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Informationen zum Dokument  BGer 4P.109/2004  Materielle Begründung
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BGer 4P.109/2004 vom 11.01.2005
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4P.109/2004
 
4P.111/2004
 
Arrêt du 11 janvier 2005
 
Ire Cour civile
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.
 
Greffier: M. Carruzzo.
 
Parties
 
Parties
 
X.________ SA,
 
et
 
Y.________ SA,
 
recourantes, toutes deux représentées par Me Patrick Udry,
 
contre
 
A.________,
 
intimée, représentée par Me Emmanuel Bloch,
 
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
art. 9 Cst.; appréciation des preuves,
 
recours de droit public contre les arrêts de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève des 22 avril 1994 et 19 mars 2004.
 
Faits:
 
A.
 
A.a A.________ (demanderesse), domiciliée à Téhéran, exploite un commerce de tapis et dispose d'un emplacement d'exposition au port franc de Genève. Ses frères, B.________ et C.________, domiciliés respectivement à Zurich et à Genève, travaillent dans la même branche et l'aident pour ses affaires en Suisse.
 
Y.________ SA (ci-après: Y.________ ou la défenderesse n° 1), avec siège à Genève, est une société anonyme de droit suisse ayant notamment pour but la vente de produits alimentaires. D.________ en était l'administrateur unique et E.________ le fondé de pouvoirs, chacun disposant de la signature individuelle. Feu F.________, père de ce dernier, traitait alors aussi pour le compte de la société. Y.________ a été déclarée en faillite le 8 juillet 1994; sa dissolution de ce chef a toutefois été révoquée le 1er septembre 2000.
 
La société anonyme de droit suisse X.________ SA (ci-après: X.________ ou la défenderesse n° 2), dont le siège est à Genève, a pour but la participation à toutes entreprises et sociétés financières, ainsi que l'exécution de toutes opérations commerciales. Son administrateur unique était G.________, frère de E.________. F.________ disposait d'une procuration générale lui permettant d'agir pour X.________ et de la signature sur les comptes bancaires de la société.
 
F.________ et C.________ ont fait connaissance au printemps 1987 par le truchement de H.________. Dans un premier temps, à l'initiative de F.________, X.________ et H.________ ont acquis par parts égales le capital social de Z.________ SA, commerce de tapis ouvert à Genève par C.________. Quelques jours plus tard, X.________ a cédé à H.________ sa participation dans Z.________ SA.
 
Le 4 mars 1987, F.________ a acheté à A.________, représentée par C.________, 4 tapis au prix de 30'000 fr. dont il s'est acquitté au moyen d'un chèque tiré sur un compte bancaire de X.________.
 
A.b En avril 1987, H.________ et F.________ ont approché C.________ en vue de se procurer un lot de 26 tapis, d'une valeur de 330'000 fr., qui se trouvaient dans le dépôt de A.________ au port franc de Genève.
 
Le 17 juin 1987, Y.________, représentée par F.________, a pris possession des 26 tapis qui ont été importés en Suisse à titre définitif le même jour. A réception de ceux-ci, F.________ a signé deux factures établies sur des formules préimprimées en langue allemande, à l'en-tête du commerce de A.________, et datées du jour précédent. La première, adressée à "F.________, Y.________ SA" et intitulée "Kommissions-Rechnung", portait sur 7 tapis remis au prix net de 122'300 fr. La seconde, établie à l'intention de "Y.________ SA" et intitulée "Kommissions-Rechnung", portait sur 19 tapis d'une valeur totale de 207'700 fr. Le texte standard, apposé au bas des deux formules, indiquait notamment que le commissionnaire s'obligeait à restituer la marchandise au commettant ou à en payer le prix, que le commettant restait propriétaire de la marchandise jusqu'à complet paiement et que le commissionnaire devait conserver la marchandise en lieu sûr ainsi que l'assurer contre l'incendie et le vol. Sur l'exemplaire de la seconde facture, F.________ a apposé la mention manuscrite suivante: "Nous confirmons par la présente que tous les tapis achetés ce jour sont l'objet d'un retour ou changer (sic) d'ici le 30.06.1988 (...) avec d'autres tapis de notre stock." Il a fait signer ce texte par C.________ qui représentait A.________.
 
Le même jour, F.________ a tiré un chèque de 130'000 fr. sur un compte bancaire de X.________. A titre de communication destinée au porteur de l'effet, il a inscrit: "payement a. c. pour 26 tapis selon facture du 16.6.1987...". Ce chèque a été encaissé par A.________.
 
Le 17 juin 1987 toujours, F.________ a inscrit, sur une formule de lettre de change, un engagement de payer la somme de 200'000 fr. à A.________ le 30 décembre 1987. Il a apposé le timbre humide de X.________ et sa signature sur ladite formule, de même que la mention manuscrite suivante signée par lui: "accepté avec suite d'une garantie de X.________ qui sera émise plus tard". Présenté sans succès au paiement à l'échéance, ce papier-valeur a donné lieu à une poursuite pour effet de change qui s'est soldée par un refus de lever l'opposition de X.________, refus motivé par la nullité pour vice de forme dudit effet.
 
A.c Par courrier du 11 décembre 1987, F.________, agissant pour le compte de Y.________, a invité A.________ à reprendre les 26 tapis et à lui rembourser les 130'000 fr. déjà versés. L'intéressée a refusé de donner suite à cette invitation, expliquant, dans une lettre de son conseil du 16 décembre 1987, que la marchandise avait été vendue ferme à Y.________. Elle a maintenu son refus en dépit de deux mises en demeure ultérieures qui lui ont été adressées le 28 décembre 1987 et le 29 juin 1988.
 
Le 10 août 1988, Y.________ a vendu un Héréqué, d'une valeur de 12'250 fr., qui faisait partie du lot de 26 tapis.
 
B.
 
B.a Le 28 juillet 1988, A.________ a introduit devant le Tribunal de première instance du canton de Genève une action dirigée contre Y.________, X.________ et F.________. Invoquant les dispositions relatives au contrat de vente, elle a conclu à ce que les défendeurs soient condamnés à lui payer la somme de 200'000 fr., intérêts et frais en sus, à titre de solde du prix des 26 tapis. D'entrée de cause, elle a renoncé à ses conclusions en tant qu'elles visaient F.________.
 
X.________ et Y.________ se sont opposées à la demande, la première contestant de surcroît sa légitimation passive. Alléguant avoir été liée à la demanderesse par un contrat de consignation, la seconde a conclu reconventionnellement au paiement de 117'750 fr., plus 640 fr. 70 de frais d'entreposage et d'intérêts. Le montant réclamé correspond à l'acompte versé (130'000 fr.) sous déduction du prix de vente du tapis Héréqué (12'250 fr.).
 
B.b Entre le 21 et le 25 décembre 1990, alors que la procédure était pendante, un cambriolage a été perpétré dans une cave servant de dépôt à Y.________ et à X.________. Des marchandises d'une valeur totale de 443'548 fr. ont été dérobées, dont les 23 tapis - estimés à 286'550 fr. - provenant du lot initial.
 
Y.________ était assurée contre le vol auprès de l'assurance W.________ à hauteur de 200'000 fr. Elle a déclaré le sinistre à son assureur, le 10 janvier 1991, en faisant état d'un dommage total de 286'998 fr. 40. Ce montant incluait la somme de 130'000 fr. que l'assurée faisait valoir au titre du droit de rétention garantissant la restitution de l'acompte versé à A.________. Parallèlement, X.________, qui disposait d'un droit de gage général sur les biens de Y.________, a déclaré le sinistre à son propre assureur, l'assurance Z.________.
 
L'assurance W.________ a refusé de verser une quelconque indemnité. S'en est suivie une procédure judiciaire au terme de laquelle le Tribunal de première instance, par jugement du 11 février 1993, a condamné l'assureur à payer 200'000 fr., plus intérêts. Ce montant comprenait notamment une indemnité pour les 23 tapis du lot de A.________ couverts en tant que choses appartenant à des tiers et confiées à l'assurée. Les frais d'avocat de Y.________ se sont élevés à 25'500 fr.
 
Par une transaction signée le 19 avril 1993, l'assurance W.________ s'est engagée a retiré l'appel qu'elle avait interjeté contre ledit jugement et à verser la somme de 200'000 fr. En contrepartie, Y.________ a renoncé aux intérêts ainsi qu'à l'indemnité de procédure (20'000 fr.) qui lui avait été allouée. De plus, E.________, signant pour elle, s'est engagé à faire souscrire par un membre de sa famille une police d'assurance-vie à prime unique de 25'000 fr., somme à imputer sur l'indemnité de 200'000 fr. L'assurance W.________ a versé 175'000 fr. à Y.________ le 7 mai 1993.
 
Le règlement de ce différend, auquel l'assurance Z.________ avait subordonné son intervention, a permis à X.________ de toucher une indemnité de 55'000 fr. pour solde de tout compte, le 7 juin 1993, en plus des 20'000 fr. que l'assureur lui avait déjà versés le 17 avril 1991, soit un total de 75'000 fr.
 
B.c Par jugement du 19 juin 1992, le Tribunal de première instance a admis les conclusions de la demanderesse et rejeté les conclusions reconventionnelles.
 
Statuant sur appel des défenderesses, la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 22 avril 1994 (ci-après: l'arrêt n° 1), a annulé ce jugement et renvoyé la cause au Tribunal de première instance pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants. En premier lieu, la cour cantonale a exposé les raisons pour lesquelles il convenait d'examiner le cas au regard du droit suisse. Elle s'est ensuite employée à démontrer que la défenderesse n° 2, à l'instar de la défenderesse n° 1, avait été valablement représentée par F.________ lors de la conclusion de l'accord du 17 juin 1987 et que les deux défenderesses s'étaient engagées solidairement vis-à-vis de la demanderesse. Ces questions réglées, les juges cantonaux ont expliqué pourquoi la défenderesse n° 1 disposait d'un droit de retour, impliquant la restitution réciproque des prestations déjà effectuées, sans égard à la qualification du susdit accord (contrat de vente avec droit unilatéral de résolution donné à l'acquéreur ou contrat estimatoire). Toutefois, comme la quasi-totalité des tapis avaient été volés pendente lite, ils ont renvoyé la cause à la juridiction de première instance afin qu'elle examine l'incidence de ce vol sur les droits et obligations des parties, compte tenu notamment de la demeure de la demanderesse et de l'obligation d'assurer les tapis souscrite par la défenderesse n° 1.
 
La procédure a été suspendue du 29 septembre 1994 au 11 mars 1998 en raison de la faillite de Y.________.
 
B.d Le recours de droit public (cause 4P.169/1994) et le recours en réforme (cause 4C.233/1994) exercés par la demanderesse contre l'arrêt du 22 avril 1994 ont été, respectivement, rejeté dans la mesure où il était recevable et déclaré irrecevable par arrêts distincts du 24 avril 1998.
 
B.e Statuant à nouveau, le Tribunal de première instance, par jugement du 20 mars 2003, a condamné solidairement les défenderesses à payer à la demanderesse la somme de 330'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 30 décembre 1987, sous déduction d'un montant de 130'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 1988.
 
Sur appel des défenderesses, la Cour de justice, par arrêt du 19 mars 2004 (ci-après: l'arrêt n° 2), a annulé le jugement de première instance et condamné solidairement les défenderesses à payer à la demanderesse la somme de 123'540 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 8 mai 1993, ainsi que la somme de 31'200 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 15 mai 2001, sous déduction d'un montant de 14'000 fr. La cour cantonale a rejeté toutes autres conclusions, en particulier celle que les défenderesses avaient prise à titre reconventionnel en vue d'obtenir le paiement, par la demanderesse, de 26'863 fr. plus intérêts.
 
C.
 
Parallèlement à un recours en réforme, chaque défenderesse a déposé un recours de droit public aux fins d'obtenir l'annulation des arrêts nos 1 et 2, s'agissant de la défenderesse n° 2, et de l'arrêt n° 2 en ce qui concerne la défenderesse n° 1.
 
La défenderesse n° 1 fait grief à la cour cantonale d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des preuves en retenant implicitement que, selon la volonté des parties, l'obligation de conserver la marchandise en lieu sûr et de l'assurer ne s'éteindrait pas en cas de résolution du contrat de base.
 
En plus du même grief, la défenderesse n° 2 formule deux autres griefs se rapportant à la question de sa représentation par F.________ et à celle de la solidarité passive entre les deux défenderesses à l'égard de la demanderesse.
 
Dans ses réponses, la demanderesse, qui a par ailleurs déposé deux recours en réforme joints, conclut au rejet des deux recours de droit public.
 
La cour cantonale se réfère, quant à elle, aux motifs énoncés dans son arrêt n° 2.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Les recours de droit public formés séparément par les défenderesses, d'ailleurs représentées par le même avocat, visent tous deux l'arrêt n° 2. Le moyen qui y est soulevé à l'encontre de cette décision ne varie pas d'un recours à l'autre. Dans ces conditions, bien que le recours de la défenderesse n° 2 porte également sur l'arrêt n° 1, l'économie de la procédure commande, néanmoins, de joindre les causes 4P.109/2004 et 4P.111/2004, conformément à l'art. 24 PCF applicable par analogie (art. 40 OJ), et de les traiter dans un seul et même arrêt.
 
2.
 
La demanderesse avait exercé, contre l'arrêt n° 1, un recours de droit public et un recours en réforme connexes qui ont été jugés recevables sous l'angle des art. 50 et 87 OJ. La défenderesse n° 2, qui attaque aussi ledit arrêt, aurait sans doute été en mesure de le faire à l'époque déjà. Toutefois, en vertu de l'art. 87 al. 3 OJ, elle n'a pas à souffrir de son abstention et peut ainsi conclure à l'annulation tant de cette décision incidente que de la décision finale matérialisée par l'arrêt n° 2.
 
3.
 
Exercés en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), pour violation de droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ), contre une décision finale prise en dernière instance cantonale de même que, pour l'un d'eux, contre la décision incidente antérieure, les recours de droit public soumis à l'examen du Tribunal fédéral sont recevables.
 
Les défenderesses, qui ont été condamnées à verser une somme d'argent à la demanderesse, ont un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que les décisions attaquées n'aient pas été adoptées en violation de leurs droits constitutionnels; en conséquence, la qualité pour recourir doit leur être reconnue (art. 88 OJ).
 
Rien ne s'oppose, dès lors, à l'entrée en matière. Il y a lieu, partant, d'examiner la recevabilité et, le cas échéant, le mérite des griefs articulés par les défenderesses.
 
4.
 
Sous chiffre 11 de son mémoire de recours, la défenderesse n° 2 soutient que les constatations de la Cour de justice devraient être complétées sur cinq points. Elle a tort. En effet, dans les recours fondés sur la violation de l'art. 9 Cst., la présentation de nouveaux moyens de fait ou de droit est irrecevable (cf. ATF 124 I 208 consid. 4b p. 212; 121 I 367 consid. 1b p. 370; 113 Ia 225 consid. 1b/bb p. 229 et les arrêts cités).
 
5.
 
5.1 Le recours de droit public a un caractère subsidiaire par rapport aux autres moyens de droit (art. 84 al. 2 OJ). Il est donc irrecevable lorsque les moyens soulevés auraient pu être soumis au Tribunal fédéral par la voie du recours en réforme (art. 43 ss OJ). En l'occurrence, tous les griefs articulés dans les recours de droit public le sont également dans les recours en réforme interjetés parallèlement par les défenderesses. Quant à la valeur litigieuse minimale conditionnant l'ouverture de cette voie de droit (art. 46 OJ), elle est largement dépassée. Il convient donc d'examiner si les griefs en question relèvent de la procédure du recours en réforme, auquel cas leur irrecevabilité devrait être constatée dans le présent arrêt.
 
5.2
 
5.2.1 En premier lieu, la défenderesse n° 2 soulève la question de sa représentation valable par F.________. Cette question a été traitée dans l'arrêt n° 1 et la Cour de justice a refusé de la réexaminer dans son arrêt n° 2. La cour cantonale se voit reprocher d'avoir admis implicitement que le prénommé avait la volonté d'agir pour la défenderesse n° 2, alors qu'aucun fait constaté par elle ne permettait de retenir une telle volonté. Il lui est encore fait grief d'avoir vu, dans la remise du chèque de 130'000 fr. et de l'effet de change de 200'000 fr., la manifestation de la volonté de F.________ d'agir au nom de la défenderesse n° 2, quand bien même la remise de ces papiers-valeurs était intervenue postérieurement à la conclusion du contrat.
 
5.2.2
 
5.2.2.1 L'art. 32 al. 1 CO dispose que les droits et les obligations dérivant d'un contrat fait au nom d'une autre personne par un représentant autorisé passent au représenté. Il s'ensuit que le représentant n'est pas lié par l'acte accompli. Les effets de la représentation ne naissent que si le représentant dispose du pouvoir de représentation et s'il a la volonté d'agir comme tel (ATF 126 III 59 consid. 1b).
 
Le représentant peut manifester au tiers (expressément ou tacitement) sa volonté d'agir au nom d'autrui jusqu'au moment de la conclusion du contrat. Le tiers doit donc savoir ou être à même de savoir que le représentant agit non pas pour lui-même mais pour le représenté. Ce qui est décisif, ce n'est pas la volonté interne effective du représentant d'agir pour une autre personne. Il suffit que le tiers puisse inférer du comportement du représentant, interprété selon le principe de la confiance, qu'il existe un rapport de représentation (arrêt 4C.296/1995 du 26 mars 1996, publié in SJ 1996 p. 554 ss, consid. 5b et les auteurs cités). Demeure réservée l'hypothèse, visée à l'art. 32 al. 2 in fine CO, de l'indifférence du tiers en matière de représentation; en pareille hypothèse, le représentant doit avoir eu la volonté d'agir comme tel (ATF 117 II 387 consid. 2a et les références).
 
5.2.2.2 La première branche du moyen soulevé par la défenderesse n° 2 a certes trait à un point de fait. Déterminer la volonté interne d'une personne relève effectivement de ce domaine (ATF 123 III 165 consid. 3a). Toutefois, comme on l'a indiqué ci-dessus, la volonté interne du représentant d'agir comme tel n'est en principe pas déterminante. Aussi n'y a-t-il pas lieu d'entrer en matière sur la critique - en soi recevable dans un recours de droit public - relative à la prétendue constatation implicite de la volonté interne de F.________ par les juges cantonaux, car cette prétendue constatation, taxée d'arbitraire, ne porte pas sur un fait juridiquement pertinent.
 
Pour le surplus, c'est une question de droit que de savoir si la demanderesse pouvait déduire du comportement du représentant, interprété selon le principe de la confiance, en particulier de la remise des deux effets de change précités, ou d'autres circonstances avérées, que F.________ agissait non pas pour lui-même mais pour un tiers. Dès lors, le moyen en question est également irrecevable dans sa seconde branche en vertu de la subsidiarité absolue du recours de droit public.
 
5.3 Les mêmes remarques s'appliquent, mutatis mutandis, au grief relatif au problème de la solidarité passive entre les deux défenderesses.
 
La solidarité conventionnelle, au sens de l'art. 143 al. 1 CO, suppose en principe que les codébiteurs solidaires adressent au créancier une déclaration dans ce sens. La volonté de s'engager solidairement peut aussi s'exprimer par actes concluants, lorsqu'elle résulte indiscutablement du contexte; pour dire si tel est le cas, il faut interpréter les circonstances selon le principe de la confiance (arrêt 4C.322/2000 du 24 janvier 2001, consid. 2d; ATF 116 II 707 consid. 3; 49 III 205 consid. 4). Ainsi, pour peu qu'une telle interprétation permette de conclure à l'existence d'un engagement solidaire, il n'importe que l'une des parties n'ait pas eu la volonté interne de s'engager solidairement envers la créancière aux côtés de sa codébitrice.
 
Point n'est dès lors besoin d'examiner, en l'espèce, si la Cour de justice a fait preuve d'arbitraire en admettant implicitement que la défenderesse n° 2 avait la volonté d'assumer solidairement avec la défenderesse n° 1 toutes les obligations à l'égard de la demanderesse découlant du contrat conclu le 17 juin 1987.
 
Savoir si la demanderesse pouvait déduire l'existence d'une telle volonté des circonstances mentionnées dans l'arrêt n° 1 est une question de droit qui échappe à la connaissance de la juridiction constitutionnelle.
 
Par conséquent, le grief formulé en rapport avec le problème de la solidarité passive apparaît, lui aussi, irrecevable dans ses deux branches.
 
5.4
 
5.4.1 Dans un troisième et dernier moyen, qui constitue également l'unique moyen soulevé par la défenderesse n° 1, la défenderesse n° 2 reproche à la Cour de justice d'avoir retenu arbitrairement que les parties avaient prévu que l'obligation de conserver la marchandise en lieu sûr et de l'assurer ne s'éteindrait pas avec la résolution du contrat de base.
 
5.4.2 Pour déterminer l'existence et le contenu d'un contrat, le juge doit d'abord rechercher la réelle et commune intention des parties, cas échéant empiriquement, sur la base d'indices; on parle d'interprétation subjective (ATF 129 III 664 consid. 3.1). Si le juge y parvient, il s'agit d'une question de fait qui ne peut être remise en cause dans un recours en réforme (ATF 129 III 118 consid. 2.5; 126 III 25 consid. 3c). Si la volonté réelle des parties ne peut être établie, ou si elle est divergente, le juge doit interpréter les déclarations faites et les comportements adoptés par les parties selon la théorie de la confiance (ATF 128 III 265 consid. 3a; 127 III 444 consid. 1b). Il recherchera donc comment une déclaration ou une attitude devait être comprise selon les règles de la bonne foi, en fonction de l'ensemble des circonstances (ATF 126 III 59 consid. 5b, 375 consid. 2e/aa).
 
En l'espèce, dans le passage de l'arrêt n° 2 cité par les défenderesses (consid. 7.1), la Cour de justice indique que le point de savoir si l'obligation d'assurer les tapis a pris fin ou non au moment où la demanderesse s'est trouvée en demeure de les reprendre est "une question à résoudre en premier lieu par l'interprétation des volontés exprimées lors de la conclusion du contrat". Procédant ensuite à l'interprétation de la clause topique apposée au bas des factures, les juges cantonaux aboutissent à la conclusion suivante: "... la bonne foi contractuelle impose à l'acheteur/soumissionnaire de comprendre la phrase litigieuse en ce sens qu'il doit assurer la marchandise jusqu'à son paiement complet ou sa restitution". Il ressort à l'évidence des termes utilisés par la cour cantonale, dans les passages cités de son arrêt n° 2, que cette autorité n'a pas mis en évidence l'existence d'une réelle et commune intention des parties au sujet de la clause litigieuse, mais qu'elle a dégagé le sens de celle-ci par une interprétation objective (ou normative) des termes qui y figurent.
 
On a ainsi affaire derechef à une démarche qui relève de l'application du droit et non de l'appréciation des preuves, si bien que le grief examiné n'est pas recevable en tant qu'il est formulé dans un recours de droit public.
 
6.
 
Les deux recours de droit public sont ainsi totalement irrecevables. Aussi leurs auteurs devront-ils payer l'émolument judiciaire afférent à la procédure fédérale (art. 156 al. 1 OJ) et indemniser l'intimée (art. 159 al. 1 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Les causes 4P.109/2004 et 4P.111/2004 sont jointes.
 
2.
 
Les deux recours sont irrecevables.
 
3.
 
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de chacune des recourantes.
 
4.
 
Chacune des recourantes est condamnée à verser à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 11 janvier 2005
 
Au nom de la Ire Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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