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Informationen zum Dokument  BGer 2C_1061/2017  Materielle Begründung
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BGer 2C_1061/2017 vom 02.08.2018
 
 
2C_1061/2017
 
 
Arrêt du 2 août 2018
 
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,
 
Zünd, Aubry Girardin, Stadelmann et Haag.
 
Greffier : M. Jeannerat.
 
 
Participants à la procédure
 
Grégory Logean,
 
représenté par Me Jean-Luc Addor, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Bureau du Grand Conseil du canton du Valais, Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
 
intimé.
 
Objet
 
Décision du Bureau du Grand Conseil VS du 12 décembre 2017 conc. le postulat " Non à l'ouverture du centre Manor de Monthey ",
 
recours contre la décision du Bureau du Grand Conseil du canton du Valais du 12 décembre 2017.
 
 
Faits :
 
A. Le 12 décembre 2017, Grégory Logean, député au Grand Conseil du canton du Valais et chef du Groupe UDC au sein de ce parlement, a déposé, au nom du groupe précité et avec la cosignature d'un député suppléant, un postulat intitulé " NON à l'ouverture du centre Manor de Monthey ". Il requérait que son intervention soit déclarée urgente et débattue durant la session qui commençait le même jour.
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Le postulat en question visait à contrecarrer l'ouverture annoncée du centre Manor de Monthey le 24 décembre 2017. Le centre commercial précité avait en effet annoncé vouloir profiter d'une décision de la Ville de Monthey autorisant les magasins de la commune à ouvrir ce jour-là, malgré l'avis contraire de l'Etat du Valais. Grégory Logean demandait, par le biais de son intervention, que le Conseil d'Etat maintienne sa demande formelle à la Ville de Monthey de revenir sur sa décision d'autoriser les magasins à ouvrir le dimanche 24 décembre 2017.
2
B. Le Bureau du Grand Conseil (ci-après: le Bureau) a refusé, le 12 décembre 2017, d'admettre le caractère urgent du postulat susmentionné, quand bien même la Présidence l'avait préavisé favorablement. Il considérait notamment que les personnes intéressées qui souhaitaient s'opposer à l'autorisation délivrée par la Ville de Monthey pouvaient recourir contre celle-ci et que l'instance de recours ainsi saisie pouvait réagir instantanément.
3
C. Par mémoire du 13 décembre 2017, Grégory Logean a interjeté un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre la décision du Bureau ayant dénié le caractère urgent à son postulat. Il demandait qu'il soit constaté que le postulat " NON à l'ouverture du centre Manor de Monthey le 24 décembre " remplissait tous les critères d'urgence fixés par l'art. 126 al. 1 de la loi valaisanne du 28 mars 1996 sur l'organisation des Conseils et les rapports entre les pouvoirs (LOCRP/VS; RS/VS 171.1; recte: l'art. 126 al. 1 du règlement du 13 septembre 2001 sur le Grand Conseil [RGC/VS; RS/VS 171.100]). Il concluait également, à titre de mesures provisionnelles, à ce qu'il soit ordonné au Bureau d'ajouter ledit postulat " à la liste des interventions qui devaient être traitées au point 4 de l'ordre du jour de la séance du Grand Conseil du 15 décembre 2017".
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Par ordonnance du 14 décembre 2017, le Président de la Cour de céans a rejeté la requête de mesures provisionnelles urgentes déposée par le recourant.
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Le 17 janvier 2018, le Bureau a requis une prolongation de délai pour se déterminer sur le recours de Grégory Logean, tout en formulant des doutes quant à sa recevabilité. Le recourant a pour sa part complété son recours par courrier du 20 février 2018 en ce sens qu'il estimait que le Tribunal fédéral devait entrer en matière sur son recours malgré l'absence d'intérêt actuel.
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Le Bureau s'est déterminé sur le recours dont il conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet en date du 22 mars 2018. Le recourant a déposé des ultimes observations le 23 avril 2018.
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Considérant en droit :
 
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 136 II 101 consid. 1 p. 103).
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1.1. Se pose tout d'abord la question de l'existence d'une décision susceptible de recours. En effet, sous réserve des hypothèses non réalisées en l'espèce et d'ailleurs non invoquées d'un recours pour violation des droits politiques et d'un recours contre un acte normatif cantonal (cf. art. 82 let. b et c LTF), le recours en matière de droit public n'est ouvert qu'à l'encontre des décisions rendues dans les causes de droit public (art. 82 let. a LTF).
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En l'occurrence, l'acte attaqué consiste dans le refus de conférer au postulat du recourant intitulé " NON à l'ouverture du centre Manor de Monthey le 24 décembre " un caractère urgent. Le Bureau du Grand Conseil considère qu'un tel refus constitue une mesure interne ou d'organisation non sujette à recours. Le recourant soutient à l'inverse que le droit cantonal lui aurait conféré un véritable droit - qui aurait été en l'espèce violé selon lui - à voir traiter en urgence le postulat qu'il avait déposé le 12 décembre 2017, de sorte que la déclaration d'urgence ne saurait être réduite à une simple mesure interne et organisationnelle.
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1.2. En principe, une décision répond à un certain nombre d'exigences formelles précisées par le droit fédéral ou cantonal. Toutefois, un acte qui ne répond pas pleinement aux exigences formelles de la loi de procédure applicable, mais qui constitue matériellement une décision peut être attaqué par la voie de l'art. 82 let. a LTF, pour autant que les autres conditions de recevabilité soient réunies (cf. arrêt 2C_8/2007 du 27 septembre 2007 consid. 1.3; aussi ALAIN WURZBURGER, in Commentaire de la LTF, 2e éd., 2014, n
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1.3. Aux termes de l'art. 82 let. a LTF, le recours en matière de droit public a pour objet les décisions rendues dans des causes de droit public. Selon la jurisprudence, sont des décisions les actes de l'autorité qui règlent de manière unilatérale et contraignante un rapport juridique dans un cas particulier (ATF 137 II 409 consid. 6.1; cf. aussi ATF 139 II 384 consid. 1 non publié; 135 II 328 consid. 2.1 avec une définition un peu différente). Une définition aussi générale ne permet cependant pas d'appréhender la grande diversité des situations qui se présentent en droit public et administratif (WURZBURGER, op. cit., no 27 ad art. 82 LTF). À cela s'ajoute que la notion de " décision " selon l'art. 82 let. a LTF, qui revêt un caractère autonome, est plus étendue que celle, restrictive, de l'art. 5 PA (RS 172.021). Elle inclut ainsi les retards à statuer (art. 94 LTF) et les actes matériels qui affectent la situation juridique de l'intéressé et dont l'autorité précédente a évalué le bien-fondé. En particulier lorsque des droits fondamentaux sont en cause, la délimitation de l'objet du recours tient aussi compte du besoin de protection juridique (ATF 138 I 6 consid. 1.2 et références citées).
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1.4. La décision comme acte juridique a pour objet de régler la situation d'administrés en tant que sujets de droit, lesquels sont donc, à ce titre, distincts de la personne étatique ou, en d'autres termes, extérieurs à l'administration. On oppose dans ce contexte la décision à l'acte interne ou d'organisation, qui vise des situations à l'intérieur de l'administration; l'acte interne peut avoir des effets juridiques, mais ce n'en est pas l'objet, et c'est pourquoi il n'est en principe pas susceptible de recours. Deux critères permettent généralement de déterminer si on a affaire à une décision ou à un acte interne. D'une part, l'acte interne n'a pas pour objet de régler la situation juridique d'un sujet de droit en tant que tel et, d'autre part, le destinataire en est l'administration elle-même, dans l'exercice de ses tâches. Ainsi, un acte qui affecte les droits et obligations d'un fonctionnaire en tant que sujet de droit, par exemple la fixation de son salaire, d'indemnités diverses ou encore de sanctions disciplinaires, est une décision. En revanche, un acte qui a pour objet l'exécution même des tâches qui lui incombent en déterminant les devoirs attachés au service, telles que la définition du cahier des charges ou des instructions relatives à la manière de trancher une affaire, est un acte interne juridique (ATF 136 I 323 consid. 4.4; aussi arrêts 8D_1/2016 du 23 janvier 2017 consid. 5.1 et 2C_272/2012 du 9 juillet 2012 consid. 4.4, ainsi que la doctrine citée).
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La distinction entre décisions et actes internes ou d'organisation s'applique non seulement au fonctionnement de l'administration étatique entendue au sens étroit, mais également à celui des autorités politiques. Le Tribunal fédéral a ainsi qualifié de " pur acte d'organisation du Parlement, qui ne déploie aucun effet externe " la décision du Bureau du Conseil national de ne pas autoriser un élu à siéger au sein d'une commission, étant précisé qu'en l'occurrence, la nature juridique exacte de la " décision " attaquée a pu rester indécise, le recours déposé ayant été déclaré irrecevable pour un autre motif (arrêt 1C_65/2012 du 14 février 2012 consid. 2). Dans une autre affaire, il a jugé qu'il n'était pas arbitraire de retenir qu'un préavis délivré par un exécutif communal à l'intention du législatif ne constituait pas une décision, même si ce préavis ne se conformait pas à un mandat préalablement donné par le biais d'une motion parlementaire (arrêt 1C_251/2011 du 21 juillet 2011 consid. 2).
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1.5. Dans le cas d'espèce, la procédure de traitement d'une intervention parlementaire urgente devant le Grand Conseil valaisan est réglée de la manière suivante.
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Selon l'art. 64 al. 1 LOCRP/VS, le président du Grand Conseil convoque les députés au minimum 20 jours avant chaque session ordinaire ou extraordinaire. Le Grand Conseil ne traite à chaque séance que les objets figurant à son ordre du jour (art. 74 al. 1, 1ère phrase, RGC/VS). Cet ordre du jour est préalablement arrêté par le Bureau du Grand Conseil, le Président du Conseil d'Etat et le Chancelier d'Etat, sur la base de l'état des objets adoptés par le Conseil d'Etat, du dépôt des rapports des commissions et de la planification annuelle des sessions, elle-même fixée en fonction des objets annoncés par le Grand Conseil et le Conseil d'Etat, selon les priorités signalées (art. 63 al. 4 LOCRP/VS). Il ne peut y être dérogé que pour recevoir une communication de la présidence ou du Conseil d'Etat ou pour traiter des interventions parlementaires urgentes (art. 74 al. 2, 2 e phrase, RGC/VS). Or, pour pouvoir être déclarés urgents, les motions, postulats, interpellations et résolutions doivent en principe être déposés le premier jour de la session, les parlementaires qui en sont les auteurs devant en outre motiver brièvement l'urgence au début de leurs textes (art. 106 al. 1 LOCRP/VS et art. 126 al. 1 RGC/VS). Il appartient ensuite au Bureau d'apprécier, après avoir entendu le Conseil d'Etat, si l'intervention doit être traitée durant la session qui débute (art. 106 al. 2 et 3 LOCRP/VS). L'urgence n'est reconnue que si l'intervention porte sur un événement d'actualité, imprévisible et qui nécessite une réaction ou une mesure immédiate (art. 126 al. 2 RGC/VS). Il sied cependant de relever qu'au sens de l'art. 64 al. 2 LOCRP/VS, la décision finale sur l'urgence d'une intervention n'appartient pas au Bureau, mais bien au Grand Conseil in corpore : cette disposition prévoit expressément qu'un objet non inscrit sur la liste ne peut être porté à l'ordre du jour que si l'urgence est admise préliminairement par le Grand Conseil sur la proposition du bureau, d'entente avec le Conseil d'Etat. La situation est en fait comparable à celle prévalant au sein du Conseil national où l'urgence d'une interpellation est déclarée par le bureau, sauf décision contraire dudit conseil (art. 30 RCN; RS 171.13).
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1.6. Il résulte des dispositions légales exposées ci-avant que, d'un point de vue matériel, la déclaration d'urgence d'une intervention parlementaire représente une modification de l'ordre du jour d'une séance d'un Grand Conseil. Inversement, le refus de l'urgence consiste en une confirmation implicite de ce même ordre du jour. Or, celui-ci n'a pas pour fonction de régler la situation juridique du recourant et des autres députés en tant que sujets de droit. Son destinataire est au contraire le Grand Conseil en tant qu'autorité politique.
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Il convient de relever par ailleurs qu'au sens du droit cantonal, un parlementaire ne peut se prévaloir d'aucun droit à ce que l'une de ses interventions soit traitée en urgence, ce même si l'on devait considérer que celle-ci remplit les conditions fixées à l'art. 126 RGC/VS. Le Bureau jouit du seul pouvoir de " proposer " au Grand Conseil de traiter une intervention en urgence. Le Grand Conseil reste le cas échéant libre de renoncer à traiter une intervention pourtant déclarée urgente par son Bureau (cf. supra consid. 1.5). A cela s'ajoute, d'un point de vue plus général, qu'un député n'est jamais assuré - et ne peut prétendre - que son intervention soit examinée lors d'une séance déterminée, car le Grand Conseil peut renoncer à traiter une intervention, même lorsque celle-ci est initialement inscrite à l'ordre du jour. Il est en effet possible qu'un autre parlementaire demande, par le truchement d'une motion d'ordre, l'ajournement d'un point figurant à l'ordre du jour (cf. p. ex. Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton du Valais, Session constitutive de mars 2017, 59e législature [2017-2021], volume 140, p. 15 s.).
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Sur le vu de ce qui précède, il convient de considérer que la " décision " du Bureau refusant l'urgence au postulat déposé par le recourant représente un acte interne ou d'organisation du parlement cantonal, lequel n'est pas sujet à recours au sens de l'art. 82 let. a LTF. Partant, le recours en matière de droit public déposé doit être déclaré irrecevable.
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2. Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (cf. art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 1 et al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est déclaré irrecevable.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant et au Bureau du Grand Conseil du canton du Valais.
 
Lausanne, le 2 août 2018
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Seiler
 
Le Greffier : Jeannerat
 
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