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Informationen zum Dokument  BGer 4C.247/2005  Materielle Begründung
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BGer 4C.247/2005 vom 17.11.2005
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4C.247/2005 /ech
 
Arrêt du 17 novembre 2005
 
Ire Cour civile
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss.
 
Greffière: Mme Charif Feller.
 
Parties
 
X.________ SA,
 
défenderesse et recourante,
 
contre
 
A.________,
 
demanderesse et intimée, représentée par Me Marc-Aurèle Vollenweider.
 
Objet
 
contrat de travail; responsabilité précontractuelle,
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du
 
14 juin 2005.
 
Faits:
 
A.
 
Le 1er mai 2003, X.________ SA (défenderesse) a fait paraître une annonce concernant un poste de responsable marketing, avec expérience en marketing et formation médicale. A.________ (demanderesse), laborantine au bénéfice de douze ans d'expérience comme responsable marketing dans un groupe de laboratoires d'analyses médicales, y a répondu. Les parties se sont rencontrées à de nombreuses reprises entre le 26 mai et le 3 octobre 2003. A la demande du représentant de la défenderesse, le docteur B.________, la demanderesse lui a remis un projet de contrat de travail, le 26 août 2003. Pensant être engagée, elle prétend avoir démissionné du poste d'enseignante en laboratoire qu'elle occupait alors. Le 26 septembre suivant, le docteur B.________ et son fils ont informé la demanderesse que deux points du projet de contrat ne leur convenaient pas, soit le mode de calcul des commissions et le poste "frais de véhicules". Le 3 octobre 2003, la demanderesse s'est une nouvelle fois rendue dans les locaux de la défenderesse et a déposé une version "mise au propre" du même contrat. Au cours du mois d'octobre 2003, les points de désaccord entre les parties se sont intensifiés, notamment à propos de la nature exacte de leurs relations. Le 9 octobre 2003, la défenderesse a écrit à la demanderesse qu'elle n'acceptait pas les termes du contrat remis et lui a proposé une relation de travail, basée sur une rémunération fixe par client visité. Par courrier du 17 novembre 2003, la demanderesse a déclaré à la défenderesse mettre "fin à la relation de travail qui nous lie pour le 30 novembre 2003"; elle a réclamé le paiement des salaires des mois d'octobre et de novembre 2003. Le 20 novembre 2003, la défenderesse a contesté les revendications de la demanderesse, faisant valoir que leurs relations n'avaient jamais abouti à la conclusion d'un contrat de travail et qu'elles n'avaient jamais dépassé le stade des négociations précontractuelles.
 
B.
 
Le 16 janvier 2004, A.________ a ouvert action devant le Tribunal de prud'hommes de l'arrondissement de Lausanne. Ses dernières conclusions s'élevaient à 19'171 fr. 65 au total. Par jugement du 24 juin 2004, le Tribunal de prud'hommes les a rejetés ainsi que toutes autres ou plus amples conclusions.
 
Dans son arrêt du 14 juin 2005, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a réformé le jugement de première instance en ce sens que X.________ SA est débitrice de A.________ de la somme de 6'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 16 janvier 2004, et l'a confirmé pour le surplus.
 
C.
 
Parallèlement à un recours de droit public, qui a été déclaré sans objet par arrêt séparé de ce jour, la défenderesse a déposé un recours en réforme dans lequel elle conclut, principalement, à ce que l'arrêt cantonal soit réformé en ce sens que les conclusions de la demanderesse soient intégralement rejetées et que les conclusions libératoires de la défenderesse soient admises, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
 
La demanderesse propose le rejet du recours.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Selon l'art. 57 al. 5 OJ, lorsque la décision attaquée est en même temps l'objet d'un recours en réforme et d'un recours de droit public, il est sursis en règle générale à l'arrêt sur le premier recours jusqu'à droit connu sur le second. Il peut toutefois être dérogé à ce principe dans des situations particulières qui justifient l'examen préalable du recours en réforme. Il en va notamment ainsi lorsque la décision sur le recours de droit public ne peut avoir aucune incidence sur le sort du recours en réforme (ATF 123 III 213 consid. 1 p. 215), ce qui est le cas si le recours en réforme paraît devoir être admis indépendamment des griefs soulevés dans le recours de droit public (ATF 122 I 81 consid. 1; 120 Ia 377 consid. 1 et les arrêts cités). Cette hypothèse étant en l'occurrence réalisée, le recours en réforme sera traité avant le recours de droit public.
 
2.
 
2.1 La cour cantonale, à l'instar du Tribunal de première instance, a retenu que les parties n'avaient pas conclu un contrat de travail, ce que la défenderesse ne remet pas en question et que la demanderesse ne conteste pas en déposant un recours joint. Point n'est donc besoin d'y revenir. La défenderesse s'en prend en revanche à l'admission par la cour cantonale d'une responsabilité précontractuelle à sa charge.
 
2.2 S'agissant de la culpa in contrahendo, la cour cantonale précise l'état de faits, en ce sens que la défenderesse, par ses représentants, a rencontré la demanderesse notamment les 26 mai, 6 juin, 14 juillet, 4 et 26 août 2003. Le 6 juin 2003, les parties ont évoqué le versement d'un salaire de 4'000 fr. par mois, sans compter les commissions.
 
Pour la cour cantonale, le 26 août 2003, la demanderesse aurait remis à la défenderesse un projet de contrat "usuel", c'est-à-dire fondé sur une rémunération fixe et le paiement de commissions. Après cette entrevue, la demanderesse aurait considéré que son engagement était acquis; elle aurait renoncé à l'emploi qu'elle exerçait à ce moment-là.
 
Il ressort encore des constatations souveraines de la cour cantonale, qui lient le Tribunal fédéral en instance de réforme (cf. art. 63 al. 2 OJ), que le 26 septembre 2003, seuls deux points du projet de contrat remis n'étaient pas réglés: le mode de calcul des commissions et les frais de véhicule. Le 3 octobre 2003, à l'occasion de sa visite dans l'entreprise, la demanderesse a rencontré les représentants de la défenderesse et leur a remis une version "mise au propre" de son projet de contrat de travail. Le 9 octobre 2003, la défenderesse a écrit à la demanderesse qu'elle n'acceptait pas les termes du contrat remis et lui a proposé une relation de travail, que les juges cantonaux considèrent comme totalement différente, car basée sur une rémunération fixe par client visité.
 
Pour la cour cantonale, il est manifeste que la défenderesse a eu un comportement déloyal envers la demanderesse: elle a poursuivi les pourparlers et multiplié les rencontres avec celle-ci, pendant plus de quatre mois, du 26 mai au 9 octobre 2003, alors que son intention de base n'était pas claire. Le 26 août 2003 en effet, la demanderesse a remis à la défenderesse un projet de contrat, fondé sur une rémunération fixe et des commissions. Le 26 septembre suivant, seuls deux points faisaient encore difficulté. C'est seulement le 9 octobre 2003 que la défenderesse a déclaré à la demanderesse qu'elle n'acceptait pas les termes du contrat remis. Ce revirement serait l'expression d'un manque de loyauté dans les pourparlers antérieurs. Par son attitude ambiguë, la défenderesse aurait conduit la demanderesse à considérer que le principe de son engagement était acquis et l'aurait amenée à commettre un acte contraire à ses intérêts, en renonçant à l'activité qu'elle exerçait encore fin août 2003. Le dommage dû par la défenderesse en raison de sa responsabilité précontractuelle équivaudrait au salaire dont la demanderesse se serait privée, du fait de sa démission, durant les pourparlers en septembre et octobre 2003. Compte tenu du salaire envisagé par les parties, cette perte s'élèverait à 8'000 fr. La demanderesse aurait toutefois manqué de prudence en renonçant à son activité, alors qu'elle n'avait pas encore formellement conclu de contrat avec la défenderesse, ce qui justifie, selon les juges cantonaux, une réduction de l'indemnité (cf. art. 44 al. 1 CO) à 6'000 fr., plus intérêts.
 
3.
 
3.1 La responsabilité résultant d'une culpa in contrahendo repose sur l'idée que, pendant les pourparlers, les parties doivent agir selon les règles de la bonne foi. L'ouverture des pourparlers crée déjà une relation juridique entre interlocuteurs et leur impose des devoirs réciproques. Ainsi, chaque partie est tenue de négocier sérieusement, conformément à ses véritables intentions; il lui appartient en outre de renseigner l'autre, dans une certaine mesure, sur les circonstances propres à influencer sa décision de conclure le contrat, ou de le conclure à des conditions déterminées (ATF 121 III 350 consid. 6c p. 354; 116 II 695 consid. 3 p. 698; 105 II 75 consid. 2a p. 79 ss et les arrêts cités).
 
Le devoir de se comporter sérieusement suppose de ne pas engager, ni de poursuivre des négociations sans avoir l'intention de conclure le contrat (ATF 77 II 135 consid. 2a p. 137/138; Kramer, Berner Kommentar, n. 12 ad art. 22 CO). Il implique également de ne pas mener des pourparlers de manière à faire croire que sa volonté de conclure est plus forte qu'en réalité; par exemple, il est contraire aux règles de la bonne foi de donner sans réserve son accord de principe à la conclusion d'un contrat formel et de refuser in extremis, sans raison, de le traduire dans la forme requise (Kramer, op. cit., n. 16 ad art. 22 CO; arrêt 4C.152/2001 du 29 octobre 2001, publié in SJ 2002 I p. 164, consid. 3a et les références).
 
En principe, chaque partie a le droit de rompre les pourparlers sans être obligée d'en donner les raisons. Ce n'est que dans des situations exceptionnelles qu'une culpa in contrahendo sera retenue en cas de rupture des pourparlers (arrêt précité 4C.152/2001, consid. 3a et les références).
 
Pour qu'une rupture des pourparlers apparaisse comme une culpa in contrahendo, il ne suffit pas que les négociations aient duré longtemps, ni que la partie à l'origine de la rupture ait été au courant des investissements effectués par l'autre (arrêt précité 4C.152/2001, consid. 3a et les références). En principe, la partie qui engage des frais avant la conclusion du contrat, le fait à ses risques et périls (Kramer, op. cit., n. 13 ad art. 22 CO).
 
3.2 Au vu des principes énoncés, la durée des pourparlers de quatre mois n'est pas un critère décisif pour apprécier une éventuelle culpa in contrahendo. Par ailleurs, on ne saurait reprocher à la défenderesse d'avoir eu une intention de base peu claire. En effet, les commissions, sur lesquelles les parties ne se sont finalement pas entendues, ont été un élément non négligeable tout au long des pourparlers, puisqu'il en a déjà été question le 6 juin 2003, puis dans le projet du 26 août 2003 et enfin le 26 septembre 2003. Aussi la proposition de la défenderesse du 9 octobre 2003, portant sur une rémunération fixe par client visité, peut-elle être considérée comme reflétant le désaccord entre les parties au sujet des commissions en particulier et du mode de rémunération en général.
 
A cela s'ajoute qu'il n'est pas contesté que le document remis par la demanderesse le 26 août 2003 n'était qu'un projet de contrat, que la défenderesse n'avait toujours pas approuvé le 26 septembre suivant. Par conséquent, la proposition de la défenderesse du 9 octobre 2003 ne saurait être qualifiée de revirement, dès lors que le document remis par la demanderesse le 3 octobre précédent, soit moins d'une semaine auparavant, ne constituait que la version épurée d'un projet non approuvée par la défenderesse. On ne voit donc pas que la défenderesse aurait amené, par une attitude déloyale, la demanderesse à renoncer à son activité déjà à la fin du mois d'août 2003. Du reste, cela a été vu par les juges cantonaux dans une certaine mesure - même si ce n'est que dans le cadre de la fixation du dommage -, puisqu'ils ont admis que la demanderesse avait été imprudente en renonçant à son emploi à ce stade des pourparlers. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de retenir que la défenderesse avait été informée de l'intention de la demanderesse à ce sujet.
 
Partant, en retenant une responsabilité précontractuelle à la charge de la défenderesse, la cour cantonale a violé le droit fédéral.
 
4.
 
La défenderesse invoque la violation par la cour cantonale des dispositions fédérales en matière de preuves (art. 43 al. 3 OJ; art. 8 CC). Celle-ci aurait retenu pour établi un fait non prouvé, à savoir que la demanderesse aurait renoncé à l'activité qu'elle exerçait encore le 26 août 2003.
 
Etant donné que la culpa in contrahendo n'a pas été retenue, même dans l'hypothèse de la renonciation à un emploi par la demanderesse, le grief de la défenderesse ne doit plus être examiné.
 
5.
 
Cela étant, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé, en admettant les conclusions libératoires de la défenderesse.
 
Comme la valeur litigieuse, selon les prétentions de la demanderesse à l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b), ne dépasse pas 30'000 fr., la procédure est gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO). Dans le cadre de la procédure fédérale, il ne se justifie pas d'allouer des dépens (cf. art. 159 al. 1 OJ; ATF 122 II 495 consid. 4) à la défenderesse, qui obtient gain de cause mais qui n'est pas représentée par un mandataire professionnel. L'affaire sera par ailleurs renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle se prononce à nouveau sur les dépens de la procédure cantonale (cf. art. 159 al. 6 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. Les conclusions libératoires de la défenderesse sont admises.
 
2.
 
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure cantonale.
 
3.
 
Il n'est pas alloué de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.
 
Lausanne, le 17 novembre 2005
 
Au nom de la Ire Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: La Greffière:
 
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