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Informationen zum Dokument  BGer 1P.233/2001  Materielle Begründung
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BGer 1P.233/2001 vom 05.06.2001
 
{T 1/4}
 
1P.233/2001
 
1P.241/2001
 
Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
 
**********************************************
 
5 juin 2001
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
 
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud, Catenazzi, Favre
 
et Mme le Juge suppléant Pont Veuthey.
 
Greffier: M. Zimmermann.
 
__________
 
Statuant sur les recours de droit public
 
formés par
 
Mohammed Sani Abacha, actuellement détenu à Lagos (Nigeria),
 
représenté par MMes Bruno de Preux et Pierre de Preux,
 
avocats à Genève,
 
et par
 
Abubakar Bagudu, à Abuja (Nigeria), représenté par Me Vincent
 
Jeanneret, avocat à Genève,
 
contre
 
les ordonnances rendues le 14 février 2001 par la Chambre
 
d'accusation du canton de Genève dans la cause opposant les
 
recourants à la République fédérale du Nigeria, représentée
 
par Me Enrico Monfrini, avocat à Genève, au Juge d'instruc-
 
tion et au Procureur général du canton de Genève;
 
(entraide internationale en matière pénale et procédure
 
pénale cantonale; accès au dossier)
 
Le 30 septembre 1999, la République fédérale du
 
Nigeria (ci-après: la République fédérale) a annoncé à l'Of-
 
fice fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral)
 
qu'elle envisageait de demander à la Suisse l'entraide judi-
 
ciaire pour les besoins de l'enquête ouverte au Nigeria à
 
l'encontre des parents et des proches de feu Sani Abacha,
 
Président de la République fédérale du 17 novembre 1993 à son
 
décès le 8 juin 1998. Les personnes poursuivies le sont pour
 
détournement de fonds publics.
 
Le 28 octobre 1999, le Procureur général du canton
 
de Genève, se fondant sur des communications faites en appli-
 
cation de la LBA, a, dans le même complexe de faits, ordonné
 
l'ouverture d'une information pénale des chefs d'organisation
 
criminelle (art. 260ter CP) et de blanchiment d'argent (art.
 
305bis CP). Cette procédure a été désignée sous la rubrique
 
P/12983/99.
 
Le 24 novembre 1999, la République fédérale a déposé
 
auprès du Procureur général une plainte pénale notamment pour
 
abus de confiance, escroquerie, extorsion, gestion déloyale,
 
recel, participation à une organisation criminelle et blan-
 
chiment d'argent notamment contre Mohamed Sani Abacha, fils
 
de Sani Abacha, et Abubakar Attiku Bagudu, homme d'affaires
 
et ami de Sani Abacha. Le Procureur général a ordonné l'ou-
 
verture d'une information pénale. Cette procédure, désignée
 
sous la rubrique P/14457/99, a été jointe à la procédure
 
P/12983/99, le 29 novembre 1999.
 
Le 3 décembre 1999, le Juge d'instruction a admis la
 
République fédérale comme partie civile à la procédure
 
P/12983/99, ainsi qu'aux procédures connexes.
 
Le 22 décembre 1999, le Juge d'instruction a joint
 
toutes les procédures connexes à la procédure principale
 
P/12983/99, au dossier de laquelle il avait donné accès à la
 
République fédérale, le 9 décembre 1999.
 
Le 20 décembre 1999, la République fédérale a pré-
 
senté à l'Office fédéral une demande formelle d'entraide ju-
 
diciaire, pour les besoins de l'enquête conduite par la
 
"Special Fraud Unit" de la police nigériane contre les pa-
 
rents et les proches de feu Sani Abacha. Les faits évoqués
 
dans la demande d'entraide sont identiques à ceux appuyant la
 
plainte du 24 novembre 1999.
 
Le 20 janvier 2000, l'Office fédéral a rendu une dé-
 
cision d'entrée en matière et ordonné le blocage d'une série
 
de comptes bancaires. Il a délégué au même Juge d'instruction
 
que celui chargé des procédures pénales ouvertes à Genève la
 
mission de réunir la documentation relative à ces comptes, en
 
l'invitant à remettre "toute information additionnelle re-
 
cueillie dans le cadre de sa propre procédure et ayant une
 
utilité potentielle pour répondre à la demande". Cette procé-
 
dure a été désignée sous la rubrique CP/286/99.
 
Le Juge d'instruction a inculpé Abacha et Bagudu de
 
participation à une organisation criminelle, de blanchiment
 
d'argent, d'escroquerie, de gestion déloyale, subsidiairement
 
de gestion déloyale des intérêts publics.
 
Le 7 novembre 2000, Bagudu s'est adressé au Juge
 
d'instruction pour se plaindre de ce que la République fédé-
 
rale aurait eu accès à des renseignements, contenus dans le
 
dossier de procédure P/12983/99 équivalents, selon lui, à
 
ceux réclamés dans la demande d'entraide judiciaire
 
(CP/286/99), dont le traitement était en cours. De cette
 
manière, la République fédérale aurait obtenu, de manière
 
indue et prématurée, des informations qu'elle n'aurait pu
 
obtenir qu'au terme de la procédure d'entraide. Bagudu a
 
demandé au Juge d'instruction de suspendre le droit de la
 
République fédérale de consulter le dossier, subsidiairement
 
de lui faire interdiction d'utiliser les renseignements ob-
 
tenus dans le cadre de la procédure P/12983/99 jusqu'à droit
 
connu sur la demande d'entraide judiciaire.
 
Abacha a fait sienne la demande de Bagudu.
 
Le 23 novembre 2000, le Juge d'instruction a rejeté
 
cette requête.
 
Par deux décisions du 14 février 2001, la Chambre
 
d'accusation a rejeté les recours formés par Bagudu et Abacha
 
contre la décision du 23 novembre 2000, qu'elle a confirmée.
 
Agissant séparément par la voie du recours de droit
 
public, Mohamed Sani Abacha et Abubakar Bagudu demandent au
 
Tribunal fédéral d'annuler la décision du 14 février 2001.
 
Bagudu requiert en outre le renvoi de la cause à la Chambre
 
d'accusation pour nouvelle décision au sens des considérants.
 
Les recourants invoquent les art. 5 al. 3, 9, 29 al. 2 et 49
 
al. 1 Cst.
 
Le Tribunal fédéral, après avoir joints les recours,
 
a admis ceux-ci, traités comme recours de droit administra-
 
tif. Il a annulé les décisions attaquées et renvoyé les cau-
 
ses au Juge d'instruction pour nouvelle décision au sens des
 
considérants.
 
Extrait des considérants:
 
2.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
 
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
 
soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 I 81 consid. 1 p.
 
83, 207 consid. 1 p. 209, 257 consid. 1a p. 258, et les
 
arrêts cités).
 
a) Le recours de droit public n'est pas recevable si
 
le grief peut être soumis par un autre moyen de droit au Tri-
 
bunal fédéral ou à une autre autorité fédérale (art. 84 al. 2
 
OJ). En l'occurrence, les recourants reprochent essentielle-
 
ment aux autorités cantonales d'avoir éludé les prescriptions
 
de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière
 
pénale du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1). Ils font valoir que
 
la décision de donner à la République fédérale, partie civi-
 
le, le libre accès au dossier de la procédure P/12983/99, en
 
application de l'art. 142 al. 1 CPP/GE, reviendrait, de fait,
 
à lui accorder tout ce qu'elle a réclamé à l'appui de la
 
demande d'entraide judiciaire, avant même qu'une décision de
 
clôture au sens de l'art. 80d EIMP ne soit rendue, ce qui
 
serait inconciliable avec les règles fondamentales de l'en-
 
traide judiciaire et notamment le principe de la spécialité
 
ancré à l'art. 67 al. 1 EIMP. Invoquant la primauté du droit
 
fédéral (art. 49 al. 1 Cst.), les recourants soutiennent à
 
cet égard que le Juge d'instruction et la Chambre d'accusa-
 
tion auraient appliqué arbitrairement le droit cantonal de
 
procédure en lieu et place du droit public de la Confédéra-
 
tion, soit l'EIMP. Or, un tel grief doit être soulevé dans le
 
cadre du recours de droit administratif, selon ce que prévoit
 
l'art. 25 al. 1 EIMP. Cette règle correspond au système des
 
art. 97 et 98 let. g OJ, mis en relation avec l'art. 5 PA,
 
selon lequel la voie du recours de droit administratif est
 
ouverte contre les décisions des autorités cantonales de der-
 
nière instance et qui sont fondées sur le droit fédéral - ou
 
qui auraient dû l'être - pour autant qu'aucune des exceptions
 
prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale
 
ne soit réalisée (ATF 127 II 1 consid. 2b/aa p. 3/4; 126 I 50
 
consid. 1 p. 52; 126 II 171 consid. 1a p. 173, 300 consid. 1a
 
p. 301/302; 126 V 252 consid. 1a p. 253/354, et les arrêts
 
cités), cette voie de droit étant aussi ouverte contre les
 
décisions cantonales fondées à la fois sur le droit fédéral
 
et sur le droit cantonal dans la mesure où la violation de
 
dispositions du droit fédéral directement applicables est en
 
jeu (cf. art. 104 let. a OJ; ATF 126 V 30 consid. 2 p. 31;
 
125 II 10 consid. 2a p. 13; 124 II 409 consid. 1d/dd p. 414/
 
415, et les arrêts cités). Ces principes jurisprudentiels
 
valent aussi dans le domaine de l'entraide judiciaire, qui
 
relève du droit public de la Confédération. En d'autres ter-
 
mes, lorsque dans le cadre d'une procédure pénale régie par
 
le droit cantonal, une partie soulève le grief de violation
 
des règles de l'EIMP applicables à une procédure d'entraide
 
connexe, l'autorité cantonale (d'exécution ou de recours)
 
rend une décision fondée sur le droit fédéral, contre la-
 
quelle seule est ouverte la voie du recours de droit admi-
 
nistratif (cf. art. 80e, 80f et 80i EIMP; cf. ATF 115 Ib 366
 
consid. 1 p. 369/370 et l'arrêt non publié F. du 23 mars
 
1994).
 
En l'espèce, la procédure P/12983/99 présente un
 
lien étroit avec la procédure CP/286/99 ouverte en exécution
 
de la demande d'entraide du 20 décembre 1999: la République
 
fédérale, comme Etat requérant et comme partie civile, défend
 
les mêmes intérêts; les faits évoqués dans la plainte pénale
 
et dans la demande d'entraide sont identiques; les personnes
 
impliquées sont les mêmes; les mesures de contrainte portent
 
sur les mêmes comptes. Les deux procédures sont à ce point
 
imbriquées qu'il est pour ainsi dire impossible de mener
 
l'une indépendamment de l'autre. Ce point n'a d'ailleurs pas
 
échappé à l'Office fédéral. Dans sa décision d'entrée en ma-
 
tière du 20 janvier 2000, celui-ci a invité le Juge d'ins-
 
truction chargé simultanément de la procédure pénale
 
(P/12983/99) et de l'exécution de la demande d'entraide
 
(CP/286/99) à lui remettre, en vue d'une transmission à
 
l'Etat requérant, "toute information additionnelle recueillie
 
dans le cadre de sa procédure pénale et ayant une utilité
 
potentielle" pour la procédure étrangère. Les mesures de
 
contrainte - notamment la saisie d'une très importante docu-
 
mentation bancaire - ont été ordonnées aussi bien pour les
 
besoins de la procédure pénale que pour l'exécution de la de-
 
mande d'entraide judiciaire. En accordant à la République fé-
 
dérale l'accès au dossier de la procédure P/12983/99, sans
 
aucune restriction, le Juge d'instruction a pris une décision
 
qui a influé sur le déroulement de la procédure d'entraide,
 
puisque l'Etat requérant s'est trouvé autorisé à consulter
 
les pièces recueillies pour l'exécution de la demande d'en-
 
traide, avant tout tri préalable. En cela, le Juge d'instruc-
 
tion ne s'est pas placé uniquement sur le terrain de l'art.
 
142 CPP/GE; il a aussi statué en application de l'EIMP. Les
 
mêmes remarques valent pour la Chambre d'accusation, autorité
 
cantonale de recours compétente pour connaître des décisions
 
du Juge d'instruction aussi bien pour ce qui concerne la pro-
 
cédure pénale cantonale (art. 190 CPP/GE), que la procédure
 
d'entraide (art. 34 de la loi genevoise d'application du Code
 
pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14
 
mars 1973 [LACP]). La Chambre d'accusation devait admettre,
 
sur le vu des recours formés par les recourants contre la dé-
 
cision du 23 novembre 2000, que l'affaire portait sur l'ap-
 
plication et le respect de l'EIMP. Partant, elle devait con-
 
sidérer la décision entreprise comme une décision incidente
 
fondée sur cette loi et la traiter comme telle (cf. l'art. 45
 
PA). Bien que ce point ait échappé à la Chambre d'accusation,
 
celle-ci a néanmoins écarté expressément le grief tiré de
 
l'élusion de l'EIMP. En cela, elle a matériellement appliqué
 
le droit fédéral. Le lien de connexité très étroit unissant
 
les deux procédures commande d'admettre que la décision de-
 
vait être attaquée par la voie du recours de droit adminis-
 
tratif.
 
Au regard de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de droit
 
public est ainsi irrecevable. Il peut cependant être converti
 
en recours de droit administratif, pour autant qu'il réponde
 
aux exigences des art. 97 ss OJ (ATF 121 II 72 consid. 1f p.
 
77; 120 Ib 287 consid. 3d p. 298, 379 consid. 1a p. 381; 118
 
Ib 326 consid. 1b p. 330).
 
b) Dans le domaine de l'EIMP, peuvent faire l'objet
 
d'un recours la décision de clôture de la procédure d'entrai-
 
de et, conjointement avec celle-ci, les décisions incidentes
 
antérieures (art. 80e let. a EIMP). Celles-ci sont séparément
 
attaquables, selon l'art. 80e let. b EIMP, si elles causent à
 
leur destinataire un préjudice immédiat et irréparable décou-
 
lant de la saisie d'objets ou de valeurs (ch. 1) ou de la
 
présence de personnes qui participent à la procédure à
 
l'étranger (ch. 2). L'existence d'un préjudice immédiat et
 
irréparable ne peut être admise que dans l'un ou l'autre cas
 
visé à l'art. 80e let. b EIMP, dont l'énumération est en
 
principe exhaustive (ATF 126 II 495 consid. 5 p. 499ss).
 
La décision refusant de limiter le droit de consul-
 
ter le dossier, est de nature incidente. Ne portant pas sur
 
la saisie d'objets ou de valeurs, elle ne cause pas aux re-
 
courants le préjudice mentionné à l'art. 80e let. b ch. 1
 
EIMP. Elle n'entre pas davantage dans la catégorie définie à
 
l'art. 80e let. b ch. 2 EIMP, les autorités de l'Etat requé-
 
rant n'ayant pas demandé à participer à l'exécution de la
 
demande d'entraide.
 
Cela étant, si l'art. 80e let. b ch. 2 EIMP ouvre la
 
voie du recours séparé contre la décision incidente prise se-
 
lon l'art. 65a EIMP, c'est parce que la participation à
 
l'exécution de la demande de fonctionnaires étrangers peut,
 
selon les circonstances, comporter le risque d'un dévoilement
 
prématuré d'informations et de documents dont la transmission
 
ne peut être ordonnée que dans le cadre d'une décision de
 
clôture au sens de l'art. 80d EIMP (cf. les arrêts non pu-
 
bliés J. du 29 septembre 1999 et F. du 17 juin 1998). Or, en
 
l'espèce, le préjudice redouté par les recourants est de na-
 
ture semblable: si la République fédérale, par le truchement
 
d'une procédure pénale parallèle à laquelle elle est partie,
 
reçoit des documents et informations qu'elle ne pourrait ob-
 
tenir, par la voie de l'entraide judiciaire, qu'après le pro-
 
noncé d'une décision de transmission définitive, la décision
 
lui donnant un accès inconditionnel et illimité à la procé-
 
dure pénale cause à la personne touchée par cette divulgation
 
prématurée un dommage analogue à celui visé à l'art. 80e let.
 
b ch. 2 EIMP. Cette conclusion s'impose aussi au regard de la
 
jurisprudence qui dénie à l'Etat requérant, sauf exceptions,
 
la qualité de partie à la procédure d'entraide (cf. ATF 125
 
II 411), afin d'éviter, précisément, le dommage provoqué par
 
le dévoilement intempestif d'informations et de renseigne-
 
ments dans le cadre de la procédure d'entraide.
 
Le préjudice allégué est irréparable. Si, pour une
 
raison ou pour une autre, la demande d'entraide devait être
 
rejetée, avec la conséquence que les documents et renseigne-
 
ments recueillis par le Juge d'instruction ne devaient pas
 
être transmis à la République fédérale, il n'en demeurerait
 
pas moins que celle-ci aurait eu connaissance de ces pièces
 
(dont elle aurait pu établir des copies, comme le permet ex-
 
pressément l'art. 142 CPP/GE), dans la procédure P/12983/99.
 
Lorsque, dans la procédure d'entraide, l'Etat requérant
 
obtient indûment des documents qu'il n'aurait pas dû
 
recevoir, l'autorité d'exécution qui est allée au-delà de ce
 
qu'elle aurait dû faire doit chercher à obtenir la resti-
 
tution de ces documents et informations (ATF 115 Ib 186 con-
 
sid. 4 p. 193), sans que l'Etat requérant - auquel l'erreur
 
de l'autorité suisse n'est pas opposable - n'y soit cependant
 
tenu en vertu de ses obligations (cf. Robert Zimmermann, La
 
coopération judiciaire internationale en matière pénale,
 
Berne 1999, n° 170 p. 128). L'Etat requérant serait d'autant
 
moins obligé de restituer les pièces copiées dans le cas où,
 
comme en l'espèce, il aurait eu connaissance d'informations
 
confidentielles dans le cadre d'une procédure pénale ouverte
 
dans l'Etat requis, dont les autorités lui auraient reconnu
 
la qualité de partie civile.
 
c) Contre une décision incidente, le délai de re-
 
cours est de dix jours (art. 80k EIMP). Le recours, déposé le
 
28 mars 2001 contre la décision notifiée le 23 février 2001,
 
est tardif, partant irrecevable à cet égard.
 
Lorsqu'il existe une obligation de mentionner une
 
voie de droit, son omission ne doit pas porter préjudice au
 
justiciable (ATF 126 II 506 consid. 1b p. 509; 123 II 231
 
consid. 8b p. 238; 119 IV 330 consid. 1c p. 333). Cependant,
 
celui qui s'aperçoit du vice affectant l'indication de la
 
voie de droit ou qui devait s'en apercevoir en faisant usage
 
de la prudence que l'on pouvait attendre de lui, ne peut se
 
prévaloir d'une indication inexacte ou incomplète sur ce
 
point (ATF 121 II 72 consid. 2a p. 78; 119 IV 330 consid. 1c
 
p. 333; 118 Ib 326 consid. 1c p. 330; 117 Ia 421 consid. 2a
 
p. 422). En particulier, ne mérite pas de protection la par-
 
tie dont l'avocat eût pu déceler l'omission ou l'erreur par
 
la seule lecture du texte légal, sans recourir à la consulta-
 
tion de la jurisprudence ou de la doctrine (ATF 117 Ia 297
 
consid. 2 p. 299, 421 consid. 2a p. 422).
 
En l'espèce, les décisions attaquées ne mentionnent
 
pas la voie du recours de droit administratif et le délai de
 
recours de dix jours, contrairement à ce que prévoit l'art.
 
22 EIMP. Cela s'explique par le fait que la Chambre d'accusa-
 
tion, à la suite du Juge d'instruction, a méconnu que le li-
 
tige portait non seulement sur l'application de l'art. 142
 
CPP/GE, mais aussi sur celle de l'EIMP, ce qui aurait com-
 
mandé de statuer selon cette loi (consid. 2a ci-dessus).
 
Cette omission justifie d'entrer en matière malgré le carac-
 
tère tardif du recours et quand bien même on peut se demander
 
si les recourants, représentés par des mandataires qui ont
 
invoqué essentiellement les prescriptions de l'EIMP, n'au-
 
raient pas dû s'apercevoir de la méprise des autorités canto-
 
nales et agir, par précaution, dans le délai de dix jours
 
prescrit par l'art. 80k EIMP.
 
d) Les recourants sont titulaires de comptes bancai-
 
res dont le Juge d'instruction a ordonné le séquestre et la
 
remise de la documentation y relative. Sous cet aspect, ils
 
auraient qualité pour agir contre une décision de clôture de
 
la procédure d'entraide (cf. ATF 126 II 258 consid. 2d/aa p.
 
260; 125 II 356 consid. 3b/bb p. 362; 123 II 161 consid.
 
1d/aa p. 164; 122 II 130 consid. 2a p. 132/133).
 
Les recours, traités comme recours de droit adminis-
 
tratif, sont ainsi recevables.
 
4.- De l'avis des recourants, le fait d'accorder à
 
la République fédérale, comme partie civile, le droit de
 
consulter le dossier de la procédure P/12983/99 et d'en co-
 
pier les pièces, aurait pour effet de contourner les règles
 
de l'entraide judiciaire régie par l'EIMP, en violation de la
 
primauté du droit fédéral.
 
a) La coopération judiciaire internationale en ma-
 
tière pénale est du domaine exclusif de la Confédération. Le
 
rôle des cantons dans ce domaine se limite à l'adoption des
 
normes d'exécution du droit fédéral qui ne sauraient contre-
 
carrer l'application de celui-ci. La même règle prévaut dans
 
la mise en oeuvre, par le canton, de ses compétences propres.
 
Lorsque, comme en l'espèce, le Juge d'instruction conduit pa-
 
rallèlement à l'exécution de la demande d'entraide une procé-
 
dure pénale distincte, il doit veiller à ce que l'applica-
 
tion, en soi correcte, des prescriptions cantonales ne pro-
 
duise pas des effets contraires au droit fédéral.
 
Dans le domaine régi par l'EIMP, l'entraide ne peut
 
être accordée, pour autant que les conditions légales soient
 
remplies, qu'après l'entrée en force de l'ordonnance de clô-
 
ture (art. 80d EIMP). Avant que cette étape ne soit franchie,
 
aucun renseignement, document ou information ne peut être
 
transmis à l'Etat requérant. La jurisprudence a souligné
 
maintes fois ce principe, en insistant sur la nécessité
 
d'éviter tout risque de dévoilement intempestif d'informa-
 
tions en cours de procédure (cf. ATF 127 II 104 consid. 3d p.
 
109 et 125 II 238), au regard notamment des principes de la
 
spécialité et de la proportionnalité.
 
b) Le cas d'espèce se singularise par le fait que la
 
procédure d'entraide (CP/286/99) et la procédure pénale
 
(P/12983/99) sont si étroitement liées qu'elles en deviennent
 
indistinctes. Les documents saisis comme moyens de preuve
 
dans le cadre de la deuxième pourraient être transmis en exé-
 
cution de la première, comme le souligne la décision d'entrée
 
en matière du 20 janvier 2000, invitant le Juge d'instruction
 
à prendre en compte, pour la clôture de la procédure d'en-
 
traide, tous les documents et informations utiles réunis dans
 
la procédure pénale. Le Juge d'instruction conduisant les
 
deux procédures de front, il doit prendre en compte les inté-
 
rêts de l'une comme de l'autre. Cette tâche est rendue déli-
 
cate par la nature et les buts différents de l'entraide et de
 
la poursuite pénale, d'une part, et la superposition du droit
 
fédéral et cantonal, d'autre part. En l'espèce, le Juge
 
d'instruction et la Chambre d'accusation ont considéré ce
 
rapport uniquement sous l'angle du droit de consulter le dos-
 
sier tel qu'il est défini par l'art. 142 CPP/GE. Cette façon
 
de voir les choses est trop étroite, car elle aboutit à né-
 
gliger les buts de l'EIMP. En effet, au fur et à mesure que
 
la République fédérale a pu exercer, sans limite et sans con-
 
ditions, son droit de consulter le dossier de la procédure
 
pénale (P/12983/99), d'obtenir des copies des pièces que ce
 
dossier contient et d'en user à sa guise, la procédure d'en-
 
traide (CP/286/99) a perdu son objet et sa substance, au
 
point que le prononcé d'une décision de clôture portant sur
 
la remise de documents et d'informations déjà en mains de la
 
République fédérale, n'aurait plus guère de sens. Dans leur
 
résultat, les décisions attaquées sont inconciliables avec le
 
but de l'EIMP. Les recours doivent être admis sur ce point.
 
c) Pour appliquer le droit cantonal de manière à
 
sauvegarder l'EIMP, il est nécessaire de limiter le droit de
 
la République fédérale de consulter le dossier de la procé-
 
dure P/12983/99, dans toute la mesure nécessaire pour préser-
 
ver l'objet de la procédure d'entraide. Cela suppose d'exami-
 
ner à chaque fois quelles pièces peuvent être remises sans
 
dommage pour la procédure d'entraide. Une telle restriction
 
du droit d'être entendu pourrait s'appuyer sur l'art. 27 al.
 
1 let. a et al. 2 PA, appliqué par extension et par analogie
 
(cf. art. 12 al. 1 EIMP). Une autre solution pourrait consis-
 
ter à suspendre le droit de la République fédérale de consul-
 
ter le dossier jusqu'à l'entrée en force de la décision de
 
clôture de la procédure d'entraide ou à interdire à la Répu-
 
blique fédérale l'usage des documents et informations divul-
 
gués, jusqu'à l'entrée en force de la décision de clôture. Il
 
serait aussi envisageable de rendre des décisions de clôture
 
partielles, selon l'avancement des investigations du Juge
 
d'instruction.
 
d) Comme le soulignent le Procureur général et le
 
Juge d'instruction, cette solution conduit au résultat para-
 
doxal de traiter de manière plus défavorable l'Etat étranger
 
qui requiert l'entraide et use de ses droits de partie civile
 
à la procédure pénale, par rapport à celui qui, sans demander
 
l'entraide à la Suisse, interviendrait uniquement dans la
 
procédure pénale cantonale. Cette différence de traitement
 
trouve sa source dans l'art. 142 CPP/GE qui confère aux par-
 
ties un large droit de consultation du dossier de la pro-
 
cédure pénale. On ne saurait cependant en déduire que cette
 
norme pourrait primer les règles et les exigences de l'EIMP.
 
Pour le surplus, la République fédérale, qui a délibérément
 
choisi d'agir sur le plan de l'entraide judiciaire comme sur
 
celui de la procédure pénale, ne peut pas prétendre à béné-
 
ficier d'un quelconque traitement de faveur à cet égard.
 
e) En l'espèce, le Tribunal fédéral n'est pas en
 
mesure de statuer lui-même sur l'étendue du droit de consul-
 
ter un dossier comprenant plusieurs centaines de pièces. La
 
Chambre d'accusation ayant tranché sur recours, il se justi-
 
fie de renvoyer l'affaire directement au Juge d'instruction
 
(art. 114 al. 2 OJ).
 
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Lausanne, le 5 7juin 2001
 
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