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Informationen zum Dokument  BGer 4A_408/2007  Materielle Begründung
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BGer 4A_408/2007 vom 07.02.2008
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4A_408/2007
 
Arrêt du 7 février 2008
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Kolly et Kiss.
 
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
 
Parties
 
A.________ Sàrl,
 
B.________,
 
C.________,
 
recourants, représentés par Me Jacques Micheli,
 
contre
 
Société X.________SA,
 
Société Y.________ SA,
 
intimées, représentées par Me Philippe Conod.
 
Objet
 
bail commercial; erreur; défaut,
 
recours en matière civile et recours constitutionnel subsidiaire contre l'arrêt rendu le 6 août 2007 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton
 
de Vaud.
 
Faits:
 
A.
 
Le 20 mai 1998, la Société X.________ SA et la Société Y.________ SA ont fait paraître dans «Le Temps» une annonce pour la mise en location, dès le 1er septembre 1998, d'un magasin de 143 m2 situé à la rue ..., à Lausanne.
 
Par courrier du 26 mai 1998, B.________, au nom de la société V.________ Sàrl active dans le domaine du textile et des accessoires de mode, a fait connaître à la régie représentant les copropriétaires son intérêt pour la location d'une «surface de 50 à 200 m2 pour y installer une boutique.»
 
A la suite de divers entretiens, la régie a adressé à B.________ une lettre datée du 6 juillet 1998, confirmant notamment que «la Société propriétaire accept[ait] de [lui] louer la surface de 143 m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble précité, à l'usage de Boutique.»
 
Par contrat du 26 août 1998, les deux sociétés immobilières ont remis à bail les locaux susmentionnés à A.________ Sàrl (en formation), B.________ et C.________ dès le 1er septembre 1998 pour un loyer mensuel brut de 6'107 fr. Selon le bail, l'objet - loué à l'usage d'une boutique de textiles et de prêt-à-porter - est situé au rez-de-chaussée et comprend «vitrines & magasin / local commercial & un groupe w.c. & deux locaux au sous-sol»; la surface approximative figurant dans le contrat est de 143 m2. Le chiffre 5.3 du bail précise que «l'état des locaux, que le locataire déclare connaître parfaitement, est défini par lettre de [la régie] du 6 juillet 1998.» Une clause du contrat donne la possibilité aux locataires de résilier le bail pour le 30 septembre 2000 et pour le 30 septembre 2001, moyennant un avis signifié au moins six mois à l'avance.
 
B.________ et C.________ sont les deux associés gérants de A.________ Sàrl.
 
A une date indéterminée mais avant la signature du bail, B.________ avait visité les locaux.
 
En septembre 1998, C.________ a constitué la garantie de 18'000 fr. stipulée dans le bail.
 
Par courrier du 19 octobre 1998 à l'en-tête de A.________ Sàrl, B.________ et C.________ ont demandé à la régie les dimensions exactes du magasin du rez-de-chaussée et des deux locaux situés au sous-sol, les plans en leur possession n'étant pas suffisamment précis sur ce point.
 
La gérance a répondu aux locataires que les superficies relevées étaient de 81 m2 pour le rez-de-chaussée et de 60 m2 pour les deux locaux du sous-sol.
 
Par lettre du 2 décembre 1998, A.________ Sàrl a demandé à la régie que le loyer mensuel soit réduit à 3'935 fr.48. Elle faisait valoir notamment que le rez-de-chaussée s'étendait en réalité sur 81 m2, alors que la lettre du 6 juillet 1998 faisait état d'une surface de 143 m2 à ce niveau et que l'annonce parue dans le journal, en mentionnant une surface de 143 m2, se référait implicitement à la surface de vente ou surface commerciale. Les bailleresses ne sont pas entrées en matière.
 
B.
 
Après l'échec d'une tentative de conciliation devant la commission idoine, les locataires ont ouvert action contre les bailleresses le 6 juin 1999 devant le Tribunal des baux du canton de Vaud. La demande tendait principalement à la réduction du loyer mensuel à 3'420 fr. et à l'octroi de dommages-intérêts pour manque à gagner sur le chiffre d'affaires de la boutique.
 
Le 3 août 1999, les locataires ont résilié le bail de manière anticipée pour le 31 août 1999. A cette date, ils ont cessé d'exploiter la boutique et de payer le loyer. Les locaux ont été reloués à partir du 1er mai 2000.
 
Par la suite, les locataires ont modifié et complété leurs conclusions. Dans leur dernier état, celles-ci tendaient essentiellement à ce que le bail soit déclaré nul ou, subsidiairement, valablement résilié pour le 31 août 1999 et à ce que les bailleresses soient condamnées solidairement à payer aux locataires le montant total de 201'018 fr.48 plus intérêts, englobant la perte de gain, la perte sur investissements et les parts de loyer payées en trop.
 
De leur côté, les bailleresses ont pris contre les locataires des conclusions en paiement d'un montant s'élevant en dernier lieu à 48'856 fr. plus intérêts, ce qui représente les loyers impayés de septembre 1999 à avril 2000.
 
Le Tribunal des baux a ordonné une expertise portant notamment sur les dimensions de l'objet loué. Selon le rapport de M.________, la surface totale du rez-de-chaussée est de 93 m2, y compris la vitrine de 6 m2, et celle du sous-sol est de 49,5 m2.
 
Par ailleurs, le tribunal a procédé à une inspection locale qui lui a permis de constater que la surface du rez-de-chaussée paraissait manifestement inférieure à 143 m2.
 
Par jugement du 4 juillet 2006, le Tribunal des baux a rejeté toutes les conclusions prises par les locataires sauf celle tendant à la libération de la garantie de loyer; il a condamné les locataires solidairement à payer aux bailleresses la somme de 48'856 fr. plus intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2000.
 
A.________ Sàrl, B.________ et C.________ ont interjeté un recours en réforme cantonal contre cette décision. Par arrêt du 6 août 2007, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté ce recours et confirmé le jugement attaqué. A l'instar du Tribunal des baux, elle a jugé que l'erreur invoquée par les locataires n'était pas essentielle et que la chose louée n'était pas affectée d'un défaut.
 
C.
 
A.________ Sàrl, B.________ et C.________ forment, dans le même acte, un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire. Principalement, ils demandent la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que les conclusions qu'ils ont prises en première instance sont admises et que les conclusions prises par les intimées sont rejetées. A titre subsidiaire, ils concluent à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause aux autorités cantonales.
 
La Société X.________ SA et la Société Y.________ SA proposent le rejet du «recours de droit civil» et du «recours de droit constitutionnel».
 
Pour sa part, la Chambre des recours se réfère aux considérants de son arrêt.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
1.1 L'arrêt attaqué est un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF) dans une affaire de bail à loyer dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF). Le recours en matière civile est ouvert contre une telle décision.
 
Dans leur mémoire, les recourants prétendent pourtant exercer également un recours constitutionnel subsidiaire, pour violation du droit d'être entendu et pour arbitraire. Ce faisant, ils confondent manifestement le recours constitutionnel subsidiaire prévu par la LTF avec l'ancien recours de droit public relevant de l'OJ. C'est le lieu de préciser que le nouveau droit de procédure permet de se plaindre, dans le recours (ordinaire) en matière civile, d'une violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 133 III 446 consid. 3.1 p. 447, 462 consid. 2.3 p. 466). Il s'ensuit que le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable (art. 113 LTF).
 
1.2 Les recourants ont qualité pour recourir dès lors qu'ils n'ont pas obtenu gain de cause (art. 76 al. 1 LTF). Au surplus, le recours est en principe recevable, puisqu'il a été interjeté dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
 
1.3 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc lié ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4). Toutefois, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).
 
1.4 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
 
La notion de «manifestement inexacte» correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4; cf. également ATF 133 III 350 consid. 1.3). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
 
1.5 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).
 
2.
 
2.1 Invoquant notamment l'art. 105 al. 2 LTF, les recourants demandent tout d'abord au Tribunal fédéral de prendre en compte deux faits qui ne ressortiraient que du jugement de première instance, soit le courrier de la gérance du 6 juillet 1998 se référant à «la surface de 143 m2 au rez-de-chaussée» et le chiffre 5.3 du contrat de bail au terme duquel l'état des locaux est défini par ladite lettre du 6 juillet 1998.
 
2.2 Ces deux éléments ne figurent pas dans les «faits nécessaires à l'examen du recours» selon la cour cantonale; en revanche, la lettre du 6 juillet 1998 et son contenu sont bien mentionnés dans la partie «en droit» de l'arrêt attaqué (p. 7, 1er §). Par ailleurs, ils sont repris tous deux dans l'état de fait de la décision de première instance, que la Chambre des recours déclare expressément faire sien. Force est ainsi de reconnaître que les deux faits en question résultent de la décision cantonale au sens de l'art. 99 al. 1 LTF. Ils pourront donc être pris en considération par la cour de céans, ce qui ne signifie pas encore qu'ils soient propres à influer sur le sort de la cause.
 
3.
 
La Chambre des recours a écarté les deux thèses défendues alternativement par les recourants. Ceux-ci soutenaient avoir conclu le bail sous l'emprise d'une erreur essentielle les autorisant à invalider partiellement ou totalement le contrat; ils prétendaient également que la chose louée était entachée d'un défaut leur donnant droit de résilier le contrat avec effet immédiat et d'obtenir une réduction rétroactive du loyer.
 
3.1 Selon les recourants, la cour cantonale a nié à tort le caractère essentiel de l'erreur dont ils se prévalent, en se fondant sur des facteurs qui ne sont pas déterminants. Ainsi, la lettre du recourant B.________ du 26 mai 1998, indiquant une fourchette entre 50 et 200 m2, ne signifierait en aucun cas que les locataires étaient indifférents à la superficie de la surface commerciale louée trois mois plus tard. De même, la visite du même B.________, qui serait vraisemblablement intervenue après la conclusion du bail, ne serait point pertinente; au demeurant, on ne peut reprocher à cette partie de ne pas s'être souciée de la surface exacte du magasin proprement dit dès lors que le courrier de la gérance du 6 juillet 1998 indiquait clairement que le rez-de-chaussée mesurait 143 m2. La constatation propre du Tribunal des baux, selon laquelle la surface du rez-de-chaussée paraissait manifestement inférieure à 143 m2, ne serait pas non plus déterminante, car la perception de cette autorité aurait été nécessairement influencée par sa connaissance du litige. Dans son analyse du bail, la Chambre des recours aurait également omis de prendre en compte le chiffre 5.3 du contrat qui renvoyait clairement, en ce qui concerne la surface du rez-de-chaussée, à la lettre précitée du 6 juillet 1998. Enfin, les recourants se réfèrent à l'arrêt publié aux ATF 113 II 25, dans lequel un locataire a pu se prévaloir d'une erreur essentielle en raison d'un écart de 8 % entre la surface indiquée dans une annonce (environ 160 m2) et la superficie réelle (146,82 m2); ils font valoir que la différence en jeu en l'espèce est bien plus importante si l'on compare la surface du rez-de-chaussée indiquée par la gérance (143 m2) et la superficie réelle mesurée par l'expert (87 m2 sans la vitrine).
 
3.2 Selon l'art. 23 CO, le contrat n'oblige pas celle des parties qui, au moment de conclure, était dans une erreur essentielle. Celle-ci se rencontre notamment en cas d'erreur dite de base telle que définie à l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO, soit une erreur portant sur des faits que la loyauté commerciale permettait à celui qui s'en prévaut de considérer comme des éléments nécessaires du contrat (cf. ATF 132 II 161 consid. 4.1 p. 165 ss; 123 III 200 consid. 2 p. 202; 118 II 58 consid. 3b p. 62; 114 II 131 consid. 2 p. 139).
 
D'un point de vue subjectif, celui qui se prévaut de son erreur doit s'être trompé sur un fait déterminé touchant, pour lui, à la base nécessaire du contrat (notwendige Grundlage); ce fait doit avoir exercé une influence décisive sur la volonté de conclure du déclarant qui, sans cette circonstance, n'aurait pas passé le contrat ou, en tout cas, pas à ces conditions (Bruno Schmidlin, Commentaire romand, n. 40 ad art. 23-24 CO; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, Schweizerisches Obligationenrecht, 8e éd., tome I, n. 779, p. 158; Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 328/329). Selon la jurisprudence, un cocontractant ne peut invoquer un fait déterminé comme condition sine qua non du contrat lorsqu'il ne s'est pas préoccupé, au moment de conclure, d'éclaircir une question qui se posait manifestement en rapport avec ce fait (ATF 129 III 363 consid. 5.3 p. 365; 117 II 218 consid. 3b p. 224).
 
D'un point de vue objectif, l'erreur ne sera essentielle que si elle porte sur des faits qui, selon le principe de la bonne foi en affaires, peuvent être considérés comme la base nécessaire du contrat (ATF 118 II 58 consid. 3b p. 62; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, op. cit., n. 783, p. 159; Engel, op. cit., p. 330).
 
Savoir si et dans quelle mesure une partie se trouvait dans l'erreur au moment de conclure le contrat est une question de fait, contrairement à la question du caractère essentiel de l'erreur (ATF 118 II 58 consid. 3a p. 62; 113 II 25 consid. 1a p. 27).
 
3.3 En l'espèce, l'erreur dont les locataires se prévalent a trait à la superficie du rez-de-chaussée des locaux loués: ils pensaient que cette surface était de 143 m2, comme la lettre de la gérance du 6 juillet 1998 l'indiquait, alors qu'elle n'était en réalité que de 93 m2. Même si la cour cantonale n'a pas constaté expressément que les recourants se trouvaient effectivement dans l'erreur à ce sujet, il convient d'examiner le caractère essentiel ou non de l'erreur invoquée.
 
Au préalable, il sied de préciser que l'attitude du recourant B.________, qui a traité avec la régie jusqu'à la signature du contrat, est opposable aux autres colocataires dont il était organe ou qu'il représentait (cf. Watter/Schneller, Basler Kommentar, 4e éd., n. 24 ad art. 32 CO; Eugen Bucher, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, 2e éd., p. 630). Ce point n'a du reste jamais été contesté.
 
Cela étant, rien dans le comportement des locataires, et singulièrement du recourant B.________, ne permet de conclure qu'une surface au rez-de-chaussée d'au moins 143 m2 constituait pour eux la base nécessaire du contrat. En réponse à l'annonce du 20 mai 1998, le recourant B.________ a écrit être à la recherche d'une surface à usage de boutique de 50 à 200 m2. Par la suite, il a visité les lieux proposés à la location et pu constater qu'ils étaient répartis sur deux niveaux. Que la visite ait eu lieu avant ou après la réception de la lettre du 6 juillet 1998, le recourant B.________ devait nécessairement, avant la signature du contrat, éclaircir la question de la superficie exacte de la surface de vente proprement dite, au rez-de-chaussée, si cette donnée était importante au point de conditionner l'accord des intéressés. En effet, il est établi qu'à l'oeil nu, la surface litigieuse paraissait manifestement inférieure à 143 m2. On ne voit pas en quoi cette constatation du Tribunal des baux serait arbitraire. Il est du reste évident que tout visiteur moyen est à même de percevoir une différence de 50 m2 entre une surface supputée de 143 m2 et une surface réelle de 93 m2.
 
A la réception de la lettre du 6 juillet 1998 ou lors de la visite, selon l'ordre dans lequel ces deux événements se sont produits, le recourant B.________ ne pouvait ainsi que nourrir des doutes sur les mesures fournies alors par la régie. En s'abstenant d'élucider ce point avant la conclusion du contrat, le futur locataire B.________ a démontré qu'il ne considérait pas la surface exacte du rez-de-chaussée comme un élément nécessaire du bail. Les recourants ne peuvent ainsi prétendre, une fois le contrat signé, que cette donnée revêtait un caractère causal dans leur détermination à conclure le bail au loyer proposé. C'est à bon droit que la Chambre des recours s'est référée sur ce point à la conclusion du Tribunal des baux, niant que l'erreur invoquée par les locataires porte sur un fait subjectivement essentiel. Le moyen fondé sur la violation de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO sera écarté.
 
4.
 
Les recourants reprochent également à la cour cantonale de n'avoir pas admis que la chose louée était entachée d'un défaut. A leur sens, il résulte clairement du bail, en particulier du chiffre 5.3 renvoyant à la lettre de la régie du 6 juillet 1998, que la surface du rez-de-chaussée s'étendait sur 143 m2; il s'agit là d'une qualité promise par les bailleresses. Comme la superficie réelle du rez-de-chaussée est largement inférieure à 143 m2, les locataires entendent faire valoir les droits résultant de la garantie pour les défauts de la chose louée.
 
4.1 En l'absence de définition légale, la notion de défaut doit être rapprochée de l'état approprié à l'usage pour lequel la chose a été louée, au sens de l'art. 256 al. 1 CO; elle suppose la comparaison entre l'état réel de la chose et l'état convenu ou promis (David Lachat, Le bail à loyer, p. 141). Il y a ainsi défaut lorsque la chose ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise (Peter Higi, Zürcher Kommentar, n. 27 et 29 ad art. 258 CO) ou sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (Pierre Tercier, Les contrats spéciaux, 3e éd., n. 1869 ss, p. 271 ss).
 
Lorsque, comme en l'espèce, le locataire prétend que le bailleur avait promis dans le contrat une qualité déterminée de l'objet loué, il y a lieu d'interpréter le bail. Pour ce faire, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer, en fait, la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). La recherche de la volonté réelle des parties est qualifiée d'interprétation subjective (ATF 132 III 626 consid. 3.1; 131 III 606 consid. 4.1). Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si leurs volontés intimées divergent, le juge doit interpréter les déclarations et les comportements selon la théorie de la confiance, c'est-à-dire rechercher comment la clause contractuelle pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (interprétation dite objective). Les circonstances déterminantes sont celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 p. 67 et les arrêts cités).
 
4.2 Par une interprétation objective, la cour cantonale a jugé qu'on ne pouvait «pas déduire du bail que la surface du rez-de-chaussée était de 143 m2, mais on compren[ait] au contraire que c'[était] l'ensemble des locaux.»
 
Il est à noter d'emblée que le renvoi du chiffre 5.3 du bail, relatif à l'état des locaux, concerne manifestement le passage de la lettre du 6 juillet 1998 mettant à la charge des bailleresses la réfection des murs, plafond et sol. Il est vrai toutefois que le courrier en question est un élément, précédant la conclusion du bail, qui peut intervenir dans l'interprétation du contrat lui-même.
 
Le contrat de bail indique une surface approximative de 143 m2. Comme il mentionne également que les locaux loués se trouvent au rez-de-chaussée, on peut éprouver un léger doute sur le point de savoir si la surface indiquée se rapporte à tous les locaux faisant l'objet de la description contractuelle - «vitrines & magasin / local commercial & un groupe w.c. & deux locaux au sous-sol» - ou uniquement à la surface commerciale proprement dite du rez-de-chaussée, de la même manière que la surface d'un appartement ne se mesure en général pas avec la cave. La lettre de la régie du 6 juillet 1998, qui indique clairement une «surface de 143 m2 au rez-de-chaussée», est une circonstance qui plaide pour cette dernière interprétation.
 
Cela étant, une autre circonstance antérieure à la conclusion du contrat est déterminante en l'occurrence. Le locataire B.________ a vu les locaux, répartis sur deux étages, avant de signer le contrat. Selon les constatations cantonales, il est manifeste, sans procéder à des mesures, que le rez-de-chaussée s'étend sur moins de 143 m2. Dans ces conditions, le recourant B.________, dont on a déjà vu que la connaissance et le comportement sont opposables à ses colocataires, ne pouvait de bonne foi comprendre que la clause contractuelle relative à la surface ne se rapportait qu'au rez-de-chaussée, à l'exclusion des autres locaux faisant partie de l'objet loué. Il s'ensuit que le grief tiré du défaut de la chose louée est mal fondé.
 
5.
 
Sur le vu de ce qui précède, le recours en matière civile sera rejeté.
 
6.
 
Les recourants, qui succombent, prendront à leur charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et verseront des dépens aux intimées (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
 
2.
 
Le recours en matière civile est rejeté.
 
3.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants.
 
4.
 
Les recourants, débiteurs solidaires, verseront aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
Lausanne, le 7 février 2008
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: La Greffière:
 
Corboz Godat Zimmermann
 
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