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Informationen zum Dokument  BGer 1B_520/2012  Materielle Begründung
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BGer 1B_520/2012 vom 03.05.2013
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1B_520/2012
 
Arrêt du 3 mai 2013
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les juges Fonjallaz, président,
 
Eusebio et Chaix.
 
Greffier: M. Thélin.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________,
 
représentée par Me Patrick Mangold, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
Y.________,
 
représenté par Me Aline Bonard, avocate,
 
intimé,
 
Ministère public central du canton de Vaud.
 
Objet
 
procédure pénale; classement
 
recours contre l'arrêt rendu le 30 mai 2012
 
par la Chambre des recours pénale
 
du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
Faits:
 
A.
 
Le 4 janvier 2010, X.________, médecin assistant au service de l'Etablissement hospitalier Z.________, a exécuté une cure d'hernie inguinale. Cette intervention chirurgicale était contrôlée par le docteur Y.________, chef du service de chirurgie.
 
Aux dires du docteur Y.________, X.________ exécutait des points de ligature qui pinçaient le nerf ilio-inguinal du patient. Il lui en a fait la remarque, puis, parce qu'elle ne corrigeait pas cette erreur, il lui a porté un léger coup (une « pichenette ») à la main, avec un instrument qu'il tenait à ce moment. Avec sa tête, il a ensuite poussé celle de X.________ afin que celle-ci se déplaçât et qu'il pût intervenir lui-même et libérer rapidement le nerf menacé.
 
B.
 
Par suite de ces faits, X.________ a déposé plainte pénale contre le docteur Y.________, pour lésions corporelles ou voies de fait. Elle alléguait que dès le début de son activité au sein de l'établissement hospitalier, le 1er avril 2009, le chirurgien responsable l'avait constamment humiliée et rabaissée, notamment en présence de tiers. Elle avait aussi été soumise à une charge de travail considérable et à un « déficit de formation ». Lors de l'intervention pratiquée le 4 janvier 2010, elle s'est trouvée déstabilisée par la présence de ce médecin qui lui « menait la vie dure depuis de longs mois » et elle a derechef subi ses remarques agressives et méprisantes. Après l'exécution d'un geste de ligature, ledit médecin a « explosé de rage » et crié; il a pris une pince pour lui asséner un coup violent sur la main gauche, puis il l'a frappée d'un violent coup de tête.
 
Le Juge d'instruction ayant prononcé un non-lieu, la plaignante a recouru au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois. Cette autorité a accueilli le recours par arrêt du 2 février 2011; elle a renvoyé la cause au Ministère public de l'arrondissement de A.________ pour complément d'enquête et nouvelle décision.
 
C.
 
Après complément d'enquête, le Ministère public a rendu une ordonnance de classement le 13 février 2012.
 
Saisie par la plaignante, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal a statué le 30 mai 2012; elle a rejeté le recours et confirmé le classement. Selon sa décision, aucun des témoins de l'intervention chirurgicale du 4 janvier 2010 n'a confirmé l'éclat de colère et les cris rapportés par la plaignante. Le coup porté à sa main, reconnu par le prévenu et observé par un témoin, était une simple alarme destinée à attirer l'attention sur une erreur; ce n'est pas une voie de fait punissable selon l'art. 126 CP. Contrairement à ses propres affirmations, le prévenu semble effectivement avoir porté un coup de tête à la plaignante, plutôt que l'avoir seulement poussée; excédant ce qui est socialement toléré, ce geste est une voie de fait mais son auteur a agi en état de nécessité aux termes de l'art. 17 CP, afin d'accéder promptement au champ opératoire et prévenir une lésion du nerf ilio-inguinal du patient.
 
D.
 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, la plaignante requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre des recours et l'ordonnance du Ministère public, puis de renvoyer la cause à cette autorité avec instruction d'engager l'accusation devant le tribunal compétent.
 
Le Ministère public propose le rejet du recours; la Chambre des recours n'a pas présenté d'observations.
 
L'intimé conclut au rejet du recours.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Le recours en matière pénale est recevable contre les décisions cantonales de dernière instance rendues en matière pénale (art. 78 al. 1 et 80 al. 1 LTF).
 
La qualité pour recourir appartient notamment à la partie plaignante, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles (art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF). Cette condition est en l'occurrence satisfaite à l'égard des prétentions en dommages-intérêts et en indemnité de réparation morale que, d'après son mémoire, la recourante envisage d'élever contre l'intimé.
 
2.
 
A teneur de l'art. 319 al. 1 let. a à c CPP, le Ministère public ordonne la classement de la procédure lorsque, parmi d'autres cas, aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b), ou des faits justificatifs empêchent d'imputer une infraction au prévenu (let. c).
 
Selon la jurisprudence, ces dispositions doivent être appliquées conformément à l'adage in dubio pro duriore, celui-ci exigeant que la poursuite pénale suive son cours tant que son issue est incertaine. Lorsque l'instruction est terminée, le Ministère public doit engager l'accusation s'il ne peut pas prononcer une ordonnance pénale et qu'une condamnation semble plus vraisemblable qu'un acquittement. En règle générale, notamment en cas d'infraction grave, le Ministère public ne peut pas non plus classer la procédure lorsque la condamnation et l'acquittement paraissent également vraisemblables. Le Ministère public doit évaluer les intérêts en présence d'après les circonstances concrètes de la cause; cet organe et l'autorité cantonale de recours jouissent d'un certain pouvoir d'appréciation, dont le Tribunal fédéral ne contrôle l'exercice qu'avec retenue (ATF 138 IV 186 consid. 4.1 et 4.2 p. 190; 138 IV 86 consid. 4.1 p. 190).
 
3.
 
Selon la recourante, la Chambre des recours n'a pas discuté du coup porté à sa main gauche, violent, dénoncé dans la plainte pénale, mais d'un autre coup dont le peu d'importance semble reconnu; l'intimé aurait porté cet autre coup à sa main droite, soit « la main qui tenait la pincette » d'après les déclarations consignées par le Juge d'instruction.
 
Cette argumentation suppose que l'intimé ait frappé les deux mains de la recourante. Un pareil fait n'est pas allégué dans la plainte pénale et aucune des dépositions recueillies ni aucune des autres pièces du dossier ne mentionne deux coups aux mains; au contraire, il n'est jamais question que d'un seul coup. La recourante introduit ainsi une allégation nouvelle qui est irrecevable au regard de l'art. 99 al. 1 LTF. De toute manière, il n'existe aucun indice d'un coup à la main autre que léger.
 
4.
 
Le coup que la recourante a reçu à la tête n'est prétendument pas une simple voie de fait aux termes de l'art. 126 CP, mais une lésion corporelle punissable selon l'art. 123 CP.
 
Cette seconde disposition réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne sont pas graves aux termes de l'art. 122 CP. Elle protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle suppose une atteinte importante à ces biens juridiques. Elle vise notamment les blessures, meurtrissures, écorchures ou griffures, sauf lorsque ces lésions n'ont pas de conséquence autre qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (cf. ATF 134 IV 189 consid. 1.1 p. 191).
 
La recourante a consulté un médecin le 6 janvier 2010; celui-ci a constaté « dans la région frontale paramédiane droite, juste en-dessous de la limite du cuir chevelu, une discoloration cutanée rosée, filiforme, à disposition horizontale, mesurant 1,5 cm ».
 
Selon un autre certificat établi le même jour, la recourante présentait « un état de stress aigu survenu dans les quarante-huit heures ayant suivi un événement traumatique ». D'après un troisième certificat, la recourante a consulté un médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie dès le 10 août 2010. Après « une longue série de brimades, d'humiliations ou d'ostracisme larvé », les coups reçus au cours d'une intervention chirurgicale pratiquée par la recourante avaient exercé sur elle un effet « dévastateur »; un traitement psychiatrique et psychothérapeutique intensif se poursuivait à la date du certificat, soit le 6 décembre 2011.
 
La recourante ne prétend pas que l'instruction ait mis en évidence un harcèlement psychologique que l'intimé aurait exercé contre elle au cours de leur activité commune au service de l'établissement hospitalier, ayant entraîné ou favorisé une perturbation grave de son équilibre psychique. Elle ne prétend pas non plus que le Ministère public ait omis d'administrer les preuves disponibles à ce sujet et que l'instruction soit donc lacunaire. Dans ces conditions, le coup de tête ne semble pas s'inscrire dans un contexte par ailleurs hostile à la recourante, de sorte qu'il doit être considéré isolément. Or, selon l'expérience de la vie et le cours ordinaire des choses, ce horion n'était pas de nature à provoquer une dégradation sérieuse et prolongée de l'équilibre psychique; à supposer qu'il se trouve effectivement à l'origine du syndrome attesté par les certificats, le lien de causalité adéquate dont dépend une sanction pénale (cf. ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3 p. 56; 131 IV 145 consid. 5.1 p. 147) fait défaut. Enfin, la « discoloration cutanée », à peine visible sur les photographies figurant au dossier, n'atteint pas le degré d'importance caractéristique d'une lésion corporelle. La recourante se plaint donc à tort d'une application incorrecte de l'art. 123 CP en relation avec l'art. 319 al. 1 let. a ou b CPP.
 
5.
 
Il est contesté que l'intimé ait porté un coup de tête à la recourante pour préserver le patient d'un danger imminent et impossible à détourner autrement.
 
La recourante ne met pas en doute que les points de ligature exécutés par elle aient menacé le nerf ilio-inguinal du patient. D'après l'un des témoignages recueillis, une lésion de ce nerf entraîne pour le patient un risque important de douleurs chroniques, irréversibles et invalidantes. L'intervention de l'intimé s'imposait donc; contrairement à l'opinion de la recourante, « l'urgence médicale » est suffisamment établie.
 
L'intimé et la recourante se trouvaient face à face, avec le patient entre eux. L'intimé a d'abord attiré l'attention de la recourante par la parole, puis par un léger coup à la main. Faute d'obtenir une réaction adéquate, il lui a asséné un coup de tête afin d'accéder personnellement et rapidement au champ opératoire. Il est admis qu'il ne pouvait pas user de ses mains pour pousser la recourante. A bien comprendre l'argumentation que celle-ci développe, l'intimé eût dû se borner à un contact modéré avec la tête, suivi d'un simple pression. Or, cette solution n'eût permis qu'un dénouement moins rapide de la situation et elle n'était donc pas également efficace. Compte tenu que le patient était exposé à un risque grave et imminent, la Chambre des recours pénale n'outrepasse pas son pouvoir d'appréciation en retenant que ce coup de tête, certes malséant, ne pouvait pas conduire à une condamnation pénale.
 
6.
 
Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où les moyens présentés sont recevables. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
La recourante acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.
 
3.
 
La recourante versera une indemnité de 2'000 fr. à l'intimé, à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère public central et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
Lausanne, le 3 mai 2013
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Fonjallaz
 
Le greffier: Thélin
 
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