VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 1P.238/2000  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 1P.238/2000 vom 26.01.2001
 
[AZA 1/2]
 
1P.238/2000
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
 
**********************************************
 
26 janvier 2001
 
Composition de la Cour: Mme et MM. les Juges Aemisegger,
 
Président, Vice-président du Tribunal fédéral, Nay, Aeschlimann, Féraud, Catenazzi, Favre et Pont Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Kurz.
 
____________
 
Statuant sur le recours de droit public
 
formé par
 
Roald Quaglia, à Corsier, Christian Buonomo, à Genève, René Denat, à Presinge, Jean de Toledo, à Vandoeuvres, Claude Fischer, à Genève, Hans Peter Graf, à Genève, Alain Meylan, à Choulex, Michel Mooijman, à Collonge-Bellerive, Jacques Poncet, à Vésenaz, ainsi que le Groupement Transports et Economie, à Genève, tous représentés par Me François Bellanger, avocat à Genève,
 
contre
 
la décision prise le 17 mars 2000 par le Grand Conseil de la République et canton de Genève, déclarant partiellement invalide l'initiative populaire IN-114 intitulée "Pour le libre choix du mode de transport";
 
(art. 85 let. a OJ;
 
validité d'une initiative populaire)
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
 
les faits suivants:
 
A.- L'initiative intitulée IN-114 "Pour le libre choix du mode de transport" (ci-après: IN-114 ou l'initiative), appuyée par le Groupement Transports et Economie (ci-après: GTE), a été déposée, munie de plus de dix mille signatures, auprès du Conseil d'Etat genevois qui a constaté son aboutissement par arrêté du 23 juin 1999. Cette initiative tend à l'adjonction, dans la constitution genevoise, de deux articles 160A et 160B dont la teneur est la suivante:
 
Titre XB Transports
 
Chapitre I Liberté du choix du mode de transport
 
Art. 160A Choix du mode de transport
 
La liberté individuelle du choix du mode de transport
 
est garantie.
 
Chapitre II Transports privés
 
Art. 160B Principes
 
1Le réseau routier des communes et du canton est
 
conçu et organisé, dans les limites du droit fédéral,
 
de manière à assurer un équilibre entre les
 
divers modes de transport. Il doit répondre aux besoins
 
de mobilité de la population, des entreprises
 
et des visiteurs par une bonne accessibilité de
 
l'agglomération urbaine et de l'ensemble du territoire
 
cantonal.
 
Objectifs
 
2Le réseau routier des communes et du canton est
 
conçu et organisé, dans les limites du droit fédéral,
 
par les autorités cantonales de manière à assurer
 
la meilleure fluidité possible du trafic privé,
 
ainsi qu'une accessibilité optimale au centre
 
ville en complémentarité avec les transports publics.
 
Moyens
 
3L'objectif énoncé à l'alinéa 2 est réalisé de la
 
manière suivante:
 
a) avant toute mesure restrictive affectant le trafic
 
privé, des mesures de substitution et d'accompagnement
 
adéquates sont mises en place pour améliorer
 
la fluidité du trafic;
 
b) la réduction du trafic pendulaire vers le centre
 
ville et la canalisation du trafic de transit à
 
l'extérieur du centre ville ne peuvent être décidées
 
que si des mesures de substitution et d'accompagnement
 
sont préalablement mises en place, notamment
 
par la réalisation d'ouvrages routiers;
 
c) le stationnement des véhicules automobiles est
 
organisé de manière à répondre aux besoins propres
 
des divers types d'usagers.
 
Chapitre IIITransports publics (nouveau, comprenant
 
les art. 160C, D, et E, anciennement 160A, B
 
et C).
 
B.- Dans son rapport du 8 septembre 1999, le Conseil d'Etat genevois a notamment considéré que l'initiative était conforme au droit supérieur, car son sujet relevait de la compétence cantonale. En revanche, si les principes et objectifs proposés correspondaient à la politique déjà poursuivie à Genève, les moyens préconisés compromettraient le développement durable, complémentaire et équilibré voulu par le Gouvernement.
 
Rappelant les actions réalisées et envisagées dans ce but, le Conseil d'Etat proposait le rejet de l'initiative.
 
C.- La Commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative a déposé son rapport le 29 février 2000. Selon ce rapport, l'art. 160B al. 3 lettres a) et b) de l'initiative seraient contraires au droit fédéral: en exigeant des mesures de substitution préalablement à toute réduction du trafic, l'initiative empêchait la mise en place du plan de mesures prévu aux art. 31 ss de l'ordonnance sur la protection de l'air (OPair, RS 814. 318. 142. 1), et l'adoption de mesures d'assainissement au sens de l'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB, RS 814. 41). L'art. 160B al. 3 let. c de l'initiative entraînerait l'obligation d'augmenter fortement le nombre de places de stationnement, et provoquerait un afflux supplémentaire de véhicules, mais pouvait être interprété conformément au droit fédéral. Pour des raisons de procédure, le rapport concluait à l'irrecevabilité de l'initiative.
 
D.- Le 17 mars 2000, le Grand Conseil a invalidé l'art. 160B al. 3 lettres a) et b) de l'initiative, en application de l'art. 120 al. 4 du règlement du Grand Conseil, soit pour non conformité au droit supérieur.
 
E.- Roald Quaglia, Christian Buonomo, René Denat, Jean de Toledo, Claude Fischer, Hans Peter Graf, Alain Meylan, Michel Mooijman, Jacques Poncet et le GTE forment un recours de droit public contre l'invalidation partielle de l'initiative. Ils demandent l'annulation de ce prononcé et la constatation de la recevabilité de l'initiative. Ils demandent par ailleurs un second échange d'écritures afin de se prononcer sur la motivation retenue par l'autorité intimée.
 
Le Grand Conseil conclut au rejet du recours.
 
Les parties ont répliqué et dupliqué. Les recourants ont encore déposé des observations finales.
 
Considérant en droit :
 
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 126 I 257 consid. 1a p. 258, 126 III 485 consid. 1, 125 I 253 consid. 1a, 412 consid. 1a p. 414 et les arrêts cités).
 
a) En vertu de l'art. 58 de la loi genevoise sur la procédure administrative, le recours au Tribunal administratif cantonal n'est pas ouvert contre les décisions du Grand Conseil. Les recourants soutiennent ainsi, sans être contredits, que la décision du Grand Conseil genevois statuant sur la recevabilité d'une initiative populaire ne peut faire l'objet d'aucun recours cantonal.
 
b) En vertu de l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fédéral connaît des recours de droit public concernant le droit de vote des citoyens et de ceux qui ont trait aux élections et aux votations cantonales, quelles que soient les dispositions de la constitution cantonale et du droit fédéral régissant la matière. La qualité pour recourir dans ce domaine appartient à toute personne à laquelle la législation cantonale accorde l'exercice des droits politiques pour participer à l'élection ou à la votation en cause, même si elle n'a aucun intérêt juridique personnel à l'annulation de l'acte attaqué (ATF 121 I 138 consid. 1, 357 consid. 2a p. 360).
 
Le recours est en l'espèce formé par Roald Quaglia et huit autres personnes, tous citoyens actifs dans le canton de Genève et membres du comité d'initiative.
 
Le Tribunal fédéral reconnaît également la qualité pour recourir pour violation du droit de vote aux partis politiques et aux organisations à caractère politique formées pour l'occasion, à la condition qu'ils exercent leur activité dans la collectivité publique concernée par l'élection ou la votation en cause et qu'ils soient constitués en personne morale (ATF 121 I 334 consid. 1a p. 337, 115 Ia 148 consid. 1b p. 153, 114 Ia 267 consid. 1c p. 270, 112 Ia 208 consid. 1a p. 211 et les arrêts cités). Le Groupement Transports et Economie, association dont le siège se trouve à Genève et qui a appuyé l'initiative, peut se voir reconnaître la qualité pour recourir.
 
2.- a) Dans leur recours, les recourants déclarent ignorer les raisons de l'invalidation partielle de l'initiative, la décision publiée dans la Feuille d'Avis Officielle n'ayant pas de motivation. Les recourants supposent que les députés ont suivi l'avis du rapport de majorité de la Commission législative. Ils insistent sur le fait que les moyens mis en oeuvre par l'initiative à l'art. 160B al. 3 doivent s'analyser en relation avec les objectifs poursuivis et mentionnés à l'al. 2 de cette disposition, qui impose le respect du droit fédéral. L'art. 160B al. 3 let. a n'exclurait pas toute mesure de limitation du trafic, mais imposerait un examen de toutes les solutions possibles, et l'adoption des mesures de substitution adéquates, sans empêcher la réalisation des mesures exigées par le droit fédéral, notamment le plan de mesures OPair. Le plan de mesures adopté à Genève le 27 mars 1991 et réactualisé en 1995, prévoirait des mesures incitatives et d'information; les mesures de réduction du trafic seraient limitées à des propositions générales, d'ailleurs assorties de solutions de substitution. La disposition litigieuse n'irait pas non plus à l'encontre du programme d'assainissement prévu à l'art. 19 OPB, qui constitue lui aussi une mesure générale. Une interprétation conforme à la Constitution serait ainsi possible. Il en irait de même pour l'art. 160B al. 3 let. b: cette règle n'exclurait pas toute canalisation du trafic de transit, mais imposerait les solutions garantissant au mieux la fluidité du trafic et l'accès au centre ville. Les moyens litigieux n'excluraient pas l'assainissement, mais commanderaient la recherche de solutions de compensation.
 
b) Le Grand Conseil estime que la réserve en faveur du droit fédéral ne suffit pas à garantir la conformité de l'initiative, spécialement lorsqu'elle est entièrement rédigée.
 
Les mesures visées aux art. 31 ss OPair comprennent notamment la canalisation et la réduction du trafic. Le plan de mesures du 27 mars 1991, ainsi que ses plans de suivi, prévoient une limitation du trafic individuel au centre ville.
 
Le plan de mesures d'assainissement du bruit routier, adopté en août 1998, contient une série de mesures de gestion de la circulation impliquant une restriction du trafic privé.
 
L'art. 160B al. 3 let. a de l'initiative imposerait l'adoption de mesures de substitution et d'accompagnement avant toute restriction du trafic privé, et pourrait empêcher les mesures prescrites par le droit fédéral, en dehors même des plans de mesures. La fluidité du trafic devrait ainsi l'emporter sur la limitation des émissions, voulue prioritairement à l'art. 12 al. 1 let. c LPE. La réduction du trafic pendulaire vers le centre ville et la canalisation du trafic de transit vers la périphérie, visées par l'art. 160B al. 3 let. b, feraient partie des mesures nécessaires à la réduction de la pollution de l'air et du bruit au centre ville; la construction d'ouvrages routiers, comme préalable à l'adoption de ces mesures, empêcherait d'intervenir quand bien même les valeurs limites de l'OPAir et de l'OBP seraient dépassées.
 
L'interprétation restrictive proposée par les recourants ne serait pas compatible avec le texte de l'initiative.
 
c) Dans leur réplique, les recourants contestent que les dispositions litigieuses puissent constituer une obligation absolue et inconditionnelle d'adopter des mesures d'accompagnement et de substitution. L'autorité disposerait d'une grande marge de manoeuvre. La canalisation et la restriction du trafic ne seraient pas des mesures indispensables, voire utiles pour réduire le bruit. L'art. 12 LPE mentionnerait d'autres moyens, de même que le plan de mesures d'assainissement du bruit routier. La réduction du trafic serait d'ailleurs insuffisante pour lutter contre le bruit. Il serait faux de prétendre que le trafic est la principale source de pollution de l'air, et l'autorité pourrait agir en se fondant directement sur la LCR. L'art. 160B al. 3 let. b de l'IN-114 exigerait simplement que les mesures de réduction du trafic de transit soient adoptées dans le respect du principe de la proportionnalité, et permettrait dans certains cas d'agir sans contrepartie. Après avoir pris connaissance des débats publiés de la séance du 17 mars 2000, les recourants relèvent que les arguments relatifs à l'OPAir et à l'OPB n'y sont guère étayés, la décision ayant été prise pour des motifs politiques et non juridiques.
 
d) En duplique, le Grand Conseil a produit le rapport de suivi du plan de mesures, approuvé le 29 juin 2000 par le Conseil d'Etat. Il en ressort que si la qualité de l'air s'est légèrement améliorée depuis les années 90, les objectifs fixés dans le plan de mesures n'ont été atteints que partiellement; la pollution est toujours excessive en milieu urbain, où les valeurs limites sont dépassées; l'augmentation du trafic routier dans le canton aurait freiné les effets de l'introduction du catalyseur, et la part des transports individuels serait encore trop importante par rapport aux transports collectifs. Selon le rapport intitulé "Mesure de la qualité de l'air à Genève - 1999", le trafic routier constituerait la principale source (29%) de pollution atmosphérique à Genève.
 
e) Les recourants ont encore produit des observations.
 
Ils relèvent notamment que, selon l'art. 66 al. 3 de la constitution genevoise, le Parlement ne peut invalider que les initiatives manifestement contraires au droit supérieur.
 
Le Grand Conseil n'aurait pas démontré en quoi résiderait le caractère absolu et inconditionnel des dispositions litigieuses.
 
3.- a) De manière générale, une initiative populaire cantonale ne doit rien contenir qui viole le droit supérieur, qu'il soit cantonal, intercantonal, fédéral ou international (cf. ATF 124 I 107 consid. 5b p. 118/119). En vertu du principe de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.), les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les domaines exhaustivement réglementés par le droit fédéral.
 
Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit qui ne violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qui n'en compromettent pas la réalisation (ATF 125 I 474 consid. 2a et les arrêts cités p. 480).
 
b) L'autorité appelée à statuer sur la validité matérielle d'une initiative doit en interpréter les termes dans le sens le plus favorable aux initiants. Lorsque, à l'aide des méthodes reconnues, le texte d'une initiative se prête à une interprétation la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valable et être soumise au peuple, l'interprétation conforme devant permettre d'éviter autant que possible les déclarations d'invalidité.
 
Lorsque seule une partie de l'initiative apparaît inadmissible, la partie restante peut subsister comme telle, pour autant qu'elle forme un tout cohérent et qu'elle puisse encore correspondre à la volonté des initiants (ATF 125 I 227 consid. 4a et b p. 231 et la jurisprudence citée). Dans ce sens, l'art. 66 al. 3 de la constitution genevoise, qui ne permet d'invalider que les initiatives manifestement contraires au droit supérieur, ne semble pas conférer une garantie supplémentaire en faveur des droits politiques, puisque, comme l'admettent les recourants, cette disposition ne fait que concrétiser le principe de l'interprétation conforme à la Constitution.
 
c) Comme le relèvent les parties, une réserve générale en faveur du droit fédéral, telle que celle qui figure dans l'énoncé des principes et objectifs de l'art. 160B, ne suffit pas à "immuniser" une initiative populaire de toute incompatibilité avec le droit supérieur. Dans la mesure où elle refléterait les intentions de l'auteur de l'initiative, la mention du respect du droit fédéral n'est pas non plus déterminante, puisque l'élément essentiel est le texte de la disposition et la manière dont elle sera vraisemblablement appliquée, et non la volonté de ses auteurs (ATF 121 I 334 consid. 2c p. 338). Quand bien même cette réserve doit logiquement s'étendre aux moyens prévus à l'al. 3 de l'art. 160B, les moyens prévus n'en doivent pas moins être examinés pour eux-mêmes (ATF 125 I 227 précité, consid. 4c et d).
 
4.- Selon la motivation exposée par le Grand Conseil, l'invalidation des deux dispositions litigieuses tient à ce qu'en exigeant l'adoption de mesures de substitution préalables, elles rendraient impossibles les restrictions ou canalisations du trafic qui pourraient être prévues par le plan de mesures OPair et les mesures d'assainissement du bruit routier fondées sur l'art. 19 OPB, voire les autres mesures que le canton serait tenu de prendre sur la base de l'art. 11 al. 3 LPE.
 
a) La LPE a pour fondement constitutionnel actuel l'art. 74 Cst. L'art. 74 al. 3 Cst. précise que l'exécution des dispositions fédérales incombe aux cantons, sauf disposition contraire de la loi. L'art. 11 LPE pose le principe de la limitation, à titre préventif, des émissions, telles que les pollutions atmosphériques et le bruit (al. 1 et 2). Les émissions sont limitées plus sévèrement s'il appert ou s'il y a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l'environnement, seront nuisibles ou incommodantes (al. 3). Les émissions sont notamment restreintes par la fixation de valeurs limites, ainsi que des prescriptions en matière de trafic ou d'exploitation (art. 12 al. 1 let. a et c LPE). Les limitations figurent dans les ordonnances ou, pour les cas que celles-ci n'ont pas visés, dans des décisions fondées directement sur la loi. L'art. 44a LPE prévoit l'adoption de plans de mesures relatifs aux pollutions atmosphériques lorsque plusieurs sources de pollution entraînent des atteintes nuisibles ou incommodantes. Ces plans sont contraignants pour les autorités auxquelles les cantons ont confié des tâches d'exécution. Ils distinguent les mesures qui peuvent être ordonnées immédiatement de celles pour lesquelles les bases légales doivent encore être créées.
 
aa) L'OPair régit notamment la limitation préventive des émissions, la charge polluante admissible de l'air et la procédure à suivre lorsque les immissions sont excessives (art. 1 al. 2 let. a, c et d). Les émissions dues aux véhicules et aux infrastructures destinées aux transports font l'objet des art. 17 à 19 OPair. Les art. 16 et 17 prévoient la limitation des émissions à titre préventif, et l'art. 19 renvoie aux art. 31 à 34 en cas d'immissions excessives. Le plan de mesures, de la compétence des cantons (art. 35 OPair), indique notamment les mesures propres à réduire les émissions excessives ou à y remédier, l'efficacité de ces mesures, les bases légales, les délais et les autorités compétentes.
 
S'agissant des installations destinées aux transports, les mesures touchent la construction ou l'exploitation de ces infrastructures ou visent à canaliser ou à restreindre le trafic (art. 32 al. 2 let. b OPair). Les mesures prévues doivent en principe être réalisées dans les cinq ans. Les cantons en contrôlent l'efficacité et les adaptent en cas de besoin (art. 33 OPair).
 
L'art. 11 al. 3 LPE permet par ailleurs aux cantons d'intervenir en cas de danger immédiat et grave pour la santé, et d'instaurer des mesures à court terme dans les cas d'urgence (cf. ATF 121 I 334 consid. 4c p. 343). L'art. 3 al. 6 LCR, voire la clause générale de police, permettent également des interventions à court terme, telles des interdictions totales ou partielles de circuler, afin de protéger les habitants contre la pollution de l'air, en particulier le smog (même arrêt, consid. 6 p. 343 ss). Le principe de la proportionnalité doit, là aussi, être respecté.
 
bb) L'art. 3 OPB prévoit notamment la limitation des émissions de bruit dues aux véhicules à moteur, par application de la réglementation sur la circulation routière. L'annexe 3 de l'OPB fixe les valeurs limites d'exposition au bruit du trafic routier. L'art. 19 OPB impose aux cantons d'adopter un programme d'assainissement des routes fondé sur le cadastre de bruit (art. 37), comprenant des données notamment sur les routes ayant besoin d'être assainies, l'assainissement, son efficacité, les allégements prévus et le programme de réalisation. Ce dernier est soumis à l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP).
 
b) Le Conseil d'Etat genevois a adopté un plan de mesures OPair le 27 mars 1991. En ce qui concerne les émissions causées par les véhicules, les mesures doivent notamment tendre au respect des prescriptions fédérales en matière de protection de l'environnement, préserver la liberté individuelle en termes de mobilité et de choix du mode de transport, et favoriser le développement de la viabilité de l'agglomération (p. 29). L'évolution prévue implique un transfert très important entre les différents modes de transport (transfert modal), notamment une diminution notable des déplacements en véhicules automobiles. S'agissant de l'accessibilité au centre ville, les objectifs poursuivis sont une meilleure accessibilité en véhicule individuel par la réduction du trafic de transit et une offre accrue en places de stationnement de courte durée, une meilleure accessibilité en transports publics et une utilisation accrue des transports non motorisés. La diminution souhaitée du trafic est de l'ordre de 30%, obtenue par une réduction de 45% du trafic de transit et une part de transfert modal. Une limitation globale du trafic paraît nécessaire afin de diminuer les valeurs d'immissions de dioxyde d'azote (NO2); or, l'amélioration du réseau augmente le trafic, si elle n'est pas accompagnée d'autres mesures. Le schéma de circulation est de type sectoriel hiérarchisé, et non concentrique, afin de favoriser le trafic de destination, compte tenu de l'ouverture de l'autoroute de contournement en 1993, puis de sa prolongation ouverte au mois de juin 1997. Le trafic est progressivement limité sur les plus importantes artères de transit.
 
Le rapport de suivi adopté en 1995 constate notamment une diminution, par rapport à la base de calcul de 1988, de la moyenne annuelle en NO2, ainsi que du nombre des dépassements de la valeur limite journalière. En milieu urbain, les valeurs limites sont encore largement dépassées, et en milieu suburbain, les niveaux atteints frisent la valeur limite pour la moyenne annuelle. Le trafic de transit au centre ville a diminué d'environ 30'000 véhicules par jour. Les principales mesures consistent à limiter progressivement le trafic sur les plus importantes artères de transit au moyen de plans de circulation sectoriels créant des "poches étanches" accessibles au seul trafic de destination. Depuis la création des "rues marchandes", le trafic de transit motorisé s'est reporté sur des routes en périphérie du centre ville, elles-mêmes soulagées d'une partie de leur trafic depuis l'ouverture de l'autoroute de contournement.
 
Le rapport de suivi de 1999 constate une légère amélioration de la qualité de l'air depuis 1995, même si la décroissance souhaitée des immissions n'est pas obtenue.
 
Selon toute vraisemblance, le respect des valeurs limites d'immissions pour le NO2 ne sera pas effectif en 2002, contrairement aux prévisions du plan de mesures de 1991. Les objectifs de réduction du trafic, jugés trop généraux, sont loin d'être atteints: le trafic au centre ville s'est stabilisé depuis 1994, la diminution des émissions résultant essentiellement de l'augmentation du taux d'automobiles catalysées.
 
Enfin, le plan de mesures actualisé, approuvé par le Conseil d'Etat le 28 juin 2000, constate que le plan initial est insuffisant pour mettre en oeuvre une politique d'assainissement de l'air. Il prévoit l'adoption d'un plan régional des déplacements, instrument permettant de reconduire les mesures liées au trafic automobile en assurant notamment un équilibre entre les divers modes de déplacement. Les interventions préconisées dans ce dernier plan de mesures visent essentiellement les véhicules non catalysés.
 
c) Le plan des mesures pour l'assainissement du bruit routier a été adopté au mois d'août 1998. Il part du constat qu'environ un quart de la population genevoise est exposée au bruit du trafic routier au-delà des limites acceptables, essentiellement en ville de Genève. Il prévoit des mesures à la source (équipement, état des véhicules et comportement des conducteurs), des mesures de construction (ouvrages, revêtements), et des mesures liées à l'exploitation du réseau routier: limitation du trafic de transit, favorisation du trafic de destination, homogénéité et fluidité du trafic, limitations de vitesse, etc. , conformément au plan de circulation, et en coordination avec les mesures OPair.
 
5.- a) Les plans de mesures (art. 44a LPE, 31 ss OPair et 19 OPB) sont des instruments de coordination permettant aux autorités compétentes de procéder à une appréciation globale de la situation (ATF 123 I 175 consid. 3f p. 190 et la jurisprudence citée). Ils permettent également d'ordonner, dans chaque cas particulier, une limitation complémentaire des émissions respectant les principes de l'égalité de traitement et de la proportionnalité (ATF 120 Ib 436 consid. 2c/cc p. 445). Si le canton est tenu par une obligation de résultat au regard des exigences du droit fédéral en matière de protection contre les immissions, les moyens à mettre en oeuvre sont en revanche fixés, puis adaptés, par l'autorité cantonale compétente (ATF 125 II 129 consid. 7b p. 139), qui dispose dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation (Loretan, Kommentar zum Umweltschutzgesetz, 2ème édition, n° 17 ad art. 44a LPE). En matière de circulation routière, les plans de mesures permettent de tenir compte du fait que la construction d'ouvrages routiers ne contribue que modérément à la lutte contre la pollution de l'air; ce sont avant tout les mesures relatives au trafic et à la réduction des gaz d'échappement qui doivent être ordonnées. Leur exécution ne peut se faire que par étapes, pour des motifs d'ordre économique évidents. Les plans de mesures apparaissent ainsi comme des instruments complexes et évolutifs, adaptés à une planification sur une large échelle et à longue échéance, dans le respect des différents intérêts en présence (ATF 117 Ib 425 consid. 5c p. 430-431). L'autorité compétente doit pour cela disposer d'une marge de manoeuvre considérable permettant d'abandonner les mesures jugées inefficaces, et d'en adopter d'autres qui n'étaient pas prévues à l'origine. L'historique du plan de mesures OPair genevois, retracé ci-dessus, illustre cette démarche adaptative.
 
b) La réduction du trafic de transit par le centre ville constitue l'un des objectifs principaux de la lutte contre la pollution atmosphérique à Genève. La mesure de diminution entreprise en 1991 a été reconduite dans le rapport de suivi de 1999, mais sous une forme plus concrète; l'effet attendu en est toujours une diminution du trafic de transit de l'ordre de 30%, par le biais de la réglementation locale du trafic. Le Grand Conseil admet que le plan de mesures - en particulier sa version de 1995 - prévoit généralement des mesures de substitution et d'accompagnement aux réductions du trafic.
 
Rappelant sa politique des transports dans son rapport relatif à l'initiative 114, le Conseil d'Etat relève lui aussi que les mesures restrictives affectant le trafic privé ont en principe toujours été accompagnées d'actions de substitution et d'accompagnement, parmi lesquelles, le plus récemment, les mesures d'accompagnement à l'autoroute de contournement, les parcs de stationnement publics et la modernisation de la signalisation lumineuse. Il rappelle d'ailleurs que les grands travaux des dernières décennies ont presque exclusivement profité au réseau routier, longtemps sans mesure d'accompagnement au profit des autres modes de transport.
 
Cela ne signifie pas que des mesures de substitution ou d'accompagnement soient possibles dans tous les cas de restriction du trafic privé. Qu'il s'agisse des mesures figurant au plan de mesures, ou des limitations complémentaires, il est possible qu'une intervention destinée à assainir la qualité de l'air ne puisse pas être accompagnée - voire précédée, comme le préconise l'initiative - d'une compensation en faveur du trafic privé, sans quoi son efficacité serait compromise.
 
Par ailleurs, le Grand Conseil craint à juste titre qu'une mesure d'accompagnement ou de substitution, en soi réalisable, ne retarde indûment l'adoption des mesures d'assainissement de l'air.
 
c) Les recourants soutiennent que seules les mesures de substitution ou d'accompagnement "adéquates" devraient être mises en oeuvre selon l'art. 160B al. 3 let. a de l'initiative; par ailleurs, l'art. 160B al. 3 let. b devrait être interprété en relation avec l'al. 2 de cette disposition, qui impose seulement à l'autorité d'assurer la meilleure fluidité "possible" du trafic. En définitive, il s'agirait uniquement d'inciter l'autorité à réfléchir aux solutions permettant de porter le moins atteinte aux droits des citoyens, conformément au principe de la proportionnalité.
 
Cette interprétation restrictive des dispositions litigieuses n'est toutefois pas celle qui paraît s'imposer. Si, comme le soutiennent les recourants, les dispositions de l'initiative ne font que reprendre les exigences découlant du principe de la proportionnalité, en obligeant l'autorité à une pesée soigneuse des intérêts, on ne voit pas la raison de les faire figurer expressément dans un texte constitutionnel spécifique, puisque ces principes sont de toute façon applicables, comme cela est rappelé ci-dessus, lors de l'adoption de plans de mesures. Il ressort au contraire clairement du texte des dispositions litigieuses que l'adoption de mesures de substitution ou d'accompagnement est un préalable nécessaire à la réduction et à la canalisation du trafic. Cela résulte des termes "avant toute mesure" (art. 160B al. 3 let. a) et "ne peuvent être décidées que si des mesures. .. sont préalablement mises en place" (let. b). Contrairement à ce que prétendent les recourants, le Conseil d'Etat n'a pas admis sans réserve ces deux dispositions, puisqu'il a estimé que "le systématisme très rigoureux assorti d'un conditionnement sans équivoque. .. au sujet des mesures de substitution et d'accompagnement fait craindre au Conseil d'Etat des blocages plus réguliers encore sur les actions qu'il se doit d'entreprendre. ..".
 
d) Les dispositions litigieuses tendent à fixer un ordre de priorité en faveur de la fluidité du trafic privé et du trafic pendulaire; cela peut être de nature à empêcher, ou tout au moins à ralentir considérablement les mesures visant à canaliser ou à restreindre le trafic, et qui pourraient s'imposer en application tant des art. 12 al. 1 let. c LPE et 32 al. 2 OPair que de l'art. 11 al. 3 LPE.
 
Comme cela est relevé ci-dessus, les plans de mesures sont par nature destinés à être périodiquement adaptés, l'efficacité de chacune d'elles devant être évaluée et contrôlée (art. 32 al. 1 let. d et 33 OPair). Cela peut notamment impliquer l'adoption de mesures de réduction ou de canalisation du trafic, le cas échéant sans contrepartie, afin d'en vérifier dans un premier temps l'efficacité; des interventions urgentes peuvent par ailleurs être décidées en application des art. 11 al. 3 LPE, de l'art. 3 al. 4 LCR et de la clause générale de police. L'ensemble de ces interventions pourrait être rendu impossible s'il y avait lieu, dans chaque cas, d'adopter des mesures de compensation telles, par exemple, la construction d'ouvrages routiers, dont la réalisation ne peut se faire à brève échéance. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, les dispositions litigieuses réduisent exagérément la marge de manoeuvre dont l'autorité compétente doit nécessairement bénéficier dans ce domaine, en vertu du droit fédéral.
 
6.- La décision d'invalidation ne prête pas, dès lors, le flanc à la critique. Le recours de droit public doit par conséquent être rejeté. Compte tenu de la nature de la cause, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.
 
Par ces motifs,
 
le Tribunal fédéral :
 
1. Rejette le recours.
 
2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.
 
3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire des recourants et au Grand Conseil de la République et canton de Genève.
 
__________
 
Lausanne, le 26 janvier 2001 KUR/col
 
Au nom de la Ie Cour de droit public
 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
 
Le Président,
 
Le Greffier,
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).