VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 6S.269/2000  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 6S.269/2000 vom 17.08.2000
 
[AZA 0]
 
6S.269/2000/odi
 
COUR DE CASSATION PENALE
 
***********************************************
 
17 août 2000
 
Composition de la Cour : M. Schubarth, Président, Président
 
du Tribunal fédéral, M. Schneider, M. Wiprächtiger,
 
M. Kolly et Mme Escher, Juges. Greffier: M. Denys.
 
______________
 
Statuant sur le pourvoi en nullité
 
formé par
 
X.________, représenté par Me Julien Fivaz, avocat à Genève,
 
contre
 
l'arrêt rendu le 31 mars 2000 par la Cour de cassation genevoise, dans la cause qui oppose le recourant au Procureur général du canton de Genève, à SA LouisD reyfus & Cie et àLouis Dreyfus Négoce SA, toutes deux à Paris et représentées par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat à Genève;
 
(utilisation sans droit de valeurs patrimoniales;
 
faux dans les titres)
 
A.- Né en 1950, X.________ est le directeur avec signature individuelle de la société I.________ SA, dont le siège social est à Genève et qui est en particulier active dans le courtage et le commerce de produits agricoles.
 
Aston Trading GmbH (ci-après: Aston), dont le siège social se trouve à Hambourg, est une société active dans le commerce des produits céréaliers. SA Louis Dreyfus & Cie (ci-après: Dreyfus) et Louis Dreyfus Négoce SA sont deux sociétés domiciliées à Paris, également actives dans le commerce des céréales, la première détenant les actions de la seconde.
 
Le 2 juillet 1996, Aston a vendu 6'000 tonnes d'orge à I.________ SA. Par contrat du 2 septembre 1996, cette dernière à revendu la moitié de cet orge à Dreyfus.
 
Ces transactions ont été traitées par l'intermédiaire d'un courtier domicilié à Paris, la SA Sotour (ci-après:
 
Sotour).
 
Par fax du 11 septembre 1996, X.________ a demandé à Sotour que les documents et la facture concernant les 3'000 tonnes d'orge vendues à Dreyfus soient présentés directement par Aston à Dreyfus et que le montant revenant à I.________ SA au titre de sa marge bénéficiaire, 4,5 US$ par tonne, soit versé sur le compte d'I. ________ SA auprès de l'UBS à Genève. Sur cette base, Aston a fait établir le 20 septembre 1996, par l'entremise de la Dresdner Bank, deux factures séparées, l'une en sa faveur pour le montant de la marchandise vendue (483'000 US$), l'autre concernant les 13'500 US$ (équivalant à 4,5 US$ par tonne) en faveur d'I. ________ SA. Le 23 septembre 1996, Aston a transmis une copie de ces deux factures à X.________. Par fax du même jour, celui-ci a prié Sotour d'informer Dreyfus de s'acquitter des deux factures simultanément.
 
Il a derechef adressé un fax à Sotour le 30 septembre 1996, dont il ressort notamment qu'il a autorisé "la présentation des documents en direct".
 
Il a été retenu que X.________ avait souhaité, s'agissant de l'orge vendue par I.________ SA à Dreyfus, faire directement payer par cette dernière société le prix dû à Aston et ne recevoir que la marge bénéficiaire de 13'500 US$ et que cette manière de procéder (accord dit de "by-pass") avait été acceptée par Dreyfus et Aston.
 
Le 2 octobre 1996, un employé de Dreyfus a donné par erreur l'ordre de créditer I.________ SA de l'intégralité de la transaction, donc non seulement les 13'500 US$, mais aussi les 483'000 US$. Le même jour en fin d'après-midi, Dreyfus a informé X.________ par fax du fait que les 483'000 US$ qui devaient être versés à Aston avaient été crédités par erreur sur le compte d'I. ________ SA auprès de l'UBS.
 
Le 3 octobre 1996 dans la matinée, X.________ a donné instruction à l'UBS de préparer des chèques bancaires à hauteur de 483'000 US$. Le même jour, il a eu divers entretiens téléphoniques avec le directeur administratif de Louis Dreyfus Négoce SA; selon les déclarations de celui-ci et celles d'autres témoins, X.________ a indiqué qu'il rembourserait Dreyfus une fois que cette société aurait payé Aston.
 
Le 7 octobre 1996, Dreyfus a versé 483'000 US$ sur le compte bancaire d'Aston auprès de la Dresdner Bank, conformément à la facture du 20 septembre 1996.
 
En l'absence de remboursement des 483'000 US$ versés par erreur sur le compte d'I. ________ SA, une plainte pénale a été déposée contre X.________. Lors de l'instruction, celui-ci a produit une facture à l'en-tête d'Aston, datée du 20 septembre 1996, aux termes de laquelle la société Dreyfus était invitée à payer les 483'000 US$ sur le compte d'I. ________ SA auprès de l'UBS. Il a été constaté que X.________ avait produit ce document alors qu'il était conscient de sa fausseté, dans le but d'améliorer indûment sa situation d'inculpé; il n'a pas été établi qu'il était lui-même l'auteur du faux.
 
B.- Par arrêt du 23 avril 1999, la Cour correctionnelle genevoise siégeant sans le concours du jury a condamné X.________, pour utilisation sans droit de valeurs patrimoniales (art. 141bis CP) et faux dans les titres (art. 251 ch. 1 al. 3 CP), à douze mois d'emprisonnement avec sursis durant cinq ans. Elle l'a en outre condamné à payer 483'000 US$ plus intérêts àDreyfus.
 
Par arrêt du 31 mars 2000, la Cour de cassation genevoise a rejeté le recours formé par X.________.
 
C.- Celui-ci se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut à l'annulation de la décision attaquée et, sur le plan civil, à sa libération du montant alloué à Dreyfus. Il sollicite par ailleurs l'effet suspensif.
 
Considérant en droit :
 
1.- Le pourvoi ne peut être formé que pour violation du droit fédéral, mais non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 269 PPF).
 
La Cour de cassation n'est pas liée par les motifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Les conclusions devant être interprétées à la lumière de leur motivation (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et les arrêts cités), le recourant a circonscrit les points litigieux.
 
Sous réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste, la Cour de cassation est liée par les constatations de fait contenues dans la décision attaquée (art. 277bis al. 1 PPF). Elle est également liée par les constatations d'instances inférieures ou d'experts lorsque la dernière instance cantonale s'y réfère ou y renvoie, explicitement - comme c'est le cas en l'espèce dès lors que la Cour de cassation cantonale résume les faits retenus par la Cour correctionnelle (cf. arrêt attaqué, p. 2 al. 3) - ou implicitement. La Cour de cassation ne peut pas elle-même compléter l'état de fait; elle examine l'application du droit fédéral uniquement sur la base de l'état de fait retenu. Le recourant ne peut pas présenter de griefs contre des constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1 let. b PPF). Dans la mesure où son argumentation serait fondée sur des faits qui ne sont pas constatés dans l'arrêt attaqué, il n'est pas possible d'en tenir compte. Le pourvoi en nullité est une voie de recours qui provoque le contrôle de l'application du droit fédéral à un état de fait arrêté définitivement par l'autorité cantonale (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67 et les arrêt cités).
 
A plusieurs reprises dans son pourvoi, le recourant laisse entendre que la Cour de cassation cantonale aurait insuffisamment exposé les faits. Il perd de vue, ainsi qu'il vient d'être rappelé, que celle-ci a résumé les faits retenus par la Cour correctionnelle, auxquels il convient donc de se référer. Au reste, savoir s'il a été tenu compte de tous les faits pertinents relève de l'application du droit pénal.
 
2.- Le recourant se plaint d'une violation des art. 1 et 141bis CP. Dans la mesure où son argumentation revient à dire que les conditions d'application de l'art. 141bis CP ne sont pas données, l'invocation de l'art. 1 CP - selon lequel "nul ne peut être puni s'il n'a commis un acte expressément réprimé par la loi" - n'a pas de portée propre.
 
a) Aux termes de l'art. 141bis CP, "celui qui, sans droit, aura utilisé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales tombées en son pouvoir indépendamment de sa volonté sera, sur plainte, puni de l'emprisonnement ou de l'amende". En vigueur au 1er janvier 1995, cette disposition a été adoptée afin de rendre superflue l'application par analogie de l'art. 141 aCP au détournement de créances (ATF 121 IV 258 consid. 2a p. 259; à propos de l'application de l'art. 141 aCP au détournement de créances, cf. ATF 116 IV 134; 87 IV 115).
 
b) Le recourant affirme d'abord que les valeurs patrimoniales ne sont pas tombées en son pouvoir "indépendamment de sa volonté"; selon lui, cet élément constitutif ne serait pas réalisé car il ne concernerait que le cas de celui qui reçoit des valeurs patrimoniales de manière totalement inattendue.
 
Les termes "indépendamment de sa volonté" visent en particulier, dans le domaine du trafic des paiements sans numéraire, le virement qui parvient à l'auteur par erreur, autrement dit, le paiement destiné à un autre compte (ATF 126 IV 161 consid. 3c, p. 163; Trechsel, Kurzkommentar, 2ème éd., Zurich 1997, art. 141bis n° 3; Rehberg/ Schmid, Strafrecht III, 7ème éd., Zurich 1997, p. 140; Hans Wiprächtiger, Entwicklungen im revidierten Vermögensstrafrecht, in PJA 1999 p. 382 n° IV/4; Marcel Alexander Niggli, Urteilsanmerkung, in PJA 1998, p. 120).
 
Cette erreur ne doit en outre pas avoir été délibérément provoquée par l'auteur (cf. ATF 123 IV 125 consid. 2b p. 128).
 
Le recourant soutient qu'en vertu du contrat de vente du 2 septembre 1996 entre I.________ SA et Dreyfus, I.________ SA avait le droit de recevoir le prix de vente de 483'000 US$. Il occulte ainsi totalement que, postérieurement audit contrat, les parties se sont mises d'accord pour que le prix de vente soit payé directement par Dreyfus à Aston. A ce propos, l'autorité cantonale a retenu que, selon la réelle et commune intention des parties, Dreyfus devait verser les 483'000 US$ non pas à I.________ SA, mais directement à Aston. Elle a ainsi tranché une question de fait (ATF 125 III 305 consid. 2b p. 308; 118 II 365 consid. 1 p. 366; 107 II 430 consid. 2 p. 433), que le recourant n'est pas recevable à mettre en cause dans un pourvoi en nullité. En outre, Dreyfus a tout de suite signalé au recourant qu'elle avait viré par erreur les 483'000 US$ sur le compte d'I. ________ SA. Il résulte de ce qui précède que c'est contrairement à l'accord entre les parties et par erreur que le compte d'I. ________ SA a été crédité. On se trouve donc typiquement dans un cas de figure visé par l'art. 141bis CP; le montant viré est tombé sous la maîtrise du recourant "indépendamment de sa volonté".
 
c) Le recourant affirme qu'il n'a pas sans droit utilisé à son profit ou au profit d'un tiers les 483'000 US$.
 
aa) Selon Stratenwerth (Schweizerisches Strafrecht, Bes. Teil I, 5ème éd., Zurich 1995, § 14 n° 15), il n'est pas aisé de définir quelle utilisation de valeurs patrimoniales doit être considérée comme "sans droit". La formulation de l'art. 141bis CP est sur ce point similaire - elle est identique en allemand "unrechtmässig in seinem oder in eines andern Nutzen verwendet" - à celle de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP relatif à l'abus de confiance sur des valeurs patrimoniales confiées.
 
Mais à la différence de l'abus de confiance, l'art. 141bis CP n'implique pas d'engagement particulier de l'auteur envers le lésé sur les valeurs patrimoniales.
 
Chaque acte de disposition sur des valeurs patrimoniales ne saurait réaliser l'énoncé légal, notamment si un tel acte n'empêche pas l'auteur de satisfaire les prétentions en enrichissement illégitime du lésé par d'autres moyens ou plus tard. En conséquence, ne peut être qualifiée d'utilisation sans droit que le comportement qui vise à entraver complètement les prétentions du lésé.
 
Pour Rehberg/Schmid (op. cit. , p. 140/141), cet élément constitutif est réalisé, à l'instar de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, lorsque l'auteur dispose du montant viré par erreur d'une manière qui démontre clairement que la demande en restitution du lésé est entravée. Il ne suffit donc pas que l'auteur laisse le montant viré par erreur sur son compte, sans informer la banque, respectivement la poste, ou le donneur d'ordre. Il en va différemment lorsque, comme à l'ATF 87 IV 115, le montant est tout de suite transféré en intégralité sur un autre compte et est ainsi rendu indisponible, ou lorsque, à l'exemple de l'ATF 116 IV 134, il est utilisé pour les besoins personnels de l'auteur, au-delà de ce que lui permettent ses avoirs réguliers.
 
Gunther Arzt (Vom Bargeld zum Buchgeld als Schutzobjekt im neuen Vermögensstrafrecht, recht 13/1995 p. 136, ch. 3) est d'avis qu'une utilisation illicite ne peut être démontrée qu'à l'égard d'un auteur "pauvre", qui a utilisé le montant à des fins personnelles et qui ne peut plus rembourser le lésé. En revanche, une telle utilisation ne saurait être démontrée lorsqu'il reste sur le compte des fonds qui dépassent le montant viré par erreur; il en est de même si l'intégralité des avoirs est transférée sur un autre compte ou aussi longtemps que l'auteur est dans la possibilité de payer car, comme c'est le cas pour le refus de restituer une chose mobilière en violation d'un devoir contractuel (115 IV 207 consid. 1b/aa p. 210/211), la protection assurée par le droit civil est suffisante. Trechsel (op. cit. , art. 141bis n°4) et Rehberg/Schmid (op. cit. , p. 141, note n° 332) jugent cette approche selon la capacité financière de l'auteur trop restrictive, le premier relevant en particulier, en référence à l'ATF 121 IV 23 consid. 1c p. 25 examinant l'application de l'art. 138 CP, que la volonté d'utilisation sans droit peut aussi découler de dissimulations de l'auteur.
 
bb) La Cour de cassation cantonale a admis une utilisation illicite pour le motif que l'établissement des chèques à partir du montant versé par erreur transcrivait, à l'instar d'un transfert du montant sur un autre compte, la volonté du recourant de rendre plus difficile le recouvrement de la créance par le lésé.
 
En l'espèce, le recourant était conscient que le versement de Dreyfus du 2 octobre 1996, intervenu contrairement à l'accord entre les parties, était lié à une erreur de cette société, qui l'a d'ailleurs avisé de ce fait le jour-même. Il s'est empressé de donner des instructions à l'UBS de préparer, par le débit du compte, des chèques bancaires à concurrence du montant viré par erreur, qu'il a gardés par devers lui. Selon les constatations cantonales, il n'avait alors nullement à l'esprit d'éteindre par compensation une créance qu'il aurait eue envers Dreyfus. Il n'a pas non plus été constaté que l'établissement des chèques bancaires avait pour fonction de préserver les droits de Dreyfus sur le montant versé à tort et d'en favoriser la restitution; au contraire, la Cour correctionnelle a noté que le recourant avait caché lors de ses entretiens téléphoniques du 3 octobre 1996 avec le représentant de Dreyfus qu'il avait ou allait faire établir des chèques et qu'il avait par ailleurs indiqué à la police les avoir nantis en Ukraine. Enfin, il n'a pas été retenu qu'à la suite de l'établissement des chèques, le compte d'I. ________ SA aurait encore disposé de fonds équivalant au montant viré par erreur.
 
Le recourant s'est ainsi procuré des papiers valeurs aisément négociables. Sous cet aspect, contrairement à ce qu'affirme celui-ci, il n'est donc pas indifférent qu'il ait fait établir des chèques bancaires en faisant débiter le compte ou laissé l'argent sur ce compte.
 
En transformant en chèques bancaires le montant versé par erreur sans que le compte ne dispose encore de l'équivalent dudit montant à la suite de cette opération, le recourant a clairement concrétisé sa volonté d'entraver les droits de Dreyfus sur les 483'000 US$. Dans les circonstances d'espèce, faire établir des chèques et les garder par devers soi, c'est utiliser sans droit au sens de l'art. 141bis CP. Selon le recourant, l'autorité cantonale aurait omis de constater des éléments pertinents, à savoir que les chèques bancaires ont été libellés au nom d'I. ________ SA et qu'il ne les a pas endossés; outre qu'un endossement de sa part n'était qu'une simple formalité, les faits invoqués n'influent pas sur le caractère illicite de l'utilisation, mais uniquement, le cas échéant, sur la personne à qui profite cette utilisation, qui peut être l'auteur ou un tiers selon l'art. 141bis CP. Enfin, l'utilisation illicite étant réalisée au travers de l'établissement des chèques, il importe peu que, près d'un an après, le recourant en ait progressivement recrédité la contre-valeur sur le compte d'I. ________ SA; au demeurant, la Cour correctionnelle a relevé que, malgré cela, les avoirs disponibles sur le compte n'avaient jamais atteint, et de loin, le montant versé par erreur.
 
d) Selon le recourant, c'est à tort que l'autorité cantonale a admis un dessein d'enrichissement illégitime.
 
Du point de vue subjectif, bien que ceci ne ressorte pas expressément de la formulation de l'art. 141bis CP, il faut que l'auteur ait agi dans un dessein d'enrichissement illégitime (cf. Stratenwerth, op. cit. , § 14 n° 16; Trechsel, op. cit. , art. 141bis n° 5). L'auteur doit agir avec la conscience que les valeurs patrimoniales ne lui étaient pas destinées et vouloir les utiliser à son profit ou celui d'un tiers; le dessein d'enrichissement illégitime sera alors sans autre donné (cf. Rehberg/Schmid, op. cit. , p. 141). Le dessein est ce que l'auteur avait en vue; déterminer la volonté ou le dessein de l'auteur relève des constatations de fait qui lient la Cour de cassation (ATF 125 IV 49 consid. 2d p. 56 et les arrêts cités). En conséquence, est seul recevable le moyen tiré d'une interprétation ou d'une application erronées de la notion d'enrichissement illégitime.
 
L'argumentation du recourant repose largement sur des faits non constatés ou qui s'écartent de ceux retenus, de sorte que, dans cette mesure, elle est irrecevable.
 
Pour nier son dessein d'enrichissement illégitime, le recourant invoque en particulier la compensation, affirmant être titulaire d'une créance de 78'000 US$, qui résulterait d'une mauvaise exécution contractuelle d'Aston.
 
Cet argument s'écarte des constatations cantonales puisqu'il a été admis, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 277bis al. 1 PPF), qu'au moment où le recourant a fait établir les chèques, il n'avait nullement l'intention de compenser. A noter au demeurant que le recourant n'oppose pas en compensation une créance d'un montant au moins égal à la valeur de ce qu'il s'est approprié de sorte que, même si l'autorité cantonale avait admis qu'il voulait compenser, un dessein d'enrichissement illégitime n'aurait le cas échéant pu être écarté qu'à concurrence de 78'000 US$, soit un montant nettement inférieur aux 483'000 US$ versés par erreur.
 
Le recourant prétend aussi qu'il avait en tout temps la possibilité de restituer le montant litigieux, ce qui, selon lui, est attesté tant par le fait que les chèques ont ultérieurement été recrédités sur le compte d'I. ________ SA auprès de l'UBS que par les propositions qu'il a formulées au cours de la procédure pénale. Il se prévaut ainsi de l'"Ersatzbereitschaft", par quoi on désigne l'état de l'auteur qui peut justifier d'avoir eu à tout moment la volonté et la possibilité de représenter l'équivalent des montants employés (ATF 118 IV 32 consid. 2a p. 34). La pertinence de cette notion en l'espèce peut rester indécise car il n'a de toute façon pas été constaté, bien au contraire, que le recourant aurait eu la volonté de restituer le montant versé par erreur lorsqu'il a fait établir les chèques.
 
En l'espèce, le recourant savait que le versement de Dreyfus était dû à une erreur. Il a fait établir les chèques alors que son intention n'était ni de compenser ni de restituer le montant à Dreyfus. Au vu de tels faits, c'est sans violer le droit fédéral qu'un dessein d'enrichissement illégitime a été admis.
 
e) En définitive, tant sur le plan objectif que subjectif, l'application de l'art. 141bis CP ne viole pas le droit fédéral. En tant qu'il est dirigé contre cette disposition, le pourvoi est infondé dans la mesure où il est recevable.
 
3.- Le recourant invoque une violation de l'art. 251 ch. 1 al. 3 CP.
 
Il prétend que le document qu'il a produit serait un fax envoyé par Sotour. Ce fait a été écarté en instance cantonale. En mettant en cause une question de fait, le recourant présente une argumentation irrecevable dans un pourvoi. Le recourant prétend aussi que l'autorité cantonale a admis à tort le caractère falsifié du document.
 
Or, savoir si un document est matériellement falsifié ou non, en d'autres termes, savoir si la déclaration figurant dans le document émane ou non de son auteur apparent, est une question de fait, qui ne saurait être discutée dans le cadre d'un pourvoi. Le recourant ne formule pas d'autre critique qui serait recevable. Dans la mesure où le pourvoi ne contient pas au moins un grief admissible et correctement motivé (cf. art. 273 al. 1 let. b PPF; Corboz, Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral, SJ 1991 p. 84/85; Schweri, Eidgenössische Nichtigkeitsbeschwerde in Strafsachen, Berne 1993, n. 476, p. 15) il n'y a pas lieu d'entrer en matière et de rechercher d'office une violation de l'art. 251 CP. Sur ce point, le pourvoi est irrecevable.
 
4.- Sur le plan civil, le recourant a conclu à la réforme de la décision attaquée en ce sens qu'il est libéré des 483'000 US$ plus intérêts alloués à Dreyfus.
 
Le recourant n'énonce aucune critique recevable.
 
Il se limite en effet à soutenir que Dreyfus n'avait pas à verser le montant litigieux à Aston. Autrement dit, il s'en prend à la volonté réelle des parties et se fonde ainsi sur un état de fait différent de celui retenu en instance cantonale (cf. supra, consid. 2b), ce qui n'est pas admissible dans un pourvoi. Il prétend aussi que l'autorité cantonale a statué ultra petita en allouant à la partie civile un montant en dollars américains alors que celle-ci avait pris des conclusions en francs suisses.
 
Or, il appartient au droit cantonal de procédure, et non au droit fédéral, de dire si et dans quelle mesure le juge est lié par les conclusions des parties ou peut statuer ultra et extra petita (Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol.
 
II, Berne 1990, art. 43, n. 1.3.2.7, p. 118 et 1.4.2.11, p. 134 et les références citées). Le pourvoi n'étant recevable que pour violation du droit fédéral (art. 269 PPF), le Tribunal fédéral ne saurait revoir l'application du droit cantonal.
 
Le recourant ne fournit donc aucune motivation recevable qui réponde aux exigences minimales de l'art. 273 al. 1 let. b PPF. Ses conclusions civiles ne sont que la conséquence de l'acquittement invoqué sur le plan pénal relativement à l'art. 141bis CP. A défaut d'acquittement, il n'y pas lieu d'entrer en matière sur celles-ci et il peut être renoncé, contrairement à la règle de l'art. 276 al. 3 PPF, à des débats oraux (ATF 76 IV 102 consid. 4 p. 107; Schweri, op. cit. , n. 594, p. 188).
 
5.- Les frais de la cause doivent être mis à la charge du recourant qui succombe (art. 278 al. 1 PPF).
 
Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité aux intimées, qui, sur le fond, n'ont pas eu à intervenir dans la procédure devant le Tribunal fédéral.
 
La cause étant ainsi tranchée, la requête d'effet suspensif est sans objet.
 
Par ces motifs,
 
le Tribunal fédéral :
 
1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est recevable.
 
2. Met un émolument judiciaire de 20'000 fr. à la charge du recourant.
 
3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties, au Procureur général du canton de Genève et à la Cour de cassation genevoise.
 
_________
 
Lausanne, le 17 août 2000 DCH
 
Au nom de la Cour de cassation pénale
 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
 
Le Président, Le Greffier,
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).