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Informationen zum Dokument  BGer 4C.374/2004  Materielle Begründung
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BGer 4C.374/2004 vom 13.04.2005
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4C.374/2004 /ech
 
Arrêt du 13 avril 2005
 
Ire Cour civile
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Favre.
 
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
 
Parties
 
X.________ SA,
 
demanderesse et recourante, représentée par Me Jean-Christophe Diserens,
 
contre
 
Y.________ SA,
 
défenderesse et intimée, représentée par Me Jean-Paul Maire.
 
Objet
 
prestations d'architecte; caractère onéreux,
 
recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 15 avril 2004.
 
Faits:
 
A.
 
Y.________ SA a pour but le développement et la gestion de toutes activités liées notamment à la branche cinématographique. Depuis plusieurs années, cette société entretient des relations commerciales avec l'atelier d'architecture X.________ SA, qui a notamment oeuvré à la rénovation de la salle de cinéma de A.________, à Lausanne.
 
Au début des années 1990, Y.________ SA, qui souhaitait s'agrandir, a envisagé la construction, dans la région lausannoise, de complexes comportant plusieurs salles de projection (multisalles). Les études entreprises par l'atelier d'architecture ont abouti à deux projets, l'un à B.________, l'autre à C.________.
 
Le complexe de B.________ a vu le jour. X.________ SA a participé à cette réalisation. Le 16 juillet 1999, elle a établi une note d'honoraires de 126 420 fr. à l'attention de T.________ SA, entrepreneur général de la société propriétaire des terrains. D'entente entre les parties, les honoraires ont été réduits à 86 000 fr. selon note corrigée du 27 octobre 1999; ce montant a été payé. Le 19 juillet 1999, le bureau d'architecte a adressé à Y.________ SA une note d'honoraires de 14 290 fr. concernant des aménagements intérieurs; ce montant a été réglé. Le 10 décembre 1999, X.________ SA a établi deux factures supplémentaires à l'intention de Y.________ SA. L'une portait sur un montant de 40 420 fr., soit la différence entre les deux notes d'honoraires successives présentées à T.________ SA. L'autre, d'un montant de 32 250 fr., concernait la rémunération de droits d'auteur. Y.________ SA a refusé de payer ces deux factures.
 
En ce qui concerne C.________, X.________ SA a établi, dès 1994, quatre projets pour un complexe multisalles dans différents endroits du quartier, dont les terrains sont propriété de U.________ SA (ci-après: U.________). En novembre 1994, après plusieurs entretiens, Y.________ SA a présenté à U.________ un budget d'exploitation et un avant-projet réalisé par X.________ SA. A fin 1995, U.________ a décidé de renoncer provisoirement à la réalisation d'un complexe multisalles à C.________.
 
Les négociations ont repris en été 1998. Comme plusieurs groupes s'intéressaient au projet, U.________ a rédigé, le 31 juillet 1998, des «lignes directrices pour l'éventuelle implantation d'un Multiplexe-cinéma dans la plate-forme de C.________». U.________ entendait en particulier obtenir un maximum d'informations sur un éventuel partenaire, les liens contractuels envisagés allant de l'octroi d'un droit de superficie à une participation de la propriétaire dans la société d'exploitation. Compte tenu des investissements déjà consentis dans les projets précédents, Y.________ SA a demandé à U.________, en août 1998, un droit préférentiel pour la réalisation d'un complexe multisalles à C.________. A conditions égales, U.________ s'est déclarée prête à lui donner la préférence.
 
Par lettre du 31 août 1998 adressée à U.________, X.________ SA s'est exprimée notamment en ces termes:
 
«Suite à la récente correspondance échangée avec Y.________ et notre bureau en juillet et en août 1998, dont nous vous remercions vivement pour sa clarté, nous avons l'honneur de vous informer que nous entreprenons à nos risques une étude de faisabilité de l'installation d'un centre de plusieurs salles de cinéma sur la plate-forme de C.________. Cette étude couvre les zones possibles dont nous avions parlé en juillet 1998, la Banane exceptée.
 
Lorsque nous considérerons avoir une idée convaincante, nous nous permettrons de reprendre contact.»
 
L'atelier d'architecture a poursuivi l'étude de faisabilité. De son côté, Y.________ SA s'est mise à la recherche d'un partenaire susceptible de participer au financement du projet, qu'elle ne pouvait assurer seule; elle a alors approché les groupes V.________ et W.________. Le 9 novembre 1998, Y.________ SA a établi une plaquette de présentation intitulée «Cinés C.________». Ce document, auquel étaient joints un projet à l'échelle 1:200 et un plan financier, a été envoyé à U.________ le 13 novembre 1998; dans la lettre d'accompagnement, X.________ SA prenait note de l'attention portée par U.________ à la sécurité du financement de l'affaire et indiquait que «Y.________ n'exclu[ait] pas le partenariat sous une forme à trouver avec une solide société étrangère professionnelle dans le cinéma». Lors d'une séance en janvier 1999, U.________ a précisé une nouvelle fois que l'utilisateur de la parcelle n° ... devait financer la construction et assurer l'exploitation du bâtiment.
 
Par lettre du 30 mars 1999 adressée à Y.________ SA, l'atelier d'architecture a résumé ainsi certaines exigences posées par U.________:
 
«Utiliser le terrain sous forme de droit de superficie; nous devons faire une offre.
 
L'investisseur immobilier doit avoir les reins solides; V.________ et W.________ sont acceptés.
 
8 salles de cinéma sont acceptées.
 
La société d'exploitation Y.________ et W.________ est acceptée.
 
Le droit de superficie peut être de 30 ans minimum à 90 ans maximum.»
 
Le 23 avril 1999, U.________ a fait parvenir à Y.________ SA un questionnaire de qualification, qui devait faciliter son choix. Dans ce document, Y.________ SA a répondu qu'elle n'interviendrait pas comme partenaire direct dans la société immobilière bénéficiaire du droit de superficie, mais qu'elle pouvait «trouver un investisseur immobilier»; elle expliquait avoir été sollicitée par plusieurs compagnies cinématographiques internationales, mais qu'elle attendait la décision de U.________ avant d'entreprendre des négociations plus avancées au sujet du financement de la société immobilière.
 
En août 1999, U.________ a retenu le projet élaboré par S.________. La candidature de Y.________ SA a été écartée essentiellement pour des motifs liés à la sécurité du financement.
 
Par lettre du 9 décembre 1999, X.________ SA a reproché à Y.________ SA de n'avoir pas pu présenter le partenaire financier qu'elle s'était engagée à trouver. Le courrier contenait le passage suivant:
 
«Votre prétention d'obtenir la "concession" U.________ avant de présenter votre dossier complet de qualification est contraire à tous les usages. Vous avez quasiment choisi d'être rejeté en croyant que cela fut (sic) possible. A notre désespoir.
 
Dès lors, nous sentant abusés par vos promesses, nous entendons être rémunérés à 100% pour ce mandat qui partait si bien avec vous dans le rôle de moteur et de mandant. Cette affaire est maintenant terminée.»
 
Le bureau d'architecte a joint à cette lettre une note d'honoraires de 143 750 fr. relative aux prestations effectuées dans le cadre du projet de 1998. Aucune note d'honoraires n'avait été présentée pour les trois projets précédents.
 
Y.________ SA a refusé de payer cette facture. Elle a contesté l'existence d'un contrat. A son sens, il avait toujours été clairement entendu entre les deux sociétés que l'intervention de l'atelier d'architecture se faisait à bien plaire, dans l'espoir d'obtenir l'accord de U.________.
 
B.
 
Par demande du 8 mai 2000, X.________ SA a ouvert action contre Y.________ SA en paiement de 216 420 fr. plus intérêts à 5 % dès le 9 janvier 2000. Ce montant correspond au total facturé dans les notes d'honoraires des 9 et 10 décembre 1999.
 
En cours de procès, une expertise a été confiée à D.________, architecte EPFL/SIA. L'expert a notamment fixé à 78 004 fr., TVA non comprise, les honoraires correspondant aux prestations effectivement réalisées dans le cadre du projet de C.________.
 
Par jugement du 15 avril 2004 dont les considérants ont été notifiés le 31 août 2004, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté la demande.
 
C.
 
X.________ SA interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que la défenderesse est reconnue débitrice de la demanderesse de la somme de 78 004 fr., plus TVA et intérêts à 5% dès le 9 janvier 2000.
 
Parallèlement, la demanderesse a déposé un recours contre le même jugement auprès de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Par arrêt du 27 octobre 2004, le Président de la Chambre des recours a pris acte du retrait de ce recours et rayé l'affaire du rôle.
 
Y.________ SA propose le rejet du recours en réforme.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions en paiement, et dirigé contre une décision finale rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).
 
1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ), ni la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
 
Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2. p. 106, 136 consid. 1.4. p. 140; 127 III 248 consid. 2c).
 
Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127 III 247 consid. 2c p. 252).
 
1.3 Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des conclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les motifs développés par les parties (art. 63 al. 1 OJ; ATF 128 III 411 consid. 3.2.2 p. 415), ni par l'argumentation juridique suivie par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 128 III 22 consid. 2e/cc; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).
 
En l'espèce, la demanderesse conclut au versement de 78 004 fr., plus TVA et intérêts. Selon l'expertise judiciaire, ce montant correspond aux honoraires afférents au projet de C.________ et, dans l'acte de recours, la demanderesse critique uniquement le rejet de ses prétentions en relation avec le projet en question. La cour de céans n'examinera dès lors pas la partie du jugement attaqué relative aux factures établies par le bureau d'architecte pour le projet de B.________.
 
2.
 
La cour cantonale a rejeté les prétentions encore litigieuses de la demanderesse par deux motivations, l'une principale, l'autre subsidiaire. Après avoir interprété l'attitude des parties selon la théorie de la confiance, elle est arrivée à la conclusion que la demanderesse n'était pas parvenue à établir qu'un contrat, même oral, l'ait liée à la défenderesse. Par surabondance, elle a estimé que si un contrat avait été conclu entre les parties, il l'aurait été à titre gratuit.
 
La demanderesse s'en prend à ces deux motivations, de sorte que son recours est recevable sous cet angle (ATF 121 III 46 consid. 2; 115 II 300 consid. 2a p. 302).
 
3.
 
3.1 La cour cantonale a rejeté les prétentions de la demanderesse liées au projet de C.________ essentiellement sur la base de la lettre du 31 août 1998 adressée à U.________ par le bureau d'architecte. Interprétant ce document d'après le principe de la confiance, la Cour civile estime que la formule selon laquelle l'étude de faisabilité est entreprise «à nos risques» doit se comprendre comme une initiative de la part de la demanderesse, qui offre de réaliser une telle étude sous sa propre responsabilité et à ses frais; l'expression en cause exclut la conclusion entre les parties d'un accord spécial sur la rémunération de l'étude de faisabilité. La cour cantonale ajoute que l'insertion de l'étude dans le projet plus général de la défenderesse n'implique pas pour autant qu'un contrat ait lié les parties. En effet, le rôle de chacun dans le projet de C.________ était bien défini: la demanderesse se chargeait des plans et la défenderesse devait trouver un partenaire financier. Même en admettant qu'un contrat ait été conclu, les juges précédents sont d'avis que la demanderesse ne saurait exiger des honoraires de la défenderesse; à leur sens, l'expression «à nos risques» utilisée dans la lettre du 31 août 1998 ne peut signifier, selon le principe de la confiance, que la gratuité des prestations.
 
3.2 A suivre la demanderesse, l'interprétation donnée par la cour cantonale à la lettre du 31 août 1998 n'est pas conforme au sens que son destinataire lui a attribué. Elle rappelle à cet égard que le courrier était adressé à U.________ et que le responsable des gérances de cette société, dont le témoignage est relaté dans le jugement attaqué, a déclaré qu'à son avis, la demanderesse était la mandataire de la défenderesse et que la première travaillait pour le compte de la seconde, sans savoir si les parties étaient liées par un contrat oral ou écrit. Dans ces conditions, la formule «à nos risques» ne peut se rapporter qu'à la relation contractuelle existant entre U.________ et la défenderesse, la demanderesse ayant écrit la lettre précitée en tant que mandataire de la défenderesse.
 
La demanderesse reproche ensuite à la cour cantonale de n'avoir pas tenu compte de plusieurs indices, qui auraient dû l'amener à reconnaître l'existence d'un contrat entre les parties. Elle cite à cet égard les circonstances suivantes: un contrat d'architecte a lié les parties dans le cadre du projet de B.________; dès les premiers contacts avec U.________, la défenderesse a présenté la demanderesse comme «son architecte»; l'atelier d'architecture était chargé d'établir des contacts entre la défenderesse et U.________, jouant ainsi le rôle d'intermédiaire. Contrairement à l'opinion de la cour cantonale, les deux parties n'avaient pas un rôle séparé et bien défini dans le projet de C.________ et chacune d'elles n'avait pas établi une relation contractuelle directe avec U.________.
 
Selon la demanderesse, la motivation subsidiaire du jugement attaqué sur la gratuité d'éventuelles prestations contractuelles d'architecte est également contraire au droit fédéral, dès lors que la cour cantonale a perdu de vue que la formule «à nos risques» figurait dans une lettre destinée à U.________ et qu'elle ne concernait aucunement les relations entre l'architecte et la défenderesse. Comme le bureau d'architecte n'a jamais laissé entendre à la défenderesse que le contrat les liant était gratuit, la demanderesse entend appliquer l'usage voulant qu'à défaut d'accord sur la rémunération, des services fournis à titre professionnel soient rémunérés.
 
4.
 
La cour cantonale n'a pas été en mesure d'établir en fait une volonté réelle et commune des parties au sujet de la conclusion ou de l'absence de conclusion d'un contrat onéreux portant sur l'étude de faisabilité du projet d'un complexe multisalles à C.________. Elle a dès lors interprété les manifestations de volonté et les comportements des parties selon le principe de la confiance. D'après cette théorie, le juge doit rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (interprétation dite objective; cf. ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5, 702 consid. 2.4 p. 707). L'application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5, 702 consid. 2.4 p. 707). Pour trancher cette question de droit, il faut cependant se fonder sur le contenu des manifestations de volonté et sur les circonstances, lesquels relèvent du fait (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5; 128 III 419 consid. 2.2).
 
4.1 La demanderesse a effectué une étude de faisabilité. Selon l'expert désigné au cours de la procédure, l'avant-projet comporte les pentes et les dimensions des salles, plusieurs variantes d'emplacement de surfaces commerciales en plan et en coupe, diverses propositions d'escaliers d'accès et de secours, l'aménagement de la surface du hall des cinémas et le local de projection. L'établissement de plans par un architecte est une prestation qui, par sa nature, peut faire l'objet d'un contrat d'entreprise si elle est fournie à titre onéreux (Gauch, Le contrat d'entreprise, adaptation française par Benoît Carron, n. 49, p. 16/17; cf. ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522). La conclusion d'un contrat d'entreprise au sens de l'art. 363 CO suppose en effet que les parties soient d'accord sur le caractère onéreux de la prestation (ATF 127 III 519 consid. 2b p. 523).
 
En l'espèce, l'étude exécutée par la demanderesse a été insérée dans le projet présenté à U.________ par la défenderesse. Celle-ci considérait la demanderesse comme «son architecte», comme elle l'indique elle-même dans ses courriers à U.________ des 22 novembre 1994 et 30 novembre 1995. Il est constant du reste que les parties sont en relations commerciales depuis plusieurs années. Dans le cadre du multiplexe envisagé à C.________, elles travaillaient de concert pour faire triompher leur projet. Dans sa lettre du 31 août 1998 à U.________, la demanderesse se réfère à la correspondance échangée avec la défenderesse. Et lorsque celle-ci adresse sa plaquette de présentation à U.________ en novembre 1998, l'envoi est accompagné d'une lettre de la demanderesse. Il n'est ainsi guère contestable que les parties collaboraient et faisaient équipe en vue de convaincre U.________ de retenir leur projet de cinéma multiplexe. La question litigieuse ne porte dès lors pas tant sur l'existence de relations contractuelles entre les parties que sur le caractère onéreux de la prestation exécutée par la demanderesse. C'est le lieu de rappeler que lorsque le litige porte sur le caractère onéreux du contrat, il incombe à l'entrepreneur de prouver qu'une rémunération a été convenue (ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522 et les références). En l'occurrence, le fardeau de la preuve appartenait bien à la demanderesse.
 
4.2 A cet égard, l'interprétation objective donnée par la cour cantonale à la lettre du 31 août 1998 n'apparaît pas déterminante pour juger du caractère onéreux ou non de la prestation effectuée par la demanderesse dans le cadre de sa collaboration avec la défenderesse. En effet, ce courrier n'a pas été adressé par le bureau d'architecte à la défenderesse, mais à U.________. Or, logiquement, l'application du principe de la confiance interdit au juge d'opposer le sens objectif d'une déclaration de volonté à une partie qui n'en est pas la destinataire (cf. arrêt 4C.341/2003 du 25 mars 2004, consid. 2.1.2 et la référence). Au demeurant, l'expression «à nos risques» figurant dans la lettre précitée ne signifie pas nécessairement que les frais d'étude sont à la charge exclusive de l'atelier d'architecture; adressée à U.________, elle implique que cette société n'aura pas à payer d'honoraires pour l'étude de faisabilité, mais elle ne dit rien de la relation entre demanderesse et défenderesse, à laquelle l'auteur de la lettre du 31 août 1998 se réfère du reste dès les premières lignes. Il s'ensuit que le courrier en question n'est d'aucun secours pour juger si la fourniture de l'étude a été convenue à titre onéreux entre les parties au procès.
 
Il convient dès lors d'examiner l'attitude de celles-ci à la lumière du principe de la confiance. Selon la doctrine et la jurisprudence, l'auteur d'une étude préliminaire peut prétendre à une rémunération de nature contractuelle en particulier lorsque l'on peut inférer des faits de la cause que les intéressés ont passé - à tout le moins par actes concluants - un contrat partiel spécial; cette hypothèse revêt une importance particulière en matière de prestations d'architecte, car, dans ce domaine, le principe de la confiance interdit, en règle générale, au destinataire de ce genre de prestations de partir de l'idée qu'une activité d'une certaine ampleur, déployée pour l'établissement d'un projet de construction, ne doit pas être rémunérée (ATF 119 II 40 consid. 2b p. 43 et les références doctrinales).
 
En l'espèce, le projet établi par la demanderesse revêt une certaine ampleur puisque, selon l'expert, le travail effectué représente des honoraires de 78 004 fr. Il n'en demeure pas moins que l'hypothèse envisagée dans la jurisprudence précitée n'est pas réalisée si l'on se réfère au contexte dans lequel la prestation a été exécutée. En effet, la défenderesse n'était pas la destinataire d'une étude à laquelle elle pouvait librement décider de donner suite ou non. L'étude de faisabilité de la demanderesse devait s'insérer dans le projet plus général de la défenderesse, lequel se trouvait en concurrence avec d'autres projets pour emporter l'adhésion de U.________, propriétaire des terrains de C.________. La prestation de la demanderesse a donc été fournie dans le cadre d'une sorte de concours, ce que l'intéressée n'ignorait pas. Par ailleurs, comme ses lettres des 13 novembre 1998 et 30 mars 1999 le démontrent, la demanderesse savait que la défenderesse, ne pouvant mener le projet seule, avait besoin d'un investisseur immobilier; c'est dire que, le cas échéant, la défenderesse ne serait pas en tant que telle la partenaire de U.________. En définitive, il s'agissait pour les deux parties de convaincre U.________ d'accorder un droit de superficie à une future société, peut-être composée de la défenderesse et de son partenaire financier, laquelle aurait recouru aux services de la demanderesse dans le cadre de l'exécution du projet.
 
Dans cette perspective, le rôle des parties au procès était bien défini, selon les constatations cantonales: la demanderesse devait établir les plans tandis que la défenderesse était chargée de trouver un partenaire financier solide. Une telle collaboration, a priori égalitaire, peut entrer dans la définition de la société simple au sens de l'art. 530 CO, les deux parties unissant leurs efforts en vue de remporter le «concours» mis sur pied par U.________. Cette construction expliquerait pourquoi la défenderesse présentait la demanderesse comme son architecte et pourquoi celle-ci apparaissait aux yeux du témoin E.________, employé de U.________, comme la représentante de celle-là. Dans un tel contexte, la prestation de la demanderesse consiste en une contribution à la société simple et n'appelle donc pas une rémunération de la part de l'autre associée.
 
Même sans qualifier les rapports juridiques entre parties, il n'apparaît pas non plus exclu que la demanderesse ait établi les plans gratuitement dans l'idée d'obtenir le contrat d'architecte une fois le projet de la défenderesse agréé par U.________. Il convient de rappeler à ce sujet que la demanderesse n'a pas réclamé d'honoraires pour les trois autres projets élaborés pour C.________ et qui ne sont pas venus à chef. Quant au projet de B.________, il ne résulte pas des faits constatés souverainement par la cour cantonale que les études préliminaires effectuées par la demanderesse aient donné lieu à une rémunération due indépendamment de la réalisation du complexe. Au contraire, selon le jugement cantonal qui n'a pas été attaqué sur ce point, la défenderesse n'a payé à la demanderesse que les honoraires relatifs à un mandat d'architecture d'intérieur bien précis, le reste des prestations de la demanderesse en matière immobilière ayant été réglé par T.________ SA.
 
Au surplus, rien dans le comportement de la demanderesse, tel qu'il ressort de l'état de fait cantonal, ne laisse transparaître que le bureau d'architecte entendait être payé par la défenderesse pour l'étude de faisabilité quel que soit le sort réservé au projet. Il est révélateur à cet égard d'observer que, dans la lettre accompagnant la note litigieuse, la demanderesse ne prétend pas qu'une rémunération aurait été convenue de tout temps, mais explique qu'elle réclame à présent des honoraires parce qu'elle estime que son partenaire n'a pas fait tout ce qui était possible pour faire triompher leur projet.
 
En conclusion, l'interprétation de l'attitude des parties selon la théorie de la confiance ne permet pas de conclure que la demanderesse entendait être payée par la défenderesse pour l'étude de faisabilité, ni, a fortiori, que la défenderesse devait comprendre ainsi le comportement de la demanderesse. Celle-ci, qui a le fardeau de la preuve, n'a pas démontré un accord sur le caractère onéreux de la prestation. Par conséquent, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en rejetant les prétentions émises par la demanderesse en relation avec le projet de C.________. Le recours sera rejeté.
 
5.
 
Vu l'issue de la procédure, la demanderesse prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et versera des dépens à la défenderesse (art. 159 al. 1 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 4000 fr. est mis à la charge de la demanderesse.
 
3.
 
La demanderesse versera à la défenderesse une indemnité de 5000 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
Lausanne, le 13 avril 2005
 
Au nom de la Ire Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: La Greffière:
 
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