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Informationen zum Dokument  BGer K 9/2004  Materielle Begründung
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BGer K 9/2004 vom 23.03.2005
 
Eidgenössisches Versicherungsgericht
 
Tribunale federale delle assicurazioni
 
Tribunal federal d'assicuranzas
 
Cour des assurances sociales
 
du Tribunal fédéral
 
Cause
 
{T 7}
 
K 9/04
 
Arrêt du 23 mars 2005
 
IIIe Chambre
 
Composition
 
Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffière : Mme Moser-Szeless
 
Parties
 
P.________, recourant, représenté par la Compagnie d'assurance de protection juridique (CAP), rue Monnier 4, 1206 Genève,
 
contre
 
1. Caisse-maladie suisse pour les industries du bois et du bâtiment et branches annexes (CMBB),
 
rue du Nord 5, 1920 Martigny,
 
2. Mutuel Assurances, rue du Nord 5, 1920 Martigny,
 
intimées
 
Instance précédente
 
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève
 
(Jugement du 18 novembre 2003)
 
Faits:
 
A.
 
P.________, né en 1955, travaillait comme menuisier au service de la société F.________ S.A. Il était assuré dans le cadre d'une assurance collective conclue par son employeur auprès de la Caisse-maladie suisse pour les industries du bois et du bâtiment et branches annexes (CMBB), notamment pour une indemnité journalière représentant 80 % de son salaire, à partir du troisième jour d'incapacité de travail. Il était également assuré à titre individuel auprès de la caisse-maladie Mutuelle Valaisanne pour une indemnité journalière (Maladie/Accident) de 40 fr. après un délai d'attente de sept jours. Dès le 1er janvier 2002, l'assurance collective de l'indemnité journalière a été conclue avec la CMBB au titre d'une assurance complémentaire régie par les dispositions de la LCA. La CMBB et la Mutuelle Valaisanne sont membres du Groupe Mutuel Assurances.
 
En raison de cervicalgies et lombalgies, P.________ s'est trouvé en arrêt de travail total du 21 mars au 23 juillet 2000, puis à partir du 2 octobre 2000; il a perçu les indemnités journalières correspondantes. A la demande du docteur V.________, médecin-conseil du Groupe Mutuel Assurances, le docteur B.________ a examiné l'assuré et diagnostiqué, notamment, des troubles somatoformes douloureux sur probable état dépressif, lombalgies sur spondylolisthésis de L5 (grade I), ainsi que des gonalgies sur séquelles de maladie de Osgood-Schlatter (rapport du 13 novembre 2000). Du point de vue rhumatologique, il attestait d'une capacité de travail entière dans la profession de menuisier, mais préconisait une évaluation psychiatrique à laquelle a procédé le docteur R.________, psychiatre FMH, le 20 décembre 2000. Ce médecin a conclu que l'assuré ne présentait aucune affection psychique et était en mesure de travailler à 100 %.
 
Le 9 janvier 2001, la CMBB et la Mutuelle Valaisanne ont admis le droit de l'assuré aux prestations de perte de gain jusqu'au 14 janvier 2001 et estimé qu'il pouvait reprendre le travail dès le 15 janvier 2001. A la suite de l'opposition de P.________, qui lui a fait parvenir un certificat médical de son médecin traitant, le docteur A.________, attestant d'une incapacité de travail de 50 % à partir du 15 janvier 2001, les caisses-maladie ont repris le paiement des indemnités journalières à 50 % (courrier de la CMBB du 14 mars 2001). La CMBB a en outre accepté de participer aux frais d'une expertise pluridisciplinaire qui a été confiée aux docteurs O.________, rhumatologue, et S.________, psychiatre et psychothérapeute FMH, de l'Hôpital X.________. Dans leur rapport rendu le 7 janvier 2002, ces médecins ont fait état d'un trouble somatoforme douloureux, de lombalgies non spécifiques, d'une lyse isthimique bilatérale de L5, ainsi que d'un processus d'invalidation dans le cadre d'un trouble somatoforme douloureux, en niant la présence « à proprement parlé » d'une pathologie psychiatrique. Ils ont conclu que sur un plan strictement médical et psychologique, le patient pouvait travailler à 100 % comme menuisier, tout en ajoutant être convaincus qu'il ne retravaillera jamais « non pas parce qu'il ne le veut pas, mais parce qu'il ne le peut pas ».
 
Après avoir accepté de verser à l'assuré des indemnités journalières sur la base d'une incapacité de travail de 100 % - attestée par le docteur A.________ - dès le 9 mai 2001, la CMBB et, par son intermédiaire, la Mutuelle Valaisanne ont, par décision formelle du 27 mars 2002 confirmant les termes d'un courrier du 31 janvier 2002, « maintenu » la décision du 9 janvier 2001. Elles ont par ailleurs réclamé à P.________ le remboursement de la somme de 55'660 fr. 50 à titre d'indemnités journalières versées à tort du 15 janvier au 31 décembre 2001 (en perte de gain collective par la CMBB et en assurance individuelle par la Mutuelle Valaisanne). Saisie d'une opposition de l'assuré, les caisses-maladie ont maintenu leur position par une nouvelle décision du 6 juin 2002.
 
B.
 
P.________ a déféré cette décision au Tribunal administratif du canton de Genève (aujourd'hui, en matière d'assurances sociales : Tribunal cantonal des assurances sociales), en produisant un avis médical du docteur U.________ du 4 juillet 2002. Après avoir pris des renseignements auprès de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité auquel l'assuré avait entre-temps présenté une demande de prestations, le tribunal a débouté celui-ci par jugement du 18 novembre 2003.
 
C.
 
P.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il demande l'annulation. Sous suite de dépens, il conclut à ce que soit constaté qu'il est incapable de travailler depuis le 15 janvier 2001 et n'est pas tenu au remboursement du montant de 55'660 fr. 50. A titre préalable, il requiert que soit ordonnée une expertise médicale.
 
La CMBB et la Mutuelle Valaisanne concluent au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003 n'est pas applicable au présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 6 juin 2002 (ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les arrêts cités).
 
2.
 
Dans la décision du 27 mars 2002, puis la décision sur opposition du 6 juin suivant, les intimées ont estimé que le recourant disposait d'une capacité de travail entière à partir du 15 janvier 2001 et lui ont demandé la restitution d'un montant de 55'660 fr. 50 correspondant à des indemnités journalières versées prétendument à tort depuis cette date jusqu'au 31 décembre 2001 au titre de prestations de l'assurance obligatoire des soins (par la CMBB sur la base de l'assurance collective et par la Mutuelle Valaisanne en assurance individuelle). Le litige porte donc sur la restitution des indemnités journalières versées pendant cette période.
 
3.
 
3.1 Selon l'art. 47 al. 1 LAVS, les rentes et allocations pour impotent indûment touchées doivent être restituées. La restitution peut ne pas être demandée lorsque l'intéressé était de bonne foi et serait mis dans une situation difficile. Cette disposition est applicable par analogie en matière d'assurance-maladie (ATF 126 V 23 consid. 4; RAMA 2001 n° KV 158 p. 161 consid. 6a).
 
La restitution des prestations selon l'art. 47 al. 1 LAVS suppose que soient remplies les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale (ATF 129 V 110 consid. 1). Selon un principe général du droit des assurances sociales, l'administration peut reconsidérer une décision formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable (ATF 127 V 469 consid. 2c et les arrêts cités). En outre, par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l'administration est tenue de procéder à la révision d'une décision entrée en force formelle lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 127 V 469 consid. 2c et les références). Ces principes s'appliquent à la restitution de prestations que celles-ci aient été accordées par une décision formelle ou sans avoir fait l'objet d'une telle décision. Dans ce dernier cas, après un laps de temps correspondant au délai de recours contre une décision formelle, l'administration ne peut demander répétition des prestations allouées par une décision implicite non contestée qu'aux conditions de la reconsidération ou de la révision procédurale (ATF 129 V 110 consid. 1). De son côté, l'assuré peut, dans un délai de réflexion et de réflexion convenable, manifester son désaccord avec une certaine solution adoptée par l'administration et exprimer sa volonté de voir statuer sur ses droits dans un acte susceptible de recours. A défaut, la décision implicite acquiert force de chose décidée (ATF 129 V 110 consid. 1, 126 V 24 consid. 4b, 122 V 369 consid. 3).
 
3.2 En l'occurrence, le versement des prestations litigieuses avait acquis force de chose décidée au moment où les intimées en ont demandé la restitution. Après s'être opposé à la décision du 9 janvier 2001 en requérant la reprise du versement de l'indemnité journalière à partir du 15 janvier 2001, puis une augmentation du montant de celle-ci dès le 9 mai 2001 sur la base d'une incapacité de travail de 100 %, le recourant a bénéficié des indemnités journalières de l'assurance-maladie jusqu'au 31 décembre 2001, sans émettre de nouvelle réserve sur leur montant. Il n'avait du reste aucune raison de remettre en cause le mode de règlement des caisses-maladie qui lui donnait entièrement satisfaction. Il convient donc d'examiner si les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale sont remplies dans le cas particulier.
 
4.
 
4.1 Les indemnités journalières litigieuses - dont le versement est subordonné à l'existence d'une incapacité de travail totale ou partielle (art. 72 al. 1 LAMal) - ont été allouées sur la base des attestations et avis médicaux du docteur A.________. Préconisant une reprise du travail à mi-temps dès le 15 janvier 2001, ce médecin a certifié une incapacité de travail de 50 % à partir de cette date. Il a adressé son patient aux médecins du Centre multidisciplinaire d'évaluation et de traitement de la douleur de l'Hôpital Y.________ qui ont admis une incapacité de travail de la même importance (rapport du 18 janvier 2001). Par la suite, le médecin traitant a attesté d'une incapacité de travail de 100 % dès le 9 mai 2001 (certificat du 9 mai 2001). Le médecin-conseil du Groupe Mutuel, qui s'est prononcé à diverses reprises sur le cas, n'a pas soulevé d'objections à ce sujet. Certes, l'avis du docteur A.________ divergeait de celui des docteurs N.________ et R.________ quant à la répercussion des atteintes à la santé présentées par le recourant sur sa capacité de travail à partir du 15 janvier 2001, mais la CMBB a justement accepté qu'une expertise médicale soit réalisée pour éclaircir ce point.
 
Dans ces conditions, la décision d'allouer les prestations litigieuses tout au moins jusqu'au moment où l'appréciation médicale des experts O.________ et S.________ a été connue, n'était pas manifestement erronée. A cet égard, si l'octroi de prestations fondé sur des dispositions légales fausses ou non pertinentes, ou encore sur la non application ou l'application incorrecte des règles légales idoines, apparaît en règle générale comme manifestement erroné, il n'en va pas de même lorsque le motif de la reconsidération est lié aux conditions matérielles du droit à la prestation, dont l'examen comprend immanquablement une certaine marge d'appréciation sur divers points. Lorsque l'examen de telles conditions du droit à la prestation apparaît défendable au regard de l'état de faits et de droit tel qu'il se présentait au moment de la décision d'allocation des prestations entrée en force (ATF 125 V 389 consid. 3 et les références), il n'y a pas erreur manifeste (arrêt B. du 23 février 2005, I 632/04; RAMA 1998 n° K 990 p. 251; RCC 1980 p. 496).
 
4.2 En ce qui concerne l'éventualité d'une révision procédurale, l'expertise des médecins du Centre interdisciplinaire de la douleur ne constitue pas un fait ou un moyen de preuve nouveau susceptible d'entraîner une telle révision. La notion de fait nouveau ou de moyen de preuve nouveau s'apprécie de la même manière en cas de révision d'une décision administrative, de révision d'un jugement de première instance dans le cas de l'art. 85 al. 2 let. LAVS ou encore d'une révision fondée sur l'art. 137 let. b OJ (RAMA 1998 n° K 990 p. 253 consid. 3c et les arrêts cités). Dans ces trois cas, il ne suffit pas, pour justifier la révision d'une décision qu'un expert tire ultérieurement des faits connus au moment de la décision initiale d'autres conclusions que l'autorité. Il n'y a pas non plus motif à révision du seul fait que l'autorité paraît avoir mal interprété des faits connus à ce moment-là. L'appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l'ignorance ou de l'absence de preuves de faits essentiels (ATF 127 V 358 consid. 5b et les arrêts cités).
 
En l'espèce, les docteurs O.________ et S.________ se sont écartés de l'appréciation du docteur A.________ quant aux conséquences des troubles du recourant sur sa capacité de travail. Posant des diagnostics en grande partie identiques à ceux évoqués par le docteur B.________ (cf. rapport du 13 novembre 2000) et le médecin traitant, ils ont admis que le recourant présentait une capacité de travail entière du point de vue médical et psychologique. Cela ne suffit pas pour admettre l'existence d'un fait nouveau ou d'un nouveau moyen de preuve susceptible d'entraîner une révision.
 
4.3 Dès lors que ni les conditions d'une reconsidération, ni celles d'une révision (procédurale) ne sont remplies, les intimées n'étaient pas en droit de réclamer au recourant la répétition du montant en cause de 55'660 fr. 50. Le recours de droit administratif se révèle ainsi bien fondé.
 
5.
 
Le litige ayant pour objet des prestations d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens pour la procédure fédérale (art. 159 al. 1 OJ en corrélation avec l'art. 135 OJ). Le tribunal cantonal des assurances statuera à nouveau sur les dépens de l'instance cantonale conformément à l'art. 61 let. g LPGA, le jugement entrepris ayant été rendu après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2003, de cette disposition (ATF 129 V 115 consid. 2.2).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
 
1.
 
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif de la République et canton de Genève du 18 novembre 2003, ainsi que la décision de la Caisse-maladie suisse pour les industries du bois et du bâtiment et branches annexes (CMBB) du 6 juin 2002, sont annulés.
 
2.
 
Il n'est pas perçu de frais de justice.
 
3.
 
Les intimées verseront au recourant, en tant que débitrices solidaires, la somme de 2'500 fr. à titre de dépens (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) pour l'instance fédérale.
 
4.
 
Le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève est invité à statuer sur les dépens de la procédure cantonale, compte tenu de l'issue définitive du litige.
 
5.
 
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales et à l'Office fédéral de la santé publique.
 
Lucerne, le 23 mars 2005
 
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
 
La Présidente de la IIIe Chambre: La Greffière:
 
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