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Informationen zum Dokument  BGer 2C_579/2013  Materielle Begründung
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BGer 2C_579/2013 vom 15.11.2013
 
{T 0/2}
 
2C_579/2013
 
 
Arrêt du 15 novembre 2013
 
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président, Aubry Girardin et Stadelmann.
 
Greffière: Mme Vuadens.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________,
 
représenté par Me Yves Hofstetter, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Service de la population du canton de Vaud, avenue de Beaulieu 19, 1014 Lausanne.
 
Objet
 
Autorisation de séjour UE/AELE,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 23 mai 2013.
 
 
Faits:
 
 
A.
 
A.a. X.________, né en 1985 à Lisbonne, est de nationalité portugaise. Il a été élevé en partie au Portugal et en partie en Suisse, où il a en tout cas résidé entre février 1990 et fin 1991 au bénéfice d'une autorisation d'établissement, puis dès le 14 février 1997 au bénéfice d'une autorisation de séjour, qui a été renouvelée jusqu'au 13 mars 2004.
 
A.b. Dès l'adolescence, le comportement de X.________ a donné lieu à de nombreuses mesures pénales:
 
- Le 19 mars 2001, il a été condamné à 60 jours de détention pour voies de fait graves par les autorités canadiennes.
 
- Le 19 février 2002, le Tribunal des mineurs [du canton de Vaud] l'a placé en maison d'éducation pour lésions corporelles simples, voies de fait, vol, vol en bande, tentative de vol en bande, brigandage, brigandage en bande, dommages à la propriété, escroquerie, extorsion, extorsion qualifiée, contrainte, séquestration, violation de domicile, incendie par négligence, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, faire évader des détenus, tentative de faire évader des détenus, vol d'usage d'un véhicule automobile, vol d'usage d'un cycle, conduite d'un véhicule automobile sans être titulaire du permis de conduire, infraction à la loi fédérale sur les armes et infractions diverses à la loi fédérale sur les stupéfiants.
 
- Le 8 septembre 2003, le Tribunal de Grande Instance de Besançon l'a condamné à une peine d'emprisonnement d'un an, à une amende douanière de 14'600 euros et à une interdiction de territoire national pour dix ans pour détention, transport et exportation de 2926 cachets d'ecstasy.
 
- En 2005, X.________ a été condamné par défaut en Suisse à une peine de huit mois de détention pour lésions corporelles simples, rixe, agression, vol, vol en bande, brigandage en bande et avec une arme dangereuse, dommages à la propriété, infractions à la loi fédérale sur les armes et à la loi fédérale sur les stupéfiants, puis, la même année, à une peine de deux mois d'emprisonnement pour violation simple des règles de la circulation routière, conduite sans permis de conduire, conduite d'un véhicule non couvert en assurance RC et utilisation abusive de plaques.
 
- En 2006, l'intéressé a été condamné à dix mois d'emprisonnement avec expulsion du territoire suisse pour une durée de cinq ans avec sursis pendant trois ans pour agression et infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants.
 
- Le 28 août 2008, le Tribunal correctionnel de l'Est vaudois a condamné par défaut X.________ à une peine privative de liberté de trois ans pour violation de domicile et infractions à loi fédérale sur les stupéfiants. Cette peine est complémentaire à celle qui lui a été infligée en 2006.
 
A.c. Le 27 août 2004, le Service de la population du canton de Vaud (ci-après: le Service de la population) a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de X.________, subsidiairement de lui octroyer une telle autorisation pour regroupement familial, en raison des nombreuses plaintes et interventions des autorités dont il faisait l'objet et de la condamnation pénale française du 8 septembre 2003. La décision du Service de la population a été annulée par le Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif) le 11 juillet 2005, qui a renvoyé le dossier au Service de la population pour nouvelle décision une fois connue l'issue pénale des affaires en cours.
 
A.d. En juin 2011, X.________ est revenu en Suisse pour se rendre aux autorités après avoir appris l'existence du jugement pénal rendu contre lui le 28 août 2008. Il a déposé une demande de relief le 3 août 2011 et a été incarcéré le 25 août 2011 pour purger la peine de 10 mois d'emprisonnement prononcée en 2006.
 
B. Le 22 octobre 2012, X.________ a sollicité la délivrance d'un permis de séjour et de travail auprès du Service de la population. A cette occasion, il a produit des déclarations de sa mère, de son beau-père, de sa soeur, de son amie C.________ et de proches, son certificat de base français-mathématiques et une promesse d'embauche.
 
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 23 mai 2013 et d'ordonner aux autorités d'immigration vaudoises de lui délivrer une autorisation de séjour et de travail.
 
 
Considérant en droit:
 
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 139 V 42 consid. 1 p. 44).
 
1.1. Selon l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions du domaine du droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. D'après la jurisprudence, il suffit qu'il existe un droit potentiel à l'autorisation, étayé par une motivation soutenable, pour que cette clause d'exclusion ne s'applique pas et, partant, que la voie du recours en matière de droit public soit ouverte (cf. ATF 136 II 177 consid. 1.1 p. 179; arrêt 2C_743/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2). Le recourant étant de nationalité portugaise, il peut se prévaloir de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681). Ayant produit une promesse d'embauche puis une demande de main d'oeuvre en vue de l'engager comme agent de sécurité sur appel, le recourant peut en particulier invoquer l'art. 4 ALCP qui garantit, sous certaines conditions, aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et de la Suisse un droit de séjour et d'accès à une activité économique. Par conséquent, la voie du recours en matière de droit public est ouverte en l'espèce.
 
1.2. Pour le surplus, l'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par le destinataire de l'arrêt attaqué qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF, le présent recours est donc recevable.
 
2. Le litige porte sur la question de savoir si c'est à bon droit que le Tribunal cantonal a refusé d'octroyer au recourant une autorisation de séjour, au motif qu'il représentait une menace pour l'ordre public suisse.
 
2.1. Selon l'art. 2 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr; RS 142.20), cette loi ne s'applique aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne que lorsque l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsque la LEtr prévoit des dispositions plus favorables. En l'espèce, le recourant ne peut pas tirer de la LEtr un droit de séjourner et de travailler en Suisse, les conditions de l'art. 18 (activité lucrative salariée) n'étant pas remplies. Il ne peut pas non plus se prévaloir des dispositions sur le regroupement familial (art. 42 ss LEtr). Partant, il y a lieu d'examiner la situation au regard des dispositions de l'ALCP.
 
2.2. Aux termes de l'art. 4 ALCP, le droit de séjour et d'accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l'art. 10 et conformément aux dispositions de l'annexe I.
 
2.3. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui s'appuie en cela sur celle de la Cour de Justice de l'Union européenne, les limitations au principe de la libre circulation des personnes doivent s'interpréter de manière restrictive. Le recours par une autorité nationale à la notion d'ordre public suppose en tout cas, en dehors du trouble pour l'ordre social que constitue toute infraction à la loi, l'existence d'une menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société. L'art. 5 annexe I ALCP s'oppose ainsi au prononcé de mesures décidées (exclusivement) pour des motifs de prévention générale. C'est le risque concret de récidive qui est déterminant (cf. ATF 136 II 5 consid. 4.2 p. 20; arrêts 2C_236/2013 du 19 août 2013 consid. 6.2; 2C_260/2013 du 8 juillet 2013 consid. 4.1). L'existence d'une condamnation pénale ne peut ainsi être retenue que dans la mesure où les circonstances qui ont donné lieu à cette condamnation font apparaître l'existence d'un comportement personnel constituant une menace actuelle pour l'ordre public. En général, la constatation d'une menace de cette nature implique chez l'individu concerné l'existence d'une tendance à maintenir ce comportement à l'avenir, mais il peut arriver que le seul fait du comportement passé réunisse les conditions de pareille menace pour l'ordre public (cf. ATF 130 II 176 consid. 3.4.1 p. 182 ss; arrêt 2C_260/2013 du 8 juillet 2013 consid. 4.1). Dans ce cas, il ne doit pas être établi avec certitude que l'étranger commettra d'autres infractions à l'avenir; inversement, ce serait aller trop loin que d'exiger que le risque de récidive soit nul pour que l'on renonce à une telle mesure. Compte tenu de la portée que revêt le principe de la libre circulation des personnes, ce risque, qui est essentiel, ne doit cependant pas être admis trop facilement. Il faut bien plutôt l'apprécier en fonction de l'ensemble des circonstances du cas et, en particulier, de la nature et de l'importance du bien juridique menacé, ainsi que de la gravité de l'atteinte qui pourrait y être portée (cf. arrêts 2C_401/2012 du 18 septembre 2012 consid. 3.3; 2C_236/2013 du 19 août 2013 consid. 6.2). Cela pourra être admis en particulier pour les multirécidivistes qui n'ont pas tiré de leçon de leurs condamnations pénales antérieures (arrêts 2C_908/2010 du 7 avril 2011 consid. 4.1; 2C_447/2008 du 17 mars 2009 consid. 5.3). L'évaluation du risque de récidive sera d'autant plus stricte que le bien juridique menacé est important (cf. ATF 136 II 5 consid. 4.2 p. 20). Pour évaluer la menace que représente un étranger condamné pénalement, le Tribunal fédéral se montre particulièrement rigoureux - en suivant en cela la pratique de la Cour européenne des droits de l'homme - en présence d'infractions à la législation fédérale sur les stupéfiants, d'actes de violence criminelle et d'infractions contre l'intégrité sexuelle (cf. arrêt 2C_238/2012 du 30 juillet 2012 consid. 2.3 et les arrêts cités).
 
2.4. En l'espèce, les juges cantonaux ont estimé que le recourant présentait un risque de récidive important et que cette menace était suffisamment grave et actuelle pour justifier un refus de lui délivrer une autorisation de séjour en application de l'art. 5 annexe I ALCP.
 
2.5. Le recourant soutient que les juges cantonaux ont procédé à une appréciation arbitraire des faits. Il se prévaut des principes énoncés dans l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_370/2012 du 29 octobre 2012 et reproche aux juges cantonaux de n'avoir pas appliqué leur propre jurisprudence, citant à cet égard l'arrêt PE.2012.0263 du 21 janvier 2013 du Tribunal cantonal.
 
2.5.1. Le recourant reproche d'abord aux juges cantonaux d'avoir opéré une " présomption de culpabilité " à son encontre en relevant que l'on ignorait tout de ses agissements au Portugal et en Belgique entre la fin décembre 2007 et juin 2011. Il affirme qu'il est au contraire établi qu'il n'a pas commis d'infractions depuis 2007 et que le Tribunal cantonal s'est en réalité fondé sur les sanctions disciplinaires qui lui ont été infligées durant sa détention pour conclure à l'existence d'une menace actuelle pour l'ordre public. Un tel raisonnement serait arbitraire et contraire à la jurisprudence, les faits - qu'il conteste avoir commis - à l'origine de ces mesures constituant des " bagatelles " et les sanctions disciplinaires ne revêtant selon lui pas de caractère pénal.
 
2.5.2. Selon le recourant, le fait d'avoir été libéré conditionnellement démontrerait qu'il ne représente pas une menace actuelle pour l'ordre public. Il reproche aux juges cantonaux de n'avoir pas pris en compte ce fait en sa faveur dans l'examen de sa dangerosité.
 
2.5.3. Le recourant fait également grief aux juges cantonaux de n'avoir pas correctement tenu compte de l'existence de sa famille en Suisse et de sa liaison avec C.________, qui n'existait pas dans sa jeunesse, pour apprécier le risque de récidive. Or, les juges cantonaux relèvent à juste titre que la présence de sa famille en Suisse ne l'a pas détourné de la commission d'actes délictueux par le passé; concernant son amie, le recourant passe sous silence le fait, mentionné dans l'arrêt attaqué, qu'en 2006, c'est l'amie du recourant elle-même qui l'a incité à commettre une agression, fait pour laquelle elle a d'ailleurs été condamnée pour instigation. L'existence de sa liaison avec C.________ est donc insuffisante pour en tirer une conclusion favorable au recourant en relation avec le risque de récidive.
 
2.5.4. Le recourant reproche au Tribunal cantonal de lui faire un " procès d'intention injustifié " en retenant qu'il n'avait pas démontré que son emploi d'agent de sécurité sur appel lui aurait procuré un revenu régulier et substantiel, alors que l'existence de ce contrat aurait dû être retenue à son avantage, comme preuve de ses efforts pour s'insérer dans le marché du travail.
 
2.6. Le recourant fait grief aux juges cantonaux d'avoir renoncé à appliquer leur propre jurisprudence, se référant à cet égard à l'arrêt PE.2012.0263 du 21 janvier 2013. Cette critique n'est pas admissible, dès lors que le Tribunal fédéral n'est pas lié par des précédents dont il n'a pas eu à connaître (ATF 130 II 28 consid. 4.3 p. 345; arrêt 2C_655/2011 du 7 février 2012 consid. 8.2), le recourant n'invoquant au demeurant pas d'inégalité de traitement en relation avec cet arrêt, à propos duquel il ne donne d'ailleurs aucune indication.
 
2.7. Au vu de l'ensemble des circonstances, soit la liste importante des infractions commises par le recourant depuis son jeune âge, comprenant de nombreuses atteintes à l'intégrité physique et des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants, le fait qu'il ait persévéré dans un comportement contraire aux règles au cours de sa détention et que le juge d'application des peines ait relevé une absence de réelle prise de conscience de sa part, l'on ne peut reprocher aux juges cantonaux d'avoir procédé à un abus de leur pouvoir d'appréciation en retenant l'existence d'un risque concret de récidive et que le recourant représentait une menace pour l'ordre public. L'appréciation du Tribunal cantonal est ainsi conforme à l'art. 5 par. 1 annexe I ALCP.
 
2.8. Le refus d'une autorisation de séjour ne se justifie toutefois que si la pesée des intérêts qui doit être effectuée en lien avec le long séjour qu'a déjà effectué le recourant en Suisse précédemment fait apparaître la mesure comme proportionnée aux circonstances.
 
2.9. En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant a déjà vécu à l'étranger, d'abord durant ses premières années de vie puis entre fin 1991 et 1997, entre 2004 et 2005 et entre fin 2007 et l'été 2011, où il est revenu en Suisse pour demander le relief du jugement du 28 août 2008 et y purger sa peine. Il a ensuite demandé l'octroi d'un nouveau titre de séjour dès sa libération conditionnelle. Par ailleurs, il est célibataire et sans enfant, n'a pas de formation professionnelle et n'a jamais eu d'emploi stable en Suisse. Il a des liens avec sa famille et avec une amie, mais ceux-ci ne l'ont jusqu'ici pas éloigné de la délinquance ni amené à se comporter de manière irréprochable en prison. En outre, le fait de vivre à l'étranger, comme il l'a déjà fait de 2007 à 2011, ne l'empêchera pas d'entretenir des rapports avec ses proches à l'avenir.
 
2.10. Il découle de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Le recours auprès du Tribunal fédéral étant d'emblée voué à l'échec, l'assistance judiciaire requise en relation avec la présente procédure doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF). Les frais judiciaires seront donc mis à la charge du recourant, mais seront fixés en tenant compte de sa situation financière qui est précaire (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
 
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
4. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Service de la population, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations.
 
Lausanne, le 15 novembre 2013
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Zünd
 
La Greffière: Vuadens
 
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