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Informationen zum Dokument  BGer 5P.318/2004  Materielle Begründung
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BGer 5P.318/2004 vom 03.02.2005
 
Tribunale federale
 
{T 1/2}
 
5P.318/2004 /frs
 
Arrêt du 3 février 2005
 
IIe Cour civile
 
Composition
 
M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
 
Nordmann et Hohl.
 
Greffier: M. Oulevey.
 
Parties
 
Yeslam Binladin, 2, rue Le Fort, à Genève,
 
Saudi Investment Company, Sico SA, 2, rue Le Fort,
 
à Genève,
 
Avcon Business Jets Geneva SA,2, rue Le Fort,
 
à Genève,
 
recourants,
 
tous les trois représentés par Me Pierre de Preux, avocat, 6, rue Bellot, 1206 Genève,
 
contre
 
1. OLF SA, Centre de distribution multi-média,
 
Z.I. 3, Corminboeuf, à Fribourg,
 
2. Pendo Verlag Sàrl, Forchstrasse 4, à Zurich,
 
3. Editions Denoël Sàrl, 9, rue du Cherche-Midi,
 
à Paris,
 
4. Jean-Charles Brisard, 5, rue des Saussaies, à Paris,
 
5. Guillaume Dasquié, 142, rue Montmartre, à Paris,
 
6. Marco Tropea Editore S.r.l., via Melzo 9, à Milan,
 
intimés,
 
tous représentés par Me Jean-Noël Jaton, avocat,
 
place des Philosophes 8, 1205 Genève,
 
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
art. 9 et 29 Cst. (protection de la personnalité),
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 18 juin 2004.
 
Faits:
 
A.
 
En novembre 2001 est paru en France un livre intitulé "BEN LADEN, LA VERITE INTERDITE", co-écrit par Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié. Réalisé par la société Firmin Didot pour le compte de l'éditeur, Editions Denoël Sàrl, dont le siège social est à Paris, l'ouvrage est diffusé en Suisse par OLF SA Centre de distribution multi-média, à Fribourg. Les sociétés Pendo Verlag Gmbh, à Zurich, et Marco Tropea Editore Srl, à Milan, se proposent d'en diffuser respectivement des traductions allemande et italienne dans notre pays.
 
B.
 
Yeslam Binladin, qui est l'un des nombreux demi-frères d'Oussama Ben Laden, ainsi que les sociétés Saudi Investment Company SA (ci-après SICO SA) et Avcon Business Jets Geneva SA (ci-après Avcon SA), toutes deux administrées par Yeslam Binladin et sises à Genève, ont estimé que cet ouvrage portait atteinte à leur honneur, en donnant faussement au lecteur l'impression générale qu'ils étaient impliqués dans les attentats perpétrés aux États-Unis le 11 septembre 2001.
 
Le 14 janvier 2002, Yeslam Binladin et SICO SA ont saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une requête de mesures provisionnelles urgentes tendant à faire interdire la diffusion en Suisse de l'ouvrage original et de sa traduction allemande. En dernier ressort, cette requête a été rejetée par arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 26 septembre 2002.
 
Par demande déposée en vue de conciliation le 19 juin 2002, Yeslam Binladin, SICO SA et Avcon SA ont ouvert contre OLF SA, Pendo Verlag Gmbh, Editions Denoël Sàrl, Marco Tropea Editore Srl, Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié une action tendant à faire interdire aux défendeurs la diffusion de l'ouvrage litigieux, ou à leur faire ordonner d'en cesser la diffusion, sous menace de la peine d'arrêts ou d'amende prévue à l'art. 292 CP, à faire condamner les défendeurs au paiement d'une indemnité pour tort moral de 1'000'000 fr. et à la remise des gains retirés de la diffusion et, enfin, à faire ordonner la publication du jugement à intervenir dans divers quotidiens suisses, français et italiens, aux frais des défendeurs.
 
Statuant au fond le 29 septembre 2003, le Tribunal de première instance du canton de Genève a rejeté l'action.
 
Sur appel des demandeurs, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé ce jugement par arrêt du 18 juin 2004.
 
C.
 
Contre cet arrêt, Yeslam Binladin, SICO SA et Avcon SA interjettent un recours de droit public pour violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) et pour arbitraire (art. 9 Cst.) dans la constatation des faits et l'appréciation des preuves. Par acte séparé, ils exercent aussi un recours en réforme.
 
Les intimés n'ont pas été invités à déposer une réponse.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
En règle générale, lorsqu'une décision cantonale fait l'objet simultanément d'un recours en réforme et d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral statue en premier lieu sur le recours de droit public (art. 57 al. 5 OJ). Il n'y a pas lieu de déroger à ce principe en l'espèce.
 
2.
 
2.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 509 consid. 8.1 p. 510, 65 consid. 1 p. 67; 129 I 173 consid. 1 p. 174; 129 II 225 consid. 1 p. 227). Interjeté en temps utile - compte tenu de la suspension des délais prévue par l'art. 34 al. 1 let. b OJ - et dirigé contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.
 
2.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, sous peine d'irrecevabilité (ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558 et les arrêts cités), contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation invoquée. Il en résulte que, lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'applique pas le droit d'office. Il n'a pas à vérifier si la décision attaquée est en tous points conforme au droit. Il n'examine que les griefs invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31; 125 I 71 consid. 1c p. 76, 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités), pour autant qu'ils entrent dans les prévisions de l'art. 84 OJ.
 
3.
 
Les recourants font tout d'abord valoir une violation de leur droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), plus précisément de leur droit à obtenir une décision motivée.
 
3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend non seulement le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 122 I 53 consid. 4a p. 55; 119 Ia 136 consid. 2d p. 139), mais encore celui de recevoir une décision suffisamment motivée pour que l'intéressé puisse la comprendre et l'attaquer utilement, s'il y a lieu, et pour que l'autorité de recours soit en mesure, cas échéant, d'exercer son contrôle (ATF 122 IV 8 consid. 2c p. 14; 121 I 54 consid. 2c p. 57). S'agissant des questions de fait, le droit d'être entendu oblige dès lors l'autorité à indiquer, en se référant à l'administration des preuves, pourquoi elle a admis telle allégation de fait plutôt que telle autre (cf. ATF 101 Ia 545 consid. 4c p. 551 s.). Cependant, pour répondre aux exigences de l'art. 29 al. 2 Cst., il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de façon que l'intéressé puisse en apprécier la portée et, le cas échéant, l'attaquer en connaissance de cause (ATF 123 I 31 consid. 2c). Il n'est pas nécessaire qu'elle se prononce sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 122 IV 8 consid. 2c p. 14 s.; 121 I 54 consid. 2c p. 57).
 
3.2 Les recourants reprochent à la Cour de justice d'avoir repris par simple copier-coller les constatations de fait du Tribunal de première instance, qui se serait lui-même borné à reproduire l'état de fait de l'arrêt rendu en dernier ressort sur la requête de mesures provisionnelles. Ils allèguent s'être opposés par avance à ce procédé dans leur mémoire d'appel. Toutefois, les recourants n'expliquent pas en quoi, selon eux, l'éventuelle reprise de l'état de fait du jugement de première instance par copier-coller violerait l'art. 29 al. 2 Cst. Aussi, trop imprécis pour satisfaire aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, le premier moyen des recourants est-il irrecevable.
 
3.3 De manière confuse, les recourants font aussi valoir le caractère essentiel de certaines de leurs allégations de fait, que les premiers juges n'auraient pas retenues et que la Cour de justice, en reprenant l'état de fait du jugement de première instance, aurait implicitement rejetées sans motiver sa position. La plupart de ces allégations tendaient à démontrer la fausseté ou l'inexactitude de diverses assertions de fait de l'ouvrage incriminé. Au lieu de se contenter de faire un résumé très général de celui-ci et d'établir une liste de passages dans lesquels les recourants étaient nommément désignés, la cour cantonale aurait dès lors dû, selon les recourants, constater que certains faits rapportés par les auteurs du livre litigieux dans le but de conforter leur thèse étaient faux ou procédaient d'amalgames. Comme elle ne l'a pas fait, les recourants en concluent que la Cour de justice aurait omis, sans en indiquer les motifs, de prendre en considération les faits allégués et les preuves offertes, et que leur droit d'être entendu aurait ainsi été violé.
 
Cependant, les recourants n'indiquent même pas à quel endroit de leur procédure ils auraient introduit les allégations de fait auxquelles ils se réfèrent. En outre, pour montrer l'importance prétendument décisive des assertions de l'ouvrage litigieux qu'ils disent avoir contestées, ils se contentent d'affirmer que les faits sur lesquels portent ces assertions soutiendraient la thèse des auteurs sur l'existence d'un lien entre les recourants et le financement des activités terroristes d'Oussama Ben Laden, mais sans indiquer précisément en quoi le sens général de l'ouvrage litigieux serait différent, pour ce qui les concerne, si les assertions de fait qu'ils contestent étaient retranchées ou si elles étaient modifiées. Un simple renvoi aux pièces du dossier n'est à cet égard pas suffisant.
 
Dès lors, faute d'être clairement et suffisamment motivé, le moyen pris d'une violation du droit d'être entendu est irrecevable.
 
4.
 
Les recourants se plaignent ensuite d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et la constatation des faits, soit d'une violation de l'art. 9 Cst.
 
4.1 De jurisprudence constante, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de justice et d'équité. Pour que la décision attaquée soit annulée, il faut qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais encore dans son résultat; à cet égard, il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution est concevable, voire préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275). Le recourant ne peut se contenter d'opposer son opinion à celle de l'autorité cantonale; il doit démontrer, par une argumentation précise, que la décision attaquée repose sur une application de la loi ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités). Des critiques de nature purement appellatoire, ou un grief d'arbitraire reposant uniquement sur des remarques générales, sont dès lors irrecevables (ATF125 I 492 consid. 1b p. 495).
 
4.2 Dans le cas présent, les recourants font valoir pêle-mêle que la cour cantonale aurait procédé par copier-coller, qu'elle n'aurait, sans indiquer de motifs, pas tenu compte de faits pertinents allégués ni des preuves offertes, que cette manière de procéder heurterait particulièrement le sentiment de la justice et de l'équité, qu'elle constituerait une appréciation partiale des faits et des preuves, voire une absence d'appréciation des preuves. Ils ajoutent que la constatation partiale des faits et l'absence d'appréciation des preuves offertes ont conduit la Cour de justice à rejeter leur appel, en d'autres termes, à conclure à l'absence d'atteinte à l'honneur, ce qui serait un résultat insoutenable au regard des faits allégués et des pièces produites.
 
Ce faisant, les recourants se limitent à affirmer, en termes généraux, que l'arrêt serait arbitraire. Ils ne mentionnent aucune disposition de droit cantonal de procédure qui aurait été appliquée de manière insoutenable et ne tentent même pas de démontrer précisément un cas concret d'appréciation arbitraire des preuves. Au surplus, ils répètent, de manière non conforme à l'art. 90 al. 1 let. b OJ, le grief de la violation de leur droit d'être entendu. Leur second moyen est dès lors également irrecevable.
 
5.
 
Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable. Les recourants, qui succombent, supporteront les frais de justice, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux intimés, qui n'ont pas été invités à déposer une réponse.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est irrecevable.
 
2.
 
Un émolument de justice de 10'000 fr. est mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 3 février 2005
 
Au nom de la IIe Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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