VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 1P.561/2005  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 1P.561/2005 vom 01.11.2005
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1P.561/2005 /col
 
Arrêt du 1er novembre 2005
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Féraud, Président,
 
Aemisegger et Fonjallaz.
 
Greffière: Mme Angéloz.
 
Parties
 
A.________,
 
recourante, représentée par Me Bruno Kaufmann, avocat,
 
contre
 
Juge d'instruction du canton de Fribourg,
 
case postale 156, 1702 Fribourg,
 
Ministère public de l'Etat de Fribourg,
 
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
 
Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat
 
de Fribourg, case postale 56, 1702 Fribourg.
 
Objet
 
refus d'ouvrir une action pénale,
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du
 
29 juin 2005.
 
Faits:
 
A.
 
Le 2 décembre 2004, A.________ a déposé, auprès de l'Office des juges d'instruction du canton de Fribourg, une dénonciation pénale contre inconnu pour lésions corporelles graves, commises par dol éventuel ou par négligence grave. Elle reprochait au médecin de garde de l'Hôpital cantonal de lui avoir occasionné, lors de l'accouchement de son enfant le 4 décembre 1994, des lésions ayant provoqué une invalidité à 100 %, pour avoir forcé l'accouchement par voie naturelle, alors que seule une césarienne eût constitué la mesure médicale adéquate.
 
B.
 
Par ordonnance du 15 décembre 2004, le juge d'instruction a refusé d'ouvrir une action pénale, au motif que seules des lésions corporelles par négligence (art. 125 CP) entraient en considération et que cette infraction était en l'occurrence prescrite.
 
Saisie d'un recours de A.________, la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg l'a rejeté par arrêt du 29 juin 2005.
 
C.
 
A.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. Se plaignant d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et d'une violation de son droit d'être entendue, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.
 
Le juge d'instruction et l'autorité cantonale ont renoncé à formuler des observations. Le Ministère public, estimant que seule une enquête approfondie permettrait de déterminer si l'infraction dénoncée a été commise intentionnellement ou par négligence, conclut à l'admission du recours.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Il convient d'examiner en premier lieu dans quelle mesure la recourante a qualité pour former un recours droit public.
 
1.1 Le lésé qui est une victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI, peut, indépendamment des conditions de l'art. 88 OJ, former un recours de droit public sur la base de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI, aux conditions prévues par cette disposition, c'est-à-dire pour autant qu'il ait participé à la procédure auparavant et que la sentence attaquée puisse influencer négativement le jugement de ses prétentions civiles.
 
La recourante, qui allègue avoir subi une atteinte directe et importante à son intégrité corporelle à raison des faits qu'elle a dénoncés, est manifestement une victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI. Il est non moins évident qu'elle a participé à la procédure cantonale, puisqu'elle a donné lieu à la décision attaquée par un recours. Reste à examiner si cette décision est susceptible d'affecter négativement le jugement de ses prétentions civiles, ce qui implique qu'elle puisse élever de telles prétentions contre l'auteur de l'infraction, donc faire valoir contre lui une créance de droit privé (cf. ATF 128 IV 188 consid. 2.2 p. 191, 127 IV 189 consid. 2b p. 191, 125 IV 161 consid. 2 et 3 p. 163 et 164; également arrêts non publiés 1P.737/2004, du 31 mars 2005, consid. 2 et 6P.92/2004, du 24 août 2004, consid. 1.2).
 
1.2 La dénonciation de la recourante est dirigée contre un médecin de l'Hôpital cantonal, dont il n'est pas établi ni allégué qu'il serait intervenu en qualité de médecin privé.
 
Selon la jurisprudence, les cantons sont autorisés à soumettre la responsabilité des médecins engagés dans un hôpital public, pour le dommage ou le tort moral qu'ils causent dans l'exercice de leur charge, au droit public cantonal (ATF 122 III 101 consid. 2a/bb p. 104 s.; 115 Ib 175 consid. 2 p. 179). Le canton de Fribourg a fait usage de cette faculté, en soumettant la responsabilité des médecins hospitaliers à la loi du 16 septembre 1986 sur la responsabilité civile des collectivités publiques et de leurs agents (art. 108 al. 1 de la loi fribourgeoise du 16 novembre 1999 sur la santé; RSF 821.0.1), qui prévoit que les collectivités publiques répondent du préjudice que leurs agents causent d'une manière illicite à autrui dans l'exercice de leurs fonctions, en précisant que le lésé ne peut faire valoir aucune prétention contre l'agent (art. 6 al. 1 et 2 de la loi fribourgeoise du 16 septembre 1986 sur la responsabilité civile des collectivités publiques et de leurs agents; RSF 16.1). Cela vaut en particulier pour les médecins de l'Hôpital cantonal, qui est un établissement de droit public, doté de la personnalité juridique (art. 1 al. 1 de la loi fribourgeoise du 2 mars 1999 sur l'Hôpital cantonal; RSF 822.1.1), et qui est, comme tel, considéré comme une collectivité publique (art. 2 al. 2 de la loi fribourgeoise du 16 septembre 1986 sur la responsabilité civile des collectivités publiques et de leurs agents).
 
Il découle de ces dispositions que les médecins hospitaliers du canton de Fribourg, notamment de l'Hôpital cantonal, ne sont pas tenus personnellement envers le lésé de réparer le dommage qu'ils pourraient lui avoir causé, le droit cantonal instituant une responsabilité primaire et exclusive de la collectivité. Par conséquent, la recourante ne dispose d'aucune prétention civile, qu'elle puisse faire valoir dans un procès pénal, à l'encontre de la personne dénoncée. Elle ne peut donc fonder sa qualité pour former un recours de droit public sur l'art. 8 al. 1 let. c LAVI, dont l'une des conditions n'est pas réalisée, de sorte que sa légitimation au recours doit être examinée au regard de l'art. 88 OJ.
 
1.3 Selon la jurisprudence relative à cette dernière disposition, le droit de poursuivre et de punir n'appartenant qu'à l'Etat, celui qui se prétend lésé par une infraction n'a pas d'intérêt juridiquement protégé à la poursuite et à la condamnation de l'auteur. Il ne peut donc pas se plaindre sur le fond d'un acquittement, d'un non-lieu ou classement ou d'un refus de poursuivre, en particulier, d'arbitraire dans l'appréciation des preuves, dès lors que l'examen d'un tel grief est lié à celui de l'affaire au fond. Il peut uniquement invoquer une violation, équivalant à un déni de justice formel, des droits procéduraux qui lui sont reconnus en tant que partie par le droit cantonal de procédure ou qui découlent directement de la Constitution ou de l'art. 6 CEDH (ATF 129 I 217 consid. 1.4 p. 222; 128 I 218 consid. 1.1 p. 219/220; 127 II 160 consid. 3b p. 167 et les arrêts cités).
 
En l'espèce, la recourante n'est donc pas habilitée à se plaindre d'arbitraire, mais uniquement d'une violation de son droit d'être entendue. Seul ce grief peut donc être examiné.
 
2.
 
La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir entériné le refus du juge d'instruction d'ouvrir une action pénale, en écartant la possibilité que l'infraction dénoncée ait été commise par dol éventuel, sans consulter le dossier médical de l'Hôpital cantonal.
 
Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comporte notamment le droit à l'administration de preuves, offertes en temps utile et dans les formes prescrites, quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision à rendre (ATF 129 I 85 consid. 4.1 p. 88/89; 129 II 497 consid. 2.2 p. 504/505; 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et les arrêts cités). Celui qui entend se plaindre d'une violation de ce droit doit donc démontrer qu'il a présenté, dans le délai et les formes prévus par la loi de procédure applicable, une requête de preuves propres à influer sur le sort de la décision à rendre. Or, la recourante ne prétend pas et ne démontre en tout cas pas conformément aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 127 I 38 consid. 3c p. 43; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p. 76, 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités), que, dans la procédure cantonale, elle aurait requis la production du dossier médical. Le seul fait que, dans sa dénonciation pénale, elle ait indiqué que cette dénonciation était basée sur le dossier médical de l'Hôpital cantonal n'en constitue, à l'évidence, pas une démonstration suffisante. Le grief est par conséquent irrecevable, faute de satisfaire aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.
 
3.
 
Le recours de droit public doit ainsi être déclaré irrecevable et la recourante supportera les frais (art. 156 al. 1 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est déclaré irrecevable.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au Juge d'instruction, au Ministère public et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
 
Lausanne, le 1er novembre 2005
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).