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Informationen zum Dokument  BGer 8C_600/2017  Materielle Begründung
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BGer 8C_600/2017 vom 26.03.2018
 
 
8C_600/2017
 
 
Arrêt du 26 mars 2018
 
 
Ire Cour de droit social
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président,
 
Frésard et Viscione.
 
Greffier : M. Beauverd.
 
 
Participants à la procédure
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
 
recourante,
 
contre
 
A.________,
 
représenté par Me Filippo Ryter, avocat,
 
intimé.
 
Objet
 
Assurance-accidents (réduction des prestations; participation à une rixe),
 
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 25 juillet 2017 (AA 81/16 - 80/2017).
 
 
Faits :
 
A. A.________ travaille en qualité de vendeur de voyages au service de B.________. A ce titre il est assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Par déclaration d'accident du 14 janvier 2014 son employeur a annoncé à la CNA que le 4 janvier précédent l'assuré avait été victime d'une agression physique à l'entrée du parking de son domicile. Il en était résulté des luxations à l'épaule gauche et des fractures des métacarpiens des 4 èmeet 5 ème doigts de la main droite. L'intéressé a subi une incapacité de travail entière du 4 janvier au 9 mars 2014. Après une tentative de reprise du travail à 100 % le 10 mars 2014 il a dû réduire son taux d'activité à 50 % du 18 mars au 22 avril 2014, date à laquelle il a repris le travail à 100 %. Durant la période du 17 juin au 6 octobre 2014 une incapacité de travail entière a été prescrite en raison d'une intervention chirurgicale. La reprise du travail à 100 % a eu lieu le 7 octobre 2014.
1
Dans un questionnaire rempli le 28 janvier 2014 l'assuré a informé la CNA qu'il avait déposé une plainte pénale contre C.________ qu'il considérait comme l'auteur de l'agression subie le 4 janvier 2014. Par jugement du 3 mars 2016 le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de V.________ a condamné le prénommé à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 10 fr. le jour, avec sursis, et au paiement à A.________ de la somme de 4'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an à titre de réparation du tort moral. Il a retenu que le condamné s'était rendu coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP), de dommages à la propriété pour le bris des lunettes de A.________ (art. 144 al. 1 CP) et d'injures (art. 177 al. 1 CP).
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Par décision du 25 avril 2016, confirmée sur opposition le 8 juin suivant, la CNA a réduit de 50 % les indemnités journalières allouées à l'assuré au motif qu'il avait pris part à une rixe.
3
B. Saisie d'un recours, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a admis et elle a annulé la décision sur opposition de la CNA du 8 juin 2016.
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C. La CNA forme un recours contre ce jugement dont elle demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision sur opposition.
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L'intimé conclut au rejet du recours sous suite de frais et dépens. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit :
 
1. Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
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2. Le litige porte sur le bien-fondé de la réduction de 50 % des prestations en espèces opérée par la CNA, de sorte que le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction précédente (cf. art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF).
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3. Le 1 er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Cette modification laisse inchangé l'art. 39 LAA qui habilite le Conseil fédéral à désigner les dangers extraordinaires et les entreprises téméraires qui motivent dans l'assurance des accidents non professionnels le refus de toutes les prestations ou la réduction des prestations en espèces. De toute manière, le droit de l'intimé aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit dès lors que l'événement assuré est survenu avant le 1 er janvier 2017 (voir les dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; RO 2016 4375).
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L'art. 49 al. 2 OLAA (RS 832.202) dispose que les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d'accident non professionnel survenu notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l'assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu'il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre ou qu'il venait en aide à une personne sans défense (let. a).
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La notion de participation à une rixe ou à une bagarre est plus large que celle de l'art. 133 CP. Pour admettre l'existence d'une telle participation, il suffit que l'assuré entre dans la zone de danger, notamment en participant à une dispute. Peu importe qu'il ait effectivement pris part activement aux faits ou qu'il ait ou non commis une faute: il faut au moins qu'il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger. En revanche, il n'y a pas matière à réduction en cas de légitime défense ou plus généralement lorsque l'assuré se fait agresser physiquement, sans qu'il y ait eu au préalable une dispute, et qu'il frappe à son tour l'agresseur dans un mouvement réflexe de défense (arrêt 8C_788/2016 du 20 novembre 2017 consid. 3).
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Par ailleurs, il doit exister un lien de causalité entre le comportement de la personne assurée et le dommage survenu. Si l'attitude de l'assuré - qui doit être qualifiée de participation à une rixe ou à une bagarre - n'apparaît pas comme une cause essentielle de l'accident ou si la provocation n'est pas de nature, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner la réaction de violence, l'assureur-accidents n'est pas autorisé à réduire ses prestations d'assurance. Il convient de déterminer rétrospectivement, en partant du résultat qui s'est produit, si et dans quelle mesure l'attitude de l'assuré apparaît comme une cause essentielle de l'accident (ATF 134 V 315 consid. 4.5.1.2 p. 320; arrêts 8C_788/2016 du 20 novembre 2017 consid. 3; 8C_153/2016 du 13 décembre 2016 consid. 2). A cet égard, les diverses phases d'une rixe forment un tout et ne peuvent être considérées indépendamment l'une de l'autre (ATFA 1964 p. 75; arrêts 8C_788/2016, déjà cité, consid. 3; 8C_529/2011 du 4 juillet 2012 consid. 2.2).
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Erwägung 4
 
4.1. Sur la base des constatations de fait établies dans la procédure pénale les circonstances de l'événement du 4 janvier 2014 peuvent être décrites de la manière suivante. Le jour dit, vers 20h20, A.________ s'est engagé dans un giratoire au volant de sa voiture. Il a alors vu arriver sur sa droite la voiture conduite par C.________, lequel voulait également s'engager dans le giratoire. En raison de la vitesse inadaptée de son propre véhicule C.________ a dû freiner pour éviter la collision avant de s'engager dans le giratoire à la suite de A.________ et de le suivre jusqu'à son domicile. Avant de pénétrer dans le parking de son immeuble, A.________ s'est arrêté puis est sorti de son véhicule. Un échange verbal s'en est suivi. C.________ a alors agressé physiquement l'assuré. Celui-ci a subi des fractures des 4
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4.2. La cour cantonale s'est ralliée aux constatations et à l'appréciation du juge pénal sous réserve de son interprétation de l'origine des fractures des 4
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4.3. La recourante invoque une violation de l'art. 49 al. 2 let. a OLAA en tant que la cour cantonale a retenu que l'assuré n'était pour rien dans l'origine de l'événement du 4 janvier 2014 et que partant son comportement ne tombait pas sous le coup de cette disposition. Selon la CNA, bien que C.________ ait eu un comportement agressif et menaçant et qu'il l'ait poursuivi jusqu'à son domicile et invectivé, l'intéressé l'a suivi puis est sorti de son véhicule pour s'expliquer. Or il pouvait s'attendre, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à une réaction violente de la part de C.________. En renonçant à poursuivre sa route jusqu'à un autre endroit fréquenté de manière à dissuader son poursuivant de le frapper ou tout simplement en sortant de sa voiture, l'assuré s'est mis dans la zone de danger, de sorte que, selon la jurisprudence, son comportement tombe sous le coup de l'art. 49 al. 2 let. a OLAA.
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Par ailleurs la recourante soutient qu'il existe un lien de causalité entre le comportement de l'intimé et les lésions qu'il a subies. A cet égard elle reproche à la cour cantonale de s'être écartée des constatations du juge pénal en ce qui concerne l'interprétation de l'origine des fractures des 4 èmeet 5 ème métacarpiens droits. Elle allègue que contrairement à ce qu'a constaté la juridiction précédente, C.________ n'a pas subi seulement deux dermabrasions et un érythème sur le coup mais, selon ce qui ressort des constatations du jugement pénal, il a été victime également d'une contusion sur le côté droit de la face. Or un coup violent porté à cet endroit est tout à fait de nature à entraîner des fractures des 4 èmeet 5 ème métacarpiens droits chez l'auteur du coup. Aussi la recourante soutient-elle que ces fractures n'ont pas été occasionnées par une chute mais qu'elles sont dues à un coup violent porté par l'intimé à son adversaire.
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4.4. D'après l'intimé il n'y a pas lieu de s'écarter des constatations du juge pénal selon lesquelles la responsabilité de C.________ était établie pour le début de l'altercation, de sorte qu'il n'est personnellement pour rien dans l'origine de l'événement du 4 janvier 2014. En outre il s'inscrit en faux contre l'allégation de la recourante qui fait valoir qu'il a suivi l'autre automobiliste. Un tel fait ne ressort ni du jugement pénal ni du prononcé attaqué. C'est au contraire C.________ qui l'a suivi jusqu'à l'entrée du parking et qui s'est porté à sa hauteur sur la droite. En outre l'intéressé est d'avis qu'il a pris toutes les précautions en restant dans un endroit fréquenté au lieu de pénétrer dans le parking. Par ailleurs il ne s'est pas mis dans la zone de danger en sortant de sa voiture du moment que C.________ n'a commencé à proférer des injures qu'après que les protagonistes furent à l'extérieur. En ce qui concerne le lien de causalité entre le comportement de l'intimé et les lésions subies, celui-ci abonde dans le sens de la cour cantonale qui est d'avis que les fractures des 4ème et 5ème métacarpiens sont dues à une violente chute et non à un coup violent porté à son adversaire.
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Erwägung 5
 
5.1. Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales n'est pas lié par les constatations de fait et l'appréciation du juge pénal. Il ne s'en écarte cependant que si les faits établis au cours de l'instruction pénale et leur qualification juridique ne sont pas convaincants, ou s'ils se fondent sur des considérations spécifiques du droit pénal qui ne sont pas déterminantes en droit des assurances sociales (ATF 125 V 237 consid. 6a p. 242; voir aussi les arrêts 8C_832/2017 du 13 février 2018 consid. 3.3; 8C_392/2017 du 26 octobre 2017 consid. 7.2; 8C_788/2016 du 20 novembre 2017 consid. 5.1).
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Erwägung 5.2
 
5.2.1. En l'espèce, contrairement à ce que soutient la CNA - de façon contradictoire du reste -, ce n'est pas l'assuré qui a suivi l'autre conducteur, mais le contraire. Par ailleurs, il n'y a pas de raison de mettre en doute les déclarations de l'intimé selon lesquelles il craignait de s'engouffrer dans le parking souterrain de son domicile et d'être de ce fait privé de toute possibilité d'appeler du secours. Ce fait ne saurait toutefois être interprété comme l'aveu implicite qu'il devait en toutes hypothèses s'attendre à une réaction violente de la part de l'autre conducteur. Il pouvait se sentir plus en sécurité devant le parking de son immeuble, en pensant que C.________ ne provoquerait pas un esclandre pour un motif des plus futiles sur un lieu de passage potentiellement plus fréquenté (l'agression a eu lieu en début de soirée) qu'un endroit souterrain. Il n'y a visiblement pas eu de provocation de la part de l'intimé (C.________ a été en revanche condamné pour injures). Enfin il n'y a pas eu de poursuite sur une longue distance qui aurait pu être le signe d'un acharnement en vue d'en découdre de la part de C.________. Le giratoire se trouvait en effet à proximité du domicile de l'intimé. Dans de telles circonstances, le fait de sortir de son véhicule ne plaçait pas nécessairement ce dernier dans une zone de danger exclue de l'assurance. Il pouvait vouloir régler le problème par la parole, comme le constate d'ailleurs le jugement pénal. Suivre le point de vue de la CNA reviendrait à considérer comme un danger potentiel d'agression toute manifestation d'énervement ou d'agacement d'un conducteur à l'endroit d'un autre, sous les prétextes les plus futiles, ce qui procéderait d'une interprétation par trop extensive la jurisprudence susmentionnée.
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5.2.2. Le parallèle que la recourante tente d'établir avec l'arrêt 8C_685/2016 du 1
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5.2.3. La recourante reproche encore au juge cantonal de s'être écarté de l'appréciation du juge pénal en ce qui concerne l'interprétation de l'origine des fractures des 4
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5.2.4. Vu ce qui précède le jugement entrepris n'est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.
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6. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé, qui est représenté, a droit à une indemnité de dépens à la charge de la recourante (art. 68 al. 1 LTF).
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 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la CNA.
 
3. La CNA versera à l'intimé une indemnité de 2'800 fr. au titre de dépens pour la procédure de dernière instance.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.
 
Lucerne, le 26 mars 2018
 
Au nom de la Ire Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Maillard
 
Le Greffier : Beauverd
 
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