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Informationen zum Dokument  BGer 2C_118/2008  Materielle Begründung
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BGer 2C_118/2008 vom 21.11.2008
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
2C_118/2008
 
{T 0/2}
 
Arrêt du 21 novembre 2008
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
 
Hungerbühler, Müller, Aubry Girardin et Donzallaz.
 
Greffière: Mme Dupraz.
 
Parties
 
X.________, recourante,
 
représentée par Me Robert Assaël, avocat,
 
contre
 
Conseil d'Etat du canton de Genève, p.a. Chancellerie d'Etat, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3984, 1211 Genève 3,
 
Département du territoire du canton de Genève, p.a. Chancellerie d'Etat, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3984, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
Interdiction d'accès pour les chiens à certains parcs publics,
 
recours contre les art. 21 al. 1 let. j et al. 5 ainsi que 22 al. 2 du règlement genevois du 17 décembre 2007 d'application de la loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens et contre l'arrêté genevois du 20 décembre 2007 désignant les parcs interdits aux chiens.
 
Faits:
 
A.
 
Le 1er octobre 2003, le Grand Conseil du canton de Genève a adopté la loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens (ci-après: la loi cantonale ou LChiens; RSG M 3 45), qui est entrée en vigueur le 29 novembre 2003. L'art. 10 LChiens, intitulé "Lieux d'ébats", prévoit, dans sa teneur du 22 février 2007 entrée en vigueur le 31 juillet 2007:
 
"1 Le département, en collaboration avec les communes et après consultation des milieux intéressés, définit les lieux où les chiens:
 
a) ne sont pas admis;
 
b) doivent être tenus en laisse;
 
c) peuvent pénétrer sans laisse sous la maîtrise de leur détenteur;
 
d) peuvent être laissés en liberté sous la responsabilité de leur détenteur.
 
2 Le département veille à ce qu'il existe sur le territoire cantonal un nombre suffisant de lieux où les chiens ne sont pas admis, de lieux où l'accès aux chiens est autorisé sous conditions et de lieux où les chiens peuvent accéder librement."
 
Le 17 décembre 2007, le Conseil d'Etat du canton de Genève a adopté un nouveau règlement d'application de la loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens (ci-après: le règlement cantonal ou RChiens; RSG M 3 45.01), entré en vigueur le 1er janvier 2008. Il y a lieu de citer la teneur de différentes dispositions du règlement cantonal.
 
L'art. 21 RChiens, qui a pour titre "Accès interdits", dispose, aux al. 1 let. j et 5:
 
"1 Les lieux dans lesquels les chiens ne sont pas admis sont les suivants:
 
(...)
 
j) les parcs publics, tels que désignés par arrêté du département en charge du service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après: le département).
 
(...)
 
5 Le département et les communes, par l'intermédiaire de leur exécutif, après consultation de la commission, sont habilités à désigner, en fonction des besoins, d'autres accès interdits."
 
Quant à l'art. 22 RChiens, intitulé "Accès autorisés sous conditions", il énumère, à l'al. 1, les lieux dans lesquels les chiens doivent être tenus en laisse et il prévoit, à l'al. 2:
 
"Le département et les communes, par l'intermédiaire de leur exécutif, après consultation de la commission, sont habilités à désigner, en fonction des besoins, d'autres accès autorisés sous conditions."
 
Le 20 décembre 2007, le Département du territoire du canton de Genève a édicté un arrêté désignant les parcs interdits aux chiens (ci-après: l'Arrêté), en se fondant notamment sur l'art. 10 LChiens. Il a ainsi établi une liste de 65 parcs, répartis sur 17 communes, dont l'accès est refusé aux chiens.
 
Depuis le 1er janvier 2008, le département genevois en charge des affaires vétérinaires n'est plus le Département du territoire, mais le Département de l'économie et de la santé.
 
B.
 
Le 1er février 2008, X.________ a déposé un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation des art. 21 al. 1 let. j et al. 5 ainsi que 22 al. 2 RChiens et de l'Arrêté. Propriétaire d'un chien, la recourante se plaint de violations des principes de l'interdiction de l'arbitraire, de la proportionnalité, de la séparation des pouvoirs et de la légalité.
 
Au nom du Conseil d'Etat, le Département de l'économie et de la santé conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours et à la confirmation des art. 21 al. 1 let. j et al. 5 ainsi que 22 al. 2 RChiens et de l'Arrêté.
 
Lors d'un second échange d'écritures, les parties ont maintenu leurs positions respectives.
 
C.
 
Le 21 novembre 2008, le Tribunal fédéral a délibéré sur le présent recours en séance publique.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 134 III 379 consid. 1 p. 381 et la jurisprudence citée).
 
1.1 D'après l'art. 82 let. b LTF, le recours en matière de droit public est ouvert contre les actes normatifs cantonaux, par quoi il faut entendre toutes les lois et ordonnances édictées par les autorités cantonales ou communales, voire dans une certaine mesure les ordonnances administratives qui ont des effets externes (cf. Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4118 ch. 4.1.3.3). Le présent recours s'en prend à des dispositions d'un règlement du Conseil d'Etat et à un arrêté du Département du territoire, ces deux autorités ayant agi sur la base de délégations figurant dans la loi cantonale (cf. art. 10 et 28 LChiens). Le règlement cantonal est à l'évidence un acte normatif cantonal. Il est plus difficile de qualifier l'Arrêté qui établit la liste des 65 parcs publics dont l'accès est interdit aux chiens. On pourrait y voir une série de décisions générales (sur cette notion, cf. ATF 125 I 313 consid. 2 p. 316 s.). Cela signifierait que la qualité pour recourir serait subordonnée au fait d'habiter à proximité de parcs déterminés et d'être effectivement touché par la limitation contestée de l'usage commun de cette partie du domaine public. Cela aurait aussi des conséquences quant à l'épuisement des instances cantonales. Dans une telle hypothèse, en effet, il y aurait une voie de recours cantonale, vraisemblablement devant le Tribunal administratif. Il n'y a cependant pas lieu de pousser plus loin cette réflexion, car l'Arrêté peut être assimilé à une norme générale et abstraite dans la mesure où il établit une liste de parcs interdits aux chiens qui couvre une grande partie de l'ensemble des parcs publics du canton de Genève, concerne tous les détenteurs de chiens genevois et a été édicté conformément à la procédure législative. Les actes attaqués tombent donc sous le coup de l'art. 82 let. b LTF.
 
Les actes attaqués ne pouvant faire l'objet, à Genève, d'un recours cantonal (cf. ATF 1C_384/2007 du 14 mai 2008 consid. 1), le recours en matière de droit public est directement ouvert (art. 87 al. 1 LTF).
 
Les art. 21 al. 1 let. j et al. 5 ainsi que 22 al. 2 RChiens ont été publiés dans la Feuille d'Avis Officielle du canton de Genève du 21 décembre 2007 et l'Arrêté dans celle du 28 décembre 2007. Le présent recours, interjeté le 1er février 2008, a donc été déposé en temps utile au regard des art. 101 et 46 al. 1 let. c LTF.
 
1.2 Lorsque l'acte attaqué est un acte normatif cantonal, a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 LTF celui qui dispose d'un intérêt simplement virtuel à son annulation ou à sa modification (FF 2001 4127 ch. 4.1.3.3). Un tel intérêt est donné s'il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées. En outre, il peut s'agir d'un intérêt purement factuel (ATF 133 I 286 consid. 2.2 p. 290; ATF 8C_184/2008 du 3 octobre 2008 consid. 2.1 et ATF 1C_384/2007 du 14 mai 2008 consid. 3.2).
 
En tant que propriétaire d'un chien qu'elle peut être amenée à promener dans des parcs publics, X.________ est, selon toute vraisemblance, susceptible d'être soumise un jour aux normes attaquées, de sorte qu'elle a un intérêt digne de protection à leur annulation ou à leur modification et a qualité pour recourir au regard de l'art. 89 al. 1 LTF.
 
Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le présent recours.
 
2.
 
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Aux termes de cet alinéa, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. En ces matières, l'acte de recours doit, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits ou principes constitutionnels violés et préciser en quoi consiste la violation (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254; 133 III 393 consid. 6 p. 397). En particulier, dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9 Cst., le recourant doit démontrer que l'acte entrepris ne repose sur aucun motif sérieux et objectif, apparaît insoutenable ou heurte gravement le sens de la justice (cf. ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312).
 
Lorsqu'il doit se prononcer dans le cadre d'un contrôle abstrait de normes, ce qui est le cas en l'espèce, le Tribunal fédéral n'annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit constitutionnel ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu'elles soient interprétées de façon contraire à la Constitution (ATF 130 I 82 consid. 2.1 p. 86; 119 Ia 321 consid. 4 p. 325 s.).
 
3.
 
La recourante allègue que le fait d'interdire aux chiens l'accès de 65 parcs publics du canton de Genève - dont 11 se trouvent sur la commune de Lancy - viole les principes de la proportionnalité et de l'interdiction de l'arbitraire. Elle fait valoir que, cette mesure mise à part, la législation genevoise comprend un ensemble de dispositions (préventives et répressives) suffisant pour garantir la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques. Elle prétend que la mesure litigieuse - concrétisée par l'art. 21 al. 1 let. j RChiens et par l'Arrêté - viole l'art. 9 Cst. en relation avec le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 Cst.). Elle soutient que l'Arrêté enfreint aussi l'art. 10 al. 2 LChiens, en tant qu'il prévoit d'interdire l'accès de tous les parcs publics de la commune de Lancy (sauf un).
 
3.1 Le principe de la proportionnalité figurant à l'art. 5 al. 2 Cst. n'est pas un droit fondamental, mais simplement un principe constitutionnel. Comme le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit fédéral en général (art. 95 let. a LTF), il est possible d'invoquer le principe de la proportionnalité directement et indépendamment d'un droit fondamental (ATF 134 I 153 consid. 4.1 p. 156 s. et les références; arrêt 2C_444/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que, lorsqu'il examine le droit cantonal indépendamment de toute atteinte à un droit fondamental, il ne revoit pas le respect du principe de la proportionnalité librement, mais seulement sous l'angle de l'arbitraire (ATF 134 I 153 consid. 4.3 p. 158; arrêt 2C_444/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.2 in fine). L'atteinte au principe de la proportionnalité soulevée ici se confond donc avec le grief d'arbitraire. On rappellera qu'une norme cantonale viole le principe de l'interdiction de l'arbitraire si elle ne repose pas sur des motifs objectifs sérieux, si elle est dépourvue de sens et de but ou si elle viole gravement un principe juridique incontesté (cf. ATF 133 I 259 consid. 4.3 p. 265; 124 I 297 consid. 3b p. 299; voir aussi arrêt 6B_235/2007 du 13 juin 2008 consid. 2.3, non publié in ATF 134 IV 193).
 
3.2 La législation genevoise a été modifiée en 2007 pour éviter que des drames comme ceux d'Oberglatt dans le canton de Zurich (enfant mortellement blessé par des chiens) et du Parc La Grange à Genève (petit enfant attaqué au visage par un chien) ne se reproduisent. La solution consistant à imposer le port de la muselière à tous les chiens dans les parcs publics a été écartée au profit de celle qui consiste à interdire l'accès de certains parcs publics à tous les chiens. C'est alors que le législateur a ajouté à l'art. 10 LChiens un second alinéa (entré en vigueur le 31 juillet 2007) enjoignant au département genevois compétent de veiller "à ce qu'il existe sur le territoire cantonal un nombre suffisant de lieux où les chiens ne sont pas admis, de lieux où l'accès aux chiens est autorisé sous conditions et de lieux où les chiens peuvent accéder librement". Cet alinéa établit un équilibre que doivent respecter les dispositions qui le concrétisent comme l'art. 21 al. 1 let. j RChiens en vigueur depuis le 1er janvier 2008 et présentement attaqué. C'est entre l'adoption et la mise en vigueur de cette disposition que le Département du territoire a édicté l'Arrêté. Celui-ci a donc été élaboré sur la base de la loi cantonale, en particulier de l'art. 10 LChiens, mais aussi dans le respect du règlement cantonal qui avait déjà été adopté. Comme cela ressort du dossier, le département précité a ainsi voulu permettre aux personnes fragiles ou craignant les chiens de se promener, voire de courir, dans certains parcs publics, sans risquer de graves blessures physiques (morsures) ou psychiques (traumatismes suivant une agression canine). Il s'est donc particulièrement soucié de la protection des enfants et des personnes âgées en établissant avec les communes genevoises la liste des parcs publics dont l'accès serait interdit aux chiens. Ainsi, les normes attaquées reposent sur un but d'intérêt public, plus spécialement de sécurité publique.
 
Certes, comme le relève la recourante, la législation genevoise contient d'autres mesures visant le même objectif, telles que l'obligation de faire porter une muselière aux chiens potentiellement dangereux dans certains lieux (art. 11 al. 3 LChiens) ou l'obligation de tenir les chiens en laisse dans certains endroits (art. 10 al. 1 let. b LChiens) notamment dans les parcs publics où ils sont admis (art. 22 al. 1 RChiens, disposition reprise du règlement d'application de la LChiens du 6 décembre 2004, qui a été en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007). De plus, elle comprend aussi des mesures répressives. Ces mesures n'ont toutefois pas paru suffisantes au législateur genevois qui a prévu, à l'art. 10 al. 1 let. a LChiens, des lieux où les chiens ne sont pas admis. On ne saurait le lui reprocher, sous l'angle de l'arbitraire. Il arrive en effet qu'un chien tenu en laisse s'échappe ou ne puisse être maîtrisé par son détenteur/propriétaire.
 
Par ailleurs, selon les données cantonales, les parcs publics interdits aux chiens énumérés dans l'Arrêté représentent moins de 26 % de la surface totale des espaces verts accessibles à la population (parcs, promenades, jardins publics) du canton de Genève. D'après les mêmes sources, 11 parcs publics sont interdits aux chiens dans la commune de Lancy, qui compte "près de 18 parcs publics" auxquels s'ajoutent 3 chemins piétons accessibles aux chiens ainsi que des bords de cours d'eau. Il ressort du dossier que ladite commune a en tout cas 16 parcs publics - et non pas 12, comme le prétend la recourante. En outre, dans cette commune, la surface des lieux interdits aux chiens correspond, selon les données chiffrées fournies par le département cantonal intimé, à 25,5 % de la surface totale d'espaces verts formés par les parcs, promenades, chemins et cordons boisés le long des cours d'eau (cf. les observations du Département de l'économie et de la santé du 17 juin 2008 ainsi que le courrier du Département du territoire/Service des systèmes d'information et de géomatique du 16 juin 2008 qui leur était annexé).
 
De plus, il ressort d'un examen attentif de la liste des 65 parcs interdits aux chiens que les parcs visés en premier lieu sont ceux qui se trouvent à proximité des écoles, des places de jeux et des établissements médico-sociaux. Il s'agit donc des parcs qui sont les plus susceptibles d'être utilisés par les enfants et les personnes âgées, soit les personnes que la mesure contestée cherche à protéger en priorité.
 
Dans ces circonstances, la mesure tendant à interdire l'accès aux chiens dans certains parcs publics, telle que mise en oeuvre par l'art. 21 al. 1 let. j RChiens et par l'Arrêté n'apparaît pas arbitraire et, partant, n'est pas manifestement contraire au principe de la proportionnalité.
 
3.3 La recourante tente de tirer argument de l'arrêt rendu le 17 avril 2007 par le Tribunal fédéral (ATF 133 I 145). Dans cet arrêt, l'Autorité de céans a annulé une disposition réglementaire visant à imposer le port de la muselière pour tous les chiens, avec les inconvénients que cela peut occasionner suivant les races, dans les parcs publics leur étant accessibles. Dans ce cas, le Tribunal fédéral a notamment mis en balance les désagréments pour les chiens d'une telle mesure de contention, par rapport aux effets qu'on pouvait en escompter, et il a considéré que le principe de la proportionnalité n'était manifestement pas respecté (ATF 133 I 145 consid. 4.2 p. 147). Le présent cas n'est pas comparable, car seul le choix des promenades que les propriétaires de chiens peuvent effectuer avec leurs animaux se trouve diminué. Cependant, comme déjà indiqué, une telle mesure n'apparaît pas arbitraire.
 
4.
 
S'agissant du règlement cantonal, la recourante se plaint de violations des principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs. Elle prétend que les art. 21 al. 5 et 22 al. 2 RChiens outrepassent la délégation de compétence contenue dans l'art. 10 al. 1 LChiens, en raison du rôle qu'ils attribuent aux communes. Elle fait également valoir que ces deux alinéas ont une densité normative insuffisante.
 
4.1 Le principe de la légalité est consacré à l'art. 5 al. 1 Cst., selon lequel le droit est la base et la limite de l'activité de l'Etat. Il en résulte en particulier que toute restriction à un droit fondamental doit - sous réserve des cas de danger sérieux, direct et imminent - être fondée sur une base légale; s'il s'agit d'une restriction grave, elle doit être prévue par une loi (art. 36 al. 1 Cst.; ATF 132 I 229 consid. 10.1 p. 242).
 
Le respect du principe de la légalité dans le cadre d'une délégation de compétence législative découle du principe de la séparation des pouvoirs (ATF 118 Ia 305 consid. 2a p. 309) et doit normalement être invoqué en relation avec ce dernier (ATF 129 I 161 consid. 2.1 p. 162 s.).
 
Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti par l'art. 130 Cst./GE et, plus généralement, par toutes les constitutions cantonales implicitement ou explicitement; il représente un droit constitutionnel dont peut se prévaloir le citoyen (ATF 130 I 1 consid. 3.1 p. 5 et la jurisprudence citée). Il interdit à un organe de l'Etat d'empiéter sur les compétences d'un autre organe; en particulier, il défend au pouvoir exécutif d'édicter des règles de droit, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 1C_155/2008 du 5 septembre 2008 consid. 2.2; SJ 1995 p. 285, 1P.404/1994 consid. 3). Une délégation remplit ces conditions lorsque le droit constitutionnel ne l'interdit pas, qu'elle est prévue dans une loi formelle, qu'elle est limitée à une matière déterminée et que la loi elle-même énonce dans les grandes lignes les règles primaires (ATF 118 Ia 245 consid. 3b p. 247 s.;117 Ia 328 consid. 4 p. 335).
 
4.2 Dans ce contexte, il convient de relever que, selon l'art. 10 LChiens, il appartient "au département", en collaboration avec les communes, de définir les lieux où les chiens sont admis librement, admis sous conditions ou ne sont pas admis. Il se trouve que ces lieux ont été précisés par le Conseil d'Etat aux art. 21 al. 1 et 2 ainsi que 22 al. 1 RChiens, "le département" n'ayant, en vertu de ces dispositions du règlement cantonal, que la compétence d'énumérer les parcs publics interdits aux chiens et de définir, avec les communes, d'autres lieux que ceux déjà pris en compte par le Conseil d'Etat où les chiens sont interdits ou admis sous conditions (cf. art. 21 al. 5 et 22 al. 2 RChiens). On peut se demander si, sous cet angle, il n'y a pas une atteinte à l'attribution des compétences prévue à l'art. 10 LChiens. Il n'y a cependant pas lieu d'entrer plus avant sur la question, en l'absence de grief motivé conformément à l'art. 106 al. 2 LTF sur ce point.
 
4.3 La recourante considère que les art. 21 al. 5 et 22 al. 2 RChiens, dans la mesure où ils permettent aux communes de décider des lieux où les chiens sont interdits ou admis sous conditions, violent le cadre fixé par l'art. 10 LChiens qui octroie cette compétence "au département", les communes n'intervenant que dans le cadre d'une collaboration. Cette position ne peut être suivie. Le Conseil d'Etat pouvait en tout cas sans arbitraire partir du fait que les communes genevoises, en tant que corporations administratives autonomes étaient habilitées à édicter leurs propres prescriptions sur l'utilisation du domaine public communal, en particulier sur l'usage des parcs publics (cf. PJA 2006 p. 1590, 2P.69/2006 consid. 2). De telles prescriptions communales peuvent aussi porter - en complément du droit cantonal - sur l'accès des chiens au domaine public communal. Le Conseil d'Etat n'est pas tombé dans l'arbitraire en prenant en considération dans le règlement cantonal l'existence de cette compétence réglementaire communale. Le grief de la recourante au sujet du rôle conféré aux communes n'est par conséquent pas fondé.
 
4.4 On ne saurait davantage suivre la recourante quand elle prétend que la densité normative des art. 21 al. 5 et 22 al. 2 RChiens est insuffisante, dès lors que ceux-ci permettent "au département" d'interdire l'accès des chiens à d'autres lieux "en fonction des besoins".
 
L'exigence de la densité normative n'est pas absolue, car on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manoeuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 123 I 112 consid. 7a p. 124).
 
A cet égard, les art. 21 al. 5 et 22 al. 2 RChiens sont suffisamment précis, même s'ils laissent une certaine marge de manoeuvre "au département" pour fixer d'autres lieux où les chiens sont interdits ou admis sous conditions, en fonction des besoins. Du reste, selon l'art. 10 LChiens, la compétence de déterminer de tels lieux revient précisément "au département" (cf. supra, consid. 4.2). En outre, en tant que dispositions d'application de la loi cantonale, les articles contestés doivent se comprendre, voire s'interpréter, à la lumière de celle-ci. Or, les besoins auxquels ces articles font référence sont décrits à l'art. 1 LChiens.
 
Les critiques dirigées contre le règlement cantonal doivent ainsi être rejetées.
 
5.
 
En ce qui concerne l'Arrêté, la recourante soutient d'une part qu'il a été adopté par un département cantonal incompétent. Elle prétend d'autre part qu'en l'édictant, le Département du territoire est sorti du cadre fixé par l'art. 10 al. 2 LChiens, outrepassant ainsi la norme délégatrice de compétence, en violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire.
 
5.1 Selon l'art. 2 LChiens dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2008, le département compétent pour appliquer la loi cantonale était le département en charge de l'office vétérinaire cantonal. Il lui appartenait notamment, aux termes de l'art. 10 LChiens, de définir les lieux où les chiens étaient admis, admis sous conditions ou interdits. Jusqu'au 31 décembre 2007, le département en charge de l'office vétérinaire cantonal était le Département du territoire. Depuis le 1er janvier 2008, cette compétence ressortit au Département de l'économie et de la santé, chargé du service de la consommation et des affaires vétérinaires. Il en découle que, le 20 décembre 2007, date à laquelle l'Arrêté a été adopté, c'était encore le Département du territoire qui était compétent en la matière. Il lui incombait donc bien d'édicter cet acte, conformément à l'art. 10 LChiens, qui constitue une base légale. Il est sans importance que, depuis le 1er janvier 2008, cette compétence ait été transférée à un autre département. Ce qui compte, c'est que le département ayant pris l'Arrêté était compétent au moment où cet acte a été édicté - quelle que soit d'ailleurs sa date d'entrée en vigueur. Au surplus, si l'on suivait le raisonnement de la recourante, chaque changement dans l'organigramme d'une administration entraînerait, sans raison valable, la caducité d'un certain nombre de textes, ce qui irait à l'encontre de la sécurité du droit.
 
5.2 La recourante reproche au Département du territoire de ne pas avoir respecté l'art. 10 al. 2 LChiens, en particulier dans le cas de la commune de Lancy. Ledit département n'aurait rien décidé, mais se serait contenté de "prendre note" des parcs interdits aux chiens, comme cela ressortirait de la formulation de l'Arrêté, sans procéder à l'examen commandé par l'art. 10 al. 2 LChiens. Ainsi, il n'aurait pas veillé à ce qu'il reste un nombre suffisant de lieux où les chiens sont admis, notamment sur le territoire de la commune précitée, où un seul parc public serait désormais accessible aux chiens. Une telle opinion ne peut être suivie. Tout d'abord, il ressort du préambule de l'Arrêté que le Département du territoire n'est pas resté passif, mais a entrepris une consultation, le 8 novembre 2006, auprès de la Ville de Genève et de toutes les communes urbaines puis, en décembre 2007, auprès de l'ensemble des communes genevoises, pour qu'elles désignent des parcs interdits aux chiens. Ces propositions ont ensuite été soumises à la commission consultative en matière de gestion des chiens instaurée par l'art. 22 LChiens. Certes, la formulation de l'Arrêté, qui indique que le Département du territoire prend note, est quelque peu maladroite. Il n'en reste pas moins que le Département du territoire a lui-même décidé des lieux interdits aux chiens, après avoir procédé aux consultations susmentionnées. Ensuite, le nombre de parcs publics interdits aux chiens en proportion de l'ensemble des parcs publics du canton et de la commune de Lancy (où 11 parcs sur en tout cas 16 sont interdits aux chiens, contrairement à ce que soutient la recourante; cf. consid. 3.2, ci-dessus) démontre que l'équilibre recherché par l'art. 10 al. 2 LChiens a bien été respecté par le Département du territoire. Rien ne permet donc de retenir que le Département du territoire aurait adopté l'Arrêté sans tenir compte de l'art. 10 al. 2 LChiens.
 
Dans ces circonstances, les moyens que la recourante soulève à l'encontre de l'Arrêté ne sont pas fondés.
 
6.
 
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.
 
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).
 
Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens au canton de Genève (art. 68 al. 3 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Conseil d'Etat, au Département du territoire ainsi qu'au Département de l'économie et de la santé du canton de Genève.
 
Lausanne, le 21 novembre 2008
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: La Greffière:
 
Merkli Dupraz
 
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