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Informationen zum Dokument  BGer 6B_445/2008  Materielle Begründung
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BGer 6B_445/2008 vom 10.11.2008
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
6B_445/2008 /rod
 
Arrêt du 10 novembre 2008
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. les Juges Schneider, Président,
 
Zünd et Mathys.
 
Greffier: M. Oulevey.
 
Parties
 
A.X.________ et B.X.________,
 
recourants, représentés par Me Gilles Monnier, avocat,
 
contre
 
Y.________,
 
représentée par Me Eric Ramel, avocat,
 
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
 
intimés.
 
Objet
 
Frais et dépens,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 17 décembre 2007.
 
Faits:
 
A.
 
Les époux A.X.________ et B.X.________, d'une part, et Y.________, d'autre part, sont voisins. Dès 2001, un conflit les a opposés, la seconde laissant régulièrement ses deux chiens divaguer sur la propriété des premiers et y faire leurs besoins. Diverses plaintes et contre-plaintes ont été déposées pour injures et menaces.
 
B.
 
Dans la nuit du 4 au 5 août 2003, les chiens de Y.________ ont ingéré du métaldéhyde. L'un d'eux est mort. L'autre a dû recevoir des soins vétérinaires. Le 10 août 2003, le survivant a ingéré une seconde fois une certaine quantité du même toxique. Après de nouveaux soins, il a survécu. Soupçonnant un empoisonnement intentionnel par une tierce personne, Y.________ a porté plainte. L'enquête a été dirigée contre les époux X.________.
 
Statuant le 17 octobre 2006, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Côte a condamné A.X.________ et B.X.________, pour dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et mauvais traitements envers les animaux (art. 27 al. 1 LPA), à six mois d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans, ainsi qu'au paiement de 5'000 fr. de dépens pénaux. Il a mis les frais de la cause à leur charge.
 
Par arrêt du 28 décembre 2006, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a réduit la peine à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans et 1'500 fr. d'amende pour A.X.________ et à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans et 500 fr. d'amende pour B.X.________. Elle a confirmé le jugement de première instance pour le surplus et condamné les époux X.________ au paiement de la moitié des frais de seconde instance.
 
C.
 
Le 25 septembre 2007, le Tribunal fédéral a, sur recours de droit public des époux X.________, annulé ces condamnations pour violation du principe in dubio pro reo (arrêt 1P.120/2007).
 
D.
 
Statuant à nouveau par arrêt du 17 décembre 2007, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a acquitté les époux X.________. Elle les a néanmoins condamnés à verser 3'000 fr. de dépens à Y.________ et à supporter la moitié des frais de première instance, au motif qu'ils avaient donné lieu aux poursuites par un comportement répréhensible.
 
E.
 
Les époux X.________ recourent au Tribunal fédéral contre ce dernier arrêt, dont ils demandent principalement la réforme en ce sens que les conclusions en dépens de l'intimée Y.________ soient rejetées et les frais de la cause entièrement laissés à la charge de l'État. À titre subsidiaire, ils concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué, avec renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
 
Ils assortissent leur recours d'une demande d'assistance judiciaire et d'une requête d'effet suspensif.
 
La cour cantonale et le Ministère public du canton de Vaud ont renoncé à se déterminer.
 
L'intimée Y.________ conclut au rejet du recours.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
La voie du recours en matière pénale (art. 78 ss LTF) est ouverte à la partie au procès pénal qui a été condamnée aux frais et dépens (arrêt 6B_300/2007 du 13 novembre 2007 consid. 1.1). Interjeté dans le délai légal de trente jours (art. 100 al. 1 LTF), par des accusés acquittés mais condamnés aux frais et dépens, contre un arrêt de dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF), le recours est recevable.
 
2.
 
Les recourants soutiennent que la cour cantonale a violé leur droit à un procès équitable, garanti à l'art. 29 al. 1 Cst., en leur appliquant de manière arbitraire les art. 158 et 163 al. 2 du code de procédure pénale vaudois (ci-après CPP/VD; RSV 312.01), tels qu'ils doivent être interprétés pour être compatibles avec l'art. 6 par. 2 CEDH.
 
2.1 Aux termes de l'art. 158 CPP/VD, lorsque le prévenu est libéré des fins de l'action pénale, il ne peut être astreint au paiement de tout ou partie des frais que si l'équité l'exige, notamment s'il a donné lieu à l'ouverture de l'action pénale ou s'il en a compliqué l'instruction. En vertu de l'art. 163 al. 2 CPP/VD, les règles concernant les frais sont applicables par analogie aux dépens.
 
Il est incompatible avec la présomption d'innocence, garantie à l'art. 6 par. 2 CEDH, de condamner aux frais et dépens un prévenu libéré, au motif explicite ou implicite qu'il a commis une infraction ou une faute pénale. Il n'est compatible avec la présomption d'innocence de condamner aux frais et dépens un prévenu acquitté que s'il est clairement établi que celui-ci a provoqué ou prolongé les poursuites exercées contre lui par un comportement fautif et manifestement contraire à une règle écrite ou non écrite de l'ordre juridique, soit par un comportement qui suffirait en droit privé à engager sa responsabilité civile, au regard de l'art. 41 CO (ATF 116 Ia 162 consid. 2e p. 175). Ces dernières conditions ne sont remplies que s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre l'acte fautif et civilement illicite du prévenu, d'une part, et l'engagement des frais mis à sa charge, d'autre part. Ce lien fait défaut si les frais ont été entraînés par des opérations injustifiées au regard de la situation procédurale dans laquelle elles sont intervenues (ATF 116 Ia 162 consid. 2c p. 170/171). Dès lors, un prévenu acquitté ne saurait être condamné aux frais et dépens en application des art. 158 et 163 al. 2 CPP/VD, interprétés conformément à la CEDH, si les actes juridiquement répréhensibles - quoique non pénaux - retenus contre lui ne sont pas la cause adéquate d'opérations justifiées.
 
2.2 Dans le cas présent, la cour cantonale a considéré qu'il ressortait clairement du jugement de première instance que A.X.________ avait lancé en une occasion une chaise direction des chiens de l'intimée pour tenter de les chasser de chez lui, que B.X.________ avait fait une "danse de la victoire" lorsque l'un des deux chiens était mort et que tous deux avaient proféré des menaces contre les chiens de l'intimée peu avant les événements d'août 2003. Pour la cour cantonale, cette attitude des recourants justifiait que l'enquête ait été dirigée avant tout contre eux. Ils devaient dès lors en supporter les frais et verser des dépens à la plaignante.
 
2.2.1 Le possesseur d'un immeuble n'est pas tenu de tolérer que les chiens du voisinage errent sur sa parcelle ni, à plus forte raison, qu'ils viennent y faire leurs besoins. Il est en droit de repousser par la force ce trouble de la possession, à condition de s'abstenir de voies de fait non justifiées par les circonstances (art. 926 al. 1 et 3 CC). Il ne commet dès lors pas d'acte illicite s'il emploie à cet effet des moyens nécessaires et proportionnés à la gravité des désagréments que la présence et les déjections de ces animaux lui causent (cf. Emil Stark, Berner Kommentar, 3e éd. 2001, n° 6 ad art. 926 CC). Il s'ensuit que le propriétaire ou le locataire qui, dans le but de chasser un chien de sa parcelle, tente de lui faire prendre la fuite en lançant un objet dans sa direction, sans le blesser, ne commet pas d'acte illicite. Il peut du reste même prendre le risque que l'objet blesse l'animal, voire qu'il le tue, si celui-ci est menaçant (cf. art. 57 al. 1 CO; ATF 77 IV 194 consid. 1 p. 196). La cour cantonale ne pouvait dès lors pas fonder la condamnation du recourant A.X.________ aux frais et dépens sur le fait qu'il a jeté une chaise en direction des deux chiens de l'intimée, sans les blesser, pour les chasser de chez lui.
 
2.2.2 Comme le Tribunal fédéral l'a relevé dans son arrêt du 25 septembre 2007 (arrêt 1P.120/2007 consid. 4.1 p. 6), il ressort du jugement de première instance que la "danse de la victoire" imputée à la recourante B.X.________ a été attestée exclusivement par le mari de la plaignante, dont le témoignage a été globalement mis en doute par le premier juge. La cour cantonale, qui a renvoyé à l'intégralité de l'état de fait du jugement de première instance, ne pouvait dès lors pas tenir ce fait pour clairement constaté et fonder sur lui la condamnation de la recourante B.X.________ aux frais et dépens.
 
2.2.3 Les menaces des recourants ne sont pas la cause de l'ouverture de l'action pénale. En effet, ni le jugement de première instance ni l'arrêt attaqué ne constatent que l'intimée se serait abstenue de déposer plainte si ses soupçons ne s'étaient pas portés sur les recourants. L'hypothèse d'un acte malveillant a été évoquée indépendamment du conflit de voisinage opposant les parties, par les vétérinaires qui ont soigné les chiens. Il n'est donc de loin pas exclu que la recourante aurait aussi porté plainte, qu'une enquête aurait aussi été ouverte et qu'une autopsie aurait aussi été pratiquée, si les recourants n'avaient jamais proféré de menaces.
 
En revanche, il est vrai que les menaces des recourants ont contribué à leur renvoi en jugement. Mais l'enquête n'aurait pas dû aboutir à ce résultat. Comme l'a relevé le Tribunal fédéral dans son arrêt du 25 septembre 2007 (arrêt 1P.120/2007 consid. 4.2 p. 7), l'autopsie n'avait pas permis d'écarter l'hypothèse d'un empoisonnement accidentel, qui se trouvait corroborée par la présence d'un morceau d'emballage plastique portant la mention «m2» dans l'estomac du chien autopsié. Ainsi, abstraction faite en tout cas de la prétendue "danse de la victoire" de B.X.________, alléguée par un témoin dont les propos n'engagent pas la responsabilité des recourants, les preuves recueillies au cours de l'enquête ne permettaient pas, sans arbitraire, d'envisager une condamnation. Les recourants ne sauraient dès lors être tenus de supporter les frais de justice, ni les dépens de l'intimée, même en partie. Le recours, bien fondé, doit ainsi être admis.
 
3.
 
L'intimée, qui succombe, doit supporter les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF).
 
Les recourants, qui obtiennent gain de cause, ont droit à l'allocation de pleins dépens (art. 68 al. 1 LTF), dont il y a lieu d'ordonner la distraction au profit de leur conseil (art. 64 al. 2 i. f. LTF). Leur demande d'assistance judiciaire n'a dès lors plus d'objet.
 
4.
 
La cause étant ainsi jugée, la requête d'effet suspensif n'a plus d'objet.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué réformé aux chiffres II/IV et II/VI de son dispositif en ce sens que les conclusions en dépens de la plaignante sont rejetées et les frais de la cause laissés entièrement à la charge de l'État.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée Y.________.
 
3.
 
Une indemnité de 2'000 fr., à verser à Me Gilles Monnier, est mise à la charge de l'intimée Y.________ au titre des dépens.
 
4.
 
La demande d'assistance judiciaire et la requête d'effet suspensif des recourants n'ont plus d'objet.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale.
 
Lausanne, le 10 novembre 2008
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Le Greffier:
 
Schneider Oulevey
 
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