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Informationen zum Dokument  BGer 2C_588/2013  Materielle Begründung
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BGer 2C_588/2013 vom 20.11.2013
 
{T 0/2}
 
2C_588/2013
 
 
Arrêt du 20 novembre 2013
 
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
 
Aubry Girardin et Stadelmann.
 
Greffière: Mme Rochat.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________,
 
représenté par Me Jean-Daniel Kramer, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Service des migrations du canton de Neuchâtel,
 
Département de l'économie du canton de Neuchâtel.
 
Objet
 
Révocation de l'autorisation d'établissement,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal
 
de la République et canton de Neuchâtel,
 
Cour de droit public, du 23 mai 2013.
 
 
Faits:
 
A. X.________, ressortissant bosniaque, né en 1982, est arrivé en Suisse le 4 janvier 2005. A la suite de son mariage, en février 2004, avec Y.________, ressortissante serbe, titulaire d'une autorisation d'établissement dans le canton de Berne, il a obtenu une autorisation de séjour puis, le 13 janvier 2010, une autorisation d'établissement dans le canton de Neuchâtel, où les époux avaient annoncé leur arrivée le 1 er octobre 2007.
 
B. Par décision du 28 juin 2011, le Service des migrations a révoqué l'autorisation d'établissement de X.________ et lui a imparti un délai au 31 août 2011 pour quitter la Suisse. Il a également classé les demandes de regroupement familial déposées en faveur de Z.________ et A.________.
 
 
C.
 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, subsidiairement du recours constitutionnel subsidiaire, X.________ conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du Tribunal cantonal du 23 mai 2013. Il demande au Tribunal fédéral, à titre principal, de constater qu'il n'a pas commis un abus de droit en invoquant son mariage avec Mme Y.________ et, par conséquent, de maintenir son autorisation d'établissement. A titre subsidiaire, il requiert le Tribunal fédéral de constater qu'il se trouve dans la situation d'un cas individuel d'extrême gravité et, partant, de lui accorder une autorisation de séjour.
 
 
Considérant en droit:
 
 
1.
 
1.1. Selon l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. Il est cependant recevable contre la décision révoquant l'autorisation d'établissement du recourant, car il existe en principe un droit au maintien de cette autorisation (ATF 135 II 1 consid. 1.2.1 p. 4).
 
Pour le surplus, l'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par le destinataire de l'arrêt attaqué qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF, le présent recours est donc en principe recevable comme recours en matière de droit public en tant qu'il porte sur la révocation de l'autorisation d'établissement du recourant.
 
1.2. En revanche, d'après l'art. 83 let. c ch. 5 LTF, le recours en matière de droit public n'est pas recevable contre les décisions qui concernent les dérogations aux conditions d'admission. Il s'ensuit que le présent recours est irrecevable comme recours en matière de droit public en tant qu'il conclut à l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur l'art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr; RS 142.20), pour cas individuel d'extrême gravité. Reste à déterminer si ce point peut être traité par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF) déposé par le recourant.
 
2. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral, y compris la violation des droits fondamentaux (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. En outre, le Tribunal fédéral fonde son raisonnement juridique sur les faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou incomplète - notion qui correspond à celle d'arbitraire (ATF 138 I 49 consid. 7.1 p. 51) - ou encore en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF), il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. Sinon, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (cf. ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104; arrêt 2C_990/2012 du 7 mai 2013 consid. 3.2).
 
3. Le recourant fait valoir une violation du droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a LTF, subsidiairement une violation des droits constitutionnels, en particulier des principes du droit d'être entendu, de la bonne foi et de l'interdiction de l'arbitraire. Il reproche essentiellement au Tribunal cantonal de n'avoir pas examiné les motifs ayant présidé à la révocation de son autorisation d'établissement et soutient que la juridiction cantonale aurait ainsi établi les faits de façon manifestement inexacte et en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 LTF).
 
3.1. Le Tribunal cantonal a estimé que l'art. 43 al. 1 de la loi cantonale sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA; RSNE 152.30), prévoyant que l'autorité de recours n'est pas liée par les motifs invoqués à l'appui du recours, n'impliquait pas un contrôle de la décision attaquée sous tous ses aspects, mais uniquement un examen des points effectivement litigieux. Il en a déduit que, dans la mesure où le recourant n'avait invoqué que son état de santé et son statut de travailleur pour s'opposer à son renvoi de Suisse, le Département n'avait pas à examiner les motifs sur lesquels s'était fondé le Service des migrations pour révoquer l'autorisation d'établissement de l'intéressé. Par conséquent, la cour cantonale a elle-même limité son examen au cas individuel d'extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEtr, considérant que le bien-fondé de la révocation de l'autorisation d'établissement ne faisait plus partie de la contestation portée devant lui.
 
3.2. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 138 IV 81 consid. 2.2 p. 84; 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 et les arrêts cités). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1, in RDAF 2009 II p. 434; 1C_246/2013 du 4 juin 2013 consid. 2.1). Une autorité se rend coupable d'une violation du droit d'être entendu si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 248; 126 I 97 consid. 2b p. 102 ss).
 
En l'espèce, le Tribunal cantonal n'a pas omis de se prononcer sur les griefs relatifs à la révocation de l'autorisation d'établissement du recourant, mais a clairement expliqué les motifs pour lesquels il considérait que ce point ne pouvait plus être contesté devant lui et qu'il n'avait pas à l'examiner d'office. Ce faisant, il n'a pas violé le droit d'être entendu du recourant. Reste à déterminer si son argumentation est ou non fondée au regard des griefs d'arbitraire et de violation du principe de la bonne foi soulevés par le recourant.
 
3.3. Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 138 I 49 consid. 7.1 et les arrêts cités).
 
3.3.1. L'art. 43 LPJA dispose que:
 
"1. L'autorité de recours n'est pas liée par les motifs invoqués à l'appui du recours.
 
2. Les constatations de fait ne lient pas l'autorité de recours.
 
3. L'autorité de recours n'est pas liée par les conclusions des parties; elle peut réformer, au détriment du recourant, la décision attaquée ou accorder plus que le recourant n'avait demandé; elle doit cependant donner aux parties l'occasion de se prononcer ou de retirer les recours. "
 
Un tel raisonnement est d'autant plus inadmissible que l'acte qualifié de " recours devant le Département du 16 août 2011 " par le Tribunal cantonal n'est en réalité qu'une simple lettre du recourant lui-même, adressée au Service de la population. Celui-ci a transmis ce courrier au Département en tant que recours, tout en relevant qu'il était " quelque peu difficile à comprendre " et que l'intéressé semblait " demander l'annulation de notre décision ." Si le Département avait des doutes quant au fait que ledit courrier demandait bien l'annulation de la décision dans son entier, il lui appartenait, conformément aux règles de la bonne foi et comme le prévoit du reste aussi l'art. 35 al. 3 LPJA, d'impartir un délai convenable au recourant pour compléter son recours. Le recourant s'en est du reste plaint dans son recours devant le Tribunal cantonal, mais celui-ci n'en a pas tenu compte.
 
3.3.2. En pareilles circonstances, le Tribunal cantonal a restreint de manière insoutenable son pouvoir d'examen en refusant de se prononcer sur le bien-fondé de la révocation de l'autorisation d'établissement du recourant au motif que, dans sa lettre qui tenait lieu de recours devant le Département, l'intéressé n'avait pas contesté ce point. Cette approche aboutit aussi à un résultat arbitraire, dès lors que l'arrêt attaqué a précisément pour effet de confirmer la révocation de l'autorisation d'établissement du recourant, sans que les éléments déterminants et les griefs du recourant n'aient été examinés. Il appartient partant aux juges cantonaux de se prononcer sur cet aspect.
 
3.4. A cela s'ajoute que, selon l'art. 111 al. 3 LTF, l'autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral doit pouvoir examiner au moins les griefs visés aux art. 95 à 98 LTF, soit notamment la violation de l'un des droits inclus à l'art. 95 let. a LTF, dont la LEtr et les règles sur le mariage abusif à l'origine de la révocation de l'autorisation d'établissement du recourant font partie. La limitation du pouvoir d'examen que s'est imposée le Tribunal cantonal est donc également contraire à l'art. 111 al. 3 LTF.
 
4. Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner encore les autres griefs soulevés par le recourant. La cause sera ainsi renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1. Le recours en matière de droit public est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué est annulé.
 
2. Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
 
3. L'affaire est renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
 
4. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
5. Le canton de Neuchâtel versera au mandataire du recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.
 
6. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Service des migrations et au Département de l'économie du canton de Neuchâtel, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations.
 
Lausanne, le 20 novembre 2013
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Zünd
 
La Greffière: Rochat
 
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