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Informationen zum Dokument  BGer 8C_303/2018  Materielle Begründung
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BGer 8C_303/2018 vom 26.11.2018
 
 
8C_303/2018
 
 
Arrêt du 26 novembre 2018
 
 
Ire Cour de droit social
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard,
 
Président, Frésard et Heine.
 
Greffier : M. Beauverd.
 
 
Participants à la procédure
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
 
recourante,
 
contre
 
A.________,
 
représentée par Me Romolo Molo, avocat,
 
intimée.
 
Objet
 
Assurance-accidents (évaluation de l'invalidité),
 
recours contre le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 1er mars 2018 (A/2239/2016 ATAS/197/2018).
 
 
Faits :
 
A. A.________, née en 1952, a travaillé en qualité d'ouvrière au service de la société B.________ SA de 1973 à 2002. A ce titre elle était assurée obligatoirement contre le risque d'accident et de maladie professionnelle auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Elle a subi une incapacité de travail à partir du 14 janvier 2002. Le 17 octobre suivant, son employeur a informé la CNA d'une suspicion de maladie professionnelle touchant le coude droit. Par décision du 5 novembre 2009, confirmée sur opposition le 15 mars 2010, la CNA a refusé d'allouer ses prestations d'assurance au motif que l'affection ne relevait pas d'une maladie professionnelle. Par jugement du 25 juin 2013, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a annulé la décision sur opposition du 15 mars 2010 et a renvoyé la cause à la CNA pour qu'elle statue sur l'étendue des prestations dues. Elle a considéré que l'assurée souffrait de maladies professionnelles sous la forme d'un syndrome du canal carpien gauche, d'une épicondylite bilatérale, d'une tendinite de De Quervain, ainsi que de cervicalgies.
1
Après avoir requis l'avis du docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin d'arrondissement remplaçant (rapports des 21 juillet 2014 et 12 octobre 2015), la CNA a alloué à l'assurée, à partir du 1 er février 2004, une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 26 % (décision du 26 avril 2016). Par décision sur opposition du 7 juin 2016, elle a porté à 29 % le taux d'invalidité à la base de la rente et elle a nié le droit de l'intéressée à une indemnité pour atteinte à l'intégrité.
2
De son côté, l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger (ci-après: l'office AI) a alloué à l'assurée, depuis le 1 er janvier 2003, un quart de rente d'invalidité fondé sur un taux d'incapacité de gain de 46 % (décision sur opposition du 11 juillet 2007). Saisi d'un recours, le Tribunal administratif fédéral a renvoyé la cause à l'office AI pour complément d'instruction sous la forme d'une expertise pluridisciplinaire (arrêt du 8 novembre 2010). Le 27 mars 2013 l'office AI a rendu une décision de maintien du quart de rente d'invalidité fondé sur un taux d'incapacité de gain de 46 %. Par arrêt du 21 mars 2016, le Tribunal administratif fédéral a reconnu le droit de l'intéressée à une rente entière fondée sur un taux d'invalidité de 100 % à compter du 1 er janvier 2003.
3
B. Saisie d'un recours contre la décision sur opposition de la CNA du 7 juin 2016, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a ordonné la production du dossier de l'assurance-invalidité. Ce dossier contenait notamment un rapport d'expertise du 8 décembre 2011 établi par le docteur D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et la doctoresse E.________, spécialiste en rhumatologie, tous deux médecins au Centre d'Expertise Médicale (CEMed). De son côté la CNA a produit un rapport d'appréciation chirurgicale du docteur F.________, spécialiste en chirurgie et médecin à la division de médecine des assurances (du 11 mai 2017).
4
Par jugement du 1er mars 2018 la cour cantonale a annulé la décision sur opposition attaquée en tant qu'elle fixe le taux d'invalidité à 29 % (chiffre 3 du dispositif). Elle a reconnu le droit de l'assurée à une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 100 % depuis le 1er février 2004 (chiffre 5) et a renvoyé la cause à la CNA pour calcul des prestations dues et nouvelle décision (chiffre 6). Par ailleurs elle a condamné la CNA à une indemnité de dépens de 3'500 fr. (chiffre 7).
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C. La CNA forme un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation en tant qu'il reconnaît le droit de l'assurée à une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 100 % et conclut à la confirmation de sa décision sur opposition du 7 juin 2016, le tout sous suite de frais et dépens.
6
L'intimée conclut au rejet du recours, subsidiairement elle demande que le droit à une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 59,72 % lui soit reconnu dès le 1er février 2004, le tout sous suite de frais et dépens. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer sur le recours.
7
 
Considérant en droit :
 
 
Erwägung 1
 
1.1. Le jugement attaqué reconnaît le droit de l'intimée à une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 100 % depuis le 1er février 2004 et renvoie la cause à la CNA pour calcul des prestations dues et nouvelle décision. Aussi doit-il être qualifié de décision incidente, laquelle ne peut être déférée immédiatement au Tribunal fédéral - dès lors qu'elle ne porte pas sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 LTF) - que si la condition du préjudice irréparable est réalisée (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou pour des motifs d'économie de la procédure (art. 93 al. 1 let. b LTF). Lorsqu'une administration ou un assureur social sont contraints par un jugement incident à rendre une décision qu'ils estiment contraire au droit et qu'ils ne pourront eux-mêmes pas attaquer, un tel jugement incident peut être déféré au Tribunal fédéral sans attendre le prononcé du jugement final (ATF 133 V 477 consid. 5.2 p. 483).
8
1.2. Les conditions de l'art. 93 al. 1 let. b LTF ne sont manifestement pas remplies. En revanche la première éventualité est en l'espèce réalisée car le jugement attaqué a un effet contraignant pour la recourante - qui a alloué à l'assurée une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 29 % - en ce sens qu'elle devra statuer à nouveau sur le droit de l'intimée à une telle prestation tout en étant liée par le jugement dans lequel les premiers juges ont reconnu le droit de l'intéressée à une rente fondée sur un taux d'invalidité de 100 %.
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1.3. Pour le reste, le recours est dirigé contre un arrêt rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
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2. Le litige porte sur le taux d'incapacité de gain déterminant pour le droit à la rente d'invalidité de l'assurance-accidents servie à compter du 1er février 2004. La procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction précédente (art. 105 al. 3 LTF).
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3. Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA [RS 830.1]) à 10 % au moins par suite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).
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Erwägung 4
 
4.1. Pour évaluer le revenu d'invalide, la CNA a retenu que la capacité de travail de l'assurée était entière dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles résultant des maladies professionnelles. Elle s'est fondée pour cela sur les conclusions des médecins du CEMed (rapport d'expertise du 8 décembre 2011), confirmées par le docteur F.________ (rapport du 11 mai 2017). Les experts ont indiqué une incapacité de travail résiduelle dans l'activité de gainière exercée par l'assurée avant l'atteinte à la santé. En revanche la capacité était entière dans une activité adaptée, laquelle doit tenir compte des restrictions suivantes: pas de mouvements répétitifs des membres supérieurs, pas d'activité des mains exigeant de la force, pas de ports de charges supérieures à 5 kg, pas de travail en porte-à-faux, pas de flexion antérieure du tronc, pas de longues stations assises ni debout, pas de maintien des avants-bras sans appui ni de travail en hauteur. Si toutes ces limitations sont respectées, les experts sont d'avis que la capacité de travail est entière; sinon il faudrait tenir compte de la fatigue et/ou de la baisse de rendement découlant de gestes inadaptés au handicap. A titre d'exemple d'activité exigible à 100 %, ils mentionnent une activité légère de type contrôle ou surveillance, pour autant qu'il soit possible d'alterner les positions assise/debout.
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4.2. De son côté la cour cantonale a conclu à l'absence d'une capacité résiduelle de travail exploitable économiquement et, partant, exigible. Tout en reconnaissant pleine valeur probante aux conclusions des experts du CEMed, elle s'est référée à un rapport d'observation professionnelle du Centre d'intégration professionnelle (ci-après: COPAI; du 18 novembre 2003). Aux termes de ce rapport, l'assurée présente de nombreuses limitations physiques (limitations importantes de la mobilité des membres supérieurs, port de charges très limité, force insuffisante, absence de rythme de travail suffisamment rentable, résistance insuffisante des membres supérieurs) qui ne permettent pas de répondre aux exigences des milieux économiques. Aussi est-il impossible de réinsérer l'assurée dans le circuit économique ordinaire en raison de ces limitations, ainsi que de l'absence de perspectives d'emploi dans le secteur tertiaire, étant donné le niveau de compétences de l'intéressée et l'impossibilité physique d'utiliser un clavier d'ordinateur. Les premiers juges se sont ainsi ralliés au point de vue du Tribunal administratif fédéral (arrêt du 8 novembre 2010), selon lequel l'appréciation des experts du COPAI reposait sur les seules limitations physiques de l'assurée, à l'exclusion de toutes circonstances personnelles (formation, expérience professionnelle et capacité d'adaptation dans un autre domaine) dont l'assureur social n'a pas à répondre.
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Par ailleurs la cour cantonale a fait sien l'avis du Tribunal administratif fédéral (arrêt du 21 mars 2016), selon lequel les constatations médicales des experts du CEMed, confirmées par le docteur F.________, ne doivent pas l'emporter sur l'appréciation des experts du COPAI. En effet, ni la CNA ni le docteur F.________ ne donnent d'exemples concrets d'activités adaptées à la situation de l'assurée. Si le Service médical régional AI (SMR) a proposé des activités comme celles de contrôleuse-qualité en maroquinerie, contrôleuse en polissage, surveillante de parking ou de magasin, vendeuse de textiles ou de produits de maroquinerie, les premiers juges sont d'avis, à l'instar du Tribunal administratif fédéral, que l'appréciation des experts du CEMed ne permet pas de tabler sur cette liste d'activités dans la mesure où ils se sont prononcés uniquement sur la capacité de travail résiduelle médico-théorique et non sur l'exigibilité d'une activité concrète. Dans la mesure où l'appréciation des experts du COPAI complète donc utilement l'appréciation médico-théorique des médecins, les premiers juges ont retenu que l'assurée ne disposait pas, lors du stage d'observation professionnelle suivi en 2003, d'une capacité de travail résiduelle exploitable économiquement, de sorte que le taux d'invalidité est de 100 %.
15
4.3. La recourante invoque la constatation incomplète ou erronée des faits (art. 97 al. 2 LTF) et la violation de l'art. 16 LPGA en tant que la cour cantonale a retenu un taux d'invalidité de 100 % en se fondant sur le rapport d'observation professionnelle du COPAI du 18 novembre 2003 en s'écartant de l'appréciation de la capacité de travail résiduelle établie par les experts du CEMed et par les médecins de la CNA. Elle fait valoir, contrairement au point de vue de la juridiction précédente, que l'évaluation du COPAI ne complète pas les constatations des médecins parce qu'en réalité, les spécialistes de l'observation professionnelle n'ont fait que constater, lors du stage pratique, les limitations fonctionnelles retenues sur le plan médical. En effet, sur le vu du rapport du COPAI, l'évaluation en milieu professionnel a porté sur quinze journées d'activités dans les domaines de l'électro-mécanique, de l'assemblage sériel ou/et de mises en situations professionnelles variées (électronique, dessin technique, horlogerie, travail du bois, magasinage, bureau, dactylographie, travail sur ordinateur, couture, travail du cuir, etc.), soit des activités qui ne sont pas compatibles avec les limitations fonctionnelles retenues par les experts du CEMed dans leur rapport d'expertise du 8 décembre 2011. En revanche aucune des activités légères de type contrôle ou surveillance jugées exigibles à 100 % par les médecins n'a été testée. Par conséquent, dans la mesure où les activités observées dans le cadre du stage d'évaluation n'étaient pas conciliables avec les limitations fonctionnelles constatées par les médecins, la recourante est d'avis que la cour cantonale ne pouvait pas discerner des divergences entre les rapports du CEMed et du COPAI.
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Par ailleurs la CNA conteste le point de vue de la juridiction précédente selon lequel les conclusions des experts du CEMed ne permettent pas de tabler sur la liste d'activités proposées par le SMR dans la mesure où ils se seraient prononcés uniquement sur la capacité de travail résiduelle médico-théorique et non sur l'exigibilité d'une activité concrète. Elle relève que dans son arrêt de renvoi à l'office AI (du 8 novembre 2010), le Tribunal administratif fédéral a ordonné une expertise pluridisciplinaire psychiatrique et ostéo-articulaire auprès de médecins spécialisés, afin qu'ils examinent notamment les conclusions du COPAI et indiquent, le cas échéant, le genre d'activité concrète encore exigible. Or, c'est exactement ce qu'ont fait les experts du CEMed en retenant une activité légère de type contrôle ou surveillance et en concluant à une capacité de travail de 100 % pour autant qu'il soit possible d'alterner les positions assise/debout (rapport du 8 décembre 2011). Cela étant, la recourante est d'avis que la cour cantonale n'était pas fondée à retenir que les experts du CEMed s'était exclusivement prononcés sur la capacité de travail résiduelle médico-théorique et non sur l'exigibilité d'une activité concrète. Par conséquent la juridiction précédente ne pouvait pas considérer, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l'intimée ne disposait pas, lors du stage d'observation professionnelle accompli en 2003, d'une capacité de travail résiduelle exploitable économiquement.
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4.4. De son côté, se référant aux considérations du Tribunal administratif fédéral dans son arrêt du 21 mars 2016, l'intimée reproche aux experts du CEMed de n'avoir pas indiqué quelles activités concrètes respectant les limitations fonctionnelles existent sur le marché équilibré du travail et seraient encore exigibles. Ils ne mentionnent pas non plus les cas dans lesquels une perte de rendement doit être attendue ni la perte de rendement dont il faut tenir compte. Selon l'intimée, les experts prénommés prennent uniquement position sur la capacité de travail résiduelle médico-théorique et non sur l'exigibilité d'une activité concrète. Or, sur la question de l'exigibilité, le COPAI est arrivé à la conclusion que l'assurée ne disposait pas d'une capacité résiduelle de travail exploitable économiquement et donc exigible, étant donné ses nombreuses limitations fonctionnelles, son manque de formation, son expérience professionnelle peu diversifiée et ses faibles capacités d'adaptation dans un autre domaine.
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Erwägung 5
 
5.1. L'évaluation de l'invalidité s'effectue à l'aune d'un marché équilibré du travail. Cette notion, théorique et abstraite, sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-accidents. Elle présuppose un équilibre entre l'offre et la demande de main d'oeuvre d'une part et un marché du travail structuré (permettant d'offrir un éventail d'emplois diversifiés, tant au regard des sollicitations intellectuelles que physiques) d'autre part (ATF 110 V 273 consid. 4b p. 276). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l'atteinte à la santé - puisqu'une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance de l'invalidité (art. 7 et 8 LPGA) - et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l'invalidité (arrêts 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.2; 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et les références).
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5.2. En l'occurrence, on constate que les conclusions des spécialistes de la réadaptation professionnelle de l'assurance-invalidité et celles des experts du CEMed concordent en ce qui concerne les nombreuses limitations physiques (limitations importantes de la mobilité des membres supérieurs, port de charges très limité, force insuffisante, absence de rythme de travail suffisamment rentable, résistance insuffisante des membres supérieurs) qui entraînent une incapacité de travail entière dans l'activité de gainière exercée par l'assurée avant l'atteinte à la santé. A la différence des experts du CEMed, les spécialistes du COPAI ont toutefois nié toute possibilité pour l'intéressée de mettre concrètement en oeuvre la capacité de travail de 100 % retenue par les médecins du CEMed, motif pris que l'assurée n'était pas apte à réintégrer le circuit économique ordinaire en raison de ses nombreuses limitations fonctionnelles, son manque de formation, son expérience professionnelle peu diversifiée et ses faibles capacités d'adaptation dans un autre domaine. Cela étant, on ne peut partager le point de vue de la cour cantonale, selon lequel l'appréciation des spécialistes du COPAI repose sur des considérations liées exclusivement à l'atteinte à la santé. Il apparaît en effet qu'en ce qui concerne les limitations fonctionnelles découlant des maladies professionnelles, ceux-ci ne font état d'aucun élément objectif de nature à mettre en cause les conclusions des experts du CEMed. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'intimée au sujet du principe d'uniformité de la notion d'invalidité dans l'assurance sociale, l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité n'a pas de force contraignante pour l'assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.3 p. 368). Il est donc admissible d'évaluer l'invalidité de l'intimée indépendamment des décisions rendues en matière d'assurance-invalidité. Vu ce qui précède, la recourante était fondée à admettre qu'une activité légère de type contrôle ou surveillance est exigible à 100 %, pour autant qu'il soit possible d'alterner les positions assise/debout.
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6. Par une argumentation subsidiaire, l'intimée conteste le revenu mensuel d'invalide retenu par la CNA.
21
6.1. Par sa décision sur opposition du 7 juin 2016, la CNA a fixé le taux d'incapacité de gain à 28,88 % (arrondi à 29 %) compte tenu d'un revenu mensuel sans invalidité de 7'113 fr. et d'un revenu d'invalide de 5'058 fr. Pour calculer le revenu d'invalide, elle a retenu un gain de 5'120 fr. compte tenu d'une pleine capacité de travail pour une femme travaillant dans la branche des industries manufacturières, niveau 3 (connaissances professionnelles spécialisées) selon le tableau TA1, ligne 15-37, de l'Enquête suisse sur la structure des salaires 2004 (ESS) publiée par l'Office fédéral de la statistique. La CNA a motivé le choix du niveau 3 par le fait que l'assurée avait fait carrière dans l'entreprise qui l'employait car elle travaillait en qualité de cheffe d'équipe. Elle a ensuite adapté le montant de 5'120 fr. en fonction de la durée hebdomadaire de travail dans les entreprises suisses en 2004 (41,6 heures). Le montant ainsi arrêté (5'324 fr. 80) a ensuite été réduit de 5 % afin de tenir compte de l'âge de l'assurée au moment de l'annonce de la maladie professionnelle (5'324 fr. 80 x 95% = 5'058 fr.).
22
6.2. L'intimée reproche à la CNA de s'être fondée sur le niveau 3 du tableau TA1 de l'ESS. Elle fait valoir que si elle a pu assumer un poste de suppléante du chef d'atelier, c'est néanmoins après trente années d'activité et encore seulement à raison de 20 % de son temps de travail. Dès lors elle conteste pouvoir être en mesure, à 51 ans (en 2003) et sans formation professionnelle, d'occuper un poste à responsabilité à raison de 100 % dans un domaine professionnel entièrement différent. Aussi l'intimée est-elle d'avis qu'il convient en l'occurrence de se référer à une activité simple et répétitive, exercée par une femme, selon le tableau TA1 (total), niveau de qualification 4, de l'ESS et de procéder à un abattement de 25 % afin de tenir compte de la diminution de rendement.
23
6.3. En l'occurrence on ne saurait partager le point de vue de la CNA, selon lequel le niveau de qualification 3 (connaissances professionnelles spécialisées) s'impose au motif que l'assurée avait fait carrière dans l'entreprise qui l'employait car elle travaillait en qualité de cheffe d'équipe. Si le manque de formation, l'expérience professionnelle peu diversifiée et les faibles capacités d'adaptation dans un autre domaine d'activité ne peuvent entrer en considération pour qualifier d'irréaliste l'exercice d'une activité adaptée (cf. consid. 5.1 supra), on ne peut toutefois s'abstenir d'en tenir compte lorsqu'il s'agit d'indiquer le niveau de qualifications requises pour le poste de travail. Il convient ainsi de prendre comme référence une activité simple et répétitive. Par ailleurs on ne comprend pas pourquoi la CNA s'est référée à la branche des industries manufacturières (ligne 15-37 du tableau TA1), dès lors que l'activité exigible ne ressortit pas particulièrement à cette branche. Il y a lieu bien plutôt de se fonder sur une activité simple et répétitive, exercée par une femme, selon le tableau TA1 (total), niveau de qualification 4, de l'ESS 2004.
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Cela étant il y a lieu de retenir un gain de 3'893 fr. compte tenu d'une pleine capacité de travail et d'adapter ce montant en fonction de la durée hebdomadaire de travail dans les entreprises suisses en 2004 (41,6 heures), ce qui donne un montant de 4'048 fr. (3'893 : 40 x 41,6) Par ailleurs il n'y a pas de motif de mettre en cause le taux d'abattement de 5 % retenu par la CNA, de sorte que le revenu d'invalide doit être fixé à 3'845 fr. En comparant ce montant au revenu sans invalidité de 7'113 fr., on obtient un taux d'invalidité (arrondi) de 46 % ([7'113 - 3'845] : 7'113 x 100 = 45,94 %).
25
Cela étant, l'intimée a droit, à compter du 1 er février 2004, à une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 46 % au lieu de 100 %.
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7. Vu ce qui précède, le recours apparaît partiellement bien fondé.
27
Etant donné l'issue du litige, il se justifie de répartir les frais à raison de deux cinquièmes à la charge de la recourante et de trois cinquièmes à la charge de l'intimée (art. 66 al. 1 LTF), d'allouer à celle-ci une indemnité de dépens réduite à la charge de la recourante (68 al. 1 LTF), laquelle n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF), et de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.
28
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est partiellement admis. Le chiffre 5 du dispositif du jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 1 er mars 2018 est réformé en ce sens que l'intimée a droit, à compter du 1 er février 2004, à une rente d'invalidité de l'assurance-accidents fondée sur un taux d'incapacité de gain de 46 %. Le recours est rejeté pour le surplus.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour deux cinquièmes à la charge de la recourante et de trois cinquièmes à la charge de l'intimée.
 
3. Le chiffre 7 du dispositif du jugement du 1 er mars 2018 est annulé et la cause est renvoyée à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.
 
4. Une indemnité de dépens de 1'200 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) est allouée à l'intimée à la charge de la recourante.
 
5. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique.
 
Lucerne, le 26 novembre 2018
 
Au nom de la Ire Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Maillard
 
Le Greffier : Beauverd
 
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