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Informationen zum Dokument  BGer 4A_290/2013  Materielle Begründung
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BGer 4A_290/2013 vom 30.07.2013
 
{T 0/2}
 
4A_290/2013
 
 
Arrêt du 30 juillet 2013
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mme et MM. les juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
 
Greffier: M. Thélin
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, et
 
B.________,
 
représentés par Me Louise Bonadio,
 
défendeurs et recourants,
 
contre
 
F.________ et
 
G.________,
 
représentés par Me Philippe Schellenberg,
 
demandeurs et intimés.
 
Objet
 
procédure civile; sûretés en garantie des dépens
 
recours contre l'arrêt rendu le 22 avril 2013 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
 
Faits:
 
 
A.
 
Le 9 juin 2010, F.________ et G.________ ont conjointement ouvert action contre B.________ et A.________ devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Accusés de s'être appropriés illicitement divers biens, les défendeurs devaient être condamnés à payer solidairement 93 millions de francs à titre de dommages-intérêts.
 
Les défendeurs ont semble-t-il excipé de l'incompétence du for et de l'autorité d'un jugement britannique.
 
Le tribunal s'est prononcé le 17 décembre 2012; il a accueilli l'exception d'incompétence et déclaré la demande irrecevable. Ses auteurs sont condamnés aux dépens, y compris une indemnité de 50'000 fr. pour participation aux honoraires d'avocat à assumer par les défendeurs.
 
Les demandeurs appellent de ce jugement. Selon leurs conclusions, l'exception d'incompétence doit être rejetée et la cause doit être renvoyée au Tribunal de première instance pour statuer sur l'exception de chose jugée; subsidiairement, la cause doit être renvoyée au tribunal pour statuer à nouveau conformément aux considérants de la Cour de justice; plus subsidiairement, l'indemnité doit être réduite à 5'000 francs.
 
 
B.
 
L'acte d'appel est un mémoire de trente-cinq pages que la Chambre civile de la Cour de justice a transmis aux défendeurs pour réponse dans un délai de trente jours.
 
Les défendeurs ont requis des sûretés en garantie des dépens, au montant de 347'600 francs. Les demandeurs ont conclu au rejet de cette requête; subsidiairement, ils ont contesté devoir verser des sûretés excédant 10'000 francs.
 
Par arrêt du 22 avril 2013, la Cour a ordonné aux demandeurs de verser des sûretés en garantie des dépens d'appel; elle en a arrêté le montant à 25'000 francs.
 
 
C.
 
Agissant par la voie du recours en matière civile, les défendeurs requièrent le Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour de justice en ce sens que le montant des sûretés soit fixé à 200'000 francs.
 
Les demandeurs concluent principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet.
 
 
Considérant en droit:
 
 
1.
 
Le prononcé relatif au versement de sûretés en garantie des dépens ne termine pas l'instance introduite devant la Cour de justice; il s'agit au contraire d'une décision incidente visée par l'art. 93 al. 1 LTF. La recevabilité du recours en matière civile suppose que cette décision soit de nature à causer un préjudice irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.
 
Selon la jurisprudence relative à cette dernière disposition, un préjudice irréparable n'est réalisé que lorsque la partie recourante subit un dommage qu'une décision favorable sur le fond ne fera pas disparaître complètement; il faut en outre un dommage de nature juridique, tandis qu'un inconvénient seulement matériel, résultant par exemple d'un accroissement de la durée et des frais de la procédure, est insuffisant (ATF 134 III 188 consid. 2.2 p. 191; 133 III 629 consid. 2.3.1 p. 632; 131 I 57 consid. 1 p. 59). Il incombe à la partie recourante d'indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d'un préjudice juridique irréparable par la décision incidente qu'elle conteste; à défaut, le recours est irrecevable (ATF 137 III 324 consid. 1.1 p. 324).
 
Les défendeurs se disent exposés au risque de ne pas pouvoir, ou de ne pouvoir que très difficilement, par suite de l'insuffisance des sûretés, recouvrer entièrement les dépens auxquels ils pourront en principe prétendre s'ils obtiennent gain de cause dans la procédure entreprise par leurs adverses parties.
 
Les sûretés en garantie des dépens constituent une protection légalement prévue par les art. 99 à 101 CPC en faveur de la partie attraite en justice par une autre partie. Le Tribunal fédéral a déjà reconnu que le déni total ou partiel de cette protection, résultant d'une décision incidente refusant les sûretés ou ordonnant un montant insuffisant, est un préjudice juridique auquel même une décision finale favorable à la partie attraite n'apportera pas de remède (arrêt 4A_290/2008 du 4 mai 2009, consid. 3.3). Nonobstant l'opinion différente des demandeurs, le recours est donc recevable au regard de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.
 
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont par ailleurs satisfaites.
 
 
2.
 
Le code de procédure civile unifié (CPC) est entré en vigueur le 1er janvier 2011 alors que la cause était pendante devant le Tribunal de première instance. Par l'effet des art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC, la procédure de première instance demeure soumise au droit cantonal antérieur tandis que l'appel est régi par le code unifié.
 
 
3.
 
Il n'est pas mis en doute que les défendeurs aient le droit d'exiger des sûretés en garantie des dépens; la contestation ne porte que sur le montant de ces sûretés.
 
En règle générale, selon l'art. 104 al. 1 CPC lu en relation avec l'art. 95 al. 1 let. b CPC, le montant des dépens est arrêté définitivement dans la décision finale, d'après le tarif cantonal prévu par l'art. 96 CPC. Au moment d'ordonner des sûretés en garantie des dépens, le juge doit donc évaluer les dépens présumables en tenant compte du tarif (Benedikt Suter et Cristina von Holzen, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, Thomas Sutter-Somm et al., éd., 2e éd., 2013, n° 6 ad art. 100 CPC). Selon l'art. 95 al. 3 let. b CPC, les dépens sont notamment destinés à couvrir le défraiement - en réalité, la rémunération et le défraiement - d'un mandataire professionnel.
 
La Cour de justice a retenu le montant de 25'000 francs. Les défendeurs le tiennent pour gravement sous-estimé; invoquant l'art. 9 Cst., ils se plaignent d'une application prétendument arbitraire du tarif cantonal.
 
Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; il faut encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit d'ailleurs pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable ou apparaisse même préférable (ATF 138 I 305 consid. 4.3 p. 319; 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560).
 
 
4.
 
L'art. 20 al. 1 de la loi genevoise d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile, du 11 octobre 2012 (LACC), prévoit que le défraiement d'un représentant professionnel est en règle générale proportionnel à la valeur litigieuse. Il doit être taxé dans les limites à établir par un règlement du Conseil d'Etat, d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé. Le règlement est celui du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière civile; il contient diverses dispositions sur l'évaluation du défraiement d'après la valeur litigieuse.
 
Selon son intitulé, l'art. 23 al. 2 LACC concerne les « cas spéciaux »; il prévoit que « lorsque le procès ne se termine pas par une décision au fond mais en particulier par un retrait du recours, un désistement, une transaction ou une décision d'irrecevabilité, le défraiement peut être réduit en conséquence ».
 
En l'espèce, la Cour de justice n'a pas à statuer en appel sur l'action en dommages-intérêts intentée par les demandeurs, mais seulement sur l'exception d'incompétence que le Tribunal de première instance a accueillie; si la Cour ne confirme pas le jugement, elle renverra la cause au tribunal. La procédure d'appel ne se terminera donc pas par une décision « au fond », d'où il résulte que l'art. 23 al. 2 LACC sera applicable à l'évaluation du défraiement. Cette disposition ne comporte aucune référence à la valeur litigieuse et elle peut sans arbitraire être interprétée en ce sens que dans les affaires concernées, la valeur litigieuse n'est pas un élément d'appréciation important. A l'appui du recours en matière civile, les défendeurs discutent de manière détaillée, surtout, l'application du règlement prévu par l'art. 20 al. 1 LACC. Compte tenu que ce règlement ne peut certainement pas déroger aux règles établies directement par la loi, leur argumentation est inapte à mettre en évidence une application éventuellement arbitraire de l'art. 23 al. 2 LACC. Pour le surplus, à première vue, les défendeurs n'auront guère qu'à déposer, devant la Cour de justice, un mémoire de réponse à l'appel où ils se borneront à discuter la compétence du for; le montant de 25'000 fr. devrait alors raisonnablement suffire à couvrir la rémunération de leur conseil. L'appréciation de la Cour résiste ainsi au grief d'arbitraire.
 
 
5.
 
Les défendeurs invoquent également la garantie du droit d'être entendu conférée par l'art. 29 al. 2 Cst.; ils se plaignent d'une motivation prétendument insuffisante de la décision attaquée. Ils critiquent les éléments d'appréciation retenus et mentionnés par la Cour de justice mais leurs arguments se confondent avec ceux par ailleurs développés en rapport avec l'art. 9 Cst.; ils ne mettent pas sérieusement en doute que l'on puisse comprendre, à la lecture de la décision attaquée, comment la Cour est parvenue à fixer les sûretés au montant de 25'000 francs. Or, cela satisfait aux exigences minimales de la garantie du droit d'être entendu (cf. ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236).
 
Les défendeurs font encore état de la garantie d'un procès équitable conférée notamment par l'art. 6 par. 1 CEDH; toutefois, cette protection constitutionnelle ne garantit pas, à la partie qui obtient gain de cause, le droit d'obtenir des dépens (ATF 134 II 117 consid. 7 p. 119); à plus forte raison, elle ne garantit pas non plus le droit d'exiger des sûretés en garantie des dépens.
 
 
6.
 
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de parties qui succombent, ses auteurs doivent acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels leurs adverses parties peuvent prétendre.
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
 
2.
 
Les défendeurs acquitteront un émolument judiciaire de 6'000 francs.
 
 
3.
 
Les défendeurs verseront solidairement entre eux une indemnité de 7'000 fr. aux demandeurs, créanciers solidaires, à titre de dépens.
 
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 30 juillet 2013
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La présidente: Klett
 
Le greffier: Thélin
 
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