VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 4C.65/2005  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 4C.65/2005 vom 28.04.2005
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4C.65/2005 /ech
 
Arrêt du 28 avril 2005
 
Ire Cour civile
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Nyffeler.
 
Greffier: M. Thélin.
 
Parties
 
A.________,
 
demandeur et recourant, représenté par Me Mauro Poggia,
 
contre
 
B.________,
 
défendeur et intimé, représenté par Me Jean de Saugy.
 
Objet
 
compétence à raison du lieu
 
recours en réforme contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2004 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Faits:
 
A.
 
Le 14 octobre 2003, A.________ a ouvert action contre B.________ devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Sa demande tendait au paiement de diverses sommes au total d'environ 56'400 fr. en capital, dont il considérait qu'elles lui étaient dues par suite de la mise à disposition d'un véhicule automobile. Il alléguait avoir prêté ce véhicule moyennant la prise en charge des frais, dont il réclamait le remboursement.
 
Le défendeur est domicilié en France. Il a contesté la compétence des tribunaux genevois. Il a allégué, notamment, que le demandeur n'était pas non plus domicilié dans le canton de Genève mais, lui aussi, en France.
 
Le Tribunal de première instance a rejeté l'exception d'incompétence par jugement du 19 mai 2004. Sur la base des pièces du dossier, il a constaté que le demandeur était domicilié à Genève. Par ailleurs, appliquant la théorie des faits de double pertinence, il a retenu que le contrat des parties avait été conclu dans l'intérêt du défendeur et que celui-ci s'était obligé à prendre en charge les frais du véhicule. En tant que ces derniers devaient être remboursés au demandeur, l'obligation s'exécutait au domicile de cette partie et les tribunaux genevois étaient compétents en vertu de l'art. 5 ch. 1 CL.
 
B.
 
Le défendeur ayant appelé à la Cour de justice, celle-ci a statué le 17 décembre 2004. Selon son prononcé, la situation de fait lors de l'introduction de la demande était déterminante. A cette époque, le demandeur avait certes certaines relations de droit administratif dans le canton de Genève mais il n'y disposait d'aucun logement avec cuisine et salle de bains. En revanche, il avait un logement en France voisine, à ... (Haute Savoie), qui n'était prétendument utilisé qu'à titre de résidence secondaire. La Cour a jugé qu'à défaut de véritable logement à Genève, le demandeur n'avait pas de résidence habituelle ni de domicile dans le canton. Accueillant l'appel, elle a annulé le jugement et déclaré que les tribunaux genevois n'étaient pas compétents pour connaître de la demande.
 
C.
 
Agissant par la voie du recours en réforme, le demandeur requiert le Tribunal fédéral, principalement, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et de lui renvoyer la cause pour nouvelle décision. A titre subsidiaire, il requiert le Tribunal fédéral de constater la compétence des tribunaux genevois et de renvoyer la cause à la Cour de justice.
 
Le défendeur conclut au rejet du recours.
 
Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable un recours de droit public que le demandeur a introduit contre le même prononcé.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Le recours est formé par une partie qui a succombé dans ses conclusions. Il est dirigé contre un jugement incident portant sur la compétence à raison du lieu, rendu en dernière instance cantonale par un tribunal suprême (art. 48 al. 1, 49 al. 1 OJ), dans une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est en principe recevable.
 
Le recours en réforme peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ), tandis qu'il ne permet pas de critiquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ni celle du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). En l'occurrence, le Tribunal fédéral n'a pas à contrôler, au regard de ce droit, la force probante d'un constat d'huissier judiciaire produit par le défendeur. Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4).
 
Selon l'art. 55 al. 1 let. c OJ, l'acte de recours doit indiquer les motifs correspondant aux conclusions. Il doit indiquer succinctement quelles sont les règles de droit fédéral tenues pour violées et en quoi consiste la violation. La désignation exacte des principes ou dispositions en cause n'est pas indispensable, pour autant que la motivation du recours permette de comprendre en quoi la décision attaquée est considérée comme contraire au droit fédéral; dans tous les cas, il incombe au recourant de réfuter les motifs de cette décision (ATF 127 III 397 consid. 2a p. 400; 116 II 92 consid. 2 p. 94; 116 II 745 consid. 3 p. 749). Les points qui ne sont pas critiqués de façon suffisamment détaillées échappent au contrôle du Tribunal fédéral.
 
2.
 
A teneur de l'art. 2 al. 1 de la Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (CL; RS 0.275.11), à laquelle la Suisse et la France sont l'une et l'autre parties, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant peuvent être poursuives, sans égard à leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat. Les dispositions particulières de la Convention sont cependant réservées. Au nombre de celles-ci, l'art. 5 ch. 1 CL prévoit que lorsque la demande est fondée sur une obligation contractuelle, le défendeur peut être recherché, quel que soit son domicile, devant les tribunaux du lieu où cette obligation a été ou doit être exécutée. Ces dispositions conventionnelles priment, en Suisse, les règles du droit interne concernant la compétence judiciaire en matière internationale (art. 1 al. 2 LDIP).
 
Il est constant que le défendeur a son domicile en France et qu'il devrait donc, en principe, être poursuivi devant les tribunaux de ce pays. Le demandeur invoque cependant l'art. 5 ch. 1 CL pour en déduire la compétence des tribunaux suisses et genevois. Il ne met pas en doute que le lieu d'exécution de l'obligation litigieuse, déterminant pour l'application de cette disposition, coïncide avec le lieu de son propre domicile, ainsi que cela a été retenu dans les deux instances cantonales. Il se plaint seulement d'une application prétendument erronée des règles concernant le domicile des personnes physiques, en tant que la Cour de justice lui dénie tout domicile dans le canton de Genève. C'est donc ce point, uniquement, qui est soumis au contrôle du Tribunal fédéral (art. 55 al. 1 let. c OJ).
 
Selon l'art. 52 al. 1 CL, le juge saisi applique la loi interne de l'Etat auquel il appartient pour déterminer si une partie a un domicile sur le territoire de cet Etat. Lorsque cette loi comporte une notion spécifique du domicile en matière internationale, telle que, en droit suisse, l'art. 20 al. 1 let. a LDIP, cette notion est pertinente (arrêt 5C.139/2002 du 26 septembre 2002, consid. 2.2). En tant que le demandeur fait état d'une résidence habituelle, aux termes de l'art. 20 al. 1 let. b LDIP, dans le canton de Genève, mais sans contester que l'obligation litigieuse soit exécutable à son domicile, son argumentation est vaine.
 
3.
 
Aux termes de l'art. 20 al. 1 let. a LDIP, une personne physique a son domicile dans l'Etat sur le territoire duquel elle réside avec l'intention de s'y établir. Cette règle correspond textuellement à la définition du domicile prévue à l'art. 23 al. 1 CC; toutefois, les règles particulières prévues aux art. 24 à 26 CC ne sont pas applicables en droit international privé (ATF 119 II 64 consid. 2b/aa p. 65; 119 II 167 consid. 2b p. 169). La définition repose sur deux critères, l'un objectif, relatif à la résidence effective de la personne concernée dans un lieu déterminé, l'autre subjectif, portant sur son intention de s'y établir durablement (ATF 119 II 167 consid. 2b p. 169 in fine; Bernard Dutoit, Droit international privé suisse: Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 4e éd., ch. 1 ad art. 20 LDIP; Max Keller et Jolanta Kren Kotskiewicz, Commentaire zurichois, 2e éd., ch. 18 ad art. 20 LDIP). L'élément objectif de la résidence effective est réalisé lorsque la personne habite au lieu en cause; la durée et les modalités de son installation permettent souvent d'évaluer, par déduction, si elle est établie ou prévoit de s'établir durablement, ou, au contraire, si elle n'envisage qu'un séjour temporaire ou intermittent (Eugen Bucher, Commentaire bernois, 1976, ch. 15 et 18 ad art. 23 CC; Daniel Staehlin, Commentaire bâlois, ch. 20 ad art. 23 CC). Quant à l'élément subjectif, la simple volonté alléguée par la personne concernée n'est pas suffisante; une intention manifestée objectivement et reconnaissable pour les tiers est nécessaire (ATF 120 III 7 consid. 2a p. 8). Les démarches administratives accomplies auprès des autorités locales, telles que l'inscription au contrôle des habitants, ne constituent que de simples indices qui peuvent être démentis par d'autres éléments (ATF 125 III 100 consid. 3 p. 101).
 
4.
 
La Cour de justice a tenu pour décisif le fait que le demandeur n'a à Genève aucun logement pourvu des commodités indispensables pour y vivre, telles qu'une cuisine et une salle de bains, alors qu'il est propriétaire d'un logement convenable en France voisine, qu'il l'a utilisé à l'époque de l'ouverture de l'action et qu'il l'utilise encore. La mère du demandeur habite à ..., soit également en France voisine et à proximité de ..., une maison individuelle dont il est copropriétaire. Sur la base de ces éléments, la Cour juge que le demandeur réside effectivement en France et qu'il y entretient des relations personnelles.
 
Le demandeur fait état de son ancien domicile à Genève, où il a accompli sa scolarité et des études universitaires, et a obtenu son permis de conduire. Il fait aussi valoir que son père et ses grands-parents paternels sont enterrés à Genève. Ayant quitté la Suisse en 1990, il a annoncé son retour en 1994 et a exercé une activité professionnelle à Genève jusqu'à la faillite de sa société en mai 2003. Or, ces circonstances antérieures à l'ouverture de l'action sont dépourvues de pertinence. Il en est de même des comptes bancaires que le demandeur détient en Suisse et des assurances qu'il a conclues avec des compagnies de ce pays car des personnes domiciliées à l'étranger peuvent aussi entretenir de telles relations économiques avec la Suisse.
 
Le demandeur perçoit des indemnités de l'assurance-chômage suisse et il est affilié à une caisse-maladie suisse; il est incorporé dans la protection civile et, citoyen suisse, il est inscrit au rôle des électeurs de la Ville de Genève. Il appartient à la communauté israélite de Genève. Il pratique régulièrement du sport à Genève; il y a fait immatriculer l'automobile remise au défendeur; il reçoit de la correspondance à son adresse genevoise et il a un abonnement de téléphonie mobile pour le réseau d'un opérateur suisse. Tous ces éléments constituent des indices valables en faveur d'un domicile du demandeur en Suisse. Néanmoins, la juridiction d'appel considère avec raison qu'ils ne sont pas suffisamment concluants au regard du fait que le demandeur détient et utilise un véritable logement en France voisine alors qu'il n'en a pas à Genève. Si fréquentes qu'elles soient, d'éventuelles nuitées chez des amis ou connaissances à Genève ne changent rien au fait que le demandeur réside là où il dispose effectivement d'un logement. Contrairement à son opinion, le Tribunal fédéral n'a donc pas lieu de faire compléter l'état de faits au sujet de ces nuitées. La Cour de justice retient à bon droit que le demandeur n'est pas domicilié à Genève mais à ..., en France. Par conséquent, le recours en réforme se révèle mal fondé et doit être rejeté.
 
5.
 
A titre de partie qui succombe, le demandeur doit acquitter l'émolument judiciaire et les dépens à allouer à la partie qui obtient gain de cause.
 
Le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 2'500 fr.
 
3.
 
Le demandeur acquittera une indemnité de 3'000 fr. à verser au défendeur à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 28 avril 2005
 
Au nom de la Ire Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).