VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 2C_583/2013  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 2C_583/2013 vom 23.12.2013
 
{T 0/2}
 
2C_583/2013
 
 
Arrêt du 23 décembre 2013
 
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
 
Aubry Girardin et Kneubühler.
 
Greffière: Mme Vuadens.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________ et B.________,
 
représentés par Me Michel Lambelet, avocat,
 
recourants,
 
contre
 
Administration fiscale cantonale genevoise.
 
Objet
 
Impôts cantonaux et communaux 2006,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 14 mai 2013.
 
 
Faits:
 
A. Les époux B.________ et A.________ sont domiciliés dans le canton de Genève. A.________ est propriétaire de l'entier du capital-actions (100 actions d'une valeur nominale de 1'000 fr.) et l'unique administrateur de la société C.________ SA (ci-après: la Société), qui a pour but l'organisation de voyages tels que des croisières et des arrangements à forfait. La Société emploie plusieurs collaborateurs qualifiés, dont son actionnaire.
 
B. Dans leur déclaration d'impôt pour la période fiscale 2006, les époux A.________ et B.________ ont reporté les actions de la Société pour une valeur de 1'000 fr. l'action, soit pour leur valeur nominale. Dans le bordereau d'impôt cantonal et communal (ci-après: ICC) 2006 du 31 octobre 2007, l'Administration fiscale cantonale genevoise (ci-après: l'Administration fiscale) a fixé la valeur de l'action de la Société à 19'653 francs.
 
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, B.________ et A.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de dépens, d'annuler la décision de la Cour de justice du 14 mai 2013, de constater que l'estimation de la valeur de l'action de la Société à 19'633 fr. est contraire aux dispositions légales, notamment à l'art. 14 al. 1 LHID, et d'inviter le Département des finances à émettre un nouveau bordereau ICC 2006 qui soit conforme à celles-ci. Ils ne contestent en revanche plus la perception d'intérêts financiers devant le Tri-bunal fédéral.
 
 
Considérant en droit:
 
1. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF), par une autorité judiciaire cantonale supérieure de dernière instance (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) sans qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte (cf. également l'art. 73 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]). Il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi par les contribuables ayant qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Les recourants se sont limités à des conclusions en renvoi, alors qu'ils auraient aussi pu conclure sur le fond, dès lors que l'art. 107 al. 2 LTF l'emporte sur l'art. 73 al. 3 LHID (ATF 134 II 186 consid. 1.5.3 p. 191 s., confirmé in ATF 135 II 260 consid. 1.3.2 p. 263). De telles conclusions restent toutefois admissibles dans le cadre d'un recours en matière de droit public (cf. ATF 133 II 409 consid. 1.4.1 p. 414), dès lors que l'on saisit de la motivation que les recourants souhaitent obtenir une estimation de la valeur de l'action de la Société sur la base de la valeur intrinsèque. Il convient donc d'entrer en matière.
 
2. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de son application par les instances cantonales aux dispositions de la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale. Cependant, lorsque les dispositions de la LHID laissent une marge de manoeuvre aux cantons, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral se limite à l'arbitraire, dont la violation doit être motivée conformément aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 134 II 207 consid. 2 p. 209 s.; arrêts 2C_180/2013 du 5 novembre 2013; 2C_77/2013 du 6 mai 2013 consid. 1.4 et les références citées).
 
3. Le litige porte sur l'estimation de la valeur des actions de la Société en vue de l'imposition sur la fortune des recourants pour l'année fiscale 2006.
 
3.1. L'impôt sur la fortune des personnes physiques est un impôt harmonisé aux art. 13 et 14 LHID. Il a pour objet l'ensemble de la fortune nette (art. 13 al. 1 LHID), qui se détermine selon les règles d'évaluation posées à l'art. 14 LHID. Selon l'art. 14 al. 1 LHID, la fortune est estimée à la valeur vénale. Toutefois, la valeur de rendement peut être prise en considération de façon appropriée.
 
3.1.1. Dans le canton de Genève, l'impôt sur la fortune est réglé dans la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP; RSG D 3 08) et son règlement d'application. En l'espèce toutefois, l'ancienne loi du 22 septembre 2000 sur l'imposition des personnes physiques - Impôt sur la fortune (aLIPP-III) reste applicable, la présente affaire concernant la période fiscale 2006 (cf. art. 72 al. 1 2
 
3.1.2. Les instructions concernant l'estimation des titres non cotés en vue de l'impôt sur la fortune (ci-après: les Instructions) sont éditées par la Conférence suisse des impôts, qui regroupe les administrations fiscales cantonales et l'Administration fédérale des contributions. Elles ont fait l'objet de plusieurs éditions depuis les années 40 (cf. Erhard Jost, Les nouvelles instructions concernant l'estimation des titres non cotés, in Archives 40, p. 182; Carl Helbling, Unternehmensbewertung und Steuern, 9ème édition, 1998, p. 549), la dernière datant du 28 août 2008. Le litige portant en l'espèce sur la valeur de l'action de la Société pour la période fiscale 2006, ce sont les Instructions dans leur version publiée dans la Circulaire n° 28 du 21 août 2006 qui sont déterminantes (consultable sur internet à l'adresse 
 
3.1.3. La méthode générale d'estimation contenue dans les Instructions a rencontré l'aval du Tribunal fédéral. Dans la jurisprudence concernant des affaires antérieures à l'entrée en vigueur de la LHID, la Cour de céans a constaté que cette méthode prenait en compte les éléments pertinents pour estimer la valeur vénale des titres non cotés et non régulièrement négociés (cf. arrêt 2A.213/1994 du 8 octobre 1996 consid. 4 et les références citées, in Archives 66, p. 484 et RDAF 1998 II 351). Après l'entrée en vigueur de la LHID, la Cour de céans a souligné qu'en prévoyant des règles unifiées d'estimation des titres non cotés en vue de leur imposition sur la fortune dans un domaine où les cantons jouissent d'un large pouvoir d'appréciation, les Instructions poursuivaient un but d'harmonisation fiscale horizontale et concrétisaient ainsi l'art. 14 al. 1 LHID (arrêt 2C_800/2008 du 12 juin 2009 consid. 5.2, RF 64/2009, p. 910; cf. également arrêt 2C_952/2010 du 29 mars 2011 consid. 2.1). Sur le fond, il a confirmé que les Instructions prenaient en compte les éléments déterminants pour l'évaluation des titres non cotés et qu'elles étaient appropriées pour l'estimation des sociétés en vue de l'imposition sur la fortune des actionnaires (arrêt 2C_504/2009 du 15 avril 2010 consid. 3.3 et les références citées).
 
 
4.
 
4.1. Les recourants allèguent d'abord que la Cour de justice a violé l'art. 14 al. 1 LHID en confirmant le bien-fondé de l'estimation de la Société effectuée par l'Administration fiscale, dans la mesure où cette méthode tient compte de la valeur de rendement. Selon les recourants, si la prise en compte de cette valeur est pertinente pour l'évaluation des sociétés détenues par plusieurs actionnaires, où le critère primordial est, comme pour les sociétés cotées en bourse, la rentabilité, ce critère ne serait pas approprié aux sociétés à actionnaire unique.
 
4.1.1. Selon la jurisprudence, la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale ne prescrit pas au législateur cantonal une méthode d'évaluation précise pour établir la valeur déterminante selon l'art. 14 al. 1 LHID. Les cantons disposent en la matière d'une marge de manoeuvre importante pour élaborer et appliquer leur réglementation, aussi bien dans le choix de la méthode de calcul que pour déterminer, compte tenu du caractère potestatif de l'art. 14 al. 1, 2ème phrase LHID, dans quelle mesure la valeur de rendement doit être prise en considération dans l'estimation. Il en découle que le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est limité à l'arbitraire en l'espèce (cf. consid. 2; arrêts 2C_442/2012 du 14 décembre 2012 consid. 3; 2C_952/2010 du 29 mars 2011 consid. 2.1; 2C_504/2009 du 15 avril 2010 consid. 3.1).
 
4.1.2. En l'espèce, la Cour de justice n'est pas tombée dans l'arbitraire en prenant en considération la valeur de rendement pour estimer la valeur de l'action de la Société, cette possibilité étant expressément réservée à l'art. 14 al. 1 LHID. En outre, les recourants ne démontrent pas en quoi il serait arbitraire d'utiliser la même méthode d'évaluation d'une société indépendamment de son nombre d'actionnaires, se limitant à affirmer que le rendement ne serait pas un critère approprié pour évaluer une société à actionnaire unique. Ils ne démontrent pas non plus en quoi le résultat de l'estimation serait arbitrairement trop élevé en l'espèce, la comparaison qu'ils opèrent avec la valeur intrinsèque (inférieure) qu'ils présentent dans leur mémoire de recours ne constituant pas une preuve de ce caractère. Le grief de violation de l'art. 14 al. 1 LHID doit donc être rejeté.
 
4.2. Les recourants reprochent également à la Cour de justice d'avoir mal appliqué les Instructions. Ils soutiennent que la Société présente des similitudes avec les sociétés de gérance de fortune, dans la mesure où sa valeur ne dépend que de son directeur et administrateur unique. La Société devrait donc être évaluée, comme le prévoient les Instructions pour les sociétés de gérance de fortune, sur la base de la seule valeur intrinsèque.
 
4.3. Les recourants allèguent encore que la prise en compte de la valeur de rendement dans l'estimation de la Société conduit à une surévaluation des sociétés à actionnaire unique, ce qui constituerait une violation du principe d'égalité de traitement (art. 8 Cst.) et de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.).
 
4.3.1. La prise en considération de la valeur de rendement à côté de la valeur intrinsèque dans l'évaluation des titres non cotés est prévue à l'art. 5 al. 2 aLIPP-III. Les recourants s'en prennent donc indirectement à cette disposition. Dès lors que l'art. 5 al. 2 aLIPP-III fait partie du droit cantonal harmonisé, il convient au préalable de vérifier le pouvoir de contrôle constitutionnel du Tribunal fédéral.
 
4.3.2. Les recourants fondent leur raisonnement sur l'affirmation selon laquelle la jurisprudence fiscale relative aux salaires excessifs associée à la prise en compte de la valeur de rendement conduit à une surévaluation des sociétés à actionnaire unique en raison de l'augmentation de la valeur de rendement qu'elle implique. Ce raisonnement est erroné. En effet, les recourants partent de la prémisse inexacte que cette jurisprudence ne concerne que le salaire d'un actionnaire unique. Or, s'agissant d'une forme particulière de distribution dissimulée de bénéfices, soit une prestation fournie par la société à un actionnaire ou à un proche sans contre-prestation correspondante et qui n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers (cf. ATF 138 II 57 consid. 2.2 p. 59 s.), cette pratique a également vocation à s'appliquer au salaire d'un actionnaire majoritaire (cf. par exemple l'arrêt 2C_188/2008 du 19 août 2008) ou à celui d'un actionnaire minoritaire, le critère déterminant étant de savoir si le salaire excessif a été accordé par la société à l'employé en raison d'un lien d'actionnariat existant avec celui-ci ou un proche. Il en découle que la comparaison qu'effectuent les recourants entre les salariés qui sont également actionnaires uniques de la société qui les emploie, d'une part, et les indépendants, d'autre part, est inopérante.
 
4.3.3. Les recourants font de toute manière fausse route en affirmant que la prise en compte de la valeur de rendement dans l'estimation des titres non cotés aboutit forcément à une estimation supérieure à celle qui se fonde sur la seule valeur intrinsèque, cette prise en compte pouvant au contraire conduire à une estimation plus basse. Tel est le cas lorsque la valeur de rendement est inférieure à la valeur intrinsèque ou lorsque la société réalise des pertes, la valeur de rendement à prendre en compte étant alors égale à zéro (cf. Instructions, par. 45 de l'édition du 21 août 2006). Dans toutes ces situations, la société est estimée à une valeur inférieure à la valeur intrinsèque et peut même, en cas de valeur de rendement égale à zéro, être égale au tiers de celle-ci.
 
4.3.4. Les recourants invoquent encore une violation de la liberté économique (art. 27 Cst.), plus précisément une violation du principe de la neutralité du système fiscal qui serait, selon eux, garanti par cette disposition, en ce que la prétendue surestimation fiscale des titres de la Société mettrait les recourants dans une position moins favorable que celle qui aurait été la leur si le recourant A.________ exerçait son activité non pas comme salarié, mais comme un indépendant facturant ses services à la Société. Les recourants se limitent ici à affirmer que leur imposition sur la fortune serait plus favorable en pareilles circonstances, sans prouver la réalité de cette affirmation (qui est au demeurant erronée, comme démontré ci-dessus, cf. consid. 4.3.3). Le grief de violation de l'art. 27 Cst. ne répond ainsi pas aux exigences accrues de motivation prévues à l'art. 106 al. 2 LTF, de sorte que le Tribunal fédéral ne peut entrer en matière.
 
5. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Les frais judiciaires, fixés à 1'500 fr., seront mis la charge des recourants solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Le canton n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge des recourants solidairement entre eux.
 
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à l'Administration fiscale cantonale genevoise, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, et à l'Administration fédérale des contributions.
 
Lausanne, le 23 décembre 2013
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Zünd
 
La Greffière: Vuadens
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).