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Informationen zum Dokument  BGer 4C.124/2005  Materielle Begründung
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BGer 4C.124/2005 vom 26.07.2005
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4C.124/2005 /ech
 
Arrêt du 26 juillet 2005
 
Ire Cour civile
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss.
 
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
 
Parties
 
A.________,
 
défendeur et recourant,
 
contre
 
X.________ Sàrl,
 
demanderesse et intimée, représentée par Me Daniel Zbinden.
 
Objet
 
sous-location; expulsion; défaut de paiement du loyer; compensation; abus de droit,
 
recours en réforme contre l'arrêt de la IIe Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 2 février 2005.
 
Faits:
 
A.
 
Par contrat du 7 mai 2003, X.________ Sàrl (ci-après: X.________) a remis en sous-location à A.________ des locaux commerciaux situés dans un immeuble, à Fribourg. La durée initiale du contrat a été fixée du 15 mai 2003 au 31 décembre 2007. Le loyer mensuel convenu s'élevait à 2000 fr., y compris les frais accessoires.
 
Par lettre signature du 5 février 2004, X.________ a fait observer au sous-locataire que les loyers de mai 2003 à février 2004, d'un montant total de 19 000 fr., n'avaient pas été acquittés; en application de l'art. 257d al. 1 CO, elle a fixé à A.________ un délai de paiement de trente jours et l'a averti qu'elle résilierait le bail à défaut de règlement dans ce délai. Le sous-locataire a reçu ce courrier le 9 février 2004.
 
Aucun paiement n'est intervenu.
 
Par formule officielle du 9 mars 2004 reçue le lendemain par A.________, X.________ a résilié le contrat de sous-location pour le 30 avril 2004.
 
B.
 
Par requête du 24 mai 2004, X.________ a saisi le Président du Tribunal des baux de l'arrondissement de la Sarine d'une requête en expulsion de A.________ des locaux sous-loués.
 
Le juge a fait droit à cette requête dans un jugement du 10 août 2004.
 
Statuant le 2 février 2005 sur appel de A.________, la IIe Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a rejeté le recours et confirmé le jugement de première instance.
 
C.
 
A.________ interjette un recours en réforme. Il conclut à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que la requête d'expulsion est rejetée.
 
X.________ propose le rejet du recours.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
1.1 Selon l'art. 48 al. 1 OJ, le recours en réforme n'est recevable, en principe, que contre les décisions finales prises par les tribunaux suprêmes des cantons. En matière d'expulsion de locataire, lorsque, comme en l'espèce, la procédure n'est pas régie par l'art. 274g CO, le jugement d'évacuation peut être provisoire ou final suivant les règles adoptées par le canton (ATF 122 III 92 consid. 2b p. 94; 119 II 241 consid. 4a p. 244). Dans le canton de Fribourg, toute décision d'expulsion d'un locataire revêt un caractère final (Fabienne Hohl, L'expulsion de locataires de baux d'habitations et de locaux commerciaux, in Revue fribourgeoise de jurisprudence 1997, p. 59). Dès lors, l'arrêt attaqué, prononcé sur recours par la IIe Cour d'appel du Tribunal cantonal fribourgeois contre un jugement d'expulsion pour défaut de paiement du loyer, est une décision finale rendue en dernière instance par un tribunal supérieur sur une contestation civile (sur ce dernier point, cf. ATF 103 II 247 consid. 1a p. 250/251).
 
Le loyer est fixé à 2000 fr. par mois et le contrat de sous-location a été conclu pour plus de quatre et demi ans à partir du 15 mai 2003. Le seuil de 8000 fr. fixé pour la valeur litigieuse (art. 46 OJ) est manifestement atteint (sur la détermination de la valeur litigieuse en cas de contestation d'une résiliation, cf. ATF 119 II 147 consid. 1; 111 II 384 consid. 1).
 
Pour le surplus, interjeté par la partie condamnée à évacuer les locaux sous-loués et déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ), le recours est en principe recevable.
 
1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ), ni la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
 
Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2. p. 106, 136 consid. 1.4. p. 140; 127 III 248 consid. 2c).
 
Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127 III 247 consid. 2c p. 252).
 
Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des conclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les motifs développés par les parties (art. 63 al. 1 OJ; ATF 128 III 411 consid. 3.2.2 p. 415), ni par l'argumentation juridique suivie par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 128 III 22 consid. 2e/cc; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).
 
2.
 
2.1 Il convient d'examiner tout d'abord le second grief soulevé par le défendeur qui, apparemment, conteste que la condition de la demeure justifiant une résiliation anticipée du bail au sens de l'art. 257d CO soit réalisée. A cet égard, le sous-locataire reproche à la cour cantonale d'avoir méconnu l'art. 124 al. 1 CO; selon lui, elle aurait dû admettre qu'il avait invoqué la compensation en temps utile par acte concluant en remettant une note d'honoraires au représentant de la demanderesse à fin 2003.
 
2.2 Aux termes de l'art. 124 al. 1 CO, la compensation n'a lieu qu'autant que le débiteur fait connaître au créancier son intention de l'invoquer. Il s'agit là d'une déclaration de volonté formatrice, qui doit exprimer de manière non équivoque l'intention de compenser de son auteur (arrêt 4C.65/2003 du 23 septembre 2003, consid. 3.3; arrêt 4C.174/1999 du 14 juillet 1999, consid. 2b et les références, reproduit in SJ 2000 I p. 78). Dans le cas particulier, comme la cour cantonale l'a bien vu, la seule production d'une note d'honoraires, sans référence à la créance prétendument compensée, ne saurait à l'évidence valoir déclaration de compensation. Au demeurant, les arriérés de loyer enregistrés à fin 2003, au moment de la présentation de ladite note, s'élevaient déjà à 15 000 fr., soit 4000 fr. de plus que le montant de la facture soi-disant invoquée en compensation. De plus, aucun paiement n'est intervenu en janvier et février 2004. Par conséquent, le défendeur était bel et bien en demeure au moment de l'envoi de l'avis comminatoire du 5 février 2004. Le moyen tiré d'une violation de l'art. 124 al. 1 CO est manifestement mal fondé.
 
3.
 
3.1 Le défendeur se plaint également d'une violation de l'art. 2 al. 2 CC. A le suivre, la cour cantonale ne pouvait retenir un abus de droit de la part du sous-locataire, qui se prévalait de l'inefficacité du congé signifié un jour trop tôt.
 
3.2 Le congé litigieux a été donné par la sous-bailleresse en raison de la demeure du sous-locataire. Lorsque, après la réception de la chose, le locataire a du retard pour s'acquitter d'un terme, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai est de trente jours au moins pour les baux de locaux commerciaux (art. 257d al. 1 CO). Faute de paiement dans le délai imparti, le bailleur peut résilier le bail de locaux commerciaux, moyennant un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (art. 257d al. 2 CO).
 
S'il est notifié avant l'expiration du délai comminatoire, le congé est inefficace (cf. ATF 121 III 156 consid. 1c/aa p. 161; Lachat, Commentaire romand [ci-après: op. cit. CR], n. 9 ad art. 257d CO; le même, Le bail à loyer, n. 5.11, p. 213; Tercier, Les contrats spéciaux, 3e éd., n. 2152, p. 308; Roger Weber, Basler Kommentar, n. 9 ad art. 257d CO; Wessner, L'obligation du locataire de payer le loyer et les frais accessoires, in 9e Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1996, p. 23; Higi, Zürcher Kommentar, n. 47 et 57 ad art. 257d CO). A l'instar de l'acte nul, l'acte inefficace est dénué d'effet, ce qui peut être constaté en tout temps par une autorité compétente (cf. ATF 121 III 156 consid. 1c/aa p. 161; Lachat, op. cit. CR, n. 2 et 3 ad art. 266o CO; Bernard Corboz, Les congés affectés d'un vice, in 9e Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1996, p. 7).
 
L'invocation de la nullité ou de l'inefficacité d'un congé peut constituer un abus de droit (ATF 121 III 156 consid. 1c/bb p. 161/162; arrêt 4C.88/2003 du 1er juillet 2003, consid. 3, reproduit in SJ 2004 I p. 27; arrêt 4C.475/1993 du 28 mars 1995, consid. 3; arrêt 4C.465/1993 du 7 avril 1994, consid. 3c; Lachat, op. cit. CR, n. 3 ad art. 266o CO; Corboz, op. cit., p. 7). Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances concrètes du cas, en s'inspirant des diverses catégories mises en évidence par la jurisprudence et la doctrine (ATF 129 III 493 consid. 5.1 et les arrêts cités). L'adjectif «manifeste» indique qu'il convient de se montrer restrictif dans l'admission de l'abus de droit (consid. 5b non publié de l'ATF 128 III 284; arrêt 4C.225/2001 du 16 novembre 2001, consid. 2b). Les cas typiques sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (cf. ATF 129 III 493 consid. 5.1 et les arrêts cités; 127 III 357 consid. 4c/bb p. 364). La règle prohibant l'abus de droit autorise certes le juge à corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. Cependant, son application doit demeurer restrictive et se concilier avec la finalité, telle que le législateur l'a voulue, de la norme matérielle applicable au cas concret (ATF 107 Ia 206 consid. 3b p. 211 et les références citées).
 
3.3 En l'espèce, la résiliation datée du 9 mars 2004 est parvenue au sous-locataire le lendemain, soit le dernier jour du délai comminatoire. Intervenue avant l'expiration dudit délai, elle est inefficace. Il convient donc d'examiner si, comme la cour cantonale l'a admis, le défendeur commet un abus de droit en se prévalant de l'inefficacité du congé.
 
La fixation d'un délai de paiement, assortie de la menace de la résiliation du bail, telle qu'est prévue à l'art. 257d al. 1 CO, vise principalement à fournir au locataire une dernière occasion d'échapper aux conséquences pénibles du congé en lui accordant un minimum de temps pour se procurer les moyens nécessaires au paiement de l'arriéré de loyer (arrêt précité du 1er juillet 2003, consid. 3.2; Higi, op. cit., n. 31 ad art. 257d CO et les références).
 
Selon l'état de fait cantonal qui lie la juridiction de réforme, le défendeur en demeure n'a effectué aucun versement, même partiel, pendant le délai comminatoire ou après son expiration; il n'a pas non plus invoqué la compensation durant le délai de grâce. Depuis son entrée dans les locaux litigieux, le sous-locataire ne s'est même jamais acquitté du moindre loyer. En invoquant le caractère prématuré de la résiliation du 9 mars 2004 alors qu'il n'entendait manifestement pas régler les loyers arriérés pendant le délai comminatoire imparti, le défendeur adopte une attitude contraire tant à l'esprit de l'art. 257d CO, dont la finalité a été rappelée plus haut, qu'aux règles de la bonne foi (dans le même sens, à propos d'un avis comminatoire indiquant un délai de paiement inférieur aux trente jours légaux, arrêt précité du 1er juillet 2003, consid. 3.2). Partant, c'est à juste titre que la cour cantonale a qualifié d'abusif au sens de l'art. 2 al. 2 CC le fait pour le sous-locataire de se prévaloir de l'inefficacité de la résiliation anticipée signifiée par la sous-bailleresse.
 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être entièrement rejeté.
 
4.
 
Vu le sort réservé au recours, il y a lieu de mettre les frais judiciaires à la charge du défendeur (art. 156 al. 1 OJ). Ce dernier versera en outre des dépens à la demanderesse (art. 159 al. 1 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du défendeur.
 
3.
 
Le défendeur versera à la demanderesse une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la IIe Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
 
Lausanne, le 26 juillet 2005
 
Au nom de la Ire Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: La Greffière:
 
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