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Informationen zum Dokument  BGer 5C.254/2004  Materielle Begründung
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BGer 5C.254/2004 vom 08.06.2005
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
5C.254/2004 / msi
 
Arrêt du 8 juin 2005
 
IIe Cour civile
 
Composition
 
MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann, Meyer, Hohl et Marazzi.
 
Greffière: Mme Michellod Bonard.
 
Parties
 
A.________,
 
demanderesse et recourante, représentée par Me Mauro Poggia, avocat,
 
contre
 
X.________ SA,
 
défenderesse et intimée, représentée par Me Pierre Vuille, avocat,
 
Objet
 
contrat d'assurance pour solde restant dû,
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 8 octobre 2004.
 
Faits:
 
A.
 
Le 19 mars 1997, A.________ a signé un contrat de leasing avec la banque B.________ par lequel cette dernière lui remettait, pour usage, un véhicule automobile de marque xxx, moyennant le paiement d'une redevance mensuelle de 1'181,55 fr. du 1er avril 1997 au 31 mars 2000.
 
Ce contrat contient la clause suivante: "outre les conditions stipulées ci-dessus, sont applicables les conditions contractuelles annexées qui font partie intégrante du présent contrat et dont le preneur de leasing déclare avoir expressément pris connaissance et formellement approuvé la teneur". Ces conditions générales contiennent notamment les dispositions suivantes: "8.1. Le crédit-bailleur souscrit sur la tête du preneur, personne physique, une assurance de solde restant dû. Cette police couvre les risques d'incapacité de gain ainsi que d'invalidité et est conclue dans le cadre d'un contrat d'assurance collective avec X.________ SA. 8.2. Le preneur confirme qu'il ne souffre pas de trouble de santé nécessitant un traitement ou un suivi médical et ne pas être en arrêt de travail".
 
L'assurance collective mentionnée à l'art. 8.1 des conditions générales du leasing fait l'objet d'un "contrat d'assurance de solde restant dû sur crédit personnel et leasing" conclu le 29 novembre 1995 entre la banque B.________ et X.________ SA, pour une durée de trois ans, du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1998. Selon l'art. 1 du premier chapitre de ce contrat, X.________ SA s'engage à assurer toutes les personnes physiques concluant avec la banque un contrat de leasing assorti d'une assurance de mensualités restant dues. X.________ SA assure ces personnes contre les conséquences économiques résultant de l'incapacité de travail (art. 3 al. 1). La prestation d'assurance en cas d'incapacité de travail consiste dans le versement d'une indemnité temporaire égale au montant de la mensualité, moyennant un délai d'attente de nonante jours (art. 3 al. 4). Font également partie de ce contrat les conditions générales pour l'assurance de solde restant dû (leasing), reproduites aux pages 3 à 5 de l'arrêt attaqué.
 
B.
 
Le 29 décembre 1994, A.________ avait été victime d'une chute avec contusion au genou droit. Elle a souffert à nouveau de ce genou le 19 mai 1997 et n'a plus été en mesure de travailler à partir du 20 mai 1997. La SUVA a cessé de verser ses prestations dès le 1er octobre 1997, estimant que l'incapacité de travail n'était plus justifiée. Le médecin de l'assurée a malgré tout continué à diagnostiquer une incapacité de travail totale.
 
A.________ n'a plus travaillé depuis le 20 mai 1997. Elle a cependant touché l'intégralité de son salaire et a été mise en retraite anticipée totale à compter du 1er mai 1999 pour raison de santé.
 
C.
 
Après avoir payé les quatre premières mensualités du leasing, A.________ a cessé tout paiement.
 
Par courrier du 27 août 1997, la banque B.________ a informé X.________ SA de l'incapacité de travail de A.________. X.________ SA a versé à la banque B.________ une indemnité de 1'614,80 fr., correspondant à la période du 20 août 1997 au 30 septembre 1997.
 
D.
 
Par demande déposée le 9 juillet 1999, A.________ a assigné X.________ SA en paiement de 23'600 fr. avec intérêts à 5% dès le 30 août 1998. Se fondant sur l'art. 8.1 des conditions générales du leasing et se prévalant de son incapacité de travail, elle a réclamé le paiement d'une indemnité correspondant aux mensualités de leasing dues entre le 1er octobre 1997 et le 31 mai 1999.
 
Le 4 septembre 2003, le Tribunal de première instance du canton de Genève a condamné X.________ SA à verser à la banque B.________, pour le compte de A.________, la somme de 23'600 fr. avec intérêts à 5% dès le 9 juillet 1999, à imputer sur le contrat de leasing du 19 mars 1997.
 
X.________ SA a appelé de ce jugement par acte du 13 octobre 2003.
 
E.
 
Le 19 mars 2004, alors que la demanderesse utilisait le véhicule depuis sept ans, la Cour de justice a, dans la cause opposant la banque B.________ à A.________ et C.________, constaté la nullité du contrat de leasing conclu le 19 mars 1997. Conformément à la jurisprudence (ATF 110 II 244 consid. 2d), elle a considéré que les parties se trouvaient dans une situation contractuelle de fait pendant la durée durant laquelle elles avaient exécuté de bonne foi le contrat nul, et que la restitution des prestations devait s'effectuer selon l'art. 226i al. 1 aCO, régissant les suites de la résiliation de la vente par acomptes. Le donneur de leasing pouvait ainsi réclamer un loyer équitable et une indemnité pour détérioration de la chose.
 
La cour cantonale a renvoyé la cause au Tribunal de première instance pour qu'il détermine l'amortissement normal du véhicule pendant la durée de mise à disposition, l'intérêt du capital dont la défenderesse a été privée pendant cette période, les éventuels frais justifiés de la défenderesse ainsi qu'une éventuelle indemnité pour détérioration de la chose, dépassant l'usage normal, le tout devant rester dans la limite imposée par l'art. 266i al. 1 in fine aCO. Cet arrêt n'a pas fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral.
 
F.
 
Statuant le 8 octobre 2004 sur l'appel de X.________ SA, la Chambre civile de la Cour de Justice a annulé le jugement du 4 septembre 2003 et débouté A.________ de toutes ses conclusions. Elle a estimé que l'obligation de X.________ SA s'était éteinte, conformément à l'art. 119 al. 1 CO, en raison de la nullité du contrat de leasing. La cour cantonale a, subsidiairement, appliqué par analogie les principes prévalant en matière de contrats complexes et jugé que la nullité du contrat de leasing entraînait la caducité du contrat d'assurance.
 
G.
 
A.________ interjette un recours en réforme contre l'arrêt du 8 octobre 2004. Elle invoque la violation des art. 1 et 119 CO, 1 LCA et du principe juridique "pacta sunt servanda", et conclut principalement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale. Subsidiairement, elle conclut à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que la défenderesse est condamnée à lui verser la somme de 23'600 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 9 juillet 1999. La recourante conclut en outre à l'octroi de l'assistance judiciaire.
 
Invitée à déposer une réponse, X.________ SA conclut au rejet du recours et à la condamnation de la recourante aux dépens.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions en paiement et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est recevable.
 
La partie recourante doit en principe prendre des conclusions sur le fond du litige et n'est autorisée à conclure à l'annulation de la décision attaquée que si le Tribunal fédéral, en cas d'admission du recours, n'est pas en mesure de statuer lui-même sur le fond et doit renvoyer la cause à l'autorité cantonale (art. 55 al. 1 let. b OJ, ATF 125 III 412 consid. 1b p. 414 et les références citées).
 
La partie recourante peut conclure principalement à l'annulation et subsidiairement à la réforme de l'arrêt attaqué lorsqu'elle considère, de manière compréhensible, que sa conclusion subsidiaire ne pourrait être accueillie en l'état, mais qu'elle entend néanmoins préserver ses droits dans le cas contraire (ATF 93 II 213 consid. 1 p. 216 s.).
 
En l'espèce, la demanderesse expose qu'elle présente des conclusions principales en annulation au motif que la cour cantonale, n'examinant que les conséquences de la nullité du contrat de leasing, ne s'est pas exprimée sur les autres arguments des parties, notamment en ce qui concerne la réticence, la nature du contrat d'assurance et la nécessité ou non d'un dommage.
 
Dans ces circonstances, il est compréhensible que la demanderesse ait choisi de prendre des conclusions principales en annulation et subsidiaires en réforme. Conformément à la jurisprudence exposée ci-dessus, cet ordre n'entraîne pas l'irrecevabilité du recours.
 
1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). En revanche, il ne permet pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1, 2e phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (art. 55 al. 1 let. C OJ).
 
Dans son examen du recours, le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b OJ); en revanche, il n'est lié ni par les motifs que les parties invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique de la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ). Il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par la partie recourante et peut également rejeter un recours en adoptant une autre argumentation juridique que celle retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252 et les références citées).
 
2.
 
2.1 La cour cantonale a estimé que la nullité du contrat de leasing libérait la demanderesse de ses obligations envers la banque, ce qui rendait l'exécution de la prestation de la défenderesse impossible. Cette dernière ne pouvait en effet suppléer au versement de mensualités dont la banque n'était plus créancière.
 
La demanderesse soutient au contraire que le risque assuré n'a pas disparu avec la constatation de la nullité du contrat de leasing, puisque ses propres obligations envers la banque ont perduré sur la base d'une relation contractuelle de fait.
 
2.2 Pour déterminer l'objet et le contenu d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Il incombe donc au juge d'établir, dans un premier temps, la volonté réelle des parties, le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 127 III 444 consid. 1b p. 445).
 
Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle est divergente, le juge doit interpréter les déclarations faites selon la théorie de la confiance. Selon ce principe, celui qui fait une déclaration de volonté adressée à autrui est lié par sa déclaration d'après le sens que le destinataire peut et doit lui attribuer de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (cf. ATF 130 III 417 consid. 3.2 p. 424 et les références citées).
 
En l'espèce, il n'apparaît pas que la cour cantonale ait déterminé la volonté réelle des parties au contrat d'assurance quant à la portée de celui-ci en cas de nullité du contrat de leasing. Dans un tel cas, il convient d'interpréter le contrat d'assurance selon la théorie de la confiance.
 
L'assurance collective mentionnée à l'art. 8.1 des conditions générales du leasing a pour titre "contrat d'assurance de solde restant dû sur crédit personnel et leasing". En signant ce contrat, la banque protège son patrimoine contre le risque de ne pas être remboursée par ses débiteurs, que leur dette se fonde sur un contrat de crédit personnel ou sur un contrat de leasing. Ce risque existe également si le contrat de leasing est nul, puisque la banque dispose alors d'une créance fondée sur une relation contractuelle de fait. Son besoin de couverture est le même que si le contrat avait été valable. Etant donné que cette créance (loyer équitable et indemnité pour détérioration) ne peut d'ailleurs excéder ce qu'elle aurait touché si le contrat de leasing avait été valable (ATF 110 II 244 consid. 2d; cf. art. 226i al. 1 aCO in fine), la banque était en droit de penser, de bonne foi, que le contrat d'assurance pour solde restant dû couvrait également la créance fondée sur la relation contractuelle de fait.
 
Il résulte de ce qui précède que le risque couvert par le contrat d'assurance conclu entre la banque et la défenderesse n'a pas disparu avec la déclaration de nullité du contrat de leasing. La défenderesse ne peut donc invoquer l'impossibilité d'exécution du contrat d'assurance pour se soustraire à ses obligations.
 
2.3 A titre subsidiaire, la cour cantonale a procédé à un raisonnement fondé sur les principes régissant les contrats complexes. Elle a ainsi considéré que, d'un point de vue économique, le contrat d'assurance dépendait de l'existence du contrat de leasing. Ce dernier étant nul, le contrat d'assurance devenait caduc.
 
Il n'est pas erroné d'analyser les deux contrats comme des contrats complexes, dans le sens où l'un dépend de l'existence de l'autre. En effet, le contrat d'assurance a bien pour objectif de couvrir une perte de revenu que pourrait subir la banque en cas de non paiement des mensualités. En ce sens, il dépend de l'existence du contrat de leasing. Toutefois, l'interprétation objective exposée ci-dessus démontre que le contrat d'assurance couvre aussi le loyer équitable et l'indemnité pour détérioration dus en cas de nullité du contrat de leasing. Le contrat d'assurance conserve donc sa raison d'être et n'est pas caduc du seul fait que le contrat de leasing est nul. La motivation subsidiaire de l'arrêt attaqué heurte par conséquent également le droit fédéral.
 
3.
 
Lorsqu'il admet un recours en réforme, le Tribunal fédéral peut statuer lui-même sur les conclusions en paiement s'il dispose des éléments de fait nécessaires. Il observe cependant une certaine retenue lorsque la cour cantonale ne s'est pas prononcée sur toutes les questions de fond.
 
En l'espèce, le bien-fondé des griefs de la demanderesse ne conduit pas encore à l'admission de ses conclusions en paiement. En effet, la défenderesse invoque, à l'appui de ses conclusions libératoires, le défaut de légitimation active de la demanderesse, l'existence d'un motif de réticence ainsi que l'absence de dommage. Dès lors que la cour cantonale ne s'est prononcée que sur l'incidence de la nullité du contrat de leasing sur le contrat d'assurance, il convient d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
 
4.
 
La défenderesse, qui succombe, supportera les frais de la procédure judiciaire (art. 156 al. 1 OJ) et versera à la demanderesse une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ).
 
La demanderesse a sollicité l'assistance judiciaire (art. 152 al. 1 OJ). Toutefois, dans la mesure où elle n'a pas à supporter de frais judiciaires, sa requête n'a plus d'objet.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse.
 
3.
 
La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
La requête d'assistance judiciaire de la demanderesse est sans objet.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 8 juin 2005
 
Au nom de la IIe Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
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