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Informationen zum Dokument  BGer 5C.5/2001  Materielle Begründung
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BGer 5C.5/2001 vom 18.06.2001
 
[AZA 0/2]
 
5C.5/2001
 
IIe COUR CIVILE
 
******************************
 
18 juin 2001
 
Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et Mme
 
Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.
 
__________
 
Dans la cause civile pendante
 
entre
 
X.________ Assurances Générales SA (anciennement Y.________ Compagnie Générale d'Assurances), défenderesse et recourante, représentée par Me J.H. Wanner, avocat à Lausanne,
 
et
 
R.________, demandeur et intimé, représenté par Me Alexandre Reil, avocat à Lausanne;
 
(contrat d'assurance; réticence)
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
 
les faits suivants:
 
A.- Le 28 janvier 1992, R.________ a signé, en tant qu'indépendant exploitant un café-restaurant, une proposition d'assurance maladie collective (comme preneur d'assurance et personne assurée) et une proposition d'assurance maladie individuelle adressées à Y.________ Compagnie Générale d'Assurances (ci-après: Y.________).
 
Il n'a pas mentionné d'autres problèmes de santé qu'une opération de la vésicule biliaire dix ans auparavant (question 4) et a répondu par la négative à toutes les autres questions concernant des affections ou des maladies antérieures, ainsi qu'à la question 12 portant sur la consultation éventuelle d'autres médecins que ceux qui s'étaient occupés de lui pour son problème de vésicule biliaire.
 
Le 17 février 1992, une police d'assurance maladie collective a été établie par Y.________ en faveur de R.________ et du personnel de son établissement.
 
Dès le 27 février 1995, R.________ a subi une incapacité de travail de 100% en raison de troubles neuromusculaires au bras gauche.
 
Par courrier du 29 mai 1995, Y.________ a fait savoir à R.________ qu'elle se départissait du contrat pour cause de réticence avec effet au 1er janvier 1992 et qu'elle refusait toute intervention pour le cas de maladie annoncé.
 
R.________ a été reconnu invalide à 100% depuis le 27 février 1996 par suite d'incapacité de longue durée.
 
B.- Le 10 septembre 1996, R.________ a ouvert contre Y.________ une action en paiement de 80'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 27 février 1996.
 
Par jugement du 21 novembre 2000, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis la demande.
 
C.- X.________ Assurances Genérales SA, anciennement Y.________ (ci-après: X.________), demande au Tribunal fédéral de réformer ce jugement en ce sens que les conclusions du demandeur sont rejetées, des dépens de première instance étant alloués à la défenderesse par 10'077 fr.
 
L'intimé propose le rejet du recours, avec suite de frais et dépens.
 
La Cour civile s'est référée aux considérants de son jugement.
 
Considérant en droit :
 
1.- a) Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue par le tribunal suprême du canton dans une contestation civile de nature pécuniaire, le recours est recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. Comme les droits contestés dans la dernière instance cantonale dépassent 8'000 fr., il l'est aussi selon l'art. 46 OJ.
 
b) Les dépens des instances cantonales ne sont pas réglés par le droit civil fédéral. Le recours est donc irrecevable dans la mesure où la recourante cherche à en obtenir (cf. art. 43 al. 1 OJ). Celle-ci entend sans doute son chef de conclusions comme une conséquence de l'admission du recours (cf. art. 159 al. 6 OJ).
 
c) Dans la mesure où la recourante s'écarte des constatations de fait de l'autorité cantonale sans se prévaloir valablement d'une violation des dispositions fédérales en matière de preuve ou d'une inadvertance manifeste (art. 55 al. 1 let. c et 63 al. 2 OJ), son recours est irrecevable.
 
Tel est le cas lorsqu'elle complète les extraits, figurant dans le jugement entrepris, du rapport établi en 1988 par le neurologue C.________.
 
2.- La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 6 LCA en niant l'existence d'une réticence au sens de cet article.
 
a) Si celui qui devait faire la déclaration a, lors de la conclusion du contrat, omis de déclarer ou inexactement déclaré un fait important qu'il connaissait ou devait connaître (réticence), l'assureur n'est pas lié par le contrat, à condition qu'il s'en soit départi dans les quatre semaines à partir du moment où il a eu connaissance de la réticence (art. 6 LCA). En l'espèce, il n'est pas contesté que la recourante a agi en temps utile et le litige porte uniquement sur le point de savoir si l'intimé a ou non commis une réticence.
 
Aux termes de l'art. 4 al. 1 LCA, le proposant doit déclarer par écrit à l'assureur, suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour l'appréciation du risque tels qu'ils lui sont ou doivent lui être connus lors de la conclusion du contrat. Selon l'alinéa 2 du même article, sont importants les faits de nature à influer sur la détermination de l'assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues. Sont réputés importants les faits au sujet desquels l'assureur a posé par écrit des questions précises, non équivoques (al. 3). Cette dernière présomption peut cependant être détruite quand il est prouvé que l'assureur aurait néanmoins conclu le contrat aux conditions prévues s'il avait connu les faits que le proposant n'a pas indiqués ou qu'il a indiqués d'une façon inexacte (ATF 75 II 158 consid. 3 p. 163). Les faits en question sont tous les éléments qui doivent être considérés lors de l'appréciation du risque et qui peuvent éclairer l'assureur, à savoir toutes les circonstances permettant de conclure à l'existence de facteurs de risque (ATF 118 II 333 consid. 2a p. 336 et les citations).
 
Il résulte clairement du texte des art. 4 et 6 LCA qu'il ne faut adopter ni un critère purement subjectif, ni un critère purement objectif pour juger si le proposant a violé ou non son obligation de renseigner, laquelle s'apprécie au demeurant sans égard à une éventuelle faute du preneur. En effet, la loi n'impose pas seulement au proposant de communiquer à l'assureur, en réponse aux questions correspondantes, les faits importants pour l'appréciation du risque qui lui sont effectivement connus, mais également ceux qu'il devrait connaître. Ce qui est finalement décisif, c'est de déterminer si et dans quelle mesure le proposant pouvait donner de bonne foi une réponse inexacte à l'assureur, selon la connaissance qu'il avait de la situation et, le cas échéant, selon les renseignements que lui avaient fournis des personnes qualifiées.
 
La loi exige du proposant qu'il se demande sérieusement s'il existe un fait qui tombe sous le coup des questions de l'assureur, mais non qu'il recueille des renseignements sur l'existence d'un pareil fait; le proposant remplit l'obligation qui lui est imposée s'il déclare, outre les faits qui lui sont connus sans autre réflexion, ceux qui ne peuvent pas lui échapper s'il réfléchit sérieusement aux questions posées (ATF 118 II 333 consid. 2b p. 337 et les arrêts mentionnés; Nef, Basler Kommentar, n. 26 ad art. 6 LCA; Maurer, Privatversicherungsrecht, 3e éd., p. 251 ss).
 
b) Selon les constatations du jugement déféré, le demandeur a ressenti des douleurs dans le bras gauche en 1988, qui ont disparu la même année sans qu'aucun traitement médicamenteux ou autre traitement spécifique n'ait été entrepris.
 
Elles n'ont, en particulier, entraîné aucun arrêt de travail entre 1990 et 1995. De 1988 à 1995, le demandeur n'a plus ressenti ces douleurs. Il n'a jamais été informé précisément sur le diagnostic alors posé par le médecin. Dans son rapport du 11 avril 1995, le Dr S.________, médecin traitant du demandeur, a exposé que le début du traitement en relation avec l'incapacité de travailler de l'assuré datait du 16 janvier 1995. Il a précisé que ces douleurs étaient apparues brusquement au début dudit mois. Le patient avait toutefois "eu un ttt pour des manifestations semblables en 1988"; il avait alors été traité par un autre confrère mais par le même neurologue, à savoir le Dr C.________. L'autorité cantonale a retenu que le rapport établi par celui-ci le 11 mars 1988, à l'attention du médecin-conseil de la Caisse maladie suisse d'entreprise, mentionnait ce qui suit:
 
"J'ai vu ce patient [réd. le demandeur] à trois reprises
 
depuis le 14 janvier 1988 pour une atrophie musculaire
 
et parésie à prédominance distale du membre supérieur
 
gauche, progressive.
 
[...]
 
Dans son activité de serveur de restaurant, on doit admettre
 
une incapacité de travail de l'ordre de 40 - 50 %
 
[...]
 
Le patient va suivre depuis avril le cours de patente de
 
la Société des cafetiers-restaurateurs, et s'il obtient
 
sa patente et accède à des fonctions supérieures, je
 
pense que sa capacité de travail pourra être de 100%
 
dans vos [recte: ses] nouvelles fonctions n'impliquant
 
pas une utilisation des deux mains.. "
 
c) L'autorité cantonale estime que le demandeur n'a souffert en 1988 que d'un "dérangement passager". Certes, il n'a pas mentionné avoir consulté un médecin, alors que ce fait, s'il avait été connu, aurait poussé la défenderesse à de plus amples investigations. Cette omission ne constitue cependant pas à elle seule une réticence. Eu égard à l'ensemble des circonstances, le demandeur pouvait en effet raisonnablement estimer qu'il n'avait pas à mentionner ce fait.
 
Ce point de vue ne peut être confirmé. En répondant non aux questions 4 et 12, alors qu'il avait en réalité consulté à plusieurs reprises un neurologue pour des douleurs au bras gauche quatre ans avant la signature de la proposition, le recourant a commis une réticence au sens de l'art. 4 LCA.
 
Quant bien même il n'avait reçu aucun traitement, il ne devait ni ne pouvait se croire autorisé à ne pas indiquer ses consultations auprès dudit médecin. Il était tenu de les mentionner, puisqu'il lui était expressément demandé s'il avait consulté d'autres médecins que ceux qu'il avait désignés plus haut. Certes, la jurisprudence admet que, suivant les circonstances, le proposant n'est pas tenu d'indiquer tous les médecins qu'il a consulté au cours de sa vie (ATF 75 II 158 consid. 3 p. 163). De même, celui qui tait des indispositions sporadiques qu'il pouvait raisonnablement et de bonne foi considérer comme sans importance et passagères, sans devoir les tenir pour une cause de rechute ou des symptômes d'une maladie imminente aiguë, ne viole pas son devoir de renseigner (ATF 116 II 338 consid. 1b p. 340 et les arrêts cités).
 
En l'occurrence, les douleurs de l'intimé ont certes cessé spontanément, sans qu'il soit informé précisément du diagnostic posé par le neurologue. Il n'en demeure pas moins qu'ayant eu recours plusieurs fois à un médecin spécialiste pour le même problème, il devait l'indiquer en réponse à la question précise 12. Cette conclusion s'impose d'autant plus que, selon le rapport du neurologue, le demandeur subissait alors une incapacité de travail de 40 à 50% dans son métier de serveur et envisageait un changement d'activité, dans lequel il n'aurait pas besoin d'utiliser ses deux mains. Même s'il a continué de travailler comme sommelier jusqu'en octobre 1991, date à laquelle il a repris l'établissement de son employeur, il ne pouvait lui échapper, dans ces circonstances, que ses consultations auprès d'un neurologue constituaient des faits propres à intéresser l'assureur et à influer sur sa décision. S'il réfléchissait sérieusement à la question 4, il devait également se rendre compte que les douleurs qu'il avaient ressenties en 1988 n'étaient pas anodines, étant donné qu'elles l'avaient amené à s'interroger sur son avenir professionnel. Il ne pouvait donc de bonne foi y répondre non.
 
On ne peut enfin admettre que, si elle avait eu connaissance de ces douleurs et de ces consultations, parce que l'intimé les auraient mentionnées en réponse aux questions 4 et 12, la recourante aurait néanmoins conclu le contrat aux conditions convenues. Le jugement entrepris retient du reste qu'elle aurait entrepris les investigations nécessaires pour élucider l'état de santé effectif de l'intimé.
 
Il suit de là que la cour cantonale a considéré à tort que le demandeur n'avait commis aucune réticence en répondant non aux questions 4 et 12.
 
3.- Le recours se révèle ainsi fondé et doit dès lors être admis, autant qu'il est recevable, en ce sens que, contrairement à l'opinion de la cour cantonale, l'assuré a effectivement commis des réticences. Le jugement déféré doit partant être réformé et le demandeur, débouté des fins de ses conclusions. Les frais judiciaires seront supportés par l'intimé, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Celui-ci versera en outre des dépens à la recourante (art. 159 al. 1 OJ).
 
Par ces motifs,
 
le Tribunal fédéral :
 
1. Admet le recours dans la mesure où il est recevable et réforme le jugement entrepris en ce sens que la demande de l'intimé est rejetée.
 
2. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
 
3. Met à la charge de l'intimé:
 
a) un émolument judiciaire de 5'000 fr.
 
b) une indemnité de 5'000 fr. à payer à la recourante
 
à titre de dépens.
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
__________
 
Lausanne, le 18 juin 2001MDO/frs
 
Au nom de la IIe Cour civile
 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
 
Le Président,
 
La Greffière,
 
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