refusant d'emblée son projet. Il ne prétend pas que le motif du refus - la sauvegarde du caractère du village, qui serait compromis par l'installation de miroirs le long des rues - ne reposerait pas sur un intérêt public sérieux et il ne conteste pas qu'une telle décision peut être fondée sur des normes du droit cantonal et communal (l'art. 86 LATC, qui pose une règle générale en matière d'esthétique et d'intégration des constructions, et l'art. 4 du règlement communal sur l'aménagement et les constructions, qui charge la municipalité de prendre toutes mesures pour éviter l'enlaidissement du territoire communal). La municipalité jouit d'un pouvoir d'appréciation étendu en matière d'esthétique; elle peut, de ce point de vue, accorder une attention particulière aux abords des voies publiques en y proscrivant certains types d'installations - des miroirs, notamment -, qui compromettraient l'aspect général des rues ou le caractère du village. La fonction même des miroirs exclut qu'ils soient posés en retrait des voies publiques de façon à ne pas être visibles, ou qu'ils soient conçus ou posés différemment, de manière à mieux s'intégrer dans le milieu bâti.
 
Une interdiction générale de certaines installations, fondée sur la clause d'esthétique, doit cependant pouvoir connaître des dérogations, dans des circonstances spéciales. Le recourant prétend qu'il aurait dû en être ainsi dans le cas particulier, pour des motifs de sécurité de la circulation routière. Cet élément n'a pas été ignoré par le Tribunal administratif, qui a cependant considéré que le miroir litigieux n'était pas indispensable, après avoir examiné différentes hypothèses de trafic; il a aussi pris en compte les effets de la modération du trafic, incitant les conducteurs à rouler prudemment à cet endroit. Il apparaît donc que la municipalité a aménagé le domaine public de façon à garantir la sécurité du trafic et qu'une installation complémentaire d'un propriétaire privé, visant le même but, ne s'imposait pas. Dans ces conditions, il n'est pas arbitraire de ne pas accorder un caractère prépondérant aux motifs, même défendables, qui ont conduit le recourant à installer un miroir sans autorisation et en violation des normes sur l'esthétique et l'intégration des constructions.
 
Sous l'angle de la proportionnalité, le Tribunal administratif a encore retenu que le miroir litigieux n'était pas une installation très coûteuse et qu'il pouvait aisément être démonté. Cela n'est pas contesté par le recourant, dont les griefs à ce propos sont en définitive mal fondés.
 
4.- Le recourant qualifie encore d'arbitraire la pratique de la municipalité, qui tolérerait la pose ou le maintien d'autres miroirs. Il n'obtiendrait donc pas le même traitement que d'autres citoyens, et cela sans motifs objectifs suffisants et sérieux.
 
Le Tribunal administratif a constaté la présence d'autres miroirs sur le territoire communal, en retenant cependant que les situations n'étaient pas comparables à celle du recourant. Certains miroirs avaient été installés depuis près de trente ans: une tolérance sans réserve pendant une si longue durée peut en effet, suivant les circonstances, priver l'autorité du droit d'exiger la démolition (cf. ATF 107 Ia 121 consid. 1 p. 123 et la jurisprudence citée); on ne saurait la comparer à une tolérance pendant sept ans, dont le recourant a bénéficié, d'autant plus que l'autorité lui avait d'emblée indiqué à quel moment elle exigerait l'enlèvement de l'installation. Le Tribunal administratif a aussi mentionné le cas d'un miroir présentant une utilité certaine en raison de la configuration des lieux, ce qui le distingue objectivement du miroir litigieux. Enfin, certains miroirs ont été installés à l'insu de la municipalité, qui n'en a constaté l'existence qu'à l'occasion de la procédure ouverte par le recourant; on ne saurait en déduire que cette autorité les tolérera à l'avenir et qu'elle s'écartera de sa pratique constante tendant à éviter, dans toute la mesure du possible, ce genre d'installations pour des motifs d'esthétique. Le recourant n'invoque en outre pas, de façon suffisammentprécise, d'autressituationscomparablesàlasienne. Songriefd'arbitraire, tiréd'uneprétendueinégalitédetraitement, estdoncmalfondé.
 
5.- Le recours de droit public, entièrement mal fondé, doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, doit supporter l'émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156 OJ). La municipalité, procédant sans le concours d'un mandataire, n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 et 2 OJ).
 
Par ces motifs,
 
le Tribunal fédéral :
 
1. Rejette le recours;
 
2. Met un émolument judiciaire de 4'000 fr. à la charge du recourant;
 
3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens;
 
4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, à la Municipalité de la commune de Jouxtens-Mézery et au Tribunal administratif du canton de Vaud.
 
____________
 
Lausanne, le 17 mai 2000
 
JIA/col
 
Au nom de la Ie Cour de droit public
 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
 
Le Président,
 
Le Greffier,
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).