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Informationen zum Dokument  BGer 1P.267/2001  Materielle Begründung
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BGer 1P.267/2001 vom 18.06.2001
 
[AZA 0/2]
 
1P.267/2001
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
 
**********************************************
 
18 juin 2001
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
 
Vice-Président du Tribunal fédéral, Favre et Mme Pont
 
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.
 
_______________
 
Statuant sur le recours de droit public
 
formé par
 
les sociétés anonymes A. SA, à Saignelégier, etA. AG, à Steinhausen, toutes deux représentées parMe Alain Schweingruber, avocat à Delémont,
 
contre
 
l'arrêt rendu le 5 mars 2001 par la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura, dans la cause qui oppose les recourantes à B. , à Wolfach (Allemagne), représenté par Me Marc Wollmann, avocat à Bienne, ainsi qu'au Juge d'instruction cantonal et au Procureur général du canton du Jura;
 
(procédure pénale; ordonnance de non-lieu)
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
 
les faits suivants:
 
A.- Le 23 avril 1998, les sociétés A.________ SA et A.________ AG ont déposé une plainte pénale contre la société A.________ GmbH, à Wolfach, et les organes de celle-ci, qu'elles accusaient en substance d'avoir usurpé la marque"A. ________" en violation de l'art. 61 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur la protection des marques, le comportement incriminé étant aussi susceptible de tomber sous le coup des art. 23 et 3 let. b de la loi fédérale sur la concurrence déloyale et 146 CP. Elles demandaient la confiscation de tous les produits mis sur le marché en Suisse par A.________ GmbH.
 
B.- Par ordonnance du 14 juillet 2000, le Juge d'instruction cantonal a clos la procédure pénale ouverte contre l'administrateur de cette société, B.________, par le prononcé d'un non-lieu, faute de charges suffisantes.
 
Les plaignantes ont saisi la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: la Chambre d'accusation) d'un recours contre cette décision en demandant notamment à pouvoir déposer des pièces complémentaires, ce qu'elles ont fait en date du 28 septembre 2000.
 
Statuant par arrêt du 5 mars 2001, cette autorité a déclaré irrecevable le recours d'A. ________ SA, à qui elle a dénié la qualité de partie plaignante, faute pour celle-ci d'avoir établi être effectivement titulaire d'une licence sur la marque A.________; elle a rejeté le recours formé parA. ________ AG, après avoir écarté du dossier les trois pièces déposées le 28 septembre 2000 qu'elle tenait pour tardives et dénuées de pertinence.
 
C.- Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ SA et A.________ AG demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Elles reprochent à la cour cantonale d'avoir fait preuve d'un formalisme excessif et violé leur droit d'être entendues en écartant du dossier les trois pièces déposées le 28 septembre 2000 pour cause de tardiveté et pour défaut de pertinence; elles lui font en outre grief d'avoir déclaré à tort irrecevable le recours d'A. ________ SA; elles dénoncent enfin à divers titres une constatation arbitraire des faits.
 
La Chambre d'accusation et l'intimé B.________ concluent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
 
Le Procureur général du canton du Jura propose également de le rejeter. Le Juge d'instruction cantonal n'a pas déposé d'observations.
 
Considérant en droit :
 
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42 et les arrêts cités).
 
a) Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral n'est pas ouvert pour se plaindre d'une appréciation arbitraire des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83) ni pour invoquer la violation directe d'un droit constitutionnel ou conventionnel (ATF 121 IV 104 consid. 2b p. 107). Au vu des arguments soulevés, seul le recours de droit public est ouvert en l'occurrence.
 
b) Ont qualité pour recourir les particuliers lésés par des décisions qui les concernent personnellement (art. 88 OJ).
 
Selon une jurisprudence constante, le plaignant n'a pas qualité pour agir contre le classement ou l'acquittement, au motif que l'action pénale appartient exclusivement à l'Etat; elle est instituée dans l'intérêt public et ne profite qu'indirectement au lésé. Celui-ci n'est dès lors pas habilité à recourir, au regard de l'art. 88 OJ, contre une décision relative à la conduite de l'action pénale; il est fait exception à cette règle lorsque le lésé se plaint de la violation de règles de procédure destinées à sa protection, équivalant à un déni de justice formel (ATF 126 I 97 consid. 1a p. 99; 125 I 253 consid. 1b p. 255). L'intérêt juridique protégé exigé par l'art. 88 OJ découle alors non pas du droit de fond, mais du droit de participer à la procédure (ATF 125 II 86 consid. 3b p. 94; 123 I 25 consid. 1 p. 26/27; 122 I 267 consid. 1b p. 270). Dans ce cadre, le lésé peut, par exemple, faire valoir que son recours a été déclaré à tort irrecevable, qu'il n'a pas été entendu, qu'on ne lui a pas donné l'occasion de présenter ses moyens de preuve ou qu'il n'a pas pu prendre connaissance du dossier. Il ne saurait en revanche se plaindre ni de l'appréciation des preuves, ni du rejet de ses propositions si l'autorité retient que les preuves offertes sont impropres à ébranler sa conviction. En effet, une telle décision, fondée sur une appréciation anticipée des preuves, ne porte pas sur les droits procéduraux du lésé, mais sur la constatation des faits (ATF 125 I 253 consid. 1b p. 255; 120 Ia 157 consid. 2a p. 159, 220 consid. 2a p. 222, 227 consid. 1 p. 230 et les arrêts cités). La loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions, du 4 octobre 1991 (LAVI; RS 312. 5) n'est en l'espèce d'aucun secours pour les recourantes qui ne peuvent être considérées comme des victimes au sens de l'art. 2 al. 1 de cette loi, s'agissant d'infractions contre le patrimoine (cf. ATF 123 IV 184 consid. 1b p. 187, 190 consid. 1 p. 191; 120 Ia 157 consid. 2d/aa p. 162).
 
c) Les recourantes reprochent en premier lieu à la cour cantonale d'avoir fait preuve d'un formalisme excessif et violé leur droit d'être entendues en écartant du dossier les trois pièces déposées le 28 septembre 2000 parce qu'elles auraient été produites tardivement et qu'elles seraient dénuées de pertinence.
 
L'arrêt attaqué repose ainsi sur une double motivation, dont les recourantes ne sont habilitées à attaquer que la première d'entre elles, dans la mesure où elles n'ont pas la qualité pour remettre en cause l'appréciation anticipée des preuves (cf. RDAT 2000 I n° 52 p. 496 consid. 3b p. 497; RDAT 2000 I n° 53 p. 500). Aussi, à supposer que le grief tiré de la tardiveté de la production de pièces soit fondé, le Tribunal fédéral ne pourrait de toute manière pas annuler l'arrêt attaqué, faute de pouvoir se prononcer sur le mérite de la seconde motivation. Dans ces conditions, les recourantes ne peuvent se prévaloir d'un intérêt pratique suffisant à l'examen de ce grief et leur recours doit être déclaré irrecevable sur ce point (cf. ATF 127 III 41 consid. 2b p. 42; 125 I 394 consid. 4b p. 397; 118 Ia 488 consid. 1a p. 490).
 
d) Les recourantes soutiennent également que la Chambre d'accusation aurait fait preuve d'arbitraire en déclarant le recours irrecevable en tant qu'il émanaitd'A. ________ SA parce que cette dernière n'avait pas la qualité de partie plaignante. La recevabilité de ce grief au regard de l'art. 88 OJ ne saurait être déniée (ATF 119 Ia 4 consid. 1 p. 5 et les arrêts cités). Toutefois, A.________ SA et A.________ AG ont déposé un recours unique contre l'ordonnance de non-lieu du Juge d'instruction cantonal. La Chambre d'accusation est entrée en matière sur le fond du recours en tant qu'il était formé par A.________ AG et a confirmé la décision attaquée. Dans ces conditions, la question de savoir si l'autorité intimée a dénié à tort la qualité de partie plaignante à A.________ SA et déclaré irrecevable le recours pour ce motif ne présente qu'un intérêt théorique qui, pour les raisons exposées au considérant précédent, est insuffisant pour que le Tribunal fédéral entre en matière sur ce moyen; le recours est donc également irrecevable sur ce point.
 
e) Les recourantes reprochent enfin à la Chambre d'accusation d'avoir constaté les faits et apprécié les preuves de manière arbitraire, en tenant pour établis des faits contredits par les pièces du dossier de la procédure et en ne prenant pas en compte des éléments essentiels qui démontreraient le bien-fondé de leur plainte. Dans ce contexte, elles ne se plaignent pas d'un déni de justice formel, lié à leur droit d'être entendues. Toute leur argumentation tend à démontrer que l'arrêt attaqué serait arbitraire dans sa motivation au fond. Or, sur le vu de la jurisprudence précitée, les recourantes ne sont pas habilitées à agir de la sorte.
 
2.- Le recours doit ainsi être déclaré irrecevable, aux frais des recourantes qui succombent (art. 156 al. 1 OJ).
 
Ces dernières verseront en outre une indemnité à titre de dépens à l'intimé B.________ qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ). Les autorités concernées ne sauraient en revanche prétendre à des dépens (art. 159 al. 2 OJ).
 
Par ces motifs,
 
le Tribunal fédéral,
 
vu l'art. 36a OJ:
 
1. Déclare le recours irrecevable;
 
2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la charge des recourantes;
 
3. Alloue à B.________ une indemnité de 1'200 fr. à titre de dépens, à la charge des recourantes, solidairement entre elles;
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties, au Juge d'instruction cantonal, au Procureur général et à la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura.
 
_____________
 
Lausanne, le 18 juin 2001PMN/BMH
 
Au nom de la Ie Cour de droit public
 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
 
Le Président,
 
Le Greffier,
 
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