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Informationen zum Dokument  BGer 5C.97/2005  Materielle Begründung
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BGer 5C.97/2005 vom 15.09.2005
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
5C.97/2005 /frs
 
Arrêt du 15 septembre 2005
 
IIe Cour civile
 
Composition
 
MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,
 
Nordmann, Escher, Hohl et Marazzi.
 
Greffier: M. Oulevey.
 
Parties
 
X.________,
 
Y.________,
 
demandeurs et recourants,
 
tous deux représentés par Me Mike Hornung, avocat,
 
contre
 
Z.________,
 
défenderesse et intimée, représentée par Me Michel Bergmann, avocat,
 
Objet
 
contrat d'assurance, art. 20 al. 1 LCA, preuve de la sommation
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile
 
de la Cour de justice du canton de Genève
 
du 18 février 2005.
 
Faits:
 
A.
 
En 1998, la société A.________, dont l'administrateur avec signature individuelle était B.________, a conclu auprès de Z.________ une police d'assurance de prévoyance, où était stipulé le paiement d'un montant de 550'000 fr. en cas de décès de B.________.
 
En octobre 1998, la preneuse a remis cette police en gage à la Banque C.________, en garantie d'un prêt que cet établissement lui avait accordé. L'assureur a fait savoir à la banque qu'il avait pour pratique d'aviser le créancier gagiste s'il envisageait d'annuler pour non-paiement des primes une police remise en nantissement, mais qu'il n'assumait aucune obligation en ce sens et déclinait toute responsabilité si cet avis faisait défaut.
 
A.________ n'a pas acquitté la prime échue au 1er janvier 2000. Par lettre recommandée, datée du 15 février 2000, postée le 16 février 2000 et distribuée le 17 février 2000, Z.________ lui a adressé une sommation. Le 21 février 2000, B.________ a, au nom de la preneuse, demandé par écrit à l'assureur de suspendre provisoirement le contrat, mais il a retiré cette demande au cours d'un entretien téléphonique du 29 février 2000.
 
Le 6 avril 2000, Z.________ a informé la Banque C.________ que la police de prévoyance avait été annulée avec effet immédiat, pour non-paiement de primes. La banque a alors avisé l'assureur, par lettre du 14 avril 2000, qu'elle était subrogée dans ses droits de créancière gagiste par X.________, qui avait repris à son compte le crédit accordé à A.________.
 
Le 11 mai 2000, Z.________ a confirmé à A.________ que le contrat avait été annulé pour cause de non-paiement de la prime et qu'il ne pourrait être remis en vigueur que moyennant paiement de 1'080 fr. 60 correspondant aux primes échues le 1er janvier 2000 (537 fr. 30; recte 537 fr. 80), le 1er avril 2000 (537 fr. 30; recte 537 fr. 80) et aux frais de sommation (5 fr.).
 
Le 26 mai 2000, B.________ est décédé accidentellement, sans que A.________ eût versé les montants indiqués dans la lettre de l'assureur du 11 mai 2000.
 
B.
 
Le 16 janvier 2001, A.________ a été mise en faillite. Par acte du 3 avril 2002, la masse a cédé aux créanciers X.________ et Y.________, conformément à l'art. 260 LP, les prétentions découlant de la police de prévoyance contre Z.________.
 
C.
 
Par acte du 25 septembre 2002, X.________ et Y.________ ont assigné Z.________ en paiement de 550'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 23 juillet 2002. Ils faisaient valoir que la défenderesse n'avait pas sommé la preneuse, subsidiairement qu'elle ne l'avait pas valablement sommée, dès lors qu'elle n'était pas en mesure de justifier du contenu de son envoi du 16 février 2000.
 
La défenderesse a conclu à libération, pour le motif qu'au moment du décès de B.________, la police de prévoyance avait été annulée. Expliquant qu'elle ne conservait pas de copie des sommations, elle a produit un exemplaire, non individualisé, de la lettre-type qu'elle envoie à ses clients en cas de retard dans le paiement des primes, ainsi qu'une liste interne de ses envois recommandés du 15 février 2000, où le nom de A.________ apparaissait sous la rubrique "Mahnungen vom 15.02.2000", soit, en traduction, "sommations du 15 février 2000".
 
Par jugement du 23 septembre 2004, le Tribunal de première instance du canton de Genève a condamné la défenderesse à verser aux demandeurs, créanciers solidaires, la somme de 550'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 23 juillet 2002. Considérant qu'ils pouvaient présumer que l'envoi recommandé du 16 février 2000 contenait une lettre de sommation, mais non que le contenu de celle-ci fût tel que l'alléguait la défenderesse, les premiers juges ont retenu qu'il ne leur était pas possible, en l'absence de copie, de certifier que la sommation reçue par la preneuse avait bien été conforme aux exigences légales, en particulier que le montant réclamé avait bien correspondu à ce qui était dû à l'assureur. Ils en ont conclu qu'il n'était pas établi que la sommation du 15 février 2000 remplissait toutes les conditions requises pour que la police de prévoyance fût suspendue au jour du sinistre, si bien que l'action devait être admise.
 
Statuant sur appel de la défenderesse le 18 février 2005, la Cour de justice du canton de Genève a annulé ce jugement et débouté les demandeurs. Elle a considéré qu'en présence d'un système informatisé d'envoi des sommations, comme celui de la défenderesse, il y avait lieu d'admettre que le texte de la sommation individuelle adressée à la preneuse était conforme à celui de la lettre-type; d'ailleurs, les demandeurs, qui avaient eu accès au dossier de la faillite, n'avaient pas tenté de réfuter cette conformité en faisant valoir des indices concrets de nature à éveiller un doute sur le contenu de la sommation reçue par la preneuse. Certes, la lettre-type produite ne permettait pas de vérifier l'exactitude du montant réclamé à titre de prime arriérée. Mais le montant réclamé à l'assuré était le seul espace à remplir dans le corps de la lettre-type pour l'individualiser. Dans ces conditions, jugeant que la probabilité qu'un tel espace soit dûment complété se révélait généralement fondée, la cour cantonale a considéré qu'elle devait admettre que le montant adéquat figurait sur la sommation adressée en l'espèce à la preneuse, puisque rien au dossier ne contredisait cette affirmation, ni ne soulevait de doute pouvant la remettre en cause. L'action devait dès lors être rejetée.
 
D.
 
Contre cet arrêt, les demandeurs interjettent un recours en réforme au Tribunal fédéral. Se plaignant d'une violation des art. 20 LCA et 8 CC, ils concluent, avec suite de frais et dépens de toutes les instances cantonales et fédérale, à l'annulation de l'arrêt attaqué et à la condamnation de la défenderesse à leur payer, conjointement et solidairement, la somme de 550'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 23 juillet 2002.
 
Parallèlement, ils interjettent un recours de droit public, qui fait l'objet d'une procédure distincte (5P.106/2005).
 
La défenderesse conclut, avec suite de frais et dépens, au rejet du recours en réforme.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public. La jurisprudence déroge toutefois à cet ordre de priorité dans des situations particulières, qui justifient l'examen préalable du recours en réforme. Il en va notamment ainsi lorsque la décision sur le recours de droit public ne peut avoir aucune incidence sur le sort du recours en réforme (ATF 123 III 213 consid. 1 p. 215; 122 I 81 consid. 1 p. 82/83; 120 Ia 377 consid. 1 p. 379), ce qui sera notamment le cas lorsque le recours en réforme apparaît irrecevable (ATF 117 II 630 consid. 1a p. 631) ou, inversement, s'il paraît devoir être admis indépendamment des griefs soulevés dans le recours de droit public (ATF 122 I 81 consid. 1; 120 Ia 377 consid. 1 et les arrêts cités). Cette dernière hypothèse étant réalisée en l'espèce, il se justifie de traiter le recours en réforme avant le recours de droit public.
 
2.
 
Interjeté en temps utile, compte tenu des féries de Pâques (art. 34 al. 1 let. a OJ), contre une décision finale, rendue par le tribunal suprême d'un canton dans une contestation civile dont la valeur litigieuse est supérieure à 8'000 fr., le présent recours est recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.
 
3.
 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter l'état de fait parce que l'autorité cantonale ne s'est pas prononcée sur des faits pertinents régulièrement allégués (art. 64 al. 2 OJ).
 
4.
 
Les demandeurs font notamment valoir que la constatation par la cour cantonale du contenu de la lettre de sommation envoyée à la preneuse le 16 février 2000, en particulier la constatation du montant qui y était réclamé, ne repose pas sur le degré de preuve de la certitude exigé par le droit fédéral. Ils en déduisent que, faute d'avoir établi à satisfaction de droit l'existence d'une sommation valable, la défenderesse ne peut se prévaloir d'une suspension de la couverture d'assurance au moment du sinistre.
 
4.1 Sur recours en réforme, le Tribunal fédéral peut contrôler si le juge cantonal est parti d'une juste conception du degré de certitude ou de vraisemblance exigé par le droit fédéral. En revanche, le point de savoir si le degré de la preuve exigé - dont le juge a une juste conception - est atteint dans un cas concret relève de l'appréciation des preuves, laquelle ne peut être critiquée que par la voie du recours de droit public pour arbitraire (ATF 130 III 321 consid. 5 p. 327; 117 II 231 consid. 2c p. 235; arrêt 5C.167/2003 du 23 septembre 2004, consid. 7.2 non publié in ATF 130 III 321, et les références).
 
4.2 Aux termes des art. 20 et 21 LCA, qui dérogent au régime commun de la demeure, si la prime n'est pas payée à l'échéance ou dans le délai de grâce accordé par le contrat, le débiteur doit être sommé par écrit, à ses frais, d'en effectuer le paiement dans les quatorze jours à partir de l'envoi de la sommation, qui doit rappeler les conséquences du retard (art. 20 al. 1 LCA); si la sommation reste sans effet, l'obligation de l'assureur est suspendue à partir de l'expiration du délai légal (art. 20 al. 3 LCA). Si l'assureur n'a pas poursuivi le recouvrement de la prime en souffrance dans les deux mois après l'expiration du délai fixé par l'art. 20 al. 1 LCA, il est censé s'être départi du contrat et avoir renoncé au paiement de la prime arriérée (art. 21 al. 1 LCA); en revanche, s'il a poursuivi le paiement de la prime ou l'a accepté ultérieurement, son obligation reprend effet à partir du moment où la prime arriérée a été acquittée, avec les intérêts et les frais (art. 21 al. 2 LCA).
 
4.3 Pour qu'elle soit valable, la sommation adressée au débiteur doit indiquer le montant dont l'assureur exige le paiement à titre de prime arriérée (arrêt 5C.258/2001 du 8 mai 2002, consid. 2a), ainsi que le montant des intérêts et des frais de sommation qui s'y ajoutent (Franz Hasenböhler, Commentaire bâlois, n. 39 ad art. 20 LCA avec référence à un arrêt du Tribunal fédéral de 1928; Hans Roelli/Max Keller, Kommentar zum Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, t. I, p. 343; Alfred Maurer, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 3ème éd., p. 29). Si le montant réclamé est inférieur à celui de la prime échue, le preneur n'est mis en demeure que pour ce montant; s'il est supérieur à celui de la prime échue, la sommation est sans effet (Hasenböhler, op. cit., n. 40 ad art. 20 LCA; Roelli/Keller, op. cit. t. I, p. 343 s.; Josef Hofstetter, Der Prämienzahlungsverzug, thèse Berne 1935, p. 84; Felix Rajower, Die Einforderung von Versicherungsprämien nach VVG, PJA 2002 p. 500 ss, spéc. p. 504; Andrea Kiefer, Prämienzahlungsverzug nach VVG, thèse Bâle 2000, p. 64 s.; Thierry de Mestral, La prime et son paiement, thèse Lausanne 2000, p. 122).
 
4.4 C'est à l'assureur qui fait valoir la suspension de la couverture d'assurance, ou son droit de résilier le contrat, qu'il incombe d'apporter la preuve que la sommation adressée au preneur comportait bien toutes les indications prescrites par la loi (art. 8 CC; Hasenböhler, op. cit., n. 30 ad art. 20 LCA; Roelli/Keller, op. cit., t. I, p. 354; Kiefer, op. cit., p. 67), notamment le montant réclamé à titre de prime arriérée. Pour les demandeurs, le degré exigé pour cette preuve est celui de la certitude. Selon la défenderesse, au contraire, bien que la cour cantonale se soit, d'après elle, fondée sur une certitude en l'espèce, une vraisemblance prépondérante aurait suffi.
 
4.4.1 Après avoir indiqué qu'il ressortait des pièces du dossier que la défenderesse avait adressé à la preneuse une lettre-type de sommation, la cour cantonale a retenu que "la répétition de semblables sommations dans la gestion courante d'une entreprise d'envergure internationale permet[tait] d'exclure une individualisation du texte approprié". Ce faisant, la cour cantonale paraît avoir voulu appliquer la jurisprudence admettant le degré de la vraisemblance prépondérante pour faire la preuve de la notification et du contenu d'envois de masse par plis recommandés ou en matière d'assurances sociales (cf. ATF 124 V 400 consid. 2b p. 402; 121 V 5 consid. 3b p. 6 s.; 119 V 7 consid. 3c p. 9 s.). Or la sommation prévue à l'art. 20 al. 1 LCA doit justement être individualisée par l'indication d'un montant précis et propre au destinataire. La preuve de son contenu ne saurait donc être facilitée en application de la jurisprudence précitée.
 
4.4.2 En règle générale, la preuve d'un fait contesté n'est rapportée que si le juge a acquis, en se fondant sur des éléments objectifs, la conviction de l'existence de ce fait. Une certitude absolue n'est pas nécessaire; mais il faut qu'il n'y ait aucun doute sérieux ou, à tout le moins, que les doutes qui subsistent paraissent légers.
 
Il est vrai que la loi et la jurisprudence renoncent exceptionnellement à l'exigence d'une telle certitude, en se satisfaisant d'une vraisemblance prépondérante, dans certaines situations où, sans cet assouplissement, la réalisation du droit serait systématiquement entravée par la difficulté de prouver certains types de faits. Mais une telle réduction du degré de preuve exigé ne peut être admise que si, de par la nature même du fait à établir, une preuve certaine est objectivement impossible à apporter ou ne peut pas être raisonnablement exigée. La facilitation de la preuve n'entre pas en ligne de compte lorsque le fait à établir pourrait être prouvé sans difficulté, mais qu'il ne le sera pas en l'espèce parce que la partie qui supporte le fardeau de la preuve n'a pas conservé de moyens de preuve; de simples difficultés dans un cas particulier ne sauraient justifier une réduction du degré de la preuve (ATF 130 III 321 consid. 3.2; 128 III 271 consid. 2b/aa p. 275 et les références).
 
4.4.3 Il n'est en principe pas possible pour l'expéditeur d'une lettre d'apporter lui-même la preuve directe du contenu de celle-ci, puisqu'il s'en est dessaisi. Mais il lui est facile de requérir production de l'original par le destinataire ou d'en produire une copie. Même si elle ne constitue pas une preuve directe et absolue de l'envoi et du contenu de la lettre, la production d'une copie comportant tous les éléments prescrits par la loi constitue un fort indice qui peut contribuer à fonder une certitude et non seulement une vraisemblance prépondérante. Dans le cas de la sommation prévue à l'art. 20 LCA, il n'y a dès lors aucune raison de renoncer à exiger que le texte adressé au débiteur soit établi avec certitude. Au contraire, cette exigence est d'autant plus justifiée que les conséquences de la sommation sont particulièrement rigoureuses pour le preneur et qu'il est très facile pour l'assureur, chargé du fardeau de la preuve, de verser une photocopie de la sommation dans son dossier ou d'en conserver une copie sur microfilm, par exemple (cf. dans ce sens, jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 24 janvier 1986, in RBA XVI n° 14 p. 81, spéc. p. 87; Olivier Carré, Loi fédérale sur le contrat d'assurance, édition annotée, Lausanne 2000, ad art. 20 LCA p. 216).
 
4.5 Il convient donc de vérifier si, dans le cas présent, la cour cantonale s'est bien fondée sur une certitude lorsqu'elle a admis l'exactitude du montant indiqué dans la sommation adressée le 16 février 2000 à la preneuse.
 
4.5.1 La cour cantonale a relevé que la lettre-type produite par la défenderesse ne permettait certes pas d'établir le montant réclamé et, partant, d'en contrôler l'exactitude, mais qu'elle comportait un espace à remplir pour indiquer le montant des primes en demeure. La probabilité que cet espace soit dûment complété se révélant généralement fondée et rien ne venant contredire cette affirmation en l'espèce, ni soulever un doute pouvant la remettre en cause, il y avait lieu, selon la cour cantonale, d'admettre que le montant adéquat figurait dans la sommation envoyée. Si tel n'avait pas été le cas, la preneuse, puis la créancière gagiste, n'auraient certainement pas manqué d'en informer l'assureur. D'ailleurs, il ne ressortait pas du témoignage d'un employé de la défenderesse entendu en cours de procès que l'administrateur de la preneuse aurait contesté la validité de la sommation reçue, notamment l'exactitude du montant demandé, et les demandeurs ne prétendaient pas avoir trouvé dans le dossier de la faillite des éléments susceptibles de laisser penser que la sommation comportait le moindre défaut. De tous ces éléments, la cour cantonale a conclu que la sommation adressée à la preneuse indiquait le montant exact de la prime en souffrance.
 
4.5.2 En se satisfaisant du fait que rien en l'espèce ne venait contredire la "probabilité" "généralement fondée" que l'espace laissé en blanc dans la lettre-type ait été dûment complété au moment de l'établissement de la sommation individuelle, la cour cantonale a clairement méconnu que le degré exigé pour la preuve du montant indiqué dans la sommation n'est pas celui de la vraisemblance prépondérante, mais celui de la certitude. Lorsque, pour expliquer en quoi les éléments du dossier ne contredisaient pas cette "probabilité", elle s'est fondée sur le fait que, si le montant exact de la prime n'avait pas été indiqué, la preneuse et ses successeurs n'auraient certainement pas manqué d'en informer l'assureur et qu'il ne ressortait pas des témoignages que l'administrateur de la preneuse eût contesté la validité de la sommation ou l'exactitude du montant réclamé, ni que les demandeurs eussent retrouvé dans le dossier de faillite des éléments susceptibles de laisser penser que la sommation comporterait un défaut, la cour cantonale a reporté à tort sur les demandeurs le fardeau de la preuve de l'absence d'envoi par la défenderesse d'une sommation régulière. Le raisonnement suivi par la cour cantonale viole donc les art. 20 al. 1 LCA et 8 CC.
 
5.
 
La défenderesse soutient qu'en se bornant à alléguer l'absence de sommation valable, sans autres précisions, les demandeurs ont manqué au devoir d'indiquer sur quels faits concrets ils fondaient leurs prétentions (Substanzierungspflicht). Leur action devrait donc être rejetée (cf. ATF 115 II 187 consid. 3c p. 192 i.f.).
 
Le fardeau objectif de l'allégation découle du fardeau de la preuve (cf. ATF 97 II 339 consid. 1b p. 342 s.; arrêt du Tribunal fédéral 5P.322/1996 du 12 décembre 1996, publié in SJ 1997 p. 240, consid. 2b). C'est dès lors à la défenderesse, qui supporte le fardeau de la preuve de la présence dans la sommation de toutes les indications prescrites par la loi (cf. supra, consid. 4.3), qu'il appartenait d'alléguer en détail le contenu de la lettre envoyée à la preneuse le 16 février 2000, et non aux demandeurs d'alléguer l'absence des indications requises. Le moyen est donc sans fondement.
 
6.
 
Le recours doit être admis pour violation des art. 20 LCA et 8 CC. Sur le seul vu des faits constatés, la couverture d'assurance n'était pas suspendue au moment du sinistre, de sorte que l'action des demandeurs est fondée. Il convient dès lors de réformer l'arrêt attaqué en ce sens que la défenderesse est condamnée à verser aux demandeurs le capital prévu en cas de décès de l'administrateur de la preneuse, soit 550'000 fr.
 
Il n'est ainsi pas nécessaire d'examiner les autres griefs formulés par les demandeurs, en particulier de déterminer si le texte de la lettre-type produite par la défenderesse, qui parle d'extinction de la couverture d'assurance sans distinguer entre la suspension provisoire de la couverture d'assurance et la résiliation définitive du contrat, indique bien avec toute la précision voulue par le législateur les conséquences d'un non-paiement de la prime en souffrance dans le délai de quatorze jours de l'art. 20 al. 1 LCA.
 
7.
 
La défenderesse, qui succombe, supportera les frais de justice (art. 156 al. 1 OJ) et versera des dépens aux demandeurs pour leurs procédés devant le Tribunal fédéral (art. 159 al. 1 OJ). En revanche, il y a lieu de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de première et de seconde instances cantonales, ainsi que l'art. 159 al. 6 OJ en prévoit la possibilité.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la défenderesse est condamnée à payer aux demandeurs, créanciers solidaires, le montant de 550'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 23 juillet 2002.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse.
 
3.
 
La défenderesse versera aux demandeurs, créanciers solidaires, une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de toutes les instances cantonales.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 15 septembre 2005
 
Au nom de la IIe Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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