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Informationen zum Dokument  BGer 1P.275/2005  Materielle Begründung
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BGer 1P.275/2005 vom 04.08.2005
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1P.275/2005 /col
 
Arrêt du 4 août 2005
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Féraud, Président,
 
Reeb et Eusebio.
 
Greffier: M. Jomini.
 
Parties
 
A.________,
 
B.________,
 
recourants,
 
tous deux représentés par Me Benoît Bovay, avocat,
 
contre
 
Municipalité de Pully, 1009 Pully, représentée par
 
Me Jacques Haldy, avocat,
 
Tribunal administratif du canton de Vaud,
 
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.
 
Objet
 
autorisation de construire, transformation d'un bâtiment existant,
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du 31 mars 2005.
 
Faits:
 
A.
 
A.________ et B.________ (ci-après: les consorts A.________) sont propriétaires en commun de la parcelle n° 254 du registre foncier, sur le territoire de la commune de Pully. Il se trouve, sur ce bien-fonds de 187 m2, un bâtiment non habité, accessible depuis le chemin Davel (d'après le registre foncier, il s'agit d'un garage).
 
La parcelle précitée est comprise dans le périmètre du plan d'extension partiel (PEP) "Village de Pully", adopté par le conseil communal le 24 mars 1982 et approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 18 juin 1982. Ce plan délimite d'une part des "secteurs constructibles", dont l'affectation est définie aux art. 6 ss du règlement spécial (RPEP), et d'autre part des "secteurs inconstructibles", régis par les art. 12 ss RPEP. La parcelle n° 254 est classée dans le secteur inconstructible des "espaces verts", défini à l'art. 12 RPEP, dans les termes suivants:
 
"Les espaces verts sont destinés à garantir des dégagements importants à l'intérieur et aux abords du secteur.
 
Ils sont caractérisés par l'interdiction de bâtir et sont maintenus ou réaménagés au profit de l'agrément du site et de la mise en valeur de la silhouette des bâtiments. La création de chemins pour piétons et de places de jeux pour enfants y est autorisée."
 
B.
 
Les consorts A.________ ont soumis en mars 2004 à la Municipalité de la commune de Pully (ci-après: la municipalité) une demande de permis de construire pour transformer leur bâtiment en y aménageant, dans les volumes existants et sur deux niveaux, un logement de deux pièces avec cuisine; la toiture plate serait utilisée comme terrasse.
 
Le projet a été mis à l'enquête publique du 23 avril au 13 mai 2004. Il a suscité l'opposition d'une voisine dont le bâtiment, également au chemin Davel, est situé à proximité directe. Cette voisine affirmait que le nouvel appartement, donnant sur ses fenêtres, sa cour et son jardin, la priverait de toute intimité. Un autre voisin a déposé une observation, à propos de la cheminée du bâtiment projeté.
 
Par une décision prise le 1er septembre 2004 et communiquée aux consorts A.________ le 13 septembre 2004, la municipalité a refusé de délivrer l'autorisation requise. Elle a considéré, en substance, que le bâtiment n'était plus conforme à l'affectation de la zone - destinée au dégagement et non pas à l'habitation - et, qu'en vertu de l'art. 42 RPEP, son maintien dans l'état actuel était possible tant qu'il n'y avait pas de travaux de transformation ou d'aménagement importants; or la création d'un logement dans un bâtiment inoccupé constitue une transformation importante et une nouvelle atteinte à la réglementation en vigueur. Le projet a également été déclaré contraire à l'art. 80 de la loi cantonale vaudoise sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC), qui s'applique aux bâtiments existants non conformes aux règles de la zone à bâtir.
 
C.
 
Les consorts A.________ ont recouru le 1er octobre 2004 contre la décision municipale auprès du Tribunal administratif du canton de Vaud, en demandant à la juridiction cantonale de leur accorder l'autorisation de transformer leur bâtiment.
 
Après le dépôt de la réponse de la municipalité, les consorts A.________ ont requis, le 8 décembre 2004, la fixation d'une audience sur place. Les 16 et 28 décembre 2004, le juge instructeur a informé les parties qu'il n'y aurait pas d'inspection locale, aucun élément de fait n'étant contesté ni douteux.
 
Par un arrêt rendu le 31 mars 2005, le Tribunal administratif a rejeté le recours et il a confirmé la décision municipale du 13 septembre 2004. Il a en substance considéré que le projet de transformation litigieux, qui consiste à changer l'affectation d'un bâtiment non conforme aux règles de la zone à bâtir - celles de l'art. 12 RPEP applicables aux espaces verts -, va au-delà de ce que permet l'art. 80 LATC, tant du point de vue de l'atteinte à la réglementation en vigueur que des inconvénients pour le voisinage.
 
D.
 
Agissant par la voie du recours de droit public, les consorts A.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif. Ils se plaignent d'une violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) et d'une application arbitraire des règles de la loi cantonale sur la juridiction et la procédure administratives (LJPA), à cause du refus du Tribunal administratif d'effectuer une inspection locale avec les parties. Invoquant par ailleurs la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.), dont ils déduisent une garantie des droits acquis, ils prétendent que leur projet de transformations pouvait être autorisé sur la base des art. 80 LATC et 42 RPEP, et qu'il ne porte atteinte à aucun intérêt prépondérant. Les recourants requièrent une inspection locale.
 
La municipalité conclut au rejet du recours.
 
Le Tribunal administratif a renoncé à répondre au recours.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Le Tribunal fédéral peut statuer sur la base du dossier, sans mesures d'instruction supplémentaires.
 
2.
 
Les recourants se plaignent d'une violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) et d'une application arbitraire de l'art. 48 LJPA. En premier lieu, ils déduisent de l'arrêt attaqué que, pour décrire la situation de l'immeuble litigieux, le Tribunal administratif a nécessairement effectué une inspection des lieux; or les parties auraient dû être associées à cette mesure d'instruction. En second lieu, ils soutiennent qu'une inspection locale était indispensable pour apprécier le problème posé par la topographie et la configuration des lieux.
 
2.1 Aux termes de l'art. 48 LJPA, le magistrat instructeur peut ordonner, d'office ou sur requête, l'administration de différentes preuves, notamment une inspection locale (art. 48 al. 1 let. d LJPA). Cette disposition confère un certain pouvoir d'appréciation à ce magistrat. Les recourants ne prétendent pas que ce pouvoir d'appréciation devrait s'exercer selon d'autres critères que ceux déduits par la jurisprudence de la garantie constitutionnelle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst. - cf. consid. 2.3 infra).
 
2.2 Il ne ressort pas du dossier que le Tribunal administratif aurait effectué une inspection locale sans les parties. Les recourants ne fournissent aucun indice sérieux dans ce sens. Il reste donc à examiner si le refus d'ordonner l'inspection locale requise est conforme à la Constitution fédérale.
 
2.3 Dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. confère aux parties le droit d'obtenir l'administration des preuves valablement offertes, à moins que celles-ci portent sur un fait dépourvu de pertinence ou qu'elles soient manifestement inaptes à faire apparaître la vérité quant au fait en cause. Par ailleurs, le juge est autorisé à effectuer une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles et, s'il peut admettre de façon exempte d'arbitraire qu'une preuve supplémentaire offerte par une partie serait impropre à ébranler sa conviction, refuser d'administrer cette preuve (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211; 122 V 157 consid. 1d p. 162; 119 Ib 492 consid. 5b/bb p. 505).
 
Les éléments de fait retenus pour décrire la configuration des lieux dans l'arrêt attaqué (distance entre le bâtiment litigieux et la propriété voisine, légère pente du terrain, en particulier) ressortent du dossier, notamment des plans joints à la demande de permis de construire et d'un élément du plan d'extension partiel intitulé "Elévations - types des bâtiments sur rues". Comme cela sera exposé plus bas, la question décisive en l'espèce est celle de savoir s'il résulte des travaux de transformation une atteinte sensible au développement, au caractère ou à la destination de la zone, voire une aggravation de l'atteinte à la réglementation en vigueur ou des inconvénients pour le voisinage (art. 80 al. 2 LATC; cf. infra, consid. 3). Sous l'angle du droit communal, il s'agissait également d'examiner la conformité du projet litigieux à l'affectation de la zone, telle qu'elle est définie par le plan d'extension partiel (art. 12 et 42 RPEP). On ne voit pas quels faits pertinents, pour l'application de ces normes cantonales et communales, n'auraient pu être établis qu'à l'occasion d'une inspection locale: en particulier, les inconvénients pour le voisinage ont été évalués en fonction de la proximité entre les bâtiments concernés, qui peut être constatée sur les plans, et la portée du régime en vigueur dans les "espaces verts" ne dépend pas, d'après le règlement communal, des caractéristiques des différentes parcelles (art. 12 RPEP). C'est donc sans arbitraire que le Tribunal administratif a considéré que le dossier était suffisant pour lui permettre de se prononcer sur les questions litigieuses. Le grief de violation du droit d'être entendu est mal fondé.
 
3.
 
Les recourants se plaignent d'une violation de la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.) et de la garantie des droits acquis. Ils font valoir que les transformations de leur bâtiment, même s'il se trouve actuellement dans un secteur inconstructible de la zone à bâtir, sont compatibles avec les dispositions des art. 80 LATC et 42 RPEP.
 
3.1 En se prévalant de la garantie des droits acquis, les recourants citent un arrêt du Tribunal fédéral selon lequel la protection de la situation acquise (Besitzstandsgarantie) - déduite de la garantie de la propriété et du principe de la non-rétroactivité des lois - commande que de nouvelles dispositions restrictives ne puissent être appliquées à des constructions autorisées conformément à l'ancien droit que si un intérêt public important l'exige et si le principe de la proportionnalité est respecté. Les cantons peuvent assurer cette protection dans une mesure plus étendue; ils ne sauraient cependant aller à l'encontre des exigences majeures de l'aménagement du territoire (ATF 113 Ia 119, notamment consid. 2a p. 122).
 
La décision attaquée n'impose aucune restriction nouvelle pour l'usage du petit bâtiment litigieux, que les recourants, propriétaires d'un logement voisin, déclarent utiliser actuellement comme buanderie et dépôt. Le droit cantonal n'exclut pas par principe des travaux allant au-delà de l'entretien ou de la réparation (cf. art. 80 al. 1 LATC). En effet, aux termes de l'art. 80 al. 2 LATC, les bâtiments existants non conformes aux règles de la zone à bâtir entrées en force postérieurement peuvent être transformés, dans les limites des volumes existants, ou agrandis, pour autant qu'il n'en résulte pas une atteinte sensible au développement, au caractère ou à la destination de la zone; les travaux ne doivent pas aggraver l'atteinte à la réglementation en vigueur ou les inconvénients qui en résultent pour le voisinage. Les recourants ne prétendent pas que cette norme du droit cantonal, autorisant à certaines conditions les transformations et les agrandissements, serait en soi contraire à la garantie de la propriété. L'intérêt public d'une telle réglementation est évident et les critères retenus permettent de tenir compte du principe de la proportionnalité.
 
Cela étant, un refus d'autorisation d'agrandir ou de transformer, sur la base de l'art. 80 al. 2 LATC, ne constitue pas une restriction grave du droit de propriété. Aussi le Tribunal fédéral n'examine-t-il que sous l'angle de l'arbitraire l'application des règles du droit cantonal à ce sujet (ATF 130 I 360 consid. 14.2 p. 362; 129 I 173 consid. 2.2 p. 177; 126 I 213 consid. 3a p. 218; pour la définition de l'arbitraire, cf. art. 9 Cst. et ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275; 128 II 259 consid. 5 p. 280).
 
3.2 Les recourants invoquent également une norme du droit communal, l'art. 42 RPEP - entré en vigueur plus de quatre ans avant l'art. 80 LATC -, qui dispose que les bâtiments existants, non conformes aux dispositions du plan d'extension partiel, peuvent être maintenus dans leur état actuel aussi longtemps qu'ils ne subissent pas de travaux de transformation ou d'aménagement importants (al. 1); dans le cas contraire, ils sont adaptés aux caractéristiques architecturales et aux gabarits fixés ainsi qu'aux dispositions réglant leur affectation (al. 2).
 
Le Tribunal administratif n'a pas accordé à cette disposition une portée différente de celle de l'art. 80 LATC puisqu'il s'est borné à appliquer cette dernière norme. D'une façon générale, s'agissant de la réglementation applicable aux bâtiments existants non conformes aux règles de la zone à bâtir, il n'est pas arbitraire de conférer la même portée à l'art. 80 LATC, d'une part, et à une règle du droit communal adoptée antérieurement, avant que la loi cantonale ne règle plus précisément cette question, d'autre part (cf. notamment Raymond Didisheim, Le statut des ouvrages non réglementaires en droit vaudois, particulièrement dans les zones à bâtir, RDAF 1987 p. 397). Dans le cas présent, on peut s'interroger sur la signification de la règle de l'art. 42 al. 2 RPEP, qui prescrit l'adaptation des bâtiments existants transformés "aux dispositions réglant leur affectation". Les recourants soutiennent que l'affectation des bâtiments privés - dont le leur - à l'intérieur du périmètre général du plan d'extension partiel est définie à l'art. 16 RPEP, qui dispose que ces bâtiments sont notamment destinés au logement. Or le Tribunal administratif a considéré que cette règle n'était pas applicable à une construction jamais affectée au logement et "tolérée en zone inconstructible"; en d'autres termes, la définition de l'"affectation des bâtiments" à l'art. 16 RPEP ne viserait que les bâtiments classés dans les sous-périmètres ou secteurs constructibles (art. 6 ss RPEP), et par conséquent pas le bâtiment litigieux. En conséquence, seul l'art. 12 RPEP réglerait l'affectation des bâtiments dans les espaces verts inconstructibles. Les recourants ne cherchent pas à démontrer - à tout le moins pas d'une manière suffisamment claire et explicite, conforme aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ - que cette interprétation du règlement communal serait arbitraire (cf. ATF 129 I 185 consid. 1.6 p. 189; 127 III 279 consid. 1c p. 282; 126 III 534 consid 1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p. 76). Seul le grief d'arbitraire dans l'application de l'art. 80 LATC doit donc être examiné.
 
3.3 Le Tribunal administratif a retenu que le projet des recourants impliquerait un changement d'affectation d'un bâtiment non conforme à la réglementation d'un secteur de la zone à bâtir qui doit rester libre de toutes constructions et ne peut accueillir ni habitations, ni même de simples dépendances. Il a considéré que la nouvelle affectation constituerait non seulement une aggravation de l'atteinte à la réglementation en vigueur, mais également des nuisances pour le voisinage proche, à cause de l'utilisation accrue de la parcelle. C'est donc à deux titres que le projet a été jugé contraire à l'art. 80 al. 2 LATC: d'abord à cause de l'atteinte sensible à la destination de la zone (ou de l'aggravation de l'atteinte à la réglementation en vigueur), puis à cause des inconvénients pour le voisinage. Comme ces conditions sont cumulatives (cf. Benoît Bovay, Le permis de construire en droit vaudois, 2e éd. Lausanne 1988, p. 165), il suffit que l'une d'entre elles ne soit pas satisfaite pour justifier le refus de l'autorisation.
 
En l'occurrence, dès lors que le secteur des espaces verts est en principe inconstructible, sous réserve de chemins pour piétons et de places de jeux pour enfants (art. 12 RPEP), il n'est pas arbitraire de considérer qu'une transformation complète en bâtiment d'habitation d'un ancien garage ou buanderie - devenu contraire à la réglementation de l'art. 12 RPEP - créerait une nouvelle atteinte significative à la destination de la zone. Les recourants qualifient leur projet de modeste; or l'ensemble de leur bâtiment, y compris le toit (terrasse), aurait une nouvelle affectation. Contrairement à ce qu'ils allèguent, le sens de la réglementation communale n'est pas, à terme, de vouer les espaces verts à la construction de logements mais de les maintenir inconstructibles; la création d'une nouvelle habitation est clairement contraire à la réglementation applicable à ce secteur de la zone à bâtir. En appliquant ainsi, de manière soutenable, l'art. 80 al. 2 LATC, le Tribunal administratif n'a donc pas violé la garantie de la propriété. Il est partant superflu d'examiner si, au surplus, le projet litigieux peut être la source d'inconvénients pour le voisinage. Les griefs des recourants doivent en conséquence être rejetés.
 
4.
 
Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais de la présente procédure (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux collectivités publiques intimées (art. 159 al. 1 et 2 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours de droit public est rejeté.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge des recourants.
 
3.
 
Il n'est pas alloué de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des recourants et de la Municipalité de Pully ainsi qu'au Tribunal administratif du canton de Vaud.
 
Lausanne, le 4 août 2005
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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