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Informationen zum Dokument  BGer 1A.157/2005  Materielle Begründung
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BGer 1A.157/2005 vom 06.10.2005
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1A.157/2005
 
1A.189/2005 /col
 
Arrêt du 6 octobre 2005
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Féraud, Président,
 
Aemisegger, Reeb, Fonjallaz et Eusebio.
 
Greffier: M. Kurz.
 
Parties
 
A.________ et consorts,
 
recourants, représentés par Me Vincent Jeanneret, avocat,
 
contre
 
SECO, Secrétariat d'Etat à l'économie,
 
Effingerstrasse 27, 3003 Berne,
 
Département fédéral de l'économie,
 
3003 Berne.
 
Objet
 
entraide administrative,
 
recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de l'économie du 6 mai 2005.
 
Faits:
 
A.
 
Dans sa résolution 661 (1990) du 6 août 1990, le Conseil de sécurité des Nations Unies a institué un embargo envers la République d'Irak; un Comité a été créé dans le but de contrôler l'application de cette résolution en sollicitant de tous les Etats les informations nécessaires. Le 7 août 1990, le Conseil fédéral a pour sa part adopté une ordonnance instituant des mesures économiques envers la République d'Irak (RS 946.206). L'embargo a été assoupli en 1995 par la mise en place du programme "Oil for Food" (pétrole contre nourriture) destiné à permettre des achats de pétrole contre des biens de première nécessité, soumis à l'approbation et au contrôle du Comité (résolution 986 (1995) du 14 avril 1995). Le 26 juillet, puis le 9 septembre 1996, l'Office fédéral des affaires économiques extérieures a autorisé la société B.________ (Genève) à acheter du pétrole et des produits pétroliers irakiens, sous réserve de l'approbation du Comité et sous les conditions fixées par celui-ci. Cette décision est fondée sur les exceptions prévues alors à l'art. 4 de l'ordonnance précitée.
 
B.
 
L'Independent Inquiry Commitee into the United Nations Oil-for-Food Programme (IIC) est une commission indépendante chargée par le Secrétaire général des Nations Unies d'enquêter sur l'administration et la gestion du programme "Oil for Food" à la suite d'allégations de fraude et de corruption à l'endroit de fonctionnaires et d'agents de l'ONU. Dans sa résolution 1538 (2004) du 21 avril 2004, le Conseil de sécurité, accueillant avec satisfaction la nomination de cette commission, a demandé à tous les Etats Membres, y compris leurs autorités réglementaires, de coopérer pleinement et par tous les moyens appropriés à cette enquête.
 
Aux mois d'octobre et novembre 2004, l'IIC s'est adressé à la Suisse pour demander l'entraide administrative. De nombreuses transactions suspectes avaient été identifiées, et les banques suisses devaient produire des renseignements concernant notamment divers comptes ouverts au nom de A.________ et des sociétés du groupe américain B.________.
 
Par décision du 22 décembre 2004, le Conseil fédéral a autorisé le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) à accorder l'entraide administrative et à transmettre la documentation fournie jusque là par les banques à la Commission fédérale des banques (CFB), en application de la loi fédérale sur l'application de sanctions internationales (loi sur les embargos, LEmb, RS 946.231). Le SECO restait en charge de l'exécution, conformément à la LEmb. Selon le rapport du Département fédéral de l'économie (DFE) à l'appui de cette décision, les banques concernées ne pourraient recourir contre l'octroi de l'entraide. Il en irait de même pour les titulaires des comptes bancaires, puisqu'à l'instar des lois fédérales sur le matériel de guerre et sur le contrôle des marchandises, la LEmb ne prévoit pas un tel recours. D'un point de vue politique, des recours empêcheraient l'IIC de clôturer son enquête comme prévu pour mi-2005. Les règles de procédure de l'IIC prévoyaient d'ailleurs que les intéressés auraient la possibilité d'être informés et de s'exprimer, devant cette commission, sur les éléments recueillis.
 
C.
 
Le 4 février 2005, l'avocat de A.________ et des sociétés visées s'est adressé au SECO pour obtenir l'accès au dossier. Il relevait que de nombreuses pièces sans rapport avec le programme "Oil-for-Food" avaient été remises par la banque et que le droit d'être entendu n'avait pas été respecté, la banque n'ayant pu avertir ses clients avant la transmission. Ils demandaient la restitution des documents sans pertinence, et s'opposaient à toute nouvelle transmission.
 
Le 3 mars 2005, le SECO releva que l'entraide accordée était de nature administrative et non judiciaire. En vertu de la décision du Conseil fédéral du 22 décembre 2004, aucun recours n'était ouvert dans le cadre de la coopération avec l'IIC. A l'instar de la loi sur le matériel de guerre (LFMG, RS 514.51) et de la loi sur le contrôle des biens (LCB RS 946.202), et au contraire de la loi sur les bourses (LBVM, RS 954.1) et de la loi sur le blanchiment d'argent (LBA, RS 955.0), la LEmb ne prévoyait pas de recours contre la transmission de renseignements à l'étranger. Cette réglementation reflétait également l'art. 100 let. a OJ. Cette exception trouvait une signification particulière dans le domaine des sanctions internationales. Selon le SECO, "l'essence même des mesures d'embargo décrétées par le Conseil de sécurité des Nations Unies veut qu'une mise en oeuvre correcte de même que le respect intégral de ces dernières soient à considérer comme plus importants que la protection des droits individuels". A défaut d'une procédure formelle, les personnes concernées n'avaient pas la qualité de partie et ne pouvaient consulter le dossier. Cette décision a fait l'objet d'un recours de droit administratif auprès du Tribunal fédéral, et d'un recours auprès du DFE.
 
Le 4 mars 2005, le SECO s'est adressé à diverses banques pour obtenir des documents complémentaires, en reprenant les considérations qui précèdent quant à l'absence de voie de recours. Le Tribunal fédéral et le DFE ont à nouveau été saisis, par les mêmes recourants.
 
D.
 
Par décision du 6 mai 2005, le DFE a déclaré irrecevable le recours dirigé contre les quatre lettres adressées le 4 mars 2005 aux établissements bancaires. Il ne s'agissait pas de décisions, puisqu'elles étaient dépourvues de menaces de sanction en cas de refus et qu'il n'était pas non plus statué sur les documents qui devaient finalement être remis à l'IIC. Le recours dirigé contre la lettre du 3 mars 2005 a été rejeté dans la mesure où il était recevable. Cette lettre ne constituait qu'une information générale sur la procédure, dépourvue de caractère individuel et concret. A supposer qu'il s'agisse d'une décision, le refus de reconnaître la qualité de partie était justifié puisqu'il n'existait aucun droit de recours en vertu des art. 7 LEmb et 100 let. a OJ. Cette décision indique, comme voie de droit, le recours auprès du Conseil fédéral. Sur le vu de cette décision, les recours précités au Tribunal fédéral ont été retirés.
 
E.
 
A.________ et consorts ont saisi le Conseil fédéral et le Tribunal fédéral. Ils demandent préalablement l'effet suspensif, puis l'ouverture d'un échange de vues sur la compétence. Principalement, ils demandent que la décision du DFE soit annulée, et qu'il soit fait au SECO les injonctions suivantes: accorder l'accès au dossier; requérir la restitution des documents déjà transmis à l'IIC avec l'assurance qu'aucune copie n'en est conservée; interdire toute transmission en faveur de l'IIC tant que des garanties n'ont pas été données afin d'éviter toute diffusion des informations; interdire la transmission des actes sans rapport avec l'enquête; communiquer toutes les décisions déjà notifiées aux banques, ainsi que la décision du Conseil fédéral du 22 décembre 2004 et la demande d'entraide de l'IIC; accorder aux recourants le droit de participer au tri des pièces.
 
Un échange de vues a eu lieu avec l'Office fédéral de la justice, autorité chargée d'instruire le recours auprès du Conseil fédéral. Celui-ci estime que le principe de l'entraide n'est pas remis en cause et que le litige ne porte que sur la question des droits procéduraux des recourants. La question n'ayant pas de caractère politique, l'art. 100 let. a OJ ne serait pas applicable et le Tribunal fédéral serait compétent. Dans le cas contraire, la compétence du Tribunal fédéral pourrait résulter de l'art. 6 CEDH.
 
Le 6 juillet 2005, le Tribunal fédéral a estimé que la question de la portée de l'art. 100 let. a OJ était délicate, dès lors que l'entraide accordée à l'IIC pouvait constituer un "acte de gouvernement" au sens de cette disposition, en raison des implications internationales d'une telle assistance. Tout en déclarant ne pas être lié par les considérations du gouvernement, le Tribunal fédéral s'est rallié aux conclusions de l'OFJ et a accepté de reprendre l'examen du recours soumis au Conseil fédéral. Le dossier a été transmis au Tribunal fédéral (cause 1A.157/2005).
 
Le DFE conclut au rejet des recours. L'OFJ conclut à l'irrecevabilité des recours, subsidiairement au rejet du recours de droit administratif dans la mesure où il est recevable.
 
Invités à répliquer, les recourants ont demandé la communication des pièces produites avec les réponses des autorités intimées. Ils ont été invités à s'adresser directement à ces autorités. Après avoir reçu les pièces du SECO - mais non celles du DFE et de l'OFJ - les recourants ont pris position, notamment sur les déterminations de l'OFJ, et ont persisté dans leurs conclusions.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Les recours sont formés, pour des motifs identiques, contre une même décision. Il y a lieu de les joindre et de statuer par un même arrêt.
 
1.1 Si le Tribunal fédéral s'est rallié aux conclusions de l'OFJ lors de l'échange de vues, et s'est déclaré prêt à examiner les recours, cela ne le dispense pas d'examiner la question de leur recevabilité, d'office et librement (ATF 131 I 137 consid. 1 et les arrêts cités). Il peut, dans ce cadre, arriver à une autre conclusion que celle exprimée à titre provisoire au terme de l'échange de vues, dans la mesure notamment où il a estimé ne pas être lié par les considérations de l'OFJ.
 
1.2 Les recourants ont demandé l'accès aux pièces produites avec leur réponse par les autorités intimées. Ils ont obtenu copie des pièces du SECO, mais non du DFE et de l'OFJ. Toutefois, comme on le verra ci-dessous, ces pièces sont sans pertinence pour juger de la recevabilité du recours de droit administratif. Le droit d'être entendu n'impose donc pas une telle consultation.
 
2.
 
Selon l'art. 97 OJ, le recours de droit administratif est recevable contre les décisions au sens de l'art. 5 PA, prises notamment par les départements fédéraux (art. 98 let. b OJ). Selon l'art. 100 let. a OJ, le recours n'est pas recevable contre les décisions concernant la sûreté intérieure ou extérieure du pays, la neutralité, la protection diplomatique, la coopération au développement et l'aide humanitaire ainsi que les autres affaires intéressant les relations extérieures.
 
2.1 Les recourants soutiennent que les motifs d'exclusion prévus à l'art. 100 let. a OJ ne seraient pas réalisés, puisque l'objet du litige serait limité à la reconnaissance de la qualité de partie et aux droits qui y sont liés, ce qui serait sans rapport avec la sûreté de l'Etat et les relations extérieures. Le fait de reconnaître les droits des recourants ne ferait d'ailleurs pas obstacle à l'octroi de l'entraide administrative. Dans le cadre de l'échange de vues, l'OFJ a lui aussi considéré que l'art. 100 let. a OJ n'était pas applicable puisque le litige était circonscrit aux questions juridiques portant sur la qualité de partie et les droits procéduraux des recourants, et ne se rapportait pas à un acte politique assimilable à un acte de gouvernement.
 
2.2 Ces points de vue ne peuvent être partagés. En effet, si le fond de la cause - soit en l'occurrence l'octroi de l'entraide administrative - ne peut faire l'objet d'un recours de droit administratif, en raison d'un motif d'exclusion visé à l'art. 100 OJ - et à défaut d'application de l'art. 6 CEDH -, il en va de même des décisions prises en cours de procédure relatives à la qualité de partie et aux droits de procédure. En effet, les restrictions posées à l'art. 100 OJ se rapportent à la nature de la contestation au fond (cf. la note marginale de l'art. 100 OJ - "selon les domaines juridiques"), et s'appliquent à l'ensemble des décisions prises au cours de la procédure. Le droit d'intervention que les recourants désirent se voir reconnaître a d'ailleurs pour objet de contrôler les décisions de transmission et, le cas échéant, de s'y opposer; les recourants concluent dans le sens d'une interdiction, au moins temporaire, de toute transmission de renseignements. Les droits formels invoqués à l'appui du recours ne sauraient par conséquent être séparés du fond. Il y a donc lieu de rechercher si l'art. 100 let. a OJ est applicable aux mesures d'entraide administrative ordonnées en faveur de l'IIC, question qui n'a pas été examinée en tant que telle par l'OFJ dans l'échange de vues, et que le Tribunal fédéral a déjà qualifiée de délicate.
 
3.
 
La clause d'exclusion prévue à l'art. 100 al. 1 let. a OJ doit en principe recevoir une interprétation restrictive; cette disposition vise ainsi en premier lieu les mesures touchant à la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, en particulier les "actes de gouvernement" (ATF 118 Ib 277 consid. 2b p. 279, 104 Ib 129 consid. 1 p. 130 et les exemples cités). Le législateur a considéré que, dans ce domaine, le gouvernement doit demeurer seul responsable des décisions prises puisque les mesures tendant à protéger l'intégrité de l'Etat et à maintenir de bonnes relations avec l'étranger font partie de ses tâches essentielles; en outre, les décisions à prendre dans ce domaine sont d'ordinaire une question d'appréciation (ATF 121 II 248 consid. 1a p. 251).
 
3.1 Lorsque la Suisse s'associe aux sanctions internationales décrétées par l'ONU, les ordonnances instituant un boycott, fondées directement sur l'art. 184 Cst. (cf. message concernant la LEmb, FF 2001 1341 ss, 1344, 1360), aussi bien que les mesures prises en application de ces ordonnances, constituent indubitablement des mesures de politique extérieure concernant la neutralité et les autres affaires intéressant les relations extérieures de la Suisse au sens de l'art. 100 let. a in fine OJ (JAAC 1996/60 n° 88; Matthias Oesch, Wirtschaftliche Embargomassnahmen und richterlicher Rechtsschutz in der Schweiz, RDS 124/I p. 301 ss, 313/314, qui préconise toutefois une application restrictive de la notion d'acte de gouvernement pour les mesures d'application; Christian Bovet, L'entraide administrative dans le domaine financier, in: L'entraide administrative, Journée de droit administratif 2004, Genève 2005 p. 151-180, 168/169).
 
Certes, toute transmission de renseignements à une autorité étrangère ne saurait relever de l'acte de gouvernement; dans la majorité des cas d'entraide - judiciaire ou administrative -, les relations extérieures sont sans doute en jeu, mais les décisions prises à ce propos s'inscrivent dans le cadre de relations conventionnelles préétablies, et ne revêtent pas de caractère politique marqué justifiant la soustraction à tout contrôle judiciaire (cf. ATF 96 I 733 consid. 1 p. 735 concernant la transmission de renseignements dans le cadre d'une convention de double imposition).
 
3.2 La présente espèce s'inscrit toutefois dans un contexte très particulier. Le 21 avril 2004, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 1538 par laquelle il accueille avec satisfaction la nomination, par le Secrétaire général, de la Commission d'enquête de haut niveau. Il demande à l'Autorité provisoire de la coalition en Iraq et à tous les Etats Membres, y compris leurs autorités réglementaires, de coopérer pleinement et par tous les moyens appropriés à l'enquête. Pour le surplus, il attend avec intérêt le rapport final de la Commission, et décide de rester activement saisi de la question.
 
Par décision du 22 décembre 2004, le Conseil fédéral a autorisé le SECO (compétent en matière de contrôle, conformément à l'art. 4c de l'ordonnance du 7 août 2004 instituant des mesures économiques envers la République d'Irak, RS 946.206) à accorder l'entraide administrative à l'IIC. Selon le rapport du DFE à l'appui de cette décision, il apparaît que les documents requis par l'IIC avaient déjà été obtenus en partie auprès des banques par la CFB et que les enquêteurs de l'IIC avaient pu consulter la documentation requise (avec toutefois l'interdiction de prendre des notes ou de faire des copies, ainsi que d'utiliser les informations). Des documents complémentaires avaient été demandés aux banques. L'ensemble de la documentation, sous réserve de ces documents complémentaires, avait été transmise au SECO qui attendait l'autorisation du Conseil fédéral. Le rapport du DFE insiste sur la nécessité d'une fourniture rapide et complète de renseignements, en raison notamment du fait qu'une grande partie des achats de pétrole dans le cadre du programme "Oil for Food" avait été effectuée par l'entremise de banques en Suisse, ce qui impliquait un devoir de transparence accru à l'égard des Nations Unies.
 
3.3 S'appuyant directement sur les compétences que lui donne l'art. 184 al. 3 Cst., et fondé sur l'engagement de la Suisse, en tant qu'Etat Membre, d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité (art. 25 de la Charte des Nations Unies, RS 0.120), le Conseil fédéral a donc pris lui-même les mesures propres à coopérer le plus rapidement et le plus complètement possible à l'enquête. Il s'agissait notamment de permettre à la Commission de respecter les délais fixés pour l'établissement de son rapport, en évitant les interventions et les recours, et en faisant l'économie d'une procédure de tri formelle. Ce procédé relève manifestement d'un pur choix de politique extérieure, dans le but évident de favoriser les bonnes relations avec l'Organisation des Nations Unies et ses membres. La Suisse manifeste ainsi sa solidarité avec la communauté internationale en participant à une décision elle-même de nature essentiellement politique (cf. Christian Linsi, Gegenmassnahmen in der Form des Embargos zur Durchsetzung elementarer Völkerrechtsverpflichtungen in der schweizerischen Aussenpolitik, Bâle 1994 p. 7 ss, 23 ss)
 
3.4 La décision prise par le Conseil fédéral couvre non seulement l'admissibilité de principe de l'entraide administrative, mais également la transmission des documents demandés. Le SECO est ainsi autorisé à transmettre, sans autres formalités, l'ensemble des documents qui lui ont été remis dans le cadre de l'enquête. Ce faisant, le Conseil fédéral a statué sur l'admissibilité et - implicitement tout au moins - sur l'étendue de l'entraide requise, en tenant compte, là aussi, de l'intérêt politique de la Suisse à collaborer le plus largement et le plus rapidement possible à l'enquête de l'IIC. C'est ainsi que l'a compris le SECO, en particulier dans ses lettres des 3 et 4 mars 2005, lorsqu'il nie l'existence de voies de recours en affirmant que "l'essence même des mesures d'embargo décrétées par le Conseil de sécurité des Nations Unies veut qu'une mise en oeuvre correcte de même que le respect de ces dernières soient à considérer comme plus important que la protection des droits individuels".
 
3.5 L'art. 7 LEmb règle à la fois l'entraide judiciaire et l'entraide administrative et ne distingue pas les voies de droit relatives à chacune de ces procédures. Le renvoi à l'EIMP (art. 7 al. 6 LEmb) n'est évidemment applicable qu'en cas d'entraide judiciaire proprement dite, c'est-à-dire lorsque la procédure pour laquelle les renseignements sont demandés est susceptible d'aboutir devant une juridiction pénale (art. 1 al. 3 EIMP). En l'espèce, l'IIC ne dispose d'aucune compétence de caractère pénal. Comme le relève le SECO dans sa lettre du 3 mars 2005, toute transmission d'information ou de documents reçus par l'IIC à des autorités judiciaires a été expressément exclue, et les craintes exprimées par les recourants à propos d'éventuelles fuites à destination d'Etats tiers ne changent rien à la nature de la procédure ouverte en Suisse: l'entraide requise par l'IIC est de nature purement administrative. Elle a été accordée sous la réserve de la spécialité, exprimée à l'art. 7 al. 3 let. b et c LEmb. Dans un cas d'entraide administrative, la LEmb renvoie simplement à la procédure fédérale. Cela résulte d'un choix délibéré du législateur (FF 2001 1368), pour lequel "lorsqu'il est question de problèmes liés à la politique de sécurité et à la politique extérieure, le Conseil fédéral est la dernière instance de recours (art. 72 PA en relation avec l'art. 100 let. a OJ)". Le même message considère que "d'autres cas doivent pouvoir être portés devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours de droit administratif" (loc. cit.), cette affirmation se rapportant vraisemblablement aux seuls cas d'assistance judiciaire.
 
3.6 Il en résulte que l'ensemble de la procédure d'entraide administrative autorisée par le Conseil fédéral tombe sous le coup de l'art. 100 al. 1 let. a OJ (dans ce sens, cf. Bovet, op. cit. p. 168/169). Il en va de même des différentes décisions incidentes prises au cours de cette procédure, et par conséquent de la décision attaquée. Le recours de droit administratif est dès lors irrecevable, comme cela ressort également de la décision attaquée.
 
4.
 
Dans certains cas, le Tribunal fédéral a été amené à entrer en matière sur des recours de droit administratif, malgré l'absence d'une telle voie de recours prévue dans la loi: lorsque la contestation portait sur des droits et obligations de caractère civil au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH, la cause devait être examinée par un tribunal indépendant et impartial. Tel fut le cas d'une contestation relative à la confiscation et à la destruction de matériel de propagande; la perte de propriété du titulaire des documents constituait une atteinte aux droits de valeurs patrimoniale (ATF 125 II 417 consid. 4b p. 420). En l'occurrence, les droits de nature patrimoniale des recourants ne sont pas touchés, puisque la procédure porte uniquement sur la transmission de documents qui ont été saisis en main d'établissements bancaires. En outre, l'article 6 CEDH ne trouve à s'appliquer qu'aux décisions qui statuent sur le "bien-fondé" d'accusations pénales. Tel n'est pas le cas de la décision par laquelle une autorité accepte de donner suite à une demande d'entraide judiciaire internationale, mesure de nature administrative par laquelle le juge du fond ne se trouve pas lié (JAAC 1999 n° 114 p. 995; mutatis mutandis CourEDH, arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A n° 161, p. 45, par. 113). Il en va de même a fortiori lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'une entraide exclusivement administrative. Quant à l'art. 13 CEDH, qui pourrait s'appliquer en raison d'une atteinte à la sphère privée, il n'impose pas l'intervention d'une autorité judiciaire, mais un "recours effectif". Or, la procédure de recours au Département, puis jusqu'au Conseil fédéral, peut elle aussi satisfaire à ces exigences (cf. ATF 118 Ib 277 consid. 5 p. 283; 129 II 193, laissant ouverte la question s'agissant d'une interdiction d'entrée en Suisse).
 
5.
 
En l'absence de toute voie de recours auprès du Tribunal fédéral, il n'y a pas lieu de rechercher si, comme le soutient l'OFJ, l'opposition aux mesures d'investigation constituerait un abus de droit, en raison de l'engagement pris, lors de l'octroi de l'autorisation en 1996, de collaborer aux mesures de contrôle.
 
6.
 
Le recours 1A.157/2005 est par conséquent irrecevable. Un émolument judiciaire est mis à la charge des recourants (art. 156 al. 1 OJ). Quant au recours 1A.189/2005, il doit être retourné au Conseil fédéral, comme objet de sa compétence (art. 96 al. 1 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours 1A.157/2005 est irrecevable.
 
2.
 
Le recours 1A.189/2005 est retourné au Conseil fédéral.
 
3.
 
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge des recourants.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au SECO, Secrétariat d'Etat à l'économie, au Conseil fédéral, au Département fédéral de l'économie, au Département fédéral de justice et police, à l'Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section de l'entraide judiciaire, et Division des recours au Conseil fédéral.
 
Lausanne, le 6 octobre 2005
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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