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Informationen zum Dokument  BGer 4A_96/2012  Materielle Begründung
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BGer 4A_96/2012 vom 07.05.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4A_96/2012
 
Arrêt du 7 mai 2012
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mme et MM. les juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
 
Greffier: M. Thélin.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________,
 
représenté par Me Imad Fattal,
 
demandeur et recourant,
 
contre
 
Z.________ Ltd,
 
représentée par Me Olivier Carrard,
 
défenderesse et intimée.
 
Objet
 
mesures provisionnelles
 
recours contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2012 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Considérant en fait et en droit:
 
1.
 
X.________ a travaillé en qualité de vendeur dans un magasin d'horlogerie à Genève. En août 2010, il a informé son employeur qu'il connaissait une personne intéressée à l'acquisition d'une montre Jæger - Le Coultre déposée au magasin, reçue en consignation de la société Z.________ Ltd. L'employeur l'a autorisé à négocier en dessus d'un prix minimum fixé à 630'000 francs.
 
Le dimanche 5 septembre 2010, X.________ s'est rendu au magasin pour y ouvrir le coffre-fort et prendre la montre, puis l'emmener dans un hôtel genevois où il l'a remise à un individu qui était prétendument un représentant de l'acheteur. X.________ n'a pas exigé de récépissé. Selon ses dires, une banque française lui avait communiqué par appel téléphonique qu'un versement de 780'000 euros, correspondant au prix d'achat convenu et attendu, était parvenu sur son compte ouvert auprès d'une agence de cette banque à Annemasse.
 
Deux jours après, X.________ a appris que l'annonce téléphonique ne correspondait pas à la réalité. Il a alors signalé et, peu après, expliqué la perte de la montre à son employeur. Celui-ci l'a licencié avec effet immédiat et a déposé plainte pénale contre lui. Z.________ Ltd a également déposé plainte. Une enquête préliminaire est ouverte; X.________ est prévenu d'abus de confiance.
 
2.
 
Le 11 janvier 2011, dans la poursuite n° ..., Z.________ Ltd a fait notifier à X.________ un commandement de payer au montant de 1'060'456 fr.80, contrevaleur de 780'000 euros, censément dû à titre de dommages-intérêts. X.________ n'a pas fait opposition. Ses avoirs auprès d'établissements financiers suisses, d'abord placés sous séquestre par l'autorité de poursuite pénale, ont été saisis par l'office des poursuites pour un total de plus de 125'000 francs. Le salaire perçu dans un nouvel emploi a également été saisi, en tant qu'il excédait le minimum vital.
 
Le 22 juillet 2011, X.________ a ouvert action contre Z.________ Ltd devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Le tribunal est requis de prononcer que le demandeur ne doit pas de dommages-intérêts à la défenderesse; il est également requis d'annuler la poursuite n° ....
 
Le demandeur a simultanément réclamé la suspension provisoire de la poursuite. Après avoir tenu audience et pris connaissance des pièces alors produites par la défenderesse, le tribunal a accueilli cette requête par ordonnance du 2 septembre 2011.
 
La Cour de justice a statué le 12 janvier 2012 sur l'appel de la défenderesse; elle a réformé l'ordonnance en ce sens que la requête de suspension provisoire de la poursuite est rejetée.
 
3.
 
Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et de confirmer l'ordonnance du Tribunal de première instance.
 
Par ordonnance du 4 avril 2012, le Tribunal fédéral a rejeté une demande d'assistance judiciaire jointe au recours.
 
La défenderesse n'a pas été invitée à répondre au recours.
 
4.
 
L'action entreprise par le demandeur est celle prévue par l'art. 85a al. 1 LP, accordant au débiteur poursuivi le droit d'agir en tout temps au for de la poursuite pour faire constater que la dette n'existe pas ou plus, ou qu'un sursis a été consenti. La suspension provisoire de la poursuite, en l'espèce accordée par le Tribunal de première instance mais refusée par la Cour de justice, est une mesure provisionnelle prévue par l'art. 85a al. 2 LP; ses effets sont limités à la durée du procès en annulation de la poursuite.
 
Le prononcé de la Cour de justice est donc une décision incidente assujettie à l'art. 93 al. 1 LTF (ATF 137 III 324 consid. 1.1 p. 327/328; 134 I 83 consid. 3.1 p. 86/87). La recevabilité du recours en matière civile suppose que cette décision soit de nature à causer un préjudice irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Un préjudice de ce genre n'est réalisé que lorsque la partie recourante subit un dommage qu'une décision favorable sur le fond ne fera pas disparaître complètement; il faut en outre un dommage de nature juridique, tandis qu'un inconvénient seulement matériel est insuffisant (ATF 134 III 188 consid. 2.2 p. 191; 133 III 629 consid. 2.3.1 p. 632; 131 I 57 consid. 1 p. 59).
 
Le demandeur semble menacé d'un préjudice irréparable en ce sens que si la poursuite n° ... suit son cours puis se termine avant que les tribunaux ne statuent définitivement sur l'action en annulation, cette action n'aura plus d'objet et sera donc caduque (Bernhard Bodmer et Jan Bangert, in Commentaire bâlois, 2010, n° 15 ad art. 85a LP; André Schmidt, in Commentaire romand, n° 5 ad art. 85a LP). Le demandeur aura ainsi perdu le moyen de défense pourtant accordé par l'art. 85a al. 1 LP et il ne pourra plus exercer que l'action en répétition de l'indu prévue par l'art. 86 LP, où la répartition du fardeau de la preuve lui sera défavorable. En effet, il lui incombera de prouver que l'obligation n'existait pas, alors que dans l'action en annulation de la poursuite, c'est au créancier qu'il incombe d'établir sa prétention (Bodmer/Bangert, op. cit., n° 23 ad art. 86 LP; Schmidt, op. cit., n° 3 ad art. 86 LP). La question du préjudice irréparable peut toutefois demeurer indécise car il apparaîtra que le recours est de toute manière voué à l'échec.
 
Contre une décision portant sur des mesures provisionnelles, le recours n'est recevable que pour violation des droits constitutionnels (art. 98 LTF). Le Tribunal fédéral ne se saisit que des griefs soulevés et motivés de façon détaillée par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 III 439 consid. 3.2 p. 444). Il statue sur la base des faits constatés par l'autorité précédente, si la partie recourante ne démontre pas que les constatations déterminantes soient intervenues en violation de ses droits constitutionnels (art. 116 et 118 LTF, applicables par analogie; ATF 133 III 585 consid. 4.1 p. 588; 133 III 393 consid. 7.1 p. 398).
 
5.
 
Le demandeur invoque surtout l'art. 9 Cst. pour se plaindre d'une application prétendument arbitraire de l'art. 85a al. 2 LP. Cette disposition prévoit que le juge ordonne la suspension provisoire de la poursuite s'il estime que la demande en annulation est très vraisemblablement fondée.
 
5.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; il faut encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit d'ailleurs pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable ou apparaisse même préférable (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560; 135 V 2 consid. 1.3 p. 4/5).
 
Selon la jurisprudence relative aux recours formés pour violation de droits constitutionnels (art. 106 al. 2 ou 116 LTF), celui qui se plaint d'arbitraire doit indiquer de façon précise en quoi la décision qu'il attaque est entachée d'un vice grave et indiscutable; à défaut, le grief est irrecevable (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; 133 II 396 consid. 3.2 p. 400; 136 II 489 consid. 2.8 p. 494).
 
5.2 La Cour de justice retient que le demandeur a fourni des explications contradictoires et peu crédibles quant aux circonstances dans lesquelles il s'est dessaisi de la montre. Elle relève que le Juge d'instruction l'a inculpé d'abus de confiance, ce qui suppose des éléments à charge. Elle considère que même si le demandeur, selon sa version des faits, a été lui-même victime d'une escroquerie et n'encourt pas de condamnation pénale, il assume avec une certaine vraisemblance (« il n'est de loin pas exclu ») une responsabilité civile envers la défenderesse pour avoir sorti la montre du coffre et du magasin sans l'autorisation de quiconque.
 
Le demandeur s'en prend notamment au montant de la poursuite, qu'il tient pour très supérieur à la valeur de la montre et, partant, au dommage subi par son propriétaire. Il estime cette valeur à 650'000 fr. au plus, compte tenu qu'il était autorisé à négocier une vente dès 630'000 francs. Or, sur ses avoirs, l'office des poursuites n'a pu opérer des saisies que pour un total notablement inférieur à ce dernier montant, de sorte le demandeur ne paraît pas exposé au risque imminent de devoir payer, par l'effet de la poursuite, une somme excédant la réparation du dommage effectivement survenu. Au regard de l'art. 9 Cst., la suspension provisoire prévue par l'art. 85a al. 2 LP ne s'impose donc pas.
 
Le demandeur discute surtout, et longuement, les circonstances de la disparition de la montre pour contester que sa responsabilité civile soit vraisemblable. Il s'exprime sur chacun des indices que la Cour de justice a pris ou que, à son avis, elle aurait dû prendre en considération. Le Tribunal fédéral ne trouve guère sur quels points il reproche réellement aux précédents juges, sinon par de simples protestations ou dénégations, d'avoir commis une erreur certaine ou de s'être livrés à une appréciation absolument insoutenable. Ses développements tendent plutôt à substituer une appréciation différente de celle de l'autorité précédente; ils sont donc irrecevables faute de satisfaire aux exigences applicables à la motivation du grief d'arbitraire.
 
6.
 
En tant que la Cour de justice a adhéré à l'appréciation du Juge d'instruction et s'est référée au soupçon qui fonde la prévention d'abus de confiance, le demandeur invoque la présomption d'innocence garantie par l'art. 32 al. 1 Cst. Ce moyen est inconsistant car la protection ainsi conférée n'exclut pas les mesures provisionnelles prises pour la durée d'une procédure pénale et fondées sur le soupçon qu'une infraction a été commise (ATF 137 I 31 consid. 5.2 in fine p. 44).
 
Le demandeur invoque encore l'art. 29 Cst. pour se plaindre d'une décision insuffisamment motivée. Ce grief est également vain car à la lecture de la décision attaquée, on reconnaît sans équivoque comment et sur quelles bases les juges ont constaté les circonstances déterminantes et comment ils les ont appréciées en droit. Le demandeur a d'ailleurs pu discuter cette décision et faire valoir ses moyens (cf. ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88; 133 III 439 consid. 3.3 p. 445).
 
7.
 
Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où les griefs présentés sont recevables. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral. L'adverse partie n'a pas été invitée à répondre et il ne lui sera donc pas alloué de dépens.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.
 
3.
 
Il n'est pas alloué de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 7 mai 2012
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La présidente: Klett
 
Le greffier: Thélin
 
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