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Informationen zum Dokument  BGer 1A.35/2000  Materielle Begründung
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BGer 1A.35/2000 vom 19.06.2000
 
[AZA 0]
 
1A.35/2000
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
 
**********************************************
 
19 juin 2000
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
 
Féraud et Jacot-Guillarmod. Greffier: M. Zimmermann.
 
___________
 
Statuant sur le recours de droit administratif
 
formé par
 
A.________ S.A., A.________ Finance, A.________ Holding, toutes représentées par MMes Laurent Moreillon et Michel Dupuis, avocats à Lausanne,
 
contre
 
la décision de clôture de la procédure d'entraide prise le 28 décembre 1999 par le Ministère public de la Confédération;
 
(Entraide judiciaire à la Fédération de Russie; art. 1, 2, 3, 5 et 14 CEEJ; art. 1, 1a, 2, 3, 28, 64 et 80h EIMP; double incrimination; ordre public; principe de la proportionnalité)
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
 
les faits suivants:
 
A.- Le 5 mai 1999, le Procureur général de la Fédération de Russie, M.B. Katychev, a demandé l'entraide judiciaire à la Suisse pour les besoins de la procédure pénale ouverte contre les ressortissants russes Boris Abramovitch Berezovski, Nikolai Alexeievitch Glouchkov et Alexander Semionovitch Krasnenker, pour fraude et blanchiment d'argent, délits réprimés par les art. 159 et 174 du Code pénal russe (CPR).
 
La demande expose que le 1er avril 1993 a été constituée la société Aeroflot (ci-après: Aeroflot) - reprenant la compagnie aérienne préexistant sous le même nom - dont la Fédération de Russie détient 51% du capital-actions. A l'instigation de Berezovski, Glouchkov était devenu le premier adjoint du directeur économique et financier d'Aeroflot, Krasnenker adjoint pour les affaires commerciales et E.________ adjoint pour la logistique. Berezovski et Glouchkov étaient les principaux actionnaires et dirigeants de la société A.________ S.A., constituée à Lausanne le 7 février 1994. Le 9 mai 1996, Glouchkov aurait, au nom d'Aeroflot, conclu un accord (désigné sous la rubrique n°xxx) avec A.________, aux termes duquel celle-ci mettait un compte bancaire (désigné sous la rubrique n°aaa) à la disposition de Berezovski et de Glouchkov. Cette opération violait l'art. 5 par. 2 de la loi russe du 9 octobre 1992 sur la réglementation de change et le contrôle des devises. Le 30 mai 1996, à l'instigation de Berezovski, de Glouchkov et de Krasnenker, G.________, à l'époque directeur général d'Aeroflot, aurait donné l'ordre aux représentations d'Aeroflot à l'étranger de transférer 80% des bénéfices réalisés sur le compte n°aaa. Un montant total de 400'000'000 USD aurait été détourné. Dès le mois d'avril 1996, un montant d'environ 200'000'000 USD, correspondant aux émoluments à payer par les compagnies étrangères pour l'utilisation des voies aériennes russes, aurait été viré sur un compte appartenant à une société Forus Services S.A., dont Berezovski et Glouchkov étaient les administrateurs.
 
Un montant de 100'000'000 USD aurait été acheminé, via une société H.________ contrôlée par Berezovski, sur le compte n°bbb ouvert au nom d'une société I.________ auprès de l'UBS à Lausanne. Un montant de 15'000'000 USD, provenant des bénéfices d'Aeroflot, aurait été transféré sur le compte ouvert au nom d'une société L.________. Berezovski et ses comparses auraient utilisé ces fonds blanchis pour des opérations financières en Russie, à des fins personnelles.
 
Etaient aussi impliqués dans l'affaire, outre Berezovski, Glouchkov, Krasnenker, E.________ et G.________, les dénommés Y.________, P.________, N.________ et O.________. La demande tendait à la saisie de tous les documents relatifs aux activités de A.________ et de Forus, en relation avec les faits décrits dans la demande; à la remise de la documentation relative aux comptes n°bbb et aaa, ainsi que de tout autre compte ouvert au nom des sociétés citées dans l'exposé des faits et dont Berezovski serait le bénéficiaire. Le Procureur Katychev a aussi demandé aux autorités suisses de déterminer si Berezovski, Glouchkov, Krasnenker, E.________, Y.________, P.________, G.________, N.________ et O.________ étaient titulaires de comptes ou de cartes de crédit auprès de l'UBS ou d'autres établissements bancaires; de vérifier si ces personnes avaient payé des impôts en Suisse ou possédaient des biens immobiliers en Suisse; de saisir tous ces comptes et biens; de remettre la documentation relative à leurs séjours en Suisse. La demande tendait à l'audition comme témoins de M.________, de J.________, de F.________, de K.________, de Q.________, de R.________, de S.________ et de T.________, ainsi que de P.________ qui résidait en Suisse. Le Procureur Katychev a demandé en outre à ce que des collaborateurs du Ministère public russe et du Ministère des finances soient autorisés à participer à l'exécution des mesures d'entraide.
 
Le 23 juin 1999, l'Office fédéral de la police (ci-après: l'Office fédéral) a délégué l'exécution de cette demande au Ministère public de la Confédération (ci-après: le Ministère public).
 
Le 30 juin 1999, le Ministère public a ordonné la saisie du compte n°ooo ouvert auprès de l'UBS à Lausanne, dont A.________ Finance est la titulaire et Berezovski et Glouchkov les ayants droit; du compte n°ppp ouvert auprès de l'UBS à Lausanne et dont A.________ Holding est la titulaire et Berezovski et Glouchkov les ayants droit, ainsi que les comptes n°aaa et qqq dont A.________ est la titulaire.
 
Le 1er juillet 1999, le Ministère public a saisi, dans les locaux de A.________ une grande quantité de documents.
 
B.- L'Etat requérant a complété la demande à cinq reprises.
 
Le 16 juillet 1999, Nikolai Vassilievitch Volkov, Juge d'instruction chargé des enquêtes particulièrement importantes auprès du Ministère public russe, a adressé directement au Procureur général de la Confédération un complément de la demande du 5 mai 1999. Ce document précisait que le séquestre des comptes visés dans la demande était rendu nécessaire par les prescriptions du droit interne russe; que les ressortissants russes désignés dans la demande étaient soupçonnés d'avoir utilisé des comptes en Suisse pour blanchir le produit des infractions commises au détriment d'Aeroflot ou pour cacher les pots-de-vin versés par Berezovski; que les mesures visant G.________ et N.________ avaient pour but de vérifier si ces dirigeants d'Aeroflot avaient été corrompus par Berezovski.
 
Le 30 juillet 1999, le Juge Volkov a complété la demande du 5 mai 1999, en demandant à ce que soient saisis non seulement les comptes ouverts au nom des personnes désignées dans la demande, mais aussi ceux ouverts au nom des tiers qui auraient pu jouer le rôle de comparses ou d'intermédiaires.
 
Cela concernait notamment les dénommés Z.________, adjointe de Y.________; W.________, directeur adjoint d'Aeroflot; AA.________, directeur de L.________; BB.________, directeur de la société CC.________, dépendante de la société H.________; DD.________, représentante d'Aeroflot dans le conseil d'administration de A.________; EE.________, dirigeant de la banque FF.________ et de la société GG.________, dominées par Berezovski; HH.________, épouse de ce dernier.
 
Le 13 août 1999, Vassili Vassilievitch Kolmogorov, adjoint du Procureur général de la Fédération de Russie, a réitéré la nécessité, pour les besoins de la procédure ouverte dans l'Etat requérant, de procéder à la saisie des comptes bancaires pouvant avoir servi à la commission des infractions poursuivies, notamment pour ce qui concernait la saisie de la documentation relative aux comptes ouverts auprès de l'UBS à Lausanne au nom des sociétés Forus et A.________.
 
Le 12 novembre 1999, le Juge Volkov a demandé au Ministère public de lui remettre la documentation propre à démontrer que Berezovski et Glouchkov dominaient A.________, ainsi que la documentation relative aux transferts de fonds des comptes de A.________ aux comptes (ou sous-comptes) d'Aeroflot. Le Juge Volkov a indiqué que, sur le vu du développement de l'enquête, des inculpations pour fraude (art. 159 CPR) seraient prochainement prononcées. Il apparaissait en effet que des sommes importantes, appartenant aux sociétés Aeroflot, JJ.________ et KK.________, titulaires de comptes en Suisse par l'intermédiaire de A.________, avaient été acheminées, au titre de paiements pour des contrats fictifs, sur les comptes des personnes physiques citées dans la demande et ses compléments et de sociétés (dont notamment I.________, LL.________, MM.________, Forus, NN.________, OO.________, PP.________, QQ.________, RR.________, SS.________, TT.________ et UU.________). Le Juge Volkov a précisé à cette occasion que les accusations d'activités économiques illégales (art. 171 CPR) et de blanchiment (art. 174 CPR) avaient été abandonnées à l'encontre de Berezovski - mais non de Glouchkov et de Krasnenker -, sans qu'il soit exclu de les ranimer sur le vu des renseignements qui pourraient être fournis par la Suisse en exécution de la demande.
 
S'inscrivant en faux contre les allégations propagées par la presse, le Juge Volkov a assuré le Ministère public que les procédures contre Berezovski n'avaient pas fait l'objet d'un classement. Le Juge Volkov a en outre joint un catalogue de questions à poser aux témoins J.________, M.________, F.________ et K.________.
 
Le 22 novembre 1999, le Procureur adjoint Kolmogorov a adressé un complément au Procureur général de la Confédération, dont le contenu recoupe largement celui du complément du 12 novembre précédent, étant précisé qu'étaient mentionnées, en outre, les sociétés VV.________, WW.________, XX.________, YY.________, ZZ.________, AAA. ________, BBB. ________, CCC. ________, DDD. ________, EEE. ________, FFF. ________, GGG. ________, HHH. ________, III. ________, JJJ. ________ et KKK. ________.
 
C.- Le 28 décembre 1999, le Ministère public a rendu une décision de clôture ordonnant la transmission à l'Etat requérant d'une partie des documents saisis, selon l'inventaire du séquestre effectué le 1er juillet 1999, ainsi que la documentation relative aux comptes n°ooo, ppp, aaa, qqq et rrr (ch. 1 du dispositif). Le Ministère public a en outre levé, à concurrence d'un montant de 2'000'000 fr., le séquestre frappant le compte n°ooo (ch. 3 du dispositif). Cette décision réserve le principe de la spécialité (ch. 4 du dispositif).
 
D.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ S.A., A.________ Finance Ltd et A.________ Holding S.A. requièrent principalement le Tribunal fédéral de constater l'irrecevabilité de la demande d'entraide, d'annuler la décision du 28 décembre 1999 et de lever le séquestre portant sur les fonds et documents relatifs à leurs comptes. A titre subsidiaire, elles demandent au Tribunal fédéral d'annuler la décision de clôture et de transmettre la cause à l'Office fédéral pour délégation à l'autorité cantonale compétente. Plus subsidiairement, les recourantes concluent à l'annulation de la décision et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il rende une décision en français.
 
Plus subsidiairement encore, elles concluent à la réforme de la décision attaquée, en ce sens qu'hormis les documents à la transmission desquels elles avaient déjà consenti, aucun document les concernant ne soient remis à l'Etat requérant, ni les procès-verbaux de l'audition de F.________ et M.________, que le séquestre des fonds soit levé, que les documents ne soient remis qu'en photocopie et qu'aucun frais de photocopie ne soit mis à leur charge. Elles invoquent les art. 70 Cst. , 1a, 2 let. a et b et 79 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351. 1), la condition de la double incrimination, ainsi que le principe de la proportionnalité. Elles requièrent le dépôt, par l'Etat requérant de sûretés d'un montant de 10'000'000 fr.
 
Le Ministère public et l'Office fédéral proposent le rejet du recours dans la mesure où il serait recevable.
 
E.- Les recourantes sont intervenues spontanément dans la procédure les 28 mars, 10 et 11 mai 2000, en demandant, à cette dernière occasion, un nouvel échange d'écritures.
 
Considérant en droit :
 
1.- a) A teneur de l'art. 37 al. 3 OJ, l'arrêt est rédigé dans une langue officielle, soit, en règle générale, celle de la décision attaquée. En l'espèce, la procédure d'exécution de la demande a été ouverte en français, langue dans laquelle ont été rendues les décisions incidentes et l'arrêt du 29 septembre 1999. Par la suite, sans doute pour des motifs liés à l'organisation interne du Ministère public, celui-ci a rendu la décision attaquée en allemand. Cela étant, l'économie et le principe de célérité de la procédure (cf. art. 17a al. 1 EIMP) commandent de statuer en français, qui est aussi la langue des mandataires des recourantes.
 
b) Les écritures déposées par les recourantes les 28 mars, 10 et 11 mai 2000, sans y avoir été invitées, sont irrecevables.
 
Elles sont écartées de la procédure. Il n'y a pas lieu d'ordonner un nouvel échange d'écritures au sujet de ces pièces qui ne sont pas déterminantes pour le sort du recours.
 
2.- a) La Confédération suisse et la Fédération de Russie sont toutes deux parties à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ; RS 0.351. 1), conclue à Strasbourg le 20 avril 1959 et entrée en vigueur le 20 mars 1967 pour la Suisse et le 9 mars 2000 pour la Russie.
 
Ce traité s'applique en l'espèce, selon la règle "pacta sunt servanda", indépendamment du fait qu'il n'était pas en vigueur pour la Russie au moment où le Ministère public a statué (cf. consid. 4 non publié de l'ATF 125 II 356). Les dispositions de la CEEJ l'emportent sur le droit autonome qui régit la matière, soit l'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP), qui sont applicables aux questions non réglées, explicitement ou implicitement, par le droit conventionnel et lorsque cette loi est plus favorable à l'entraide que la Convention (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid. 2a p. 191/192; 118 Ib 269 consid. 1a p. 271, et les arrêts cités), sous réserve du respect des droits fondamentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617).
 
b) Les recourantes ont qualité pour agir, selon l'art. 80h let. b EIMP, mis en relation avec l'art. 9a let. b OEIMP, contre la transmission de la documentation relative à leur activité commerciale, saisie lors de la perquisition du 1er juillet 1999. Elles sont aussi recevables à agir, selon l'art. 80h let. b EIMP, mis en relation avec l'art. 9a let. a OEIMP, contre la transmission de la documentation relative aux comptes bancaires dont elles sont titulaires (ATF 125 II 356 consid. 3b/bb p. 362; 123 II 161 consid. 1d/aa p. 164; 122 II 130 consid. 2a p. 132/133). Elles sont aussi habilitées à agir contre la transmission des procès-verbaux relatant les auditions de F.________ et M.________, directeur et administrateur des recourantes, pour autant que ces déclarations concernent celles-ci. En tant que personnes morales, les recourantes n'ont pas qualité pour invoquer l'art. 2 let. a EIMP, excluant l'entraide lorsque la procédure étrangère n'est pas conforme aux principes de procédure garantis par la CEDH et le Pacte ONU II (ATF 125 II 356 consid. 3b/bb p. 362; 115 Ib 68 consid. 6 p. 86/87). En effet, il ne se justifie pas de reconnaître la qualité pour agir sous l'angle de l'art. 2 EIMP à des personnes morales qui ne peuvent alléguer aucun intérêt digne de protection, lié à leur situation concrète, pour se prévaloir d'une norme destinée avant tout à protéger l'accusé dans la procédure étrangère. L'intervention des recourantes tend à défendre la loi, l'ordre public ou les droits de Berezovski; cela ne fonde pas cependant leur qualité pour agir au regard de l'art. 80h let. b EIMP, mis en relation avec l'art. 103 let. a OJ (ATF 125 II 356 consid. 3b/bb p. 362/363).
 
c) Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision sont recevables (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114 OJ; ATF 122 II 373 consid. 1c p. 375; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour accorder l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la collaboration internationale doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275). Il statue avec une cognition pleine sur les griefs soulevés sans être toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveillance, de vérifier d'office la conformité de la décision attaquée à l'ensemble des dispositions applicables en la matière (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 119 Ib 56 consid. 1d p. 59). L'autorité suisse saisie d'une requête d'entraide en matière pénale n'a pas à se prononcer sur la réalité des faits évoqués et ne peut que déterminer s'ils constituent une infraction, tels qu'ils sont présentés dans la demande. Cette autorité ne peut s'écarter des faits décrits par l'Etat requérant qu'en cas d'erreurs, lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 118 Ib 111 consid. 5b p. 121/122; 117 Ib 64 consid. 5c p. 88 et les arrêts cités).
 
3.- Les recourantes se plaignent que la décision attaquée est rédigée en allemand, alors que les locaux perquisitionnés se trouvent dans le canton de Vaud, dont la langue est le français. Elles reprochent au Ministère public d'avoir violé les art. 70 Cst. et 37 PA sous cet aspect.
 
a) Dans les domaines qui relèvent de la juridiction administrative fédérale, le recours de droit administratif permet aussi de soulever le grief tiré de la violation des droits constitutionnels en relation avec l'application du droit fédéral (ATF 125 II 1 consid. 2a p. 5; 124 II 120 consid. 4a p. 121; 123 II 8 consid. 2 p. 11, et les arrêts cités).
 
b) A teneur de l'art. 70 al. 1 Cst. , les langues officielles de la Confédération sont l'allemand, le français et l'italien, le romanche étant aussi langue officielle dans les rapports que la Confédération entretient avec les personnes de langue romanche. Cette disposition ne règle pas expressément le point soulevé par les recourantes. On peut d'ailleurs se demander si celles-ci, en tant que personnes morales, sont titulaires de ce droit (Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, Berne, 2000, vol. II, n°944, l'affirment, mais sans autre démonstration).
 
Cette question souffre de rester indécise en l'espèce.
 
Selon la jurisprudence, lorsqu'elle correspond avec un citoyen, l'administration fédérale doit utiliser celle des langues officielles dans laquelle s'exprime le destinataire de la communication (ATF 108 V 208, concernant l'application des art. 84 et 97 LAVS, ainsi que de l'art. 128 RAVS). Ce principe est concrétisé, dans le domaine de l'entraide judiciaire, par l'art. 37 PA (applicable par renvoi de l'art. 12 al. 1EIMP au Ministère public comme autorité administrative fédérale par renvoi de l'art. 12 al. 1 EIMP), aux termes duquel les autorités fédérales notifient leurs décisions dans la langue officielle en laquelle les parties ont pris ou prendraient leurs conclusions.
 
c) En principe, la décision attaquée aurait dû être rendue en français, langue dans laquelle les mandataires des recourantes avaient pris leurs conclusions dans la phase antérieure de la procédure. Il faut cependant tenir compte du fait que l'affaire, à l'origine circonscrite dans le canton de Vaud sur le territoire duquel ont été exécutées les premières mesures de contrainte, a pris par la suite une dimension nationale dès qu'elle a concerné des établissements bancaires et des sociétés établies en Suisse alémanique. Deux mandataires au moins sont intervenus dans les diverses procédures en allemand, ainsi que le représentant de sociétés titulaires de comptes saisis. Pour faire face à cette situation particulière, le Ministère public avait de bonnes raisons de traiter l'ensemble des procédures dans une seule langue, plutôt que d'adresser à chaque partie toutes les communications dans sa langue, comme l'auraient voulu les recourantes.
 
Une dérogation sur ce point à l'art. 37 PA s'imposait aussi au regard du principe de la célérité de la procédure (art. 17a al. 1 EIMP). La notification de la décision de clôture en allemand n'a au demeurant causé aucun préjudice procédural aux recourantes, qui ne parlent pas un idiome particulier.
 
Enfin, la procédure de recours a été conduite en français, langue dans laquelle est rédigé le présent arrêt, ce qui atténue, dans une large mesure, l'inconvénient dénoncé par les recourantes.
 
4.- De l'avis de celles-ci, la décision du 23 juin 1999 par laquelle l'Office fédéral a délégué l'exécution de la demande au Ministère public serait viciée, les conditions de l'art. 79 al. 1 EIMP n'étant, selon elles, pas remplies en l'espèce. Les recourantes perdent cependant de vue que la délégation de l'exécution ne peut pas faire l'objet d'un recours, sur le vu du texte limpide de l'art. 79 al. 4 EIMP.
 
5.- Selon les recourantes, l'octroi de l'entraide aurait pour effet de vider de sa substance le secret bancaire et de heurter le secret d'affaires, en violation de l'ordre public suisse visé à l'art. 1a EIMP.
 
a) L'Etat requis peut refuser sa coopération si l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels (art. 2 let. b CEEJ et 1a EIMP). Il est douteux que ce grief soit recevable en l'espèce. En effet, les dispositions invoquées protègent principalement l'Etat requis et subsidiairement la personne accusée dans la procédure pénale étrangère, à l'exclusion des tiers (arrêt non publié F. du 6 mai 1993, consid. 3a). A cela s'ajoute que l'art. 17 al. 1 EIMP prévoit que le Département fédéral de justice et police décide dans le cas prévu par l'art. 1a EIMP, règle qui devrait aussi s'appliquer lorsqu'est en jeu, comme en l'espèce, l'art. 2 let. b CEEJ. Contre la décision du Département fédéral est ouverte la voie du recours administratif au Conseil fédéral selon l'art. 26, première phrase, EIMP (cf. par exemple JAAC 49.85), fermant ainsi la voie du recours de droit administratif.
 
b) Supposé recevable, le grief aurait dû être rejeté.
 
Le dévoilement du secret bancaire ne fait en principe pas obstacle à l'entraide judiciaire, à moins que l'exécution de la demande ne conduise à vider entièrement le secret bancaire de sa substance (ATF 123 II 153 consid. 7b p. 160; 115 Ib 68 consid. 4b p. 83). Tel n'est manifestement pas le cas lorsque les mesures de contrainte critiquées concernent quelques relations bancaires (ATF 123 II 153 consid. 7c p. 160/161; cf. aussi, en matière d'entraide administrative, ATF 125 II 83 consid. 5 p. 84/85). Les recourantes ne sauraient sérieusement prétendre que la décision attaquée, portant sur la transmission de la documentation relative à une demi-douzaine de comptes et à une partie de leur documentation commerciale, aurait pour effet de lever le secret bancaire dans une telle mesure que cette institution, comme telle, se trouverait en danger. Les mêmes conclusions s'imposent pour ce qui concerne le secret d'affaires.
 
6.- Les recourantes prétendent qu'aucune accusation n'aurait été notifiée à Berezovski, Krasnenker ou Glouchkov.
 
Elles en concluent que la demande devrait être rejetée faute d'une procédure pénale ouverte en Russie.
 
a) Ce grief revient, de manière implicite, à invoquer l'art. 1 al. 1 CEEJ, aux termes duquel l'entraide la plus large possible doit être accordée dans toute procédure visant des infractions (cf. aussi l'art. 1 al. 3 EIMP). Il découle de ces normes, a contrario, que l'entraide régie par la CEEJ (et, accessoirement, par l'EIMP) est accordée seulement si l'action pénale est ouverte dans l'Etat requérant.
 
Il est douteux que les recourantes soient recevables à soulever ce grief pour la défense de tiers. De toute manière, le recours doit être rejeté sur ce point.
 
Pour qu'une demande d'entraide judiciaire soit recevable sous cet aspect, une inculpation n'est pas indispensable; l'ouverture d'une enquête préliminaire suffit, à condition qu'elle puisse aboutir au renvoi des personnes impliquées devant un tribunal compétent pour connaître des infractions reprochées (ATF 123 II 161 consid. 3a p. 165; 118 Ib 457 consid. 4b p. 460; 116 Ib 452 consid. 3a p. 460/461; 113 Ib 257 consid. 5 p. 270).
 
b) Pour admettre l'existence d'une procédure pénale dans l'Etat requérant, le Ministère public s'est fondé notamment sur la décision rendue le 18 novembre 1999 par le Juge Volkov, prolongeant jusqu'au 18 juin 2000 le délai pour conclure l'enquête préliminaire, décision confirmée le 22 novembre 1999 par le Procureur adjoint Kolmogorov. Il ressort de ce document que Glouchkov et Krasnenker ont été accusés formellement des délits visés par les art. 171 et 174 CPR. Les recourantes contestent que tel soit le cas, en défendant le point de vue que les transactions concernant Aeroflot étaient licites. Outre que cet argument n'est pas opposable à l'entraide (consid. 2c ci-dessus), la demande et ses compléments contiennent suffisamment d'indications plausibles corroborant le fait que le Juge Volkov mène une enquête effective et sérieuse au sujet du rôle qu'auraient joué Berezovski, Glouchkov et Krasnenker dans la direction des affaires d'Aeroflot. Rien ne permet en tout cas de dire que les soupçons pesant sur eux auraient été inventés de toutes pièces ou participeraient d'une machination politique.
 
c) Dans un second moyen, les recourantes font valoir qu'Aeroflot ne se serait jamais plainte d'avoir subi un quelconque dommage à raison des faits visés dans la demande, comme le démontrerait le fait qu'Aeroflot n'a pas déposé plainte pénale contre Berezovski, Glouchkov ou Krasnenker.
 
Afin de dissiper toute équivoque à ce sujet, le Juge Volkov a indiqué au Ministère public que la nouvelle direction d'Aeroflot avait confirmé le préjudice subi et manifesté son intention de collaborer à la procédure pénale en cours.
 
Le Juge Volkov s'est référé sur ce point à un courrier que lui a adressé le directeur des affaires juridiques d'Aeroflot le 14 décembre 1999. Les recourantes contestent que tel serait véritablement le sens de cette missive, dont la traduction allemande tronquerait le sens, selon elles. Sur ce point, les recourantes jouent sur les mots: quelle que soit la traduction retenue, il n'en demeure pas moins qu'Aeroflot - contrairement à ce qu'affirment les recourantes - ne prétend pas qu'aucun délit n'aurait été commis à ses dépens; elle évoque clairement, dans le courrier en question, l'existence d'un préjudice justifiant, selon le résultat des investigations du juge, le dépôt d'une plainte pénale.
 
7.- Pour les recourantes, la condition de la double incrimination ne serait pas remplie en l'espèce.
 
a) Selon l'art. 5 al. 1 let. a CEEJ, applicable en vertu de la réserve émise par la Suisse, l'exécution d'une commission rogatoire aux fins de perquisition ou de saisie d'objets est subordonnée à la condition que l'infraction poursuivie dans l'Etat requérant soit punissable selon la loi de cet Etat et de l'Etat requis. L'examen de la punissabilité selon le droit suisse comprend, par analogie avec l'art. 35 al. 2 EIMP applicable en matière d'extradition, les éléments constitutifs objectifs de l'infraction, à l'exclusion des conditions particulières du droit suisse en matière de culpabilité et de répression (ATF 124 II 184 consid. 4b p. 186-188; 122 II 422 consid. 2a p. 424; 118 Ib 448 consid. 3a p. 451, et les arrêts cités). Ainsi, même dans les relations avec des Etats liés à la Suisse par la CEEJ, et contrairement à ce que le libellé de la réserve émise à propos de l'art. 5 al. 1 let. a CEEJ pourrait laisser penser, l'autorité suisse se borne à examiner la punissabilité selon le droit suisse, sans avoir à contrôler de surcroît si les faits poursuivis dans l'Etat requérant sont aussi punissables selon le droit de ce dernier (ATF 116 Ib 89 consid. 3c/aa p. 94, et les arrêts cités; cf. aussi ATF 124 II 184 consid. 4b p. 186/187).
 
Il n'est fait exception à cette règle que dans le cas où il ressortirait de la demande, de manière claire et évidente, que les faits ne seraient manifestement pas punissables dans l'Etat requérant, au point de faire apparaître la démarche de celui-ci comme abusive (cf. Robert Zimmermann, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, Berne, 1999, n°349).
 
La condition de la double incrimination s'examine selon le droit en vigueur dans l'Etat requis au moment où est prise la décision relative à la coopération, et non selon le droit en vigueur au moment de la commission de l'éventuelle infraction ou à la date de la demande (ATF 122 II 422 consid. 2a p. 424; 112 Ib 576 consid. 2 p. 584). Il n'est ainsi pas nécessaire que les faits incriminés revêtent, dans les deux législations concernées, la même qualification juridique, qu'ils soient soumis aux mêmes conditions de punissabilité ou passibles de peines équivalentes. Il suffit qu'ils soient réprimés dans les deux Etats comme des délits donnant lieu ordinairement à la coopération internationale (ATF 124 II 184 consid. 4b/cc p. 188; 117 Ib 337 consid. 4a p. 342; 112 Ib 225 consid. 3c p. 230 et les arrêts cités). En effet, la coopération internationale ne doit pas être entravée par les différences de concepts juridiques utilisés dans les deux Etats concernés.
 
b) La demande a été présentée pour les besoins de la procédure ouverte dans l'Etat requérant du chef de fraude et de blanchiment au sens des art. 159 et 174 CPR. La demande du 5 mai 1999 se réfère expressément à ces dispositions. Dans le complément du 12 novembre 1999, le Juge Volkov a précisé que l'accusation d'infraction à l'art. 174 CPR avait été abandonnée pour ce qui concernait Berezovski uniquement, sous réserve du dévoilement de preuves nouvelles.
 
Constitue une fraude au sens de l'art. 159 CPR la soustraction de la propriété d'autrui ou l'acquisition d'un droit sur la propriété d'autrui par le moyen de la tromperie ("Täuschung", selon la traduction allemande de cette disposition) ou de l'abus de confiance. Ce délit est passible de l'amende, de l'astreinte au travail, de l'emprisonnement ou de la réclusion jusqu'à trois ans (art. 159 al. 1 CPR). Si les circonstances aggravantes visées aux al. 2 et 3 de cette disposition sont réalisées, la peine maximale de réclusion est de six à dix ans. L'art. 174 CPR réprime la légalisation (blanchiment) d'argent acquis de manière illégale. L'infraction est consommée lorsqu'une personne utilise à des fins financières ou commerciales des sommes d'argent ou d'autres biens en sachant leur origine illégale ("..in Kenntnis der Tatsache, dass sie auf ungesetzlichem Weg erworben wurden").
 
Elle est passible d'une sanction pécuniaire, d'une astreinte au travail ou d'une peine privative de liberté allant jusqu'à quatre ans de réclusion. Ces peines peuvent aller jusqu'à huit et dix ans de réclusion si les circonstances aggravantes visées aux al. 2 et 3 de l'art. 174 CPR sont réalisées.
 
c) Selon la décision attaquée, les faits décrits dans la demande et ses compléments auraient pu, s'ils avaient été commis en Suisse, tomber sous le coup des art. 314 CP (gestion déloyale des intérêts publics) et 312 CP (abus d'autorité), mis en relation avec les art. 146 CP (escroquerie) et 305bis CP (blanchissage d'argent). Les recourantes critiquent cette appréciation, en exposant que Berezovski, Glouchkov et Krasnenker ne pourraient, faute pour eux d'être fonctionnaires, avoir commis des délits semblables à ceux réprimés par les art. 312 et 314 CP.
 
Il est constant que la collectivité publique - soit la Fédération de Russie - détient la majorité du capital-actions d'Aeroflot, qui présente ainsi les traits d'une société d'économie mixte. Même si les dirigeants d'Aeroflot ne peuvent être qualifiés de fonctionnaires - ni au regard du droit russe, ni au regard du droit suisse -, il n'est cependant pas exclu d'emblée qu'ils puissent être assimilés aux membres de l'autorité ou aux fonctionnaires au sens des art. 312ss CP (arrêt non publié D. du 16 septembre 1999, concernant le dirigeant, poursuivi pour corruption passive, d'une société aérienne constituée sous la forme d'une société d'économie mixte dont l'Etat détient la majorité du capital-actions; cf. ATF 113 Ib 175 consid. 7b p. 181/182). Cela étant, même à supposer que les faits reprochés à Berezovski, à Glouchkov et à Krasnenker ne puissent tomber sous le coup des art. 312 et 314 CP pour le motif indiqué par les recourantes, il resterait à envisager l'application, dans des circonstances semblables, de l'art. 158 CP réprimant la gestion déloyale. En effet, le procédé consistant, pour le dirigeant d'une société, à détourner à son profit une partie des avoirs et des bénéfices de la société lèse les intérêts de celle-ci au sens de l'art. 158 ch. 1 CP (cf. ATF 120 IV 190 consid. 2b p. 192-194). La condition de la double incrimination serait ainsi réalisée à cet égard (cf. aussi ATF 110 Ib 173 consid. 5b p. 181/182; 105 Ib 418 consid. 5b/aa p. 427/428), sans qu'il soit de surcroît nécessaire d'examiner si elle l'est aussi au regard de l'art. 146 CP réprimant l'escroquerie.
 
8.- Les recourantes se plaignent d'une violation du principe de la proportionnalité.
 
a) Ne sont admissibles, au regard des art. 3 CEEJ et 64 EIMP, que les mesures de contrainte conformes au principe de la proportionnalité. L'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat requérant. La question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale instruite dans l'Etat requérant est en principe laissée à l'appréciation des autorités de cet Etat. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens lui permettant de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des preuves déterminées au cours de l'instruction menée à l'étranger, il ne saurait substituer sur ce point sa propre appréciation à celle du magistrat chargé de l'instruction. La coopération internationale ne peut être refusée que si les actes requis sont sans rapport avec l'infraction poursuivie et manifestement impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243; 120 Ib 251 consid. 5c p. 255). Le principe de la proportionnalité empêche aussi l'autorité d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243; 118 Ib 111 consid. 6 p. 125; 117 Ib 64 consid. 5c p. 68 et les arrêts cités). Au besoin, il lui appartient d'interpréter la requête selon le sens que l'on peut raisonnablement lui donner; rien ne s'oppose à une interprétation large de la requête s'il est établi que, sur cette base, toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode de procéder évite aussi une éventuelle demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243).
 
Sur cette base, peuvent aussi être transmis des renseignements et des documents non mentionnés dans la demande d'entraide (arrêt non publié D. du 7 décembre 1998, consid. 5).
 
Il incombe à la personne visée de démontrer, de manière claire et précise, en quoi les documents et informations à transmettre excéderaient le cadre de la demande ou ne présenteraient aucun intérêt pour la procédure étrangère (ATF 122 II 367 consid. 2d p. 371/372). Lorsque la demande vise à éclaircir le cheminement de fonds d'origine délictueuse, il convient d'informer l'Etat requérant de toutes les transactions opérées au nom des sociétés et des comptes impliqués dans l'affaire (ATF 121 II 241 consid. 3c p. 244).
 
b) Dans la mesure où les recourantes soutiennent que la mesure de séquestre visant leurs comptes devrait être levée parce qu'il n'existerait aucun indice de délit, tant en Russie qu'en Suisse, leur argumentation recoupe les griefs évoqués précédemment.
 
Pour le surplus, le séquestre des comptes répond aux mesures visées dans la demande. Selon les résultats de la procédure ouverte en Russie, il est possible que l'Etat requérant puisse un jour demander la confiscation des montants provenant d'une activité délictueuse, en vue de restitution ou de confiscation.
 
c) Sous l'angle de l'art. 1a EIMP, les recourantes soutiennent que la documentation transmise, concernant des informations confidentielles au sujet de leur activité commerciale, ne présenterait aucun lien avec l'affaire et notamment avec Aeroflot. Elles reprochent à cet égard au Ministère public de ne pas avoir procédé au tri des pièces à remettre à l'Etat requérant. Ce grief revient à remettre en cause la proportionnalité de la décision attaquée.
 
aa) La participation du détenteur au tri des pièces à remettre à l'Etat requérant découle, au premier chef, de son droit d'être entendu (ATF 116 Ib 190 consid. 5b p. 191/ 192). Cette participation doit aussi être conçue comme un corollaire de la règle de la bonne foi régissant les rapports mutuels entre l'Etat et les particuliers (art. 5 al. 3 Cst.), en ce sens que ceux-ci sont tenus de collaborer à l'application correcte du droit par l'autorité. En matière d'entraide judiciaire, cela implique pour la personne soumise à des mesures de contrainte d'aider l'autorité d'exécution, notamment pour éviter que celle-ci n'ordonne des mesures disproportionnées, partant inconstitutionnelles. Ainsi, la personne touchée par la perquisition et la saisie de documents lui appartenant est tenue, à peine de forclusion, d'indiquer à l'autorité d'exécution quels documents ne devraient pas, selon elle, être transmis et pour quels motifs. Ce devoir de collaboration découle du fait que le détenteur des documents en connaît mieux le contenu que l'autorité; il facilite et simplifie la tâche de celle-ci et concourt ainsi au respect du principe de la célérité de la procédure ancré à l'art. 17a al. 1 EIMP. Cette obligation est applicable non seulement dans la procédure du recours de droit administratif (ATF 122 II 367 consid. 2d p. 371/372), mais aussi au stade de l'exécution de la demande. Sous l'angle de la bonne foi, il ne serait en effet pas admissible que le détenteur de documents saisis laisse l'autorité d'exécution procéder seule au tri des pièces, sans lui prêter aucun concours, pour lui reprocher après coup, dans le cadre d'un recours, d'avoir méconnu le principe de la proportionnalité. Dans ce sens, le tri des pièces n'est pas l'affaire exclusive de l'autorité d'exécution.
 
Encore faut-il que celle-ci donne au détenteur l'occasion, concrète et effective, de se déterminer à ce sujet, afin de permettre au détenteur d'exercer son droit d'être entendu et de satisfaire à son obligation de coopérer à l'exécution de la demande.
 
bb) Les recourantes ont disposé du temps nécessaire pour exercer pleinement leur droit d'être entendues, le Ministère public les ayant autorisées à consulter les pièces saisies, sans restrictions, du 13 septembre au 8 octobre 1999. Ce délai doit être tenu pour largement suffisant, quand bien même le séquestre a porté sur une très grande quantité de pièces.
 
cc) Le 7 septembre 1999, le Ministère public a autorisé la consultation du dossier et invité les recourantes à se déterminer sur l'entraide et la possibilité d'une exécution simplifiée de la demande selon l'art. 80c EIMP. Le 24 novembre 1999, le Ministère public a invité les mandataires des recourantes à un entretien, au cours duquel ceux-ci ont été derechef invités à se prononcer sur la transmission des pièces saisies à l'Etat requérant. Les recourantes n'ont pas donné suite à ces invitations et ne se sont pas déterminées sur le tri des pièces. Tout au plus ont-elles requis le Ministère public, le 1er décembre 1999, de lever le séquestre des fonds pour un montant de 28'700'000 fr., en échange de quoi elles étaient prêtes à consentir à la remise d'un lot de documents. Cette offre n'a pas permis pas au Ministère public de discerner les raisons précises pour lesquelles les recourantes entendaient s'opposer à la remise de telle ou telle pièce. En agissant comme elles l'ont fait, les recourantes ont renoncé à exercer pleinement leur droit de participer au tri des pièces et négligé leur devoir de coopération avec le Ministère public.
 
Tolérer un tel comportement procédural reviendrait à donner au détenteur de documents et de fonds saisis le moyen d'empêcher l'autorité d'exécution de statuer rapidement, comme l'exige l'art. 17a al. 1 EIMP. En omettant sciemment de se déterminer devant l'autorité d'exécution - ou, du moins, en retardant indûment leur réponse à ce sujet - les recourantes ont entravé la tâche du Ministère public, lequel aurait eu intérêt, avant de prononcer la décision attaquée, à connaître les arguments des recourantes, exposés de manière claire et précise. Le particulier qui, à tort ou à raison, redoute une violation, à son détriment, du principe de la proportionnalité, ne peut cacher ses observations à l'autorité d'exécution pour les réserver exclusivement à l'autorité de recours. Cela aurait pour conséquence, en l'espèce, de faire du Tribunal fédéral l'instance unique du tri des pièces, ce qui n'est pas compatible avec le système de l'EIMP.
 
Les recourantes ayant pris le risque de ne pas se déterminer devant le Ministère public comme ils auraient dû le faire, elles doivent en assumer les conséquences.
 
d) Au demeurant, les recourantes ne démontrent pas que les documents saisis ne concerneraient pas l'affaire, contrairement à l'obligation que leur impose la jurisprudence qui vient d'être rappelée. Le critère du défaut de lien avec Aeroflot est inopérant, car il ne permet pas de déterminer de manière claire quels documents pourraient être transmis et lesquels ne pourraient l'être. D'un côté, la seule mention du nom d'Aeroflot dans un document ne signifie pas encore qu'il concerne les relations entre les recourantes et Aeroflot. A l'inverse, des documents ne citant aucun de ces noms pourraient remplir le critère préconisé par les recourantes. Pour comprendre les tenants et les aboutissants des opérations effectuées entre Aeroflot, les sociétés Forus et les recourantes, des investigations étendues sont nécessaires pour retracer le cheminement exact des fonds, déterminer, de manière précise, les mécanismes des transactions intervenues et éclaircir le rôle de chacun des protagonistes. Cela peut justifier, selon les circonstances, de remettre des documents qui, sans mentionner Aeroflot, concernent des aspects collatéraux des faits qui sont à l'origine de la demande et éclairent le mode opératoire utilisé. La transmission d'une partie de la comptabilité des recourantes peut entrer dans ce cadre, afin d'établir l'utilisation des fonds, notamment pour déterminer quel usage exact en ont fait les destinataires du produit de l'infraction.
 
e) Les recourantes s'inquiètent du sort des documents les concernant, dont la décision attaquée ne trancherait pas le sort.
 
Le dispositif de la décision attaquée est clair.
 
Quant aux autres pièces saisies, elles font (ou feront) l'objet de décisions séparées, dont le sort est exorbitant au présent litige.
 
9.- Dans une conclusion subsidiaire, les recourantes demandent à ce que ne soient transmis à l'Etat requérant que des copies certifiées conformes des documents saisis.
 
Conformément à l'art. 3 al. 3, première phrase, CEEJ, le Ministère public ne transmettra à l'Etat requérant que des copies certifiées conformes des documents saisis. Il devra toutefois conserver les originaux, pour le cas où les autorités de l'Etat requérant en demanderaient la production (art. 3 al. 3, deuxième phrase, CEEJ). Le Ministère public devrait être en mesure d'établir une nouvelle série de copie des documents transmis, soit au moment de la communication elle-même, soit après celle-ci. Cela étant, il va de soi que les frais en seront supportés par les recourantes, comme le prévoit l'ordonnance sur les frais et indemnités en procédure administrative, du 10 septembre 1969 (RS 172. 041.0), à laquelle il n'y a pas lieu de déroger en l'espèce.
 
10.- La requête tendant au dépôt de sûretés a perdu son objet, pour autant qu'elle était recevable.
 
11.- Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les frais en sont mis à la charge de la recourante (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ).
 
Par ces motifs,
 
le Tribunal fédéral :
 
1. Rejette le recours en tant qu'il est recevable.
 
2. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. à la charge des recourantes.
 
3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des recourantes, au Ministère public de la Confédération et à l'Office fédéral de la police (B 109672).
 
____________
 
Lausanne, le 19 juin 2000ZIR/col
 
Au nom de la Ie Cour de droit public
 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
 
Le Président,
 
Le Greffier,
 
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