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Informationen zum Dokument  BGer 5A_866/2008  Materielle Begründung
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BGer 5A_866/2008 vom 08.05.2009
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
5A_866/2008, 5A_1/2009, 5A_2/2009
 
Arrêt du 8 mai 2009
 
IIe Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
 
Escher et von Werdt.
 
Greffière: Mme de Poret.
 
Parties
 
5A_866/2008
 
A.________,
 
recourant, représenté par Me Patrice Riondel, avocat,
 
5A_1/2009
 
Commune de B.________,
 
recourante,
 
5A_2/2009
 
C.________,
 
recourant,
 
contre
 
D.________,
 
intimé, représenté par Mes Patrick Dimier et Nicolas Gagnebin, avocats,
 
Objet
 
5A_866/2008, 5A_1/2009, 5A_2/2009
 
acquisition de la propriété (art. 662 CC),
 
recours contre l'ordonnance du Tribunal de première instance du canton de Genève du 3 décembre 2008.
 
Faits:
 
A.
 
D.________ est propriétaire depuis 1969 des parcelles nos 0002 et 0003, plan 22, de la Commune de B.________.
 
Les deux parcelles susmentionnées sont séparées par l'extrémité de la parcelle no 0000. Cette dernière parcelle est un chemin vicinal immatriculé de l'ancien droit genevois, sur le feuillet duquel figure, sous mentions: "ant. à 1912 (C), chemin vicinal, ..., en faveur de B.________/0001, B.________/0002 et B.________/0003" notamment.
 
A.________ est propriétaire de la parcelle no 0001 de la Commune de B.________. Sa parcelle, qui borde les parcelles de D.________, délimite également l'extrémité de la parcelle no 0000.
 
B.
 
Invoquant le fait qu'il possède depuis plus de trente ans la portion de la parcelle no 0000 située entre les parcelles dont il est propriétaire, D.________ a requis du Tribunal de première instance du canton de Genève, conformément à la procédure gracieuse prévue par l'art. 3 al. 1 let. h de la loi cantonale d'application du code civil et du code des obligations (ci-après LaCC; RS GE E 1 05), qu'il soit inscrit comme seul propriétaire de cette surface.
 
A.________, C.________, commandant de la compagnie des sapeurs pompiers de la Commune de B.________, ainsi que la Commune de B.________ se sont opposés à la requête déposée par D.________ (ci-après le requérant).
 
Par ordonnance du 3 décembre 2008, le Tribunal de première instance, statuant en procédure gracieuse, a notamment ordonné au conservateur du registre foncier du canton de Genève d'inscrire le requérant comme propriétaire de la surface réclamée et de procéder à cette fin à la division de la parcelle no 0000.
 
C.
 
Contre l'ordonnance du Tribunal de première instance, A.________, C.________ ainsi que la Commune de B.________, représentée par son maire, E.________, déposent, chacun indépendamment, un recours en matière civile ainsi qu'un recours constitutionnel subsidiaire devant le Tribunal fédéral. Les trois recourants soutiennent que leurs arguments n'ont pas été examinés par le Président du Tribunal de première instance et invoquent la violation des art. 4 et 8 CC dans le cadre de leur recours en matière civile. Dans leur recours constitutionnel subsidiaire, ils se plaignent chacun de la violation de l'art. 9 Cst., A.________ reprochant en outre à l'instance cantonale la violation de l'art. 26 Cst.
 
Invité à se déterminer sur le recours déposé par A.________, D.________ conclut à son irrecevabilité et, au fond, à la confirmation de l'ordonnance rendue par le Tribunal de première instance.
 
Le Tribunal de première instance renvoie aux considérants de l'ordonnance attaquée.
 
D.
 
Par ordonnance présidentielle du 20 janvier 2009, l'effet suspensif a été accordé aux recours déposés par les trois recourants.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Les trois recours sont dirigés contre le même jugement, reposent sur les mêmes faits, et soulèvent certaines questions juridiques identiques. Dans ces conditions, il se justifie de les joindre et de statuer à leur sujet par un seul arrêt (art. 24 PCF, applicable par analogie vu le renvoi de l'art. 71 LTF; cf. ATF 124 III 382 consid. 1a; 123 II 16 consid. 1).
 
2.
 
2.1 L'art. 76 al. 1 let. b LTF subordonne la recevabilité du recours en matière civile à l'existence d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée. Le recourant doit ainsi prétendre que l'arrêt attaqué viole une norme dont le but est de protéger ses intérêts et qui, par conséquent, lui accorde un droit subjectif (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4000 ss, p. 4111 et, à propos de l'art. 88 OJ: Message, p. 4126). Si le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours dont il est saisi, il incombe toutefois au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir lorsqu'ils ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du dossier de la cause (ATF 133 II 249 consid. 1.1 et 400 consid. 2; arrêt 5A_647/2007 du 25 mars 2008, consid. 1.2).
 
2.2 C.________ et la Commune de B.________ soutiennent disposer d'un intérêt public à l'annulation de la décision attaquée. Ils affirment ainsi que l'attribution de la surface litigieuse au requérant bloquera l'accès aux bâtiments qui bordent celle-ci, de sorte que la sécurité de ces bâtiments ne pourra plus être assurée. Le chemin vicinal est un terrain servant de passage aux propriétaires de plusieurs parcelles, dont le sol n'est attribué ni à l'Etat, ni à la Commune (cf. consid. 4.1 infra). Dans la mesure où la Commune n'est donc pas propriétaire de ce chemin et que le commandant des sapeurs pompiers ne prétend pas que ce chemin serait établi en sa faveur, ils ne disposent ni l'un, ni l'autre, de la qualité pour recourir. Au demeurant, ils n'invoquent aucune base légale leur octroyant un intérêt juridique propre, la violation de l'arbitraire n'étant à cet égard pas suffisante (ATF 133 I 185 consid. 6). Les recours en matière civile déposés par la Commune de B.________ et C.________ sont donc irrecevables.
 
C.________ et la Commune de B.________ ne disposant d'aucun intérêt juridique (art. 115 let. b LTF), leur recours constitutionnel subsidiaire est en conséquence également irrecevable.
 
2.3 A teneur de l'extrait du registre foncier relatif à la parcelle no 0000, le chemin vicinal est notamment établi en faveur de la parcelle no 0001, propriété de A.________ (ci-après le défendeur). Contrairement à ce que prétend le requérant, le défendeur dispose ainsi d'un intérêt juridique à l'annulation de la décision attaquée (art. 76 al. 1 let. b LTF), et, dans la mesure où il a également pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 let. a LTF), il possède la qualité pour recourir. On ne perçoit pas en quoi le fait qu'il soit intervenu en qualité d'opposant l'empêcherait de posséder la qualité de partie, ainsi que le soutient à tort le requérant.
 
Pour ce qui est des autres conditions de recevabilité, l'arrêt attaqué tranche une contestation civile relevant de la juridiction gracieuse (art. 72 al. 1 LTF), portant sur des droits de nature pécuniaire, dont la valeur litigieuse dépasse notoirement 30'000 fr (art. 74 al. 1 let. b LTF). Le recours en matière civile a en outre été interjeté dans le délai (art. 46 al. 1 let. b et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévue par la loi, contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), de sorte qu'il est recevable. Partant, le recours constitutionnel subsidiaire ne l'est pas (art. 113 LTF). L'intitulé erroné d'un recours ne nuit pas à son auteur, pour autant que les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté soient réunies (ATF 131 I 291 consid. 1.3; 126 II 506 consid. 1b et les arrêts cités). Le grief du défendeur relatif à la violation de la garantie constitutionnelle de la propriété, de même que celui concernant le caractère arbitraire de la décision, invoqués dans le cadre du recours constitutionnel subsidiaire, seront dès lors examinés dans le cadre du recours en matière civile dont les conditions de recevabilité sont remplies.
 
3.
 
3.1 Le Président du Tribunal de première instance a considéré que le requérant avait rendu vraisemblable le fait qu'il possédait la surface litigieuse comme s'il s'agissait de sa propriété et ce, de façon paisible et ininterrompue depuis plus de trente ans. Le défendeur ne contestait d'ailleurs pas ce fait et n'alléguait pas que lui-même ou quiconque auraient, durant cette période, fait usage de cette partie du chemin vicinal pour accéder à l'une ou l'autre des parcelles contiguës. Le défendeur avait certes entrepris d'accéder à ce chemin, mais postérieurement aux sommations ordonnées par la juridiction cantonale conformément à l'art. 662 al. 3 CC, de sorte que cet unique usage n'était pas suffisant pour faire obstacle à la constatation selon laquelle le requérant avait acquis la propriété de la surface litigieuse conformément à l'art. 662 CC. Le requérant devait donc être inscrit comme propriétaire de celle-ci et la division de la parcelle no 0000 devait être ordonnée à cette fin.
 
3.2 Dans son recours devant le Tribunal de céans, le défendeur soutient que le Président du Tribunal de première instance aurait motivé son ordonnance sans tenir compte des moyens d'argumentation développés dans son opposition. En application des art. 4 et 8 CC, il appartenait au juge d'examiner les moyens invoqués et de motiver sa décision s'il entendait les écarter. En l'absence de développement motivé à cet égard, la décision du Président du Tribunal de première instance serait arbitraire.
 
Ainsi, le défendeur affirme notamment que sa parcelle serait un immeuble principal et que la desserte de celle-ci devrait en conséquence être assurée par le chemin vicinal dûment inscrit au registre foncier. Il appartenait dès lors au requérant de déposer une demande formelle tendant à l'attribution d'une portion du chemin vicinal contre tous les propriétaires des parcelles riveraines dudit chemin, qui devaient être considérées comme des immeubles principaux. En faisant droit aux conclusions du requérant, le juge aurait consacré une expropriation, sans aucune indemnisation, de l'ensemble des parcelles riveraines du chemin vicinal, violant ainsi l'art. 26 Cst.
 
Le défendeur soutient également que le chemin vicinal serait le seul accès dont il disposerait pour accéder à une partie de son jardin. Il lui permettrait également d'accéder à sa parcelle pour assurer son entretien ainsi que celui de son habitation et constituerait de plus le seul moyen d'assurer une protection efficace en cas d'incendie. Faire droit au requérant aurait enfin pour conséquence, de facto, d'interdire tout accès à sa parcelle et de rendre sans effet la servitude de passage - dûment inscrite au registre foncier - grevant les parcelles du requérant en faveur de la sienne et lui permettant l'accès à sa cave.
 
3.3 Le requérant soutient principalement que l'existence des conditions d'application de l'art. 662 al. 2 CC relève du fait, que celles-ci ont été établies par le Tribunal de première instance et que le défendeur ne les remet pas en cause. Son action consisterait ainsi en une action en constatation de droit, requise en vue de l'inscription au registre foncier du droit matériellement acquis conformément aux exigences posées par le droit civil fédéral. Le requérant prétend par ailleurs avoir acquis par prescription acquisitive la parcelle litigieuse avant que le défendeur n'acquière lui-même la propriété de sa propre parcelle. Faute d'intérêt juridique et agissant de plus tardivement, le défendeur ne serait pas en mesure de contester sa propriété.
 
4.
 
4.1 En droit genevois, le chemin vicinal est un terrain servant de passage aux propriétaires de plusieurs parcelles, et dont le sol n'est attribué ni à l'Etat, ni à la Commune (art. 115 ss du Règlement sur le cadastre du 14 octobre 1844). Jusqu'en 1998, avant l'arrêt du Tribunal fédéral 5C.120/1997, le chemin vicinal a été immatriculé au registre foncier fédéral ou au cadastre cantonal selon deux systèmes successifs différents, donnant ainsi lieu à deux types de feuillets "chemin vicinal": les feuillets ouverts lors de révisions cadastrales effectuées depuis 1991 et sur lesquels les fonds riverains ne sont pas mentionnés, et les feuillets concernant les chemins vicinaux situés sur les communes dans lesquelles le registre foncier fédéral a été introduit - dont B.________ - qui, eux, mentionnent les fonds bénéficiaires, à savoir ceux qui sont bordiers du chemin ainsi que d'autres, plus éloignés, dont les propriétaires peuvent accéder au chemin vicinal par le biais de servitudes de passage ou de droits de dépendance (CLAUDE AUER, Les chemins vicinaux de l'ancien droit civil genevois, SJ 1999, p. 41 ss, p. 42, n. 8 et 9).
 
Dans un arrêt 5C.120/1997, analysant l'institution du chemin vicinal de l'ancien droit genevois au regard de l'art. 17 Tit. fin. CC, le Tribunal fédéral a jugé que le chemin vicinal équivaut, sous le nouveau droit fédéral, à une copropriété dépendante de la propriété des parcelles riveraines (arrêt 5C.120/1997 du 1er décembre 1997 consid. 2c publié in SJ 1998 p. 287 ss). A la suite de cette jurisprudence, la procédure d'introduction du registre foncier fédéral a été modifiée à Genève en ce sens que, désormais, le chemin vicinal est transformé d'office en régime de copropriété avec rapport de dépendance (art. 32 ORF; AUER, op. cit., p. 44, n. 17).
 
Pour le cadastre, la pratique n'a toutefois pas été modifiée (Auer, op. cit., p. 45, n. 21).
 
4.2 Au vu de l'extrait du registre foncier fédéral, la parcelle no 0000 de la Commune de B.________ est un chemin vicinal de l'ancien droit genevois, antérieur à 1912, immatriculée selon la procédure appliquée jusqu'en 1998, dont la propriété est individuelle - à savoir qu'elle n'appartient ni à l'Etat, ni à la Commune -, et qui indique les fonds riverains bénéficiaires par la mention "ant. à 1912 (C) en faveur de B.________/0001" notamment. Cet article, propriété du défendeur, est donc bénéficiaire du passage et il n'est ainsi pas possible de le priver de ce droit par une procédure de sommation telle que prévue par l'art. 662 al. 2 et 3 CC. Il ne s'agit pas en effet d'un immeuble dont le propriétaire est inconnu et dont la propriété pourrait donc être obtenue par prescription acquisitive extraordinaire (ATF 114 II 32 consid. 2; Paul-Henri Steinauer, Les droits réels, t. II, 3e éd., 2002, n. 1582d) puisqu'il doit être considéré comme équivalant à une copropriété dépendante; il s'agit d'un chemin vicinal immatriculé de l'ancien droit, dont les propriétaires, en particulier la parcelle no 0001, sont mentionnés et connus. Il n'est en outre pas possible de reconnaître la propriété du requérant et la copropriété dépendante de l'opposant sur la même parcelle.
 
En conséquence, la demande du requérant qui visait à ce que la propriété exclusive du chemin vicinal lui soit attribuée aurait dû être déclarée irrecevable, la procédure gracieuse de l'art. 662 al. 2. CC n'étant pas applicable.
 
5.
 
Il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs présentés par le défendeur dans la mesure où le sort du recours est scellé par le considérant précédent.
 
6.
 
Vu ce qui précède, les recours constitutionnels déposés par les recourants sont irrecevables, de même que les recours en matière civile déposés par la Commune de B.________ et son commandant des sapeurs pompiers. Le recours en matière civile de A.________ est admis, la décision attaquée est annulée et la requête en constatation et en inscription d'une propriété immobilière par prescription acquisitive extraordinaire est déclarée irrecevable. Le commandant des sapeurs pompiers de B.________ supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) liés à son recours, tandis que la Commune de B.________ ne se voit pas imposer de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Ceux liés au recours déposé par A.________ sont supportés par le requérant (art. 66 al. 1 LTF) qui lui versera une indemnité de dépens de 1'500 fr. (art. 68 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Les causes 5A_866/2008, 5A_1/2009 et 5A_2/2009 sont jointes.
 
2.
 
Les recours en matière civile de la Commune de B.________ et de C.________ sont irrecevables.
 
3.
 
Les recours constitutionnels subsidiaires de la Commune de B.________, de C.________ et de A.________ sont irrecevables.
 
4.
 
Le recours en matière civile de A.________ est admis, la décision cantonale annulée et la requête en constatation et en inscription d'une propriété immobilière par prescription acquisitive extraordinaire est déclarée irrecevable.
 
5.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis pour 1'000 fr. à la charge de C.________ et pour 3'000 fr. à la charge de D.________.
 
6.
 
Une indemnité de 1'500 fr., à payer à A.________ à titre de dépens, est mise à la charge de D.________.
 
7.
 
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance cantonale.
 
8.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal de première instance du canton de Genève.
 
Lausanne, le 8 mai 2009
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: La Greffière:
 
Hohl de Poret
 
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