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Informationen zum Dokument  BGer 4C.160/2005  Materielle Begründung
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BGer 4C.160/2005 vom 12.08.2005
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4C.160/2005 /ech
 
Arrêt du 12 août 2005
 
Ire Cour civile
 
Composition
 
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Nyffeler et Favre.
 
Greffier: M. Ramelet.
 
Parties
 
les époux A.W.________ et B.W.________,
 
demandeurs et recourants, représentés par Me Nathalie Landry,
 
contre
 
SI F.________,
 
défenderesse et intimée, représentée par Me Patrick Blaser.
 
Objet
 
contrat de conciergerie,
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève du 14 mars 2005.
 
Faits:
 
A.
 
A.a Par contrat du 7 octobre 1976, les SI D.________, E.________, F.________, G.________, H.________ ont engagé dès le 1er novembre 1976 (art. 64 al. 2 OJ) les époux A.W.________ et B.W.________ (les demandeurs) en qualité de concierges d'immeubles sis au chemin R.________, à Genève. Le contrat prévoyait qu'un appartement de 4 pièces situé au 1er étage de l'un des immeubles serait attribué aux prénommés à titre de logement de fonction.
 
B.W.________ étant devenue dès le 1er novembre 1992 totalement incapable de travailler pour raisons médicales, le contrat de travail n'a été maintenu, selon un avenant du 6 octobre 1992, qu'entre les sociétés propriétaires et A.W.________.
 
Au 1er novembre 2000, le loyer se montait à 10'872 fr. par an (906 fr. par mois), charges non comprises.
 
A.b Au cours de l'année 2001, A.W.________ a informé la SI F.________ (la défenderesse) qu'il se trouverait à son tour en incapacité totale de travail dès le 1er novembre 2001. La représentante de la défenderesse a alors établi le 9 août 2001 un contrat de bail à loyer liant la SI F.________ et les demandeurs, lequel portait sur l'appartement que ces derniers occupaient jusqu'alors; le bail entrait en vigueur le 1er novembre 2001. Le loyer a fait l'objet d'un avis de fixation officielle daté du 8 août 2001, qui le portait à 15'600 fr. par an (1'300 fr. par mois) à partir du 1er novembre 2001, charges non comprises.
 
Il a été retenu que les demandeurs ont reçu le contrat de bail et l'avis officiel au plus tard le 5 septembre 2001.
 
B.
 
Le 24 octobre 2001, les époux A.W.________ et B.W.________ ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête en contestation du loyer initial. Ils ont allégué que ce loyer était abusif et requis un calcul de rendement, le loyer de l'appartement devant être fixé à 10'872 fr. par an, sans les charges, dès le 1er novembre 2001. La conciliation ayant échoué, la cause a été portée par les locataires devant le Tribunal genevois des baux et loyers. Devant cette instance, les demandeurs, sur la base d'un nouveau calcul, ont conclu à ce que le loyer admissible soit fixé à 5'496 fr. par an; ils ont également présenté une demande additionnelle tendant à l'exécution de divers travaux d'entretien.
 
Par jugement du 28 novembre 2003, le Tribunal des baux et loyers a estimé que les conditions de recevabilité de l'action en contestation du loyer initial étaient réunies. Procédant à un calcul de rendement, il a arrêté le loyer admissible à 5'568 fr. par an. Le tribunal a encore rejeté la demande concernant les travaux d'entretien.
 
Saisie d'un appel de la défenderesse, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève, par arrêt du 14 mars 2005, a annulé le jugement précité et, statuant à nouveau, dit que le loyer de l'appartement occupé par les demandeurs est fixé à 15'600 fr. l'an, charges non comprises, dès le 1er novembre 2001. En substance, la cour cantonale a considéré que les parties étaient déjà liées par un bail portant sur le même objet, de sorte que le litige ne concernait pas la fixation d'un loyer initial, mais qu'il devait être examiné sous l'angle d'une majoration de loyer. Comme l'avis officiel a en tout cas été reçu par les locataires le 5 septembre 2001, le délai de 30 jours pour saisir la Commission de conciliation avait commencé à courir le 6 septembre 2001, si bien que la requête en contestation formée le 24 octobre 2001 était tardive. Certes, la défenderesse n'avait pas invoqué la tardiveté de la contestation devant les premiers juges. S'agissant d'un délai de péremption, le Tribunal des baux et loyers aurait toutefois dû contrôler d'office la recevabilité de ladite contestation et la rejeter pour cause de tardiveté. La Chambre d'appel en a déduit que le jugement critiqué devait être annulé, l'augmentation de loyer notifiée par la bailleresse étant validée.
 
C.
 
Les époux A.W.________ et B.W.________ recourent en réforme au Tribunal fédéral. Ils requièrent qu'il soit constaté que la requête en contestation du loyer initial est recevable, que le loyer de leur appartement soit fixé à 5'568 fr. par année, sans les charges, dès le 1er novembre 2001, que la bailleresse soit condamnée à restituer aux locataires le trop-perçu en découlant et que soit ordonnée la libération de la garantie de loyer constituée en début du bail en tant qu'elle dépasse trois mois du nouveau loyer. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à la cour cantonale pour instruction dans le sens des considérants.
 
Par décision incidente du 2 juin 2005, la Ire Cour civile a fait droit à la requête d'assistance judiciaire présentée par les recourants et leur a désigné l'avocate Nathalie Landry comme conseil d'office.
 
L'intimée propose le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt attaqué.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
1.1 Interjeté par les parties qui ont succombé dans leur requête en contestation de loyer et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).
 
S'agissant d'un bail reconductible tacitement, soit de durée indéterminée (ATF 114 II 165 consid. 2b), il convient de tenir compte, pour le calcul de la valeur litigieuse, de l'augmentation du loyer annuel contestée devant la dernière instance cantonale, puis de multiplier le montant ainsi obtenu par vingt (art. 36 al. 5 OJ; ATF 121 III 397 consid. 1). En l'espèce, la hausse annuelle en jeu est de 10'032 fr. (15'600 fr. - 5'568 fr.). Multiplié par vingt, ce montant est largement supérieur à la valeur litigieuse de 8'000 fr. qui ouvre la voie de la réforme (art. 46 OJ).
 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4).
 
2.
 
Les recourants font grief à la cour cantonale d'avoir violé les art. 270 al. 1, 269d al. 1 et 270b al. 1 CO en retenant que leur requête du 24 octobre 2001 portait sur une majoration de loyer en cours de bail et non sur une contestation du loyer initial. Rappelant que les parties avaient conclu en 1976 un contrat de conciergerie, ils soutiennent que l'aspect du contrat de travail était alors prépondérant. Selon les demandeurs, les plaideurs ont été liés tout d'abord par un contrat de travail jusqu'au 31 octobre 2001, puis par un contrat de bail dès le 1er novembre 2001, soit par deux types de contrats absolument distincts.
 
A supposer même que l'avis de fixation officielle du 8 août 2001 ait constitué un avis de hausse de loyer, celui-ci aurait dû être reçu par les locataires trois mois et dix jours avant le début du délai de résiliation, c'est-à-dire le 21 juillet 2001 au plus tard. La Cour de justice aurait ainsi dû constater la nullité de cette majoration de loyer en cours de bail.
 
Enfin, les recourants font valoir que dans la mesure où l'intimée a soulevé pour la première fois en appel que la requête en contestation du loyer initial était irrecevable, l'autorité cantonale, en application de l'art. 274d al. 3 CO, aurait dû ordonner aux parties de compléter l'état de fait ou bien renvoyer l'affaire aux premiers juges pour instruction complémentaire. Comme le contrat de bail n'est devenu parfait que le 26 septembre 2001, poursuivent-ils, lorsque la régie immobilière leur a retourné le contrat de bail et l'avis de fixation signés, la requête en contestation du loyer initial du 24 octobre 2001 était bel et bien recevable.
 
3.
 
3.1 Il résulte de l'état de fait déterminant (art. 63 al. 2 OJ) que la défenderesse, avec quatre autres sociétés immobilières, ont engagé les demandeurs à partir du 1er novembre 1976 en qualité de concierges d'immeubles sis au chemin R.________ à Genève. Dans ce cadre, les recourants pouvaient disposer d'un appartement de fonction de 4 pièces dans l'un des immeubles.
 
Il appert donc que les parties ont été liées dès la fin 1976 par un contrat de conciergerie. Cette convention constitue un contrat mixte qui combine des prestations du contrat individuel de travail et du contrat de bail à loyer, en sorte qu'elle est régie par le droit du contrat de travail pour ce qui a trait à l'activité de conciergerie et par le droit du bail pour la cession de l'usage du logement mis à disposition du concierge. C'est seulement pour la résiliation que le régime contractuel applicable dépendra de la prestation prépondérante (cf. Pierre Tercier, Les contrats spéciaux, 3e éd., n. 1760, p. 256; Pierre Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd., p. 293). Autrement dit, depuis le 1er novembre 1976, les plaideurs avaient noué un contrat de bail à loyer en ce qui concernait le logement de fonction des concierges.
 
B.W.________ étant devenue totalement incapable de travailler dès le 1er novembre 1992, l'activité de concierge a été reprise par son époux seul dès cette date, les demandeurs continuant d'occuper l'appartement de fonction. Neuf ans plus tard, A.W.________ n'a plus été en mesure de travailler pour raisons médicales. La représentante de la défenderesse a alors établi le 9 août 2001 un contrat de bail à loyer portant sur le même logement, dont l'entrée en vigueur était fixée au 1er novembre 2001; le loyer a été porté à 15'600 fr. par an à partir de ce terme selon un avis de fixation officielle du 8 août 2001.
 
On voit donc que l'intimée a proposé en été 2001 un nouveau contrat de bail aux locataires (i.e. les demandeurs) ayant pour objet l'appartement même dont elle leur avait cédé l'usage - comme logement de fonction - 25 ans plus tôt. Dans un tel cas, les locataires qui contestent le loyer ainsi arrêté - à l'instar des recourants par requête du 24 octobre 2001 - s'en prennent à une augmentation de loyer et non au loyer initial, puisque celui-ci avait été convenu au moment de la passation du contrat de conciergerie, combinaison d'un premier bail et d'un contrat de travail (cf. ATF 99 II 297 consid. 2; Tercier, op. cit., n. 2405, p. 347).
 
3.2 A teneur de l'art. 270b al. 1 CO, le locataire qui estime qu'une majoration de loyer est abusive au sens des art. 269 et 269a CO peut la contester devant l'autorité de conciliation dans les 30 jours qui suivent l'avis de majoration.
 
D'après la doctrine moderne, il s'agit d'un délai de péremption, dont le respect doit être examiné d'office par le juge (Peter Higi, Commentaire zurichois, n. 28 ad art. 270b CO; David Lachat, Commentaire romand, n. 2 ad art. 270b CO; SVIT-Kommentar Mietrecht, 2e éd., n. 8 ad art. 270b CO). L'avis de ces auteurs, qui répond à la sécurité du droit nécessaire dans le contentieux de la majoration de loyer, doit être suivi. Il suit de là que la jurisprudence contraire résultant du considérant 2 non publié de l'ATF 108 II 470, laquelle avait trait à l'observation de l'art. 18 al. 2 AMSL, ne peut plus être maintenue.
 
Il a été retenu que les demandeurs ont reçu l'avis de hausse de loyer en tout cas le 5 septembre 2001. Partant, la requête de contestation qu'ils ont adressée à l'autorité de conciliation le 24 octobre 2001, soit 49 jours plus tard, est manifestement tardive.
 
3.3 L'art. 269d al. 1 CO dispose que le bailleur peut en tout temps majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation. L'avis de majoration du loyer, avec indication des motifs, doit parvenir au locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et être effectué au moyen d'une formule agréée par le canton.
 
Le préavis de résiliation est de trois mois pour les habitations (art. 266c in initio CO).
 
Lorsque les parties - comme c'est le cas en l'espèce - ne sont convenues d'aucune échéance, celle-ci résulte de l'usage local ou, à défaut, de la loi (art. 266c in fine CO).
 
A Genève, il n'y a aucun usage local (David Lachat, Le bail à loyer, p. 422, n. 2.6). En pareil cas, pour les logements, l'échéance correspond à la fin d'un trimestre à compter depuis le début du bail (SVIT-Kommentar Mietrecht, n. 26 ad art. 266b-266f CO; Lachat, Le bail à loyer, p. 422, n. 2.7).
 
In casu, le bail des demandeurs a pris naissance le 1er novembre 1976, date de l'entrée en vigueur du contrat de conciergerie conclu par les parties. Le bail pouvait donc être résilié pour les quatre échéances annuelles des 31 janvier, 30 avril, 31 juillet et 31 octobre.
 
Il ressort de l'arrêt déféré que l'avis de fixation reçu par les recourants le 5 septembre 2001 au plus tard augmentait le loyer à 15'600 fr. par an à partir du 1er novembre 2001. Il apparaît nettement que l'avis de fixation en cause n'a pas respecté le délai de l'art. 269d al. 1 CO, à savoir trois mois de préavis plus 10 jours.
 
En cas de notification tardive de la hausse de loyer, sa prise d'effet est reportée à l'échéance contractuelle suivante (art. 266a al. 2 CO par analogie; ATF 107 II 189 consid. 3; Lachat, Commentaire romand, n. 7 ad art. 269d CO; Higi, op. cit., n. 157 ad art. 269d CO).
 
L'avis de majoration du 8 août 2001 n'ayant pas observé le délai légal susrappelé, ses effets ont été reportés au plus prochain terme légal de résiliation, soit au 31 janvier 2002. Ce n'est donc qu'au 1er février 2002 - et non au 1er novembre 2001 - que le loyer des demandeurs doit être fixé à 15'600 fr. l'an, charges non comprises.
 
Le recours doit être partiellement admis sur ce point.
 
4.
 
En définitive, les recourants n'obtiennent gain de cause que sur la question de la prise d'effet de l'avis de fixation du loyer, laquelle est repoussée d'un trimestre. A considérer cette modification minime de l'arrêt attaqué, il convient d'admettre que les recourants succombent. Plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, ils n'ont pas à payer les frais de justice (art. 152 al. 1 OJ).
 
Il est de jurisprudence que la partie au bénéfice de l'assistance judiciaire, dans la mesure où elle perd le procès, peut être condamnée aux dépens de sa partie adverse (ATF 122 I 322 consid. 2c). Partant, les recourants devront payer solidairement à l'intimée une indemnité à titre de dépens, qu'il convient de réduire au vu de la disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès (art. 7 al. 2 du tarif pour les dépens alloués à la partie adverse dans les causes portées devant le Tribunal fédéral, RS 173.119.1). Les honoraires du conseil d'office des recourants, qui sera rémunéré par la Caisse du Tribunal fédéral (art. 152 al. 2 OJ), seront réduits dans la même mesure (art. 9 dudit tarif).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est partiellement admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que le loyer de l'appartement occupé par les recourants au 1er étage de l'immeuble no W.________ sis au chemin R.________ est fixé à 15'600 fr. l'an, charges non comprises, dès le 1er février 2002.
 
2.
 
Il n'est pas perçu de frais de justice.
 
3.
 
Les recourants verseront solidairement à l'intimée une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
La Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Nathalie Landry, à titre d'indemnité d'avocat d'office, une indemnité de 3'000 fr.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.
 
Lausanne, le 12 août 2005
 
Au nom de la Ire Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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