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Informationen zum Dokument  BGer 1A.94/2001  Materielle Begründung
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BGer 1A.94/2001 vom 25.06.2001
 
[AZA 0/2]
 
1A.94/2001
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
 
**********************************************
 
25 juin 2001
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
 
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
 
Greffier: M. Kurz.
 
___________
 
Statuant sur le recours de droit administratif
 
formé par
 
la République du Kazakhstan, représentée par Me Alain Berger, avocat à Genève,
 
contre
 
la décision rendue le 11 avril 2001 par l'Office fédéral de la justice, office central USA;
 
(entraide judiciaire avec les Etats-Unis d'Amérique)
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
 
les faits suivants:
 
A.- Le 30 août 2000, l'Office fédéral de la justice, office central USA, est entré en matière sur une demande d'entraide judiciaire formée le 12 juin 2000 par le Ministère de la Justice des Etats-Unis d'Amérique, complétée le 17 août suivant, dans le cadre d'une enquête dirigée contre le citoyen américain G.________ et autres, soupçonnés d'avoir transmis des montants importants provenant de compagnies pétrolières, notamment américaines, et destinés à de hauts responsables de la République du Kazakhstan, en particulier son Président et un ancien premier ministre. L'autorité requérante se fonde sur des renseignements transmis spontanément les 28 janvier, 5 avril et 10 juillet 2000 par le Juge d'instruction genevois, chargé d'une enquête pour corruption et blanchiment d'argent, à raison des mêmes faits. Elle demande des renseignements concernant un compte numéroté dans une banque suisse, et tout compte détenu par G.________ et les personnes physiques et morales impliquées. L'OFJ a considéré que les principes de la double incrimination et de la proportionnalité étaient respectés. Les autorités genevoises étaient chargées de l'exécution des actes d'entraide.
 
Précédemment, par décision incidente du 21 juin 2000, l'office central avait ordonné le blocage de différents comptes auprès de la banque B.________, à Genève, ainsi que d'un compte xxx auprès de la Banque A.________, bénéficiaire d'un versement de 84 millions d'US$ effectué le 6 août 1999.
 
Cette décision a fait l'objet d'une opposition le 7 juillet 2000, motivée le 1er septembre 2000, de la part de la République du Kazakhstan.
 
Le juge d'instruction genevois a requis de la Banque A.________, les 1er et 6 septembre 2000, la production de toute la documentation bancaire relative au compte xxx - à l'exception des pièces déjà obtenues dans le cadre de la procédure pénale -, documentation non limitée au versement des 84 millions d'US$ précité. Un recours adressé à la Chambre d'accusation genevoise a été déclaré irrecevable, décision confirmée par arrêt du Tribunal fédéral du 2 mars 2001.
 
B.- Par mémoires des 11 septembre et 30 octobre 2000, la République du Kazakhstan a formé opposition contre la mesure de blocage du compte xxx et contre la décision d'entrée en matière. Elle expliquait que la banque B.________ était chargé d'assister le gouvernement du Kazakhstan dans le cadre des privatisations en cours dans cet Etat, et dans les négociations relatives aux concessions de droits pétroliers.
 
Les droits payés par les compagnies pétrolières étaient versés sur des comptes "escrow", et répartis, sur instructions de la République du Kazakhstan, sur des comptes dont les ayants droit seraient le Chef de l'Etat ou ses proches. Se fondant sur un avis de droit, elle soutenait que les avoirs déposés seraient affectés au service publique et, partant, couverts par l'immunité de juridiction. Dans une ordonnance du 29 juin 2000, rendue dans le cadre de la procédure pénale genevoise, la Chambre d'accusation avait considéré qu'il n'était pas exclu que les fonds déposés sur le compte de la République du Kazakhstan soient affectés à des tâches "de iure imperii". La même conclusion s'imposait dans le cadre de la procédure d'entraide. La demande d'entraide américaine était en outre viciée, car elle reposait sur des informations transmises par la Suisse en violation de l'art. 67a EIMP.
 
L'opposante demandait en outre l'accès partiel au dossier d'entraide, afin de connaître la documentation transmise spontanément aux autorités américaines, ce qui lui avait été refusé précédemment.
 
C.- Par décision du 11 avril 2001, l'OFJ a statué simultanément sur les oppositions relatives au blocage des fonds et à la décision d'entrée en matière. La transmission spontanée, selon l'art. 67a EIMP, se rapportait à des informations et non à des moyens de preuve; elle était soumise à la surveillance de l'OFJ, mais ne pouvait faire l'objet d'un recours; le contenu de ces informations ressortait clairement de la demande d'entraide américaine, dûment notifiée à l'opposante.
 
La décision de la Chambre d'accusation, reconnaissant prima facie l'immunité de juridiction à propos du compte détenu par la République du Kazakhstan, ne liait pas l'office central; il n'y avait pas eu de transmission illicite de renseignements, et il ne se justifiait donc pas d'en donner accès à l'opposante. Celle-ci ne pouvait invoquer son immunité en se contentant d'affirmer que les fonds étaient affectés à des tâches publiques: ce critère n'était pas déterminant à lui seul. Les fonds détenus auprès de la banque B.________ provenaient de compagnies pétrolières, en contrepartie de droits et de concessions pétrolières; ils avaient été versés sur le compte de la société O.________, société dont le capital était détenu par S.________, dont le bénéficiaire était le Président de la République du Kazakhstan. La structure financière utilisée pour ces placements permettait de penser que l'Etat étranger avait agi "iure gestionis". Le versement de 84 millions d'US$ sur le compte de la République du Kazakhstan auprès de la Banque A.________ avait eu lieu de manière abrupte, et pouvait être interprété comme une tentative d'abuser de l'immunité diplomatique pour échapper aux investigations en cours.
 
D.- La République du Kazakhstan forme un recours de droit administratif contre cette dernière décision. Elle en demande l'annulation, ainsi que l'irrecevabilité de la demande d'entraide et l'annulation des décisions de blocage et d'entrée en matière. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation des décisions de l'OFJ en tant qu'elles portent sur le compte xxx, et au rejet de la demande d'entraide dans la même mesure. Plus subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'OFJ pour nouvelle décision dans le sens des considérants du Tribunal fédéral. L'OFJ conclut au rejet du recours.
 
Considérant en droit :
 
1.- a) L'entraide judiciaire entre les Etats-Unis d'Amérique et la Confédération suisse est régie par le Traité conclu le 25 mai 1973 entre les deux Etats (TEJUS, RS 0.351.
 
933. 6) et la loi fédérale relative à ce traité (LTEJUS, RS 351. 93). La loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP, RS 351. 1) et son ordonnance d'exécution (OEIMP, RS 351. 11) sont applicables aux questions qui ne sont pas réglées par le traité et la loi y relative (ATF 124 II 124 consid. 1a p. 126).
 
b) La décision par laquelle l'office central octroie l'entraide judiciaire en vertu de l'art. 5 al. 2 let. b LTEJUS et rejette les oppositions selon l'art. 16 de la même loi, peut être attaquée par la voie du recours de droit administratif prévue à l'art. 17 al. 1 LTEJUS. La recourante est personnellement et directement touchée par la saisie du compte bancaire dont elle est nommément titulaire, ainsi que par la transmission des documents qui s'y rapportent (art. 16 al. 1 LTEJUS, art. 80h let. b EIMP, 9a let. a OEIMP).
 
2.- La recourante se plaint en premier lieu d'une violation de son droit de consulter le dossier. Elle entendait contester la transmission spontanée d'informations aux autorités américaines par le juge d'instruction, par l'entremise de l'office central, et disposait d'un intérêt à prendre connaissance de ces informations. Par ailleurs, l'invocation de son immunité lui permettait d'accéder au dossier. Il était apparu que le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) s'était déterminé sur la question de l'immunité, sans que la recourante n'ait eu connaissance de cet avis. L'art. 9 al. 2 LTEJUS permet de restreindre l'accès au dossier, mais non de le supprimer. En cas de restriction, la teneur essentielle des documents litigieux devait être communiquée. Le refus de tout accès au dossier rendrait impossible tout contrôle juridictionnel de l'application de l'art. 67a EIMP.
 
a) L'art. 9 al. 1 LTEJUS permet aux ayants droit de participer à la procédure et de consulter le dossier si la sauvegarde de leurs intérêts l'exige. Les alinéas 2 et 3 de cette disposition posent les conditions de restrictions à ce droit. Ces dispositions concrétisent le droit d'être entendu dans la procédure d'entraide judiciaire. Elles permettent à l'ayant droit, à moins que certains intérêts ne s'y opposent, de consulter le dossier de la procédure, la demande d'entraide et les pièces annexées. La consultation ne s'étend en tout cas qu'aux pièces pertinentes (cf. également les art. 80b EIMP, de teneur identique, et 26 al. 1 let. a, b et c PA; ATF 119 Ia 139 consid. 2d, 118 Ib 438 consid. 3).
 
b) A l'instar de la garantie constitutionnelle de l'art. 29 al. 2 Cst. , le droit d'être entendu ne permet l'accès qu'aux pièces du dossier qui présentent une pertinence pour l'issue de la cause. Dans le cas de l'entraide judiciaire, il s'agit en premier lieu de la demande elle-même et des pièces annexées, puisque c'est sur la base de ces documents que se déterminent l'admissibilité et la mesure de l'entraide requise.
 
La transmission spontanée d'informations, sur la base de l'art. 67a EIMP, ne peut en principe faire l'objet d'aucun recours immédiat. Le contrôle du respect des conditions de forme et de fond pour une telle transmission incombe à l'OFJ, en tant qu'autorité de surveillance. Celui-ci doit s'assurer que les informations touchant au domaine secret ne constituent pas des moyens de preuve utilisables directement dans la procédure étrangère, et qu'un procès-verbal a été dressé pour faire état de cette transmission. La jurisprudence fait exception à l'absence de droit de recours dans le cas spécifique d'une transmission destinée à compléter une demande d'entraide préexistante; les personnes touchées ont alors la faculté de se plaindre - pour autant qu'elles aient la qualité pour ce faire - d'une violation de l'art. 67a EIMP, à l'occasion de la décision de clôture. Dans ce cas en effet, la transmission spontanée apparaît comme un acte effectué dans le cadre d'une procédure d'entraide déjà pendante; elle est consignée au dossier et peut être attaquée à l'instar de la décision de transmission rendue à l'issue de la procédure (ATF 125 II 238 consid. 6 p. 247 ss).
 
c) En l'espèce, les renseignements ont été transmis par le juge d'instruction dans le cadre d'une procédure pénale, et non à l'occasion de l'exécution d'une requête préexistante.
 
Ces renseignements, et le procès-verbal qui les mentionne, ne font pas partie du dossier d'entraide judiciaire proprement dit. Par ailleurs, la jurisprudence constante considère qu'une transmission irrégulière d'informations à l'Etat requérant n'a pas d'incidence sur l'octroi de l'entraide (cf. consid. 3 ci-dessous). La consultation requise par la recourante n'était dès lors pas nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts, dans le cadre de la procédure d'entraide judiciaire. Enfin, comme le relève l'office central dans sa décision, la teneur des renseignements transmis à l'autorité américaine ressort suffisamment de la demande d'entraide elle-même.
 
d) Pour le surplus, la recourante ne fait pas valoir qu'elle aurait été privée, de manière générale, de l'accès au dossier. Elle ne prend d'ailleurs aucune conclusion dans ce sens dans son recours de droit administratif, alors qu'elle aurait eu la faculté d'obtenir la réparation d'une éventuelle violation de son droit d'être entendue, en requérant la consultation du dossier dans le cadre de la procédure de recours.
 
En particulier, elle se plaint de ne pas avoir eu connaissance de l'avis du DFAE à propos de la question de l'immunité, mais ne paraît avoir présenté aucune requête dans ce sens après avoir pris connaissance de l'existence de ce document.
 
3.- Selon la recourante, le juge d'instruction aurait violé l'art. 67a EIMP en transmettant spontanément à l'autorité américaine des renseignements concernant des comptes "escrow" ouverts par la banque B.________ en sa faveur.
 
Par ordonnance du 29 juin 2000 (actuellement en force), la Chambre d'accusation avait annulé les cinq ordonnances du juge d'instruction concernant la saisie de ces documents, couverts selon elle par l'immunité d'Etat. Les documents recueillis constitueraient des preuves illégales, et leur transmission, opérée à la hâte par le juge d'instruction avant même de connaître l'issue de la procédure devant la Chambre d'accusation, serait inadmissible. Sans cette transmission, la demande d'entraide américaine n'aurait pas pu être présentée.
 
a) Selon l'art. 67a al. 1 EIMP, l'autorité de poursuite pénale peut transmettre spontanément à une autorité étrangère des moyens de preuve qu'elle a recueillis au cours de sa propre enquête, lorsqu'elle estime que cette transmission est de nature à permettre d'ouvrir une poursuite pénale (a), ou de faciliter le déroulement d'une enquête en cours (b). Cette transmission n'a aucun effet sur la procédure en cours en Suisse. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux moyens de preuve qui touchent au domaine secret (al. 3). Des informations touchant au domaine secret peuvent être fournies si elles sont de nature à permettre de présenter une demande d'entraide à la Suisse (al. 4). L'art. 67a EIMP distingue entre les moyens de preuve proprement dits et les simples informations.
 
S'agissant du domaine secret, soit en particulier de renseignements bancaires, elle n'autorise pas la transmission de preuves, mais uniquement d'informations susceptibles d'induire une demande d'entraide ultérieure (ATF 125 II 238 consid. 5b p. 245/246).
 
b) La question pourrait se poser de savoir si des preuves illégalement recueillies en Suisse peuvent être spontanément transmises à l'étranger en vertu de l'art. 67a al. 1 EIMP, compte tenu notamment du fait que les deux procédures sont indépendantes, comme le rappelle l'art. 67a al. 2 EIMP.
 
L'illégalité de preuves obtenues en Suisse puis transmises pour les besoins d'une procédure pénale étrangère, doit être invoquée dans le cadre de cette dernière (ATF 125 II 238 consid. 6d p. 249). Cette question n'a toutefois pas à être résolue en l'espèce, car, comme le relève l'office central, le juge d'instruction genevois n'a pas agi sur la base de l'art. 67a al. 1 EIMP, mais de l'art. 67a al. 5 EIMP: il n'a pas produit les documents bancaires, mais de simples informations sur l'existence de comptes détenus par l'Etat recourant et ses responsables. Les arguments de la recourante relatifs à la validité des preuves recueillies en Suisse sont dès lors dénués de toute pertinence: les moyens de preuve proprement dits ont été requis dans la demande d'entraide ultérieure, et l'admissibilité de leur transmission, au regard notamment de l'exception d'immunité, peut être examinée dans ce cadre.
 
c) Il y a lieu de rappeler également qu'en principe, la transmission irrégulière ou prématurée de renseignements ne peut porter aucun préjudice à l'Etat requérant, qui n'en est pas responsable, sous réserve d'une collusion de ce dernier.
 
Dès lors, seule une demande de restitution - ou de non utilisation -, formée à l'issue de la procédure d'entraide pourrait être envisagée, s'il devait apparaître que des renseignements ou documents déterminés ont été indûment transmis (ATF 125 II 238 consid. 6a p. 247/248 et la jurisprudence citée).
 
Or, tel ne paraît pas devoir être le cas, puisque les conditions de l'entraide judiciaire sont remplies.
 
4.- La recourante reprend enfin ses arguments relatifs à l'immunité d'exécution. Elle produit un avis de droit, rappelant que cette immunité couvre tous les biens affectés au service public, tels les fonds destinés à la promotion touristique. Les fonds déposés auprès de la banque B.________, affectés à la politique du développement des ressources naturelles, présenteraient le même caractère. On ne se trouverait pas dans le cas où l'Etat tente d'invoquer son immunité pour se dérober à ses obligations financières, constatées par jugement. Si, comme l'estiment le juge d'instruction et l'autorité requérante, les fonds litigieux étaient le produit d'actes de corruption et de détournements, la République du Kazakhstan en serait la victime et la saisie de ces fonds ne se justifierait pas.
 
a) Le Tribunal fédéral a déjà examiné ces arguments dans le cadre de recours de droit public formés, notamment par la recourante, à l'encontre des décisions de blocage des comptes détenus auprès de la banque B.________. Dans ses arrêts du 8 décembre 2000, dont la teneur est reprise dans la décision attaquée, le Tribunal fédéral a rappelé que la distinction des actes "iure gestionis" et "iure imperii" ne saurait se faire sur la seule base de leur rattachement au droit public ou au droit privé, ni même au regard du but poursuivi, car ce but vise toujours un intérêt étatique. On recherchera donc prioritairement quelle est la nature intrinsèque de l'opération mise sur pied par l'Etat: il sied de déterminer si l'acte relève de la puissance publique, ou s'il s'agit d'un rapport juridique qui pourrait, dans une forme identique ou semblable, être conclu par deux particuliers (ATF 110 II 255 consid. 3a p. 259, 104 Ia 367 consid. 2c p. 371). La jurisprudence range ainsi parmi les actes accomplis "iure imperii" les activités militaires, et les actes analogues à une expropriation ou une nationalisation (ATF 113 Ia 172 consid. 3 p. 176); sont en revanche des actes accomplis "iure gestionis" les emprunts de l'Etat ou d'une banque centrale souscrits sur le marché monétaire (ATF 104 Ia 376) et les contrats, par exemple d'entreprise (ATF 112 Ia 148, 111 Ia 62). La jurisprudence recourt aussi à des critères extérieurs à l'acte en cause. Elle voit par exemple l'indice d'un acte accompli "iure gestionis" dans le fait que l'Etat est entré en relation avec un particulier sur le territoire d'un autre Etat, sans que ses relations avec ce dernier soient en cause (ATF 104 Ia 367 consid. 2c p. 371, 86 I 23 consid. 2 p. 29).
 
Ces activités commerciales, tels des accords de livraison de marchandises ou de prestations de service, ou des engagements financiers comme, en particulier, des contrats de prêt ou de garantie, ne sont évidemment pas couvertes par l'immunité diplomatique.
 
Dans les arrêts précités, le Tribunal fédéral a estimé que le recours à des sociétés privées, dont l'Etat n'était d'ailleurs pas lui-même l'ayant droit, permettait de douter de l'existence d'une immunité diplomatique, indépendamment de la prétendue affectation des fonds à des tâches publiques.
 
b) Ces considérations, émises au stade des mesures de blocage dans le cadre de la procédure pénale nationale, conservent leur pertinence dans la présente cause. Compte tenu de l'intervention de plus en plus fréquente des Etats dans des activités laissées jusque-là à la société marchande, et selon un mode de fonctionnement analogue à ceux qu'utilisent les acteurs privés, la conception restrictive de l'immunité d'Etat est aujourd'hui généralisée, tant dans les droits nationaux que dans les conventions régissant la matière, notamment la convention européenne de 1972 sur l'immunité des Etats, à laquelle la Suisse n'est pas partie (Combacau/Sur, Droit international public, 3ème éd. Paris 1997, p. 241-242).
 
Ratione materiae, l'immunité n'est ainsi admise que pour un type restreint d'activités, soit les activités dites "souveraines", qui impliquent l'usage de prérogatives de la puissance publique. Elle est en revanche exclue lorsque l'action de l'Etat se rapporte à une transaction commerciale, ou au statut d'un bien immobilier ou d'un droit incorporel de l'Etat (op. cit. , p. 242). Ratione personae, seuls bénéficient de l'immunité l'Etat lui-même, ou les entités remplissant une mission de souveraineté, compte tenu de la nature de l'acte accompli et du statut de son auteur. Les sociétés contrôlées par l'Etat ne sauraient normalement en bénéficier (arrêt du 8 mars 1999, consid. 4 in fine, non publié in SJ 1999 I 427).
 
c) Longtemps controversée, la question de l'immunité dont jouit l'Etat en matière commerciale est désormais résolue dans le sens du refus de tout privilège. L'exception d'activité commerciale ne se limite pas à une série d'actes; il doit en outre exister un lien suffisant entre le rapport en cause et le territoire suisse.
 
L'exception d'activité commerciale peut être reconnue indépendamment du fait que les activités commerciales concernées ont pour but ultime de favoriser le développement économique. Si l'exploitation des ressources naturelles est incontestablement une activité de service public, il n'en résulte pas que l'immunité doive être accordée dès qu'un litige se rattache à l'exercice d'une telle activité. Il se peut en effet que les contrats passés par une entité chargée de la mise en valeur des richesses d'un Etat ne soient nullement des actes de souveraineté (Pingel-Lenuzza, Les immunités des Etats en droit international, Bruxelles 1997, p. 348-349).
 
d) Selon les explications de la recourante elle-même, celle-ci n'a fait que négocier les droits relatifs à des concessions pétrolières. Elle s'est comportée, dans ce cadre, à l'instar de tout privé offrant un bien ou un service et aboutissant, au terme de négociations menées sur un pied d'égalité, à la conclusion de contrats. Le fait que ces fonds aient été conservés, "dans l'attente de leur utilisation future pour des tâches de l'Etat, soit pour le paiement direct de l'Etat Kazakh, soit encore pour être gérés et retransférés sur des comptes de la République en Suisse ou à l'étranger", ne saurait à lui seul permettre de reconnaître l'immunité.
 
Comme cela est relevé ci-dessus, les fonds de l'Etat sont toujours, en définitive, affectés à des tâches publiques. Ce qui est déterminant en l'espèce, c'est que l'Etat recourant s'est comporté, dans la gestion des comptes, comme n'importe quel particulier. Les mouvements de fonds décrits par l'office central permettent d'affirmer que l'Etat étranger a agi selon un processus propre au droit privé. Les fonds versés par les compagnies pétrolières ont d'abord abouti sur les comptes "escrow", et ont été répartis par la banque B.________ sur divers comptes bancaires détenus par des sociétés de droit privé, dont les ayants droit étaient des dignitaires de l'Etat. La banque B.________ est intervenu, comme l'admet la recourante elle-même, dans le cadre d'un mandat de conseil et d'assistance à l'occasion de négociations et de l'exécution des conventions relatives aux concessions pétrolières, chargé dans un premier temps de recevoir les paiements, puis de les répartir sur les comptes de sociétés offshore, la République du Kazakhstan ne désirant pas apparaître pour des raisons de discrétion. Dans ces circonstances, la recourante ne peut se voir reconnaître le privilège de l'immunité d'Etat. Il n'est pas nécessaire, cela étant, de rechercher si le versement de 84 millions d'US$, intervenu subitement le 6 août 1999, peut être interprété comme une tentative d'abuser de l'immunité d'Etat pour échapper aux investigations en cours.
 
5.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit être rejeté. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge de la recourante, qui succombe.
 
Par ces motifs,
 
le Tribunal fédéral :
 
1. Rejette le recours.
 
2. Met à la charge de la recourante un émolument judiciaire de 5000 fr.
 
3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire de la recourante et à l'Office fédéral de la justice (B 109695).
 
___________
 
Lausanne, le 25 juin 2001KUR/col
 
Au nom de la Ie Cour de droit public
 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
 
Le Président,
 
Le Greffier,
 
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