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Informationen zum Dokument  BGer 9C_685/2012  Materielle Begründung
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BGer 9C_685/2012 vom 06.03.2013
 
{T 0/2}
 
9C_685/2012
 
 
Arrêt du 6 mars 2013
 
 
IIe Cour de droit social
 
Composition
 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Kernen, Président, Meyer, Borella, Pfiffner Rauber et Glanzmann.
 
Greffier: M. Piguet.
 
 
Participants à la procédure
 
CSS Assurance-maladie SA, Tribschenstrasse 21, 6005 Lucerne,
 
recourante,
 
contre
 
M.________,
 
représentée par Me Stéphanie Lammar, avocate,
 
intimée.
 
Objet
 
Assurance-maladie,
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de
 
la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 3 juillet 2012.
 
 
Faits:
 
 
A.
 
M.________, née en 1924, est assurée auprès de CSS Assurance-maladie SA (ci-après: la CSS) pour l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie. Atteinte depuis 2003 de la maladie d'Alzheimer, elle fait l'objet d'une prise en charge médicale à domicile, prise en charge dont l'importance n'a cessé de croître au fil de l'évolution de la maladie.
 
Par courrier du 24 novembre 2010, la CSS a informé l'assurée et les organismes d'aide à domicile en charge du cas ("Fondation des services d'aide et de soins à domicile" et "Assistance à domicile pour la ville et la campagne") qu'elle n'entendait plus prendre en charge l'intégralité des frais des soins à domicile qui étaient dispensés à l'assurée, au motif que lesdits soins, extrêmement intensifs, ne respectaient désormais plus l'exigence d'économicité prévue par la loi et pouvaient être dispensés à moindre coût dans un établissement médico-social. En dépit du désaccord de l'assurée, la CSS lui a, par décision du 28 février 2011, confirmée sur opposition le 26 octobre suivant, notifié que les prestations versées au titre de l'assurance obligatoire des soins seraient limitées à compter du 1 er avril 2011 au montant de 159 fr. 65 par jour, montant correspondant à la taxe journalière la plus élevée d'un établissement médico-social situé dans le canton de Genève. Par décision du 9 novembre 2011, contre laquelle opposition a été formée, la CSS a limité la prise en charge à un montant de 108 fr. par jour à compter du 1er décembre 2011.
 
 
B.
 
Par jugement du 3 juillet 2012, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a admis le recours formé par M.________, annulé les décision et décision sur opposition des 28 février et 26 octobre 2011 et dit que l'assurée avait droit à la prise en charge de l'intégralité de ses frais de soins à domicile au-delà du 1 er avril 2011.
 
 
C.
 
La CSS a interjeté un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire contre ce jugement dont elle a demandé l'annulation. Elle a conclu à la confirmation de la décision sur opposition du 26 octobre 2011.
 
M.________ a conclu au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
 
 
Considérant en droit:
 
 
1.
 
La décision attaquée ayant été rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) et dans une matière - le droit fédéral des assurances sociales - où aucune des clauses d'exception de l'art. 83 LTF ne s'applique, la voie du recours en matière de droit public est ouverte. Partant, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur le recours constitutionnel subsidiaire interjeté par la recourante.
 
 
2.
 
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
 
 
3.
 
3.1. La juridiction cantonale a estimé que la recourante devait prendre en charge l'intégralité des frais de soins à domicile de l'assurée au-delà du 1
 
3.2. La recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir, d'une part, procédé à une constatation manifestement inexacte des faits consécutive à une mauvaise appréciation des preuves et, d'autre part, violé le droit fédéral. En ne tenant pas compte des modifications réglementaires intervenues entrées en vigueur le 1
 
 
4.
 
Est litigieuse en l'espèce la question de savoir si l'intimée a droit, pour la période postérieure au 31 mars 2011, à la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins de l'intégralité des frais de soins à domicile qui lui sont prodigués.
 
4.1. D'après l'art. 24 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations définies aux art. 25 à 31, en tenant compte des conditions des art. 32 à 34. A la suite de l'adoption par l'Assemblée fédérale de la loi fédérale sur le nouveau régime de financement des soins du 13 juin 2008 (RO 2009 3517), un nouvel art. 25a a été introduit avec effet au 1er janvier 2011 (RO 2009 6847). En vertu du premier alinéa de cette disposition, l'assurance obligatoire des soins doit fournir une contribution aux soins qui sont dispensés sur la base d'une prescription médicale et d'un besoin en soins avéré, sous forme ambulatoire, notamment dans des structures de soins de jour ou de nuit, ou dans des établissements médico-sociaux. D'après les al. 3 et 4, il appartient au Conseil fédéral, d'une part, de désigner les soins et de fixer la procédure d'évaluation des soins requis, et, d'autre part, de fixer en francs le montant des contributions prises en charge par l'assurance obligatoire des soins en fonction du besoin en soins. Le Département fédéral de l'intérieur (DFI), auquel le Conseil fédéral a délégué à son tour les compétences susmentionnées (art. 33 let. b, h et i OAMal), a promulgué l'ordonnance sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie du 29 septembre 1995 (OPAS; RS 832.112.31).
 
4.2. D'après l'art. 7 al. 1 OPAS, les prestations au sens de l'art. 33 let. b OAMal comprennent les examens, les traitements et les soins effectués selon l'évaluation des soins requis (art. 7 al. 2 let. a et art. 8 OPAS) sur prescription médicale ou sur mandat médical par: (a) des infirmiers et infirmières (art. 49 OAMal); (b) des organisations de soins et d'aide à domicile (art. 51 OAMal); et (c) des établissements médico-sociaux (art. 39 al. 3 LAMal).
 
4.3. Par rapport au système antérieur à l'entrée en vigueur du nouveau régime de financement des soins, la forme de remboursement n'a pas changé fondamentalement: les prestations de soins ambulatoires continuent d'être remboursées selon une base horaire et les prestations de soins fournies dans les établissements médico-sociaux le sont selon une base journalière.
 
4.3.1. Selon l'art. 7a al. 1 OPAS, l'assurance prend en charge, s'agissant des fournisseurs de prestations visés à l'art. 7 al. 1 let. a et b OPAS (infirmiers et infirmières, organisations de soins et d'aide à domicile), les montants, par heure, de: (a) 79 fr. 80 pour les prestations d'évaluation, de conseils et de coordination (art. 7 al. 2 let. a OPAS); (b) 65 fr. 40 pour les prestations d'examens et de traitements (art. 7 al. 2 let. b OPAS); et (c) 54 fr. 60 pour les prestations de soins de base (art. 7 al. 2 let. c OPAS).
 
4.3.2. En vertu de l'art. 7a al. 3 OPAS, l'assurance prend en charge, s'agissant des fournisseurs de prestations visés à l'art. 7 al. 1 let. c OPAS (établissements médico-sociaux), les montants par jour suivants:
 
4.4. Selon l'art. 32 al. 1 LAMal, les prestations mentionnées aux art. 25 à 31 LAMal doivent être efficaces, appropriées et économiques.
 
4.4.1. Une mesure est efficace lorsqu'elle est démontrée selon des méthodes scientifiques et permet objectivement d'obtenir le résultat diagnostique ou thérapeutique recherché (ATF 128 V 159 consid. 5c/aa p. 165; voir également arrêt K 151/99 du 7 juillet 2000 consid. 2b, in RAMA 2000 n° KV 132 p. 279).
 
4.4.2. L'adéquation d'une mesure s'examine sur la base de critères médicaux. L'examen consiste à évaluer, en se fondant sur une analyse prospective de la situation, la somme des effets positifs de la mesure envisagée et de la comparer avec les effets positifs de mesures alternatives ou par rapport à la solution consistant à renoncer à toute mesure; est appropriée la mesure qui présente, compte tenu des risques existants, le meilleur bilan diagnostique ou thérapeutique (ATF 127 V 138 consid. 5 p. 146; GEBHARD EUGSTER, Krankenversicherung, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2
 
4.4.3. Le critère de l'économicité intervient lorsqu'il existe dans le cas particulier plusieurs alternatives diagnostiques ou thérapeutiques appropriées. Il y a alors lieu de procéder à une balance entre coûts et bénéfices de chaque mesure. Si l'une d'entre elles permet d'arriver au but recherché en étant sensiblement meilleur marché que les autres, l'assuré n'a pas droit au remboursement des frais de la mesure la plus onéreuse (ATF 124 V 196 consid. 4 p. 200; arrêt K 29/96 du 16 septembre 1997 consid. 3c, in RAMA 1998 n° K 988 p. 1). Le critère de l'économicité ne concerne pas seulement le type et l'étendue des mesures diagnostiques ou thérapeutiques à accomplir, mais touche également la forme du traitement, notamment les questions de savoir si une mesure doit être effectuée sous forme ambulatoire ou dans un milieu hospitalier et de quelle institution de soins ou service de celle-ci le cas de la personne assurée relève d'un point de vue médical (ATF 126 V 334 consid. 2b p. 339).
 
4.5. Lorsqu'il y a lieu d'examiner l'alternative que constituent des prestations de soins fournies à domicile par rapport à des prestations de soins fournies dans un établissement médico-social, le principe d'économicité n'autorise pas l'assureur à limiter d'office la prise en charge des soins à domicile à ce qu'il aurait à supporter en cas de séjour dans un établissement médico-social. L'appréciation du caractère économique ne doit en effet pas s'effectuer au moyen d'une stricte comparaison des coûts à charge de l'assurance obligatoire des soins. La jurisprudence a retenu que des prestations de soins fournies à domicile devaient, malgré l'existence d'une disproportion, être considérées comme plus adéquates que des prestations de soins fournies dans un établissement médico-social, lorsqu'elles permettaient d'apporter à la personne assurée un épanouissement sur le plan personnel (travail [ATF 126 V 334 consid. 3a p. 341], formation [arrêt K 66/00 du 5 octobre 2000 consid. 3b, in RAMA 2001 n° KV 144 p. 23], engagement social ou politique) ou d'assumer une fonction sociale importante qu'un placement dans une institution n'autoriserait pas (telle que mère de famille; arrêt K 52/99 du 22 septembre 2000 consid. 3a, in RAMA 2001 n° KV 141 p. 10). Tel n'était en revanche pas le cas lorsque les soins à domicile ne permettaient à la personne assurée que de bénéficier d'une meilleure qualité de vie (arrêt K 61/00 du 5 octobre 2000 consid. 3a, in RAMA 2001 n° KV 143 p. 19; voir néanmoins l'arrêt 9C_940/2011 du 21 septembre 2012 consid. 3.4, où le Tribunal fédéral a estimé que la prise en charge, à efficacité égale, de soins à domicile 2,35 fois plus chers que les soins dispensés dans un établissement médico-social respectait " tout juste " le critère de l'économicité). En d'autres mots, la fourniture de soins à domicile doit être associée à un bénéfice manifeste par rapport à un placement dans un établissement médico-social. Néanmoins, s'il existe une disproportion évidente entre les coûts de ces deux mesures, les prestations de soins fournies à domicile ne peuvent plus être considérées comme conformes au critère de l'économicité, quels que soient les intérêts légitimes de la personne assurée, et cela même si les prestations de soins fournies à domicile apparaissent dans le cas particulier plus efficaces et appropriées qu'un placement dans un établissement médico-social (ATF 126 V 334 consid. 2a p. 338).
 
 
5.
 
Il convient d'examiner si la juridiction cantonale a respecté les principes susmentionnés dans le cas d'espèce.
 
5.1. En ce qui concerne le caractère efficace et approprié des mesures en cause, les premiers juges n'ont pas fait preuve d'arbitraire en considérant que le placement dans un établissement médico-social était, globalement, légèrement moins adapté et efficace qu'un maintien à domicile. D'un point de vue médical, rien au dossier ne permet d'affirmer, comme le fait péremptoirement la recourante, que les soins fournis dans un établissement médico-social seraient plus efficaces et appropriés que les soins fournis à domicile. A l'appui de leur appréciation, les premiers juges ont mis en exergue - sans que cet élément ne soit remis en cause - les effets positifs sur l'évolution de la maladie d'un maintien dans un cadre de vie familier. Si on ne peut ignorer les bienfaits qu'un maintien à domicile peut entraîner, dans l'absolu, sur le plan personnel et psychoaffectif, de tels avantages doivent néanmoins être ramenés à leurs justes proportions dans une situation telle que celle vécue par l'intimée. Atteinte à un stade avancé de la maladie d'Alzheimer, grabataire, sans perspective d'amélioration compte tenu du caractère dégénératif et irréversible de cette maladie, l'intimée se trouve dans un état de dépendance totale pour toutes les activités de la vie quotidienne et ne dispose, à l'évidence, plus des facultés suffisantes pour participer activement à une quelconque forme de vie sociale ou familiale (cf. rapport d'évaluation gériatrique du 23 décembre 2011 établi par le Département X.________ de l'Hôpital Y.________). Rien ne permet par ailleurs d'affirmer, sauf à véhiculer des stéréotypes d'un autre temps, qu'un placement en institution aurait nécessairement pour effet d'entraîner une péjoration de l'état de santé de l'intimée, étant admis que les soins et l'accompagnement dans les établissements médico-sociaux répondent aujourd'hui à des standards de qualité élevés et font l'objet de contrôles réguliers de la part des autorités de surveillance. Dans ces conditions, force est d'admettre que les bénéfices objectifs pour l'intimée de soins fournis à domicile, s'ils existent sur le plan psychoaffectif, apparaissent particulièrement ténus par rapport à des soins fournis dans un établissement médico-social et ne correspondent à tout le moins pas aux formes de bénéfices attendus mis en évidence par la jurisprudence.
 
5.2. En revanche, le jugement entrepris viole le droit fédéral, en tant qu'il ne tient pas compte des dispositions relatives au nouveau régime de financement des soins entrées en vigueur le 1
 
5.3. Eu égard aux bénéfices limités des soins fournis à domicile et de la disproportion manifeste entre le coût d'une prise en charge à domicile et celui d'une prise en charge dans un établissement médico-social, il n'est plus légitime de considérer que la fourniture de prestations de soins à domicile constitue, dans une situation telle que celle qui fait l'objet de la présente affaire, une mesure répondant au critère de l'économicité. Le présent cas n'entre manifestement pas dans le cadre des situations où la jurisprudence a, par le passé, fait preuve de souplesse en faveur d'une prise en charge des soins à domicile par l'assurance obligatoire des soins. En l'occurrence, l'effort exigé de la part de l'assurance obligatoire des soins et, à travers elle, de la communauté des assurés - effort qui se monte à plus de 100'000 fr. par année - ne correspond plus, compte tenu de la solution alternative à disposition, à ce que l'on peut considérer comme relevant d'une gestion économique et rationnelle de l'assurance-maladie sociale.
 
 
6.
 
Le recours en matière de droit public se révèle bien fondé. Vu l'issue du litige, les frais de justice seront supportés par l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). La recourante, qui a conclu à l'octroi de dépens, ne saurait toutefois en prétendre, aucuns dépens n'étant alloués en règle générale aux organisations chargées de tâches de droit public (art. 68 al. 3 LTF ; ATF 134 V 340 consid. 7 p. 351). Il convient par ailleurs de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
 
1.
 
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
 
 
2.
 
Le recours en matière de droit public est admis. La décision de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 3 juillet 2012 est annulée et la décision sur opposition de la CSS Assurance-maladie SA du 26 octobre 2011 confirmée.
 
 
3.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
 
 
4.
 
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.
 
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
 
Lucerne, le 6 mars 2013
 
Au nom de la IIe Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Kernen
 
Le Greffier: Piguet
 
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