VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 4A_410/2009  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 4A_410/2009 vom 15.12.2009
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4A_410/2009
 
Arrêt du 15 décembre 2009
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
 
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
 
Parties
 
X.________ SA,
 
recourante, représentée par Me Jean-François Marti,
 
contre
 
Y.________,
 
intimée, représentée par Me Patrick Blaser.
 
Objet
 
bail à loyer; résiliation pour des motifs économiques; loyers usuels du quartier,
 
recours contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève du 19 juin 2009.
 
Faits:
 
A.
 
En 1992, W.________ SA (devenue depuis lors X.________ SA; a donné en location à A.________ et à Y.________ des locaux d'une surface totale de 266 m2 destinés à l'exploitation d'un studio de danse classique. Les locaux se répartissent sur deux niveaux: 191 m2 au rez-de-chaussée et 75 m2 au premier étage de l'immeuble sis à la rue Toepffer ..., à Genève. Le bail était conclu pour cinq ans et se renouvelait ensuite tacitement de cinq ans en cinq ans. Après le décès de A.________, le bail s'est poursuivi, par avenant du 4 avril 2001, avec Y.________ uniquement. Depuis le 1er janvier 2005, le loyer, sans les charges, est fixé à 38'160 fr. par an, soit 3'180 fr. par mois, ce qui représente un loyer annuel de 143 fr. par m2.
 
L'immeuble abritant le studio de danse a été construit en 1893. Il est situé à proximité de l'Église russe, soit dans un quartier à connotation résidentielle où se trouvent également des activités commerciales, telles des études d'avocat ou des sociétés financières. Les transports publics ne desservent pas directement l'immeuble. Les façades, les fenêtres et les stores du bâtiment ont été rénovés en 1980. Les locaux loués comportent un hall d'entrée, des fenêtres à double vitrage, des installations électriques anciennes; il n'y a ni cuisine, ni cafétéria, ni parking, ni local d'archives; les sanitaires sont anciens. Tant l'état général de l'immeuble que l'état des locaux eux-mêmes sont qualifiés de moyens.
 
Par avis officiel du 18 avril 2007, X.________ a résilié le bail pour le 31 octobre 2007. Le congé a été signifié pour des motifs économiques, afin de relouer les locaux à un tiers pour un loyer supérieur.
 
B.
 
Y.________ a saisi la Commission de conciliation d'une requête en annulation de congé.
 
Non conciliée, l'affaire a été portée devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Par jugement du 17 septembre 2008 rendu après instruction écrite, sans audition des parties et sans les enquêtes sollicitées par la bailleresse, le tribunal a annulé le congé. En substance, il a retenu que la bailleresse n'avait pas démontré qu'elle pourrait relouer les locaux à un tiers pour un loyer non abusif supérieur au loyer payé par la locataire actuelle.
 
Saisie par la bailleresse, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève a confirmé ce jugement par arrêt du 19 juin 2009. Sur les dix-huit exemples de locaux commerciaux au centre de Genève présentés par la bailleresse à titre de comparaison, la cour cantonale n'a examiné que les onze objets situés dans un périmètre délimité par le boulevard Jaques-Dalcroze au nord-ouest, la rue Ferdinand-Hodler au nord-est, la rue des Contamines à l'ouest et, au sud, la rue de l'Athénée, le boulevard des Tranchées, la place Claparède et la rue Jean-Sénebier. Elle a écarté les autres objets, sis hors de ce périmètre, pour les motifs suivants: le périmètre de la rue du Rhône et du Rond-Point de Rive est un quartier caractérisé par la présence de nombreux commerces de luxe, de rues piétonnes et qui est très bien desservi par les transports publics, en particulier le tram; par ailleurs, le tissu urbain de la Vieille Ville ou de Champel est très différent de celui du périmètre où se trouvent les locaux litigieux. Sur les onze objets retenus, la cour cantonale est arrivée à la conclusion que, pour des motifs divers, aucun n'était comparable avec les locaux dont le bail a été résilié.
 
C.
 
X.________ SA interjette un recours en matière civile. Elle conclut principalement à ce qu'il soit constaté que le bail a été valablement résilié avec effet au 31 octobre 2007 et à ce qu'aucune prolongation de bail ne soit accordée à la locataire; à titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à la cour cantonale.
 
Y.________ propose, à titre principal, le rejet du recours et, à titre subsidiaire, une prolongation de bail de six ans échéant le 31 octobre 2013.
 
La cour de céans a délibéré sur le recours en séance publique.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
1.1 Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire; elles ne peuvent donc être soumises au Tribunal fédéral, par un recours en matière civile, que si elles atteignent la valeur litigieuse prescrite par la loi. En matière de droit du bail à loyer, cette valeur s'élève à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF).
 
En cas de litige portant sur la résiliation d'un bail, la valeur litigieuse se détermine selon le loyer dû pour la période durant laquelle le contrat subsiste nécessairement, en supposant que l'on admette la contestation, et qui s'étend jusqu'au moment pour lequel un nouveau congé aurait pu être donné ou l'a été effectivement. Pour déterminer la prochaine échéance possible, il faut donc supposer que l'on admette la contestation, c'est-à-dire que le congé litigieux ne soit pas valable. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés conférée par les art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO (arrêt 4A_130/2008 du 26 mai 2008 consid. 1.1, in SJ 2008 I p. 461; arrêt 4A_472/2007 du 11 mars 2008 consid. 1.1 et les références).
 
En l'espèce, le loyer annuel des locaux en cause, qui s'élève à 38'160 fr., est déjà largement supérieur au montant de 15'000 fr. exigé par l'art. 74 al. 1 let. a LTF. Le recours est recevable ratione valoris.
 
1.2 Pour le surplus, émanant de la partie qui a succombé en instance cantonale (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), le recours est recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 45 al. 1 et l'art. 46 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
 
1.3 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur la violation d'un droit de rang constitutionnel ou sur une question afférente au droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière détaillée par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). Pour le reste, il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue dans la décision déférée; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 104). Cependant, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 105).
 
Par ailleurs, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations de l'autorité précédente ont été établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 127 consid. 1.5 p. 130, 397 consid. 1.5 p. 401; 135 II 145 consid. 8.1 p. 153) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
 
2.
 
En premier lieu, la recourante invoque une violation de l'art. 269a let. a CO. Cette disposition précise qu'un loyer n'est en principe pas abusif s'il se situe dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier.
 
2.1 Un congé motivé, comme en l'espèce, exclusivement par la volonté du bailleur d'obtenir d'un nouveau locataire un loyer plus élevé que le loyer payé par le locataire dont le bail est résilié ne contrevient en principe pas aux règles de la bonne foi (cf. art. 271 al. 1 CO). Pour être valable, une résiliation dictée par des considérations d'ordre économique ne doit toutefois pas servir de prétexte à la poursuite d'un but illicite. Il faut donc que le bailleur soit en mesure d'exiger du nouveau locataire un loyer supérieur au loyer payé jusque-là par le preneur congédié. En d'autres termes, le congé est annulable si l'application de la méthode de calcul absolue permet d'exclure l'hypothèse que le bailleur puisse majorer légalement le loyer, notamment parce que celui-ci est déjà conforme aux loyers usuels dans le quartier (art. 269a let. a CO) (cf. ATF 120 II 105 consid. 3b/bb p. 110; plus récemment, arrêt 4A_472/2007 du 11 mars 2008 consid. 2.1 et 2.2). En l'occurrence, il s'agit de déterminer si une augmentation du loyer est possible en application de la méthode absolue. Ce point n'est pas contesté.
 
2.2 Le grief de la recourante se rapporte à la détermination des loyers usuels dans le quartier. La bailleresse reproche à la Chambre d'appel d'avoir défini de manière trop restrictive la notion de «quartier» figurant à l'art. 269a let. a CO, notion reprise par l'art. 11 de l'ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF; RS 221.213.11), en retenant à ce titre un périmètre très réduit, à la forme approximative d'un rectangle de 550 sur 500 mètres, dont la superficie d'environ 27 hectares correspond à 1,7% de la surface de la Ville de Genève. Dans ce contexte, la recourante relève notamment que l'autorité administrative de la ville publie une division du territoire communal en huit quartiers seulement.
 
2.2.1 Il convient de déterminer ce que la loi entend par quartier, notion qui relève du droit.
 
La référence au quartier mentionné à l'art. 269a let. a CO a été reprise de l'art. 15 al. 1 let. a AMSL (RO 1972 II 1531). Le terme de quartier figure également dans la version allemande de l'art. 269a let. a CO ("quartierüblichen Mietzinse"). Aucune définition ne ressort des textes légaux ni des travaux législatifs. Le Tribunal fédéral n'a guère eu à se pencher sur cette notion. Il a précisé toutefois que des immeubles pouvaient faire partie du même quartier bien qu'ils soient situés dans des secteurs de la ville ayant des codes postaux différents (ATF 123 III 317 consid. 4b/ee p. 322).
 
Le terme quartier, désignant la quatrième partie d'un tout, a été transposée sur les villes romaines planifiées, qui étaient partagées en quatre parties par deux routes perpendiculaires se croisant en leur milieu (Viertel en allemand). Dans son acception actuelle, le quartier désigne la division administrative d'une ville ou la partie d'une ville, qui a sa physionomie propre et une certaine unité (cf. Le Grand Robert de la langue française). S'il forme un ensemble sur les plans historique, géographique, sociologique ou administratif, un quartier suppose également une certaine étendue et ne peut guère se limiter à quelques immeubles ou pâtés de maisons.
 
Aucun motif ne justifie de retenir à l'art. 269a let. a CO une notion plus restreinte du quartier. En particulier, celui-ci ne se réduit pas à un complexe architectural homogène. A cet égard, l'art. 11 al. 1 OBLF, qui précise comment calculer les loyers usuels du quartier, prescrit de prendre en compte notamment l'emplacement et l'année de construction des objets présentés à la comparaison; cela atteste que, pour faire partie d'un même quartier au sens du droit du bail, les immeubles n'ont pas nécessairement à bénéficier d'une situation semblable, ni à dater de la même période de construction. L'idée est bien plutôt que le quartier couvre une certaine surface et qu'il peut être hétérogène (dans ce sens: Peter Higi, Zürcher Kommentar, 4e éd. 1998, n° 34 ad art. 269a CO). Il est à relever par ailleurs que l'art. 269a let. a CO met sur le même plan «localité» et «quartier». Or, par localité, on entend un village ou une petite ville, soit précisément une entité pouvant avoir une certaine étendue et comporter différents types de bâtiments.
 
Le découpage administratif de la ville ou la division en quartiers historiques sera souvent déterminant. Mais des exceptions à cette règle sont envisageables, par exemple lorsque l'objet dont le loyer doit être examiné est situé à la limite de deux quartiers (cf. SVIT-Kommentar, 3e éd. 2008, n° 11 ad art. art. 269a CO, p. 554; Higi, op. cit., nos 33 et 35 ad art. 269a CO). Il n'est ainsi guère possible de poser une règle générale à ce sujet; par rapport à un objet donné, la délimitation de la portion de territoire à prendre en compte à titre de quartier dépendra essentiellement de la situation de fait et de l'histoire des lieux.
 
Pour ces motifs, l'autorité cantonale est, de par sa connaissance des circonstances locales, la mieux à même de cerner le quartier dans un cas particulier. Le Tribunal fédéral n'interviendra qu'avec retenue, lorsqu'il ressort de la décision cantonale que l'autorité précédente a méconnu la notion de quartier ou n'en a pas tenu compte, qu'elle s'est fondée sur des faits qui ne devaient jouer aucun rôle ou, au contraire, qu'elle n'a pas pris en considération des faits pertinents, ou encore qu'elle a abouti à un résultat manifestement erroné (cf. ATF 132 III 758 consid. 3.3. i.f. p. 762).
 
2.2.2 En l'espèce, la Chambre d'appel a examiné uniquement les onze objets comparatifs situés dans le périmètre précité au milieu duquel se trouvent les locaux loués par l'intimée. Elle a considéré que les autres objets présentés ne relevaient pas du même quartier au sens de l'art. 269a let. a CO et pouvaient d'emblée être éliminés de la comparaison.
 
Le périmètre - restreint - défini par la cour cantonale a plus ou moins la forme d'un carré d'environ 500 mètres de côté. Il ne correspond ni à un quartier historique, ni à une entité administrative, mais se trouve en partie dans le quartier des Eaux-Vives et en partie dans le quartier du Centre-Plainpalais-Acacias, à la limite du quartier de Champel. La Chambre d'appel n'a pas inclus les secteurs adjacents dans le périmètre au motif que le tissu urbain de la Vieille Ville ou de Champel est très différent de celui du périmètre où se trouvent les locaux occupés par l'intimée; en outre, la rue du Rhône et le Rond-point de Rive comptent de nombreux magasins de luxe et des rues piétonnes et sont très bien desservis par les transports publics, notamment par le tram. Ce faisant, la cour cantonale a apparemment exclu ces secteurs de la ville sur la base d'une appréciation globale, parce qu'ils semblent moins susceptibles de receler des locaux comparables à ceux occupés par l'intimée. Il ne s'agit pas là d'un critère définissant le quartier au sens de l'art. 269a let. a CO. La Chambre d'appel ne pouvait pas restreindre de la sorte les possibilités de la recourante de présenter des objets comparatifs. Il lui appartenait de définir d'abord le quartier indépendamment des critères de comparaison fixés à l'art. 11 al. 1 OBLF, puis d'examiner, sur la base de ces critères, les objets comparatifs présentés par la recourante qui sont situés dans le quartier tel que précédemment défini. Le grief tiré de la violation de l'art. 269a let. a CO est fondé.
 
3.
 
La recourante reproche également à la Chambre d'appel d'avoir violé l'art. 11 al. 1 OBLF et l'art. 274d al. 3 CO lors de l'examen des onze objets comparatifs pris en considération. Le moyen n'est pas devenu sans objet. En effet, le Tribunal fédéral peut éventuellement éviter un renvoi et statuer lui-même au fond s'il arrive à la conclusion que cinq de ces onze objets sont effectivement comparables aux locaux pris à bail par l'intimée (cf. consid. 3.1 infra).
 
3.1 Selon l'art. 11 OBLF, les loyers déterminants pour la constatation des loyers usuels, dans la localité ou le quartier, sont ceux des locaux commerciaux comparables à la chose louée, quant à leur emplacement, dimension, équipement, état et année de construction (al. 1), à l'exclusion des loyers résultant du fait qu'un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3). L'art. 11 al. 2 OBLF prévoit que la comparaison entre locaux commerciaux peut être opérée sur la base du prix au mètre carré usuel dans le quartier pour des objets semblables. En règle générale, le juge doit disposer de cinq éléments de comparaison au moins. Il lui appartient de procéder à des comparaisons concrètes. L'autorité cantonale de dernière instance indiquera exactement les critères sur lesquels elle s'est fondée. Sur cette base, le Tribunal fédéral contrôle librement si les loyers usuels sont établis conformément au droit fédéral (ATF 123 III 317 consid. 4a p. 319; arrêt 4C.265/2000 du 16 janvier 2001 consid. 4a, in SJ 2001 I p. 247). Les loyers de référence doivent eux-mêmes ne pas être abusifs; il est donc nécessaire, en principe, de les adapter aux baisses du taux hypothécaire survenues depuis le moment où ils ont été fixés (ATF 127 III 411 consid. 5a p. 412 ss).
 
Aux termes de l'art. 274d al. 3 CO, le juge établit d'office les faits et les parties sont tenues de lui soumettre toutes les pièces nécessaires. Selon la jurisprudence relative à cette disposition, le juge n'a pas à instruire d'office le litige lorsqu'un plaideur renonce à expliquer sa position, mais il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaborer à l'instruction et de fournir des preuves. Si des motifs objectifs le conduisent à soupçonner que les allégations et offres de preuves d'une partie sont lacunaires, il doit inviter cette partie à compléter ses moyens (ATF 125 III 231 consid. 4a p. 238 s.).
 
3.2 Les onze éléments de comparaison présentés doivent être examinés à l'aune de ces principes.
 
3.2.1 La cour cantonale a éliminé de la comparaison huit objets notamment parce qu'ils se trouvaient dans des immeubles édifiés plus de vingt ans avant ou après la construction du bâtiment qui abrite les locaux occupés par l'intimée.
 
Selon la jurisprudence, des immeubles datant des deux premières décennies du vingtième siècle sont comparables sous l'angle de l'année de construction (ATF 123 III 317 consid. 4b/aa p. 320). Par la suite, le Tribunal fédéral a précisé qu'une différence de plus de vingt ans ne permettait en tout cas pas de ranger deux bâtiments dans la même période de construction (arrêt 4C.40/2001 du 15 juin 2001 consid. 5c/bb). Un assouplissement de la règle des vingt ans ne se justifie pas. En effet, un certain schématisme s'impose dans ce domaine, afin d'assurer la prévisibilité du droit et l'égalité de traitement.
 
En l'espèce, deux des huit objets précités sont situés dans deux immeubles construits vingt-cinq ans et trente-deux ans avant le bâtiment abritant les locaux de l'intimée. Les six autres objets se trouvent dans trois immeubles dont l'année de construction est postérieure de vingt-sept ans, respectivement trente-sept ans et trente-neuf ans à celle du bâtiment en cause. Dans tous les cas, l'écart dépasse vingt ans de sorte que la cour cantonale a exclu à bon droit ces éléments de la comparaison.
 
3.2.2 En tout état de cause, les trois exemples restants ne peuvent suffire pour démontrer que le loyer payé par l'intimée est inférieur aux loyers usuels du quartier. Cela étant, on observera que, dans les trois cas, la cour cantonale a exclu la comparaison notamment en raison d'une «différence dans l'état général de l'immeuble (bon/ moyen)» et d'une «différence dans l'état des locaux (bon/moyen)» ou d'une «absence de précision dans l'état des locaux». Une présentation aussi sommaire, sans description plus précise de l'état de l'immeuble ou des locaux, ne répond pas à l'exigence d'une comparaison concrète, fondée sur l'indication exacte des critères utilisés, comme la jurisprudence l'exige. Par ailleurs, la maxime d'office résultant de l'art. 274d al. 3 CO commandait au juge d'inviter la recourante à compléter ses allégués lacunaires sur l'état des locaux présentés. En conclusion, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de contrôler si les trois objets précités sont ou non comparables aux locaux loués par l'intimée.
 
4.
 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement. L'arrêt attaqué sera annulé et la cause renvoyée à la Chambre d'appel pour nouvelle décision. Il appartiendra à la cour cantonale, notamment, de déterminer si des éléments comparatifs qu'elle avait écartés d'emblée peuvent être considérés comme compris dans le même quartier que les locaux occupés par l'intimée et, le cas échéant, de procéder à la comparaison concrète.
 
5.
 
La recourante n'obtient que partiellement gain de cause puisque seule sa conclusion subsidiaire est admise. Dans ces conditions, il se justifie de partager les frais de la procédure fédérale de manière égale entre les parties (art. 66 al. 1 LTF). Par ailleurs, les dépens seront compensés (art. 68 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et l'affaire est renvoyée pour nouvelle décision à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis par moitié à la charge de chaque partie.
 
3.
 
Il n'est pas alloué de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.
 
Lausanne, le 15 décembre 2009
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente: La Greffière:
 
Klett Godat Zimmermann
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).